Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 12 décembre 2000, 00-83.028, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 12 décembre 2000, 00-83.028, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze décembre deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Hassouna,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 28 mars 2000, qui, pour infraction au Code de l’urbanisme, l’a condamné à 150 000 francs d’amende, a ordonné, sous astreinte, la mise en conformité des lieux, et a ordonné l’affichage de la condamnation ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’Hassouna X… a, par arrêté en date du 26 janvier 1989, été autorisé à construire à Paris un immeuble de cinq étages à usage d’habitation ; que, le 11 septembre 1990, un agent assermenté de la ville a constaté par procès-verbal qu’il avait entrepris sans autorisation des travaux d’affouillement en vue de la création, sous l’immeuble, d’un sous-sol non prévu au permis de construire ; que, le 28 juin 1991, le maire de Paris, a, avant tout exercice de l’action publique, délivré à l’intéressé un permis de construire modificatif l’autorisant à construire un niveau de sous-sol à usage de caves et de local de poubelles, et proposé au procureur de la République de classer l’affaire ;

Attendu qu’aux termes de deux autres procès-verbaux, en date, le premier du 14 janvier 1992, le second du 21 décembre 1995, l’agent assermenté de la ville de Paris a constaté qu’Hassouna X…, contrairement aux prescriptions des permis de construire précités et du règlement annexé au plan d’occupation des sols de Paris, réalisait une extension des quatrième et cinquième étages en dépassement du gabarit et de la densité autorisés, transformait des vues secondaires sur cour en vues principales portant atteinte à la servitude de prospect réglementaire de l’immeuble voisin, et portait le nombre des logements de sept à dix ;

Qu’Hassouna X… est poursuivi pour avoir, les 11 décembre 1990, 14 janvier 1992 et 21 décembre 1995, exécuté, sur une construction existante, des travaux non conformes aux prescriptions des permis de construire des 26 janvier 1989 et 28 juin 1991 ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de prescription de l’action publique ;

 » aux motifs que la prescription ne commence à courir qu’après l’achèvement des travaux, peu important que les travaux restant à exécuter ne soient pas eux-mêmes soumis à l’obtention d’un permis de construire ; qu’en l’espèce, la cour observe que les travaux n’étaient pas totalement terminés lors du recollement d’office du 26 septembre 1995 (absence d’ascenseur dans la cage prévue à cet effet, rez-de-chaussée et sous-sol non aménagés, ravalement des façades et pignons non exécuté…) et que dès lors la prescription triennale de l’action publique n’était pas acquise lorsque le prévenu a été cité devant le tribunal correctionnel de PARIS par exploit du 15 janvier 1997 et ce pour l’ensemble des faits visés à la prévention, y compris l’affouillement du sol constaté par procès-verbal du 11 septembre 1990, même si cet affouillement a été régularisé par la suite par l’obtention du permis modificatif du 28 juin 1991 ;

 » alors que la prescription de l’action publique constitue une exception péremptoire d’ordre public ; qu’il appartient au ministère public d’établir que l’action publique n’est pas éteinte par la prescription et les juges doivent s’assurer du moment où le délit a été consommé pour fixer le point de départ de la prescription ; qu’en l’espèce, s’agissant du procès-verbal du 11 septembre 1990, si le permis initial accordé au demandeur ne prévoyait pas de sous-sol, celui-ci obtenait, le 28 juin 1991, un permis modificatif autorisant a posteriori la création d’un niveau de sous-sol à usage de caves et de local poubelles ; que, par suite, en raison de la régularisation par l’obtention du permis modificatif et de la prescription en l’absence de tout acte de poursuite ou interruptif de la prescription, l’action est éteinte par la prescription  » ;

Attendu que, pour écarter la prescription de l’action publique du chef de l’infraction constatée le 11 septembre 1990, la cour d’appel relève qu’à la date du 26 septembre 1995, les travaux n’étaient pas terminés et que la citation a été délivrée le 15 janvier 1997 ;

Attendu qu’en cet état, et dès lors que le délai de prescription du délit de construction non conforme au permis de construire ne commence à courir qu’à partir de la date d’achèvement des travaux, la cour d’appel, qui a, en outre, constaté l’interruption de la prescription par des procès-verbaux, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-4 du Code de l’urbanisme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de construction non conforme au permis de construire délivré pour les faits constatés par procès-verbal du 11 septembre 1990, du 14 janvier 1992 et du 21 décembre 1995 ;

 » aux motifs qu’il est constant que Hassouna X… a procédé sans autorisation à des travaux d’affouillement destinés à la création d’un niveau de sous-sol et à une extension non autorisée des quatrième et cinquième étage entraînant un dépassement de gabarit enveloppe du bâtiment et de la densité réglementaire ; que, d’autre part, la transformation des vues secondaires sur cour en vues principales a entraîné un dépassement de gabarit estimé à 12 m. avec la propriété du… ; que Hassouna X… ne peut utilement soutenir que cette transformation ne résulte que d’aménagements intérieurs constituant une infraction aux dispositions du POS, mais ne nécessitant pas l’obtention d’un permis de construire ; qu’en effet, les modifications observées par procès-verbal du 21 décembre 1995, non conformes aux permis de construire délivrés, ont été réalisées avant toute déclaration d’achèvement des travaux ; que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article L. 121-3, alinéa 1, du Code pénal ; que peu importe que le prévenu ait déposé, postérieurement à la commission de l’infraction, des dossiers de demande d’autorisation aux fins de régularisation ; que la cour relève au contraire, comme le tribunal, que Hassouna X…, gérant de la SCI Jardin de l’Eden, et pétitionnaire du permis de construire délivré le 26 janvier 1989, a agi avec une particulière mauvaise foi (non déclaration d’achèvement des travaux, non réponse aux convocations des services de police, mépris total des déclarations administratives…) ; que la cour déclarera le prévenu coupable de construction non conforme au permis de construire pour les faits relevés par procès-verbal en date du 11 septembre 1990 et confirmera le jugement critiqué en ce qu’il a déclaré le prévenu coupable pour le surplus de la prévention (faits constatés par procès-verbaux des 14 janvier 1992 et 21 décembre 1995) ;

 » alors, d’une part, que l’obtention d’un permis de construire régulier postérieur à l’exécution des travaux doit faire échec aux poursuites ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constations de l’arrêt attaqué que si, le 11 septembre 1990, un procès-verbal d’infraction a été dressé à l’encontre du prévenu, pour avoir procédé sans autorisation à des travaux d’affouillement destinés à la création d’un niveau de sous-sol, celui-ci obtenait, le 28 juin 1991, un permis modificatif autorisant a posteriori la création d’un niveau de sous-sol à usage de caves et de local poubelles ;

cette régularisation fait donc disparaître l’infraction ; que, pour en avoir autrement décidé, la cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s’en évinçaient nécessairement ;

 » alors d’autre part, que l’infraction à l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme suppose l’absence de permis de construire tel qu’exigé par les textes en vigueur dans l’hypothèse considérée ;

qu’en l’espèce, le demandeur soulignait dans ses conclusions d’appel délaissées que les infractions relevées par le procès-verbal du 21 décembre 1995 concernent seulement les dispositions du plan d’occupation des sols applicables au lieu de la situation de l’immeuble, mais non la législation relative au permis de construire ;

qu’en effet, les travaux entrepris n’ont pas eu pour effet de changer la destination, de modifier leur aspect extérieur ou leur volume, ou de créer des niveaux supplémentaires ; qu’ainsi, les aménagements intérieurs (transformation de vues secondaires en vues principales, augmentation du nombre de logements) ne pouvaient constituer une infraction au permis de construire ; que, pour en avoir autrement décidé, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen  » ;

Sur le moyen, pris en sa première branche ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, l’obtention d’un permis de construire après la réalisation de travaux non conformes au permis de construire initial ne fait pas disparaître l’infraction antérieurement consommée ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits de défaut de permis de construire dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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