Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la SCI LECLERC BILLANCOURT société civile immobilière, dont le siège est à Paris (8e), …, représentée par sa gérante en exercice, la société VALORIM, dont le siège est également à Paris (8e), …,
en cassation d’un arrêt rendu le 2 juillet 1987, par la cour d’appel de Paris (19e chambre B), au profit :
1°/ du syndicat de co-propriétaires des …, pris en la personne de son syndic en exercice la société CABINET LOISELET père et fils et F. DANGREMONT, société anonyme dont le siège social est à Sèvres (Hauts-de-Seine), …,
2°/ de Monsieur Abro Y…,
3°/ de Monsieur X…, Miran Vahan Y…,
demeurant tous deux à Paris (8e), …,
4°/ de l’Entreprise BRISSIAUD, dont le siège est à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), …, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l’audience publique du 18 janvier 1989, où étaient présents :
M. Paulot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Beauvois, rapporteur, MM. Chevreau, Senselme, Cathala, Douvreleur, Capoulade, Deville, Darbon, Aydalot, conseillers, Mme Cobert, conseiller référendaire, M. Sodini, avocat général, Mlle Bodey, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Beauvois, les observations de Me Hennuyer, avocat de la SCI Leclerc Billancourt, de Me Baraduc-Benabent, avocat du syndicat des co-propriétaires des …, de Me Boulloche, avocat des consorts Y…, de Me Odent, avocat de l’Entreprise Brissiaud, les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen :
Attendu selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 1987) que la société civile immobilière Leclerc Billancourt (la SCI) a fait édifier un immeuble qu’elle a vendu en état futur d’achèvement sous le régime de la copropriété ; qu’une clause du règlement de copropriété prévoyait que le troisième sous-sol serait inondable lorsque le niveau de la Seine dépasserait « celui de la ceinture de la statue du Zouave pris pour référence des inondations à Paris au niveau du pont de l’Alma » ; que ce sous-sol ayant été inondé lors d’une crue n’atteignant pas cette hauteur, le syndicat des copropriétaires a assigné la SCI en paiement du prix des travaux nécessaires pour rendre le sous-sol étanche dans les conditions prévues par le règlement de copropriété ; que la SCI a appelé en garantie les architectes Abro et Henri Y… et l’entreprise Brissiaud qui avaient participé à la construction ; Attendu que la SCI reproche à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer le prix des travaux d’étanchéité alors, selon le moyen, « d’une part, que dans ses conclusions d’appel, la SCI avait indiqué que les conditions de la limitation de responsabilité stipulée à son profit en raison du caractère expressément déclaré inondable du 3ème sous-sol étaient impossibles à réunir, les modalités choisies étant irréalisables ; qu’en refusant de rechercher s’il n’y avait pas une évidente contradiction à prévoir une limitation de responsabilité tout en la subordonnant à des conditions de nature à rendre impossible son application, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ; et alors, d’autre part, que la cour d’appel ne pouvait faire une application littérale de la clause litigieuse en se fondant sur l’absence d’incidence de l’erreur de la SCI « cocontractante majeure », l’erreur spontanée d’un contractant, majeur ou non, étant de nature à altérer son consentement ; qu’en refusant de rechercher si l’erreur de la SCI subordonnant la limitation de responsabilité à une condition impossible à réaliser ne devait pas avoir d’incidence sur l’interprétation et l’application de la clause litigieuse, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles 1108, 1109 et 1134 du Code civil » ; Mais attendu que l’arrêt retient que la SCI, maître de l’ouvrage professionnel, qui a d’elle-même fait inscrire la stipulation relative à l’étanchéité du troisième sous-sol en période de crue de la Seine dans le règlement de copropriété, n’est pas fondée à prétendre qu’il s’agit d’une condition impossible, non scientifique ou même d’une clause résultant d’une erreur matérielle, alors qu’il lui appartenait d’apprécier les risques qu’elle prenait et dont elle doit à présent assumer les conséquences ; Que par ces seuls motifs, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCI reproche à l’arrêt d’avoir rejeté son action en garantie contre les architectes et l’entrepreneur, alors, selon le moyen, « que les architectes et l’entrepreneur qui exécutent un sous-sol inondable dont les inondations entravent le fonctionnement d’un équipement aussi essentiel que l’ascenseur, sans attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur les inconvénients d’un tel choix, manquent à leur devoir de conseil ; qu’en dispensant les architectes et l’entrepreneur de gros-oeuvre de leur devoir de conseil relatif au fonctionnement d’un équipement essentiel, la cour d’appel a violé les articles 1135, 1147 et 1792 du Code civil » ; Mais attendu que l’arrêt retient que la construction d’un troisième sous-sol non étanche constituait un parti techniquement possible puisque le bas de la machinerie d’ascenseur ne contenait que des équipements pouvant occasionnellement recevoir de l’eau et qu’il était prévu la présence d’un gardien chargé de limiter la descente de l’ascenseur au deuxième sous-sol en cas d’inondation ; que de ces motifs, l’arrêt a pu déduire que les locateurs d’ouvrage qui avaient réalisé ce qu’on leur demandait et pouvaient ignorer les engagements souscrits par la SCI à l’égard des acquéreurs, qui ne leur étaient pas opposables, n’avaient pas manqué à leur devoir de conseil envers un maître d’ouvrage professionnel au fait des risques qu’il prenait en ne commandant pas le cuvelage du troisième sous-sol ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;