Cour d’appel de Paris, 26 février 2008, 07/2899

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Cour d’appel de Paris, 26 février 2008, 07/2899

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

1ère Chambre – Section A

ARRET DU 26 FEVRIER 2008

(no , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 07/02899

Décision déférée à la Cour : Décision du 26 Janvier 2007 -Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS

APPELANTE

Le Partnership ALLEN ET OVERY LLP

immatriculé en Angleterre et au Pays de Galles

pris en la personne de ses représentants légaux

One Bishop Square LONDON E 16A0

et ayant ses bureaux à Edouard VII

26, boulevard des Capucines

75009 PARIS

assistée Maître Y…, avocat au barreau de PARIS, toque P 461

INTIME

Monsieur Sébastien Z…

92210 SAINT CLOUD

assisté de Maître LEPANY, avocat au barreau de PARIS, toque W 06

* * *

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Décembre 2007, en audience publique, le rapport entendu conformément à l’article 785 du Code de procédure civile devant la Cour composée de :

Monsieur Claude GRELLIER, Président

Monsieur Jacques DEBÛ, Président

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Marie-José MARTEYN

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur DEBÛ, Président et par Monsieur Daniel COULON, Greffier présent lors du prononcé.

* * *

M. Z… a été engagé en qualité d’avocat salarié par le bureau parisien du cabinet ALLEN & OVERY à compter du 25 juin 2001. Son contrat de travail à durée indéterminée prévoyait une rémunération annuelle forfaitaire de 580.000 F (88.420,43 €) et un bonus indépendant de la qualité du travail fourni.

L’employeur a convoqué M. Z… le 14 septembre 2005 à un entretien préalable à son licenciement le 21 septembre 2005 et l’a licencié le 26 septembre 2005. La lettre de licenciement énonce : « Nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants: Mésentente sur la stratégie du département Corporate. ».

Le 26 juillet 2007, M. Z… a saisi le bâtonnier du conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une contestation du bien fondé de son licenciement et a demandé la condamnation du cabinet ALLEN & OVERY à lui payer :

-124.924,80 € à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– pour l’année 2001: 6.777,08 € au titre des heures supplémentaires, 677,70 € au titre des congés payés y afférentes, 2.500,67 € au titre des repos compensateurs non pris, et des congés payés y afférents;

– pour l’année 2002 :16.502,97 € au titre des heures supplémentaires, 1.650,29 € au titre des congés payés y afférentes, 12.530,20 € au titre des repos compensateurs non pris et 1.253,02 € au titre des congés payés y afférents;

– pour l’année 2003 : 18.600,61 € au titre des heures supplémentaires, 1.860,06 € au titre des congés payés y afférentes, 12.598,46 € au titre du repos compensateur non pris, et 1.259,84 € au titre des congés y afférents;

– pour l’année 2004 : 15.725,29 € au titre des heures supplémentaires, 1.572,52 € au titre des congés payer y afférentes, 11.841,22 € au titre du repos compensateur non pris, 1.184,12 € au titre des congés payés y afférents;

– pour l’année 2005 : 6.262,47 € au titre des heures supplémentaires, 626,24 € de congés payés y afférentes, 591,40 € au titre des repos compensateurs non pris et 59,14 € de congés payés y afférents;

– au titre de l’article L.324-11- 1 du code du travail une indemnité forfaitaire de 56.821,95 €

de condamner, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, l’employeur à produire les comptes de résultat et leurs annexes au titre des années 2003/2004 et 2004/2005, les éléments comptables intégrés dans la formule permettant la détermination du montant dû au titre de la participation pour ces exercices, de condamner l’employeur à lui verser une indemnité de 20.820 € en réparation de son préjudice résultant du non versement de la participation, outre, au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, une indemnité de procédure de 1.500 €.

Le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris, statuant en matière prud’homale, par décision du 26 février 2007 a dit le licenciement de M. Z… dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné le cabinet ALLEN & OVERY à payer à M. Z… :

– 56.821,95 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 6.777,08 € brut au titre des heures supplémentaires et 677,70 € brut au titre des congés payés afférentes pour l’année 2001,

– 2.500,67 € brut au titre des repos compensateurs non pris ainsi que 250,06 € au titre des congés payés afférents pour l’année 2001,

– 16.502,97 € brut au titre de heures supplémentaires et 1.650,29 € brut au titre des congés payés afférentes pour l’année 2002,

– 12.530,20 € brut au titre des repos compensateurs non pris ainsi que 1253,02 € brut au titre des congés payés afférents pour l’année 2002,

– 18.600,61 € brut au titre de heures supplémentaires et 1.860,06 € brut au titre des congés payés afférentes pour l’année 2003,

-12.598,46 € brut au titre des repos compensateurs non pris ainsi que 1.259,846 € au titre des congés payés afférents pour l’année 2003,

-15.725,29 € brut au titre de heures supplémentaires et 1.572,52 € brut au titre des congés payés afférentes pour l’année 2004,

11.841,22 € brut au titre des repos compensateurs non pris ainsi que1.184,12 € au titre des congés payés afférents pour l’année 2004,

– 6.262,47 € brut au titre de heures supplémentaires et 626,24 € brut au titre des congés payés afférentes pour l’année 2005,

– 591,40 € brut au titre des repos compensateurs non pris ainsi que 59,40 € au titre des congés payés afférents pour l’année 2005,

Débouté M. Z… de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

Ordonné la réouverture des débats et la production par le cabinet ALLEN & OVERY des comptes pour la période 2003/2004 et 2004/2005,

Dit que cette production devra intervenir dans les 15 jours du prononcé de la décision, faute pour le cabinet ALLEN & OVERY de déférer à cette demande d’avoir à fixer une astreinte de 100 € par jour de retard,

Débouté les parties de leurs autres demandes et condamné le cabinet ALLEN & OVERY à payer à M. Z… une indemnité de procédure de 1.500 €.

La Cour

Vu l’appel formé par le cabinet ALLEN & OVERY LLP (limited liability partnersship), ci-après le cabinet, le 26 février 2007;

Vu les conclusions récapitulatives déposées et soutenues à la barre par l’appelant qui, poursuivant la réformation de la décision, demande à la cour de débouter M. Z… de l’ensemble de ses demandes, de lui ordonner de rembourser la somme de 83.999,97 € versée au titre de l’exécution provisoire et de le condamner aux entiers dépens et lui verser une indemnité de procédure de 1.500 €;

Vu le mémoire déposé le 7 décembre 2007 et soutenu à la barre par M. Z… qui, poursuivant la confirmation de la décision querellée sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le rejet de ses demandes d’indemnité forfaire pour travail dissimulé et d’indemnité pour non versement de la participation, demande à la cour de fixer les montants respectifs de ces indemnités aux sommes de 124.924,80 €, 5.621,95 €, et 20.820,80 € et de condamner le cabinet à lui payer ces sommes, de liquider l’astreinte à 30.400 € et d’en fixer une nouvelle de 1.500 € par jour, et de condamner le cabinet aux entiers dépens et à lui verser une indemnité de procédure de 5.000 € ;

Sur quoi:

Sur le licenciement:

Considérant que le cabinet ALLEN & OVERY LLP reproche à la décision querellée d’avoir déclaré le licenciement de M. Z… dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors qu’il a été contraint de mettre fin au contrat de M. Z… en raison d’une mésentente avec ce dernier sur la stratégie du département Corporate, mésentente qui rendait impossible la poursuite des relations contractuelles;

Considérant qu’il fait observer que la Cour de cassation admet que la mésentente entre un employeur et l’un ses salariés puisse constituer un motif valable de licenciement, à condition de reposer sur des éléments objectifs, imputables au salarié et matériellement véritables;

Considérant qu’il explique qu’il ressort du compte rendu d’un entretien qu’un des associés du cabinet avait eu le 7 octobre 2004 avec M. Z… que ce dernier était en désaccord avec la conception que le cabinet se faisait de l’évolution du département Corporate et de sa propre carrière au sein de ce département; qu’en effet M. Z… estimait que le département Corporate devait comporter dans l’avenir un très grand nombre d’associés et aspirait à devenir l’un de ces associés, alors que le cabinet estimait que M. Z… n’était pas apte à obtenir le statut d’associé;

Considérant toutefois que la lettre de licenciement du 26 septembre 2006, fixe le cadre et les limites du contentieux opposant M. Z… au cabinet ALLEN et OVERY LLP et que la motivation de cette lettre est la suivante « …Nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants : Mésentente sur la stratégie du département Corporate »

Considérant que le bâtonnier, après avoir exactement relevé l’absence dans cette lettre, d’explications plus amples d’une part, quant aux effets à cette mésentente, d’autre part, de faits objectifs qui auraient permis pour l’employeur de caractériser la mésentente, a dit que la lettre n’était pas motivée et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Sur l’indemnité de licenciement:

Considérant que M. Z… reproche au bâtonnier d’avoir fixé le montant de son indemnité de licenciement à la somme de 56.821,95 € alors que dans les six mois précédant la rupture de son contrat de travail il avait perçu à titre de salaires une somme de 68.824,78 €;

Considérant que le contrat de travail de M. Z… a été rompu le 26 septembre 2005 ; qu’il ressort de la fiche ASSEDIC qu’il produit au débat que d’avril à septembre il a effectivement perçu 68.824,78 € ; qu’il y a dès lors lieu de faire droit à sa réclamation sur ce point ;

Sur les heures supplémentaires:

Considérant que le cabinet ALLEN & OVERY reproche à la décision entreprise de l’avoir condamné à payer des heures supplémentaires à M. Z… alors qu’il est impossible de déterminer le temps de travail de ce dernier dont la rémunération était indépendante de tout horaire, et qu’en outre le contrat de travail prévoit une rémunération forfaitaire incluant des heures supplémentaires;

Considérant que le contrat de travail de M. Z… dispose quand à la rémunération que:

« La relative liberté dont dispose Monsieur Sébastien Z… en ce qui concerne l’organisation de son travail, fait qu’étant seul juge des dépassements individuel d’horaires, nécessaires pour mener à bien ses missions, il ne saurait prétendre à un payement d’heures supplémentaires; cette rémunération a un caractère forfaitaire et inclut en conséquence notamment les dépassements liés aux contraintes professionnelles. »;

Considérant que c’est toutefois à juste titre que le bâtonnier, après avoir exactement relevé que le cabinet ALLEN & OVERY n’établit pas le statut de cadre dirigeant de M. Z…, que le contrat de travail ne permet pas de déterminer l’horaire normal et l’horaire global rémunéré par son salaire, et qu’aucun élément objectif ne permet de caractériser le forfait ni le nombre d’heures que ce forfait rémunérerait, a déclaré que M. Z… devait bénéficier des dispositions de droit commun sur le temps de travail et qu’il ne pouvait dès lors, sauf à être rémunéré en heures supplémentaires effectuer plus de 35 heures par semaine;

Considérant que M. Z…, pour établir l’existence des heures supplémentaires dont il sollicite le payement, produit des tableaux établis par ses soins en prenant comme base de calcul, l’arrivée sur son lieu de travail à 9H30, une pause déjeuner d’une heure, et des journées de travail de 7 heures en l’absence de courriels justificatifs d’une durée plus longue;

Considérant qu’ il explique que ces tableaux sont loin de retracer ses horaires réels de travail dans la mesure où il n’y a pas inclus les heures travaillées le samedi, le dimanche et les jours fériés, ni le fait qu’il pouvait continuer à travailler à son bureau postérieurement à l’envoi de son dernier courriel et qu’il n’a en outre retenu ni le temps travaillé en dehors du cabinet, ni les courriels adressés par son « blackberry »;

Considérant que le cabinet ALLEN & OVERY conteste la pertinence de ce mode de calcul des heures supplémentaires, et fait valoir que M. Z… disposait, conformément à la convention collective des avocats salariés d’une grande liberté dans l’organisation de son temps de travail et que le cabinet n’avait pas la possibilité de déterminer par avance le nombre d’heures que son salarié était censé effectuer; sous peine de porter atteinte au principe d’indépendance de l’avocat;

Considérant qu’il précise n’avoir pas installé de système de contrôle du temps de travail de ses collaborateurs et salariés et que le système de badge en usage dans ces locaux ne constitue qu’un dispositif de sécurité d’entrée dans ses locaux professionnelles sis,26, boulevard des Capucines Paris 9ième ainsi que l’établit l’absence d’utilisation des badges à la sortie du bâtiment;

Considérant qu’il fait exactement observer que M. Z… ne produit aucun élément objectif établissant qu’il commençait à travailler tous les matins, sans aucune exception, à 9H 30, et que les courriels émis à des heures tardives ne permettent pas d’établir l’accomplissement d’heures supplémentaires, puisque M. Z… avait, comme tous les avocats du cabinet, la possibilité de se connecter à tout moment de l’extérieur au système informatique du cabinet, et qu’il disposait de la faculté d’envoi de ses courriels indépendamment de l’heure à laquelle il les saisissait;

Considérant qu’il produit à l’appui de ces affirmations un procès verbal de constat du 20 novembre 2007 de M. C…, huissier de justice à Paris qui établit, d’une part, qu’il est possible dans ces locaux professionnels du cabinet de circuler et de sortir librement d’un étage à l’autre depuis le cinquième étage jusqu’au rez-de-chaussée en employant tant les ascenseurs que l’escalier, ainsi que l’escalier de secours sans avoir recours à l’utilisation d’un badge, d’autre part, qu’il est possible d’utiliser la boîte de messagerie de la société ALLEN & OVERY LLP depuis l’extérieur;

Considérant que le cabinet fait en outre observer qu’en 2003 le temps de travail de M. Z… qu’il a facturé à ses clients n’a jamais atteint les 1.600 heures annuelles correspondant à 35 heures de travail hebdomadaire puisqu’il s’élevait, en 2003, deux ans avant son licenciement, à 1.060,95 heures facturables et en 2005 à 390,7 heures de travail facturables;

Considérant que dans ces conditions, il y a lieu de débouter M. Z… de sa demande de payement d’heures supplémentaires les tableaux d’heures supplémentaires impayées produits par lui à l’appui de cette demande étant dépourvu de force probante pour être exclusivement établis à partir d’éléments non vérifiables et de documents non pertinents;

Sur le travail dissimulé:

Considérant que M. Z… n’établissant pas l’existence d’heures supplémentaires impayées sera débouté de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé;

Sur la participation:

Considérant que c’est à juste titre que le bâtonnier pour vérifier si une participation était ou non due a ordonné la production des comptes certifiés du cabinet ALLEN & OVERY des exercices 2003-2004 et 2004-2005;

Sur la liquidation de l’astreinte:

Considérant que le bâtonnier ne s’étant pas réservé le droit de liquider l’astreinte cette faculté relève, le cas échéant, de la compétence exclusive du juge de l’exécution des peines;

Considérant qu’il n’y a pas lieu de douter de l’exécution volontaire par la société ALLEN & OVERY de l’injonction qui lui a été faite de produire ses comptes pour les exercices 2003-2004 et 2004-2005, qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une nouvelle astreinte;

Sur la demande de dommages et intérêts pour non communication des comptes:

Considérant que seule la production des comptes permettant de déterminer un éventuel droit de participation au profit de M. Z…, celui-ci ne justifie pas d’un préjudice actuel résultant pour lui de l’absence de production des comptes en cause, la décision du bâtonnier n’étant pas exécutoire de droit de ce chef;

Sur le remboursement des sommes versées en exécution de la décision attaquée:

Considérant que le présent arrêt vaut titre à cet effet;

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile:

Considérant que la société ALLEN et OVERY qui a licencié sans motif M. Z… sera condamnée aux dépens de l’arrêt;

Considérant qu’il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Confirme la décision sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les heures supplémentaires,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Condamne la société ALLEN OVERY à payer à M. Z… une indemnité de SOIXANTE HUIT MILLE HUIT CENT VINGT QUATRE Euro SOIXANTE DIX HUIT Centimes (68.824,78 €) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute M. Z… de ses demandes de payement d’heures supplémentaires,

Condamne la société ALLEN OVERY aux dépens de l’appel,

Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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