COUR DES COMPTES – Septième Chambre – Arrêt – 12/10/2022 – Direction régionale des finances publiques (DRFiP) de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte d’Or – Exercices 2015 à 2018 – n° S-2022-1755

·

·

COUR DES COMPTES – Septième Chambre – Arrêt – 12/10/2022 – Direction régionale des finances publiques (DRFiP) de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte d’Or – Exercices 2015 à 2018 – n° S-2022-1755

Texte intégral

La Cour,

Vu le réquisitoire n° 2021-39 en date du 22 décembre 2021, par lequel la Procureure générale près la Cour des comptes a saisi la Cour de charges soulevées à l’encontre de Mmes X et Y, directrices régionales des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d’Or, au titre des exercices 2015 à 2018,

notifié le 22 décembre 2021 au directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d’Or en fonctions, ainsi qu’à M. Z (gérant intérimaire), le 31 décembre 2021 à Mme X et au directeur général des finances publiques et le 5 janvier 2022 à Mme Y ;

Vu les comptes rendus en qualité de directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d’Or en fonctions, pour les exercices 2015 à 2018, par Mme X, du 1

er

 janvier au 22 décembre 2015, M. Z, gérant intérimaire du 23 décembre 2015 au 3 janvier 2016, et Mme Y, du 4 janvier 2016 au 31 décembre 2018 ;

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

Vu le code civil ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des impôts et son annexe 3 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu la loi n° 75-618 du 11 juillet 1975 relative au recouvrement public des pensions alimentaires ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu les arrêtés des 20 décembre 2013 et 20 décembre 2016 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État ;

Vu les décisions fixant le cautionnement de Mmes X et Y, à compter du 1

er

 janvier 2013 puis du 1

er

 janvier 2016 au 31 décembre 2017, à 685 000 €, et de Mme Y à 695 000 €, à compter du 1

er

 janvier 2018 ;

Vu le rapport n° R-2022-0706-1 à fin d’arrêt de M. Philippe GEOFFROY,

conseiller maître,

magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions n° 424 de la Procureure générale du 2 septembre 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 7 septembre 2022, M. Philippe GEOFFROY, conseiller maître, en son rapport, Mme Alice BOSSIÈRE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, les autres parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;

Entendu en délibéré M. Patrick BONNAUD, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;

Sur le droit applicable aux charges n° 1 et n° 2 relatives à des recettes non recouvrées et à un défaut de justification de soldes

1. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi de finances pour 1963, «

 les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, […] de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d’un comptable public, […] de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent 

» ; que leur responsabilité «

 se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée […] 

» ; que leur responsabilité en matière de recouvrement des recettes s’apprécie au regard de leurs diligences, lesquelles doivent être adéquates, complètes et rapides ;

2. Attendu qu’en application du III de l’article 60 modifié de la même loi, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics « 

ne peut être mise en jeu à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable entrant dans les délais réglementaires

 » ;

3. Attendu qu’aux termes des articles 17, 18 et 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «

 les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent 

» ; que les comptables publics sont seuls chargés «

 1° De la tenue de la comptabilité générale ; […] 4° De la prise en charge des ordres de recouvrer

[…

] qui leur sont remis par les ordonnateurs ; 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ; 6° De l’encaissement des droits au comptant et des recettes liées à l’exécution des ordres de recouvrer ; […] 9° De la garde et de la conservation des fonds et valeurs […] ; 10° Du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités ; 11° De la conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité 

» ;que les comptables publics sont tenus d’exercer le contrôle« 

a) De la régularité de l’autorisation de percevoir la recette ; b) Dans la limite des éléments dont il

[s]

dispose

[nt]

, de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recouvrer 

» ;

Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de Mme X, au titre de l’exercice 2015

4. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue au titre de l’exercice 2015, par Mme X, comptable en fonctions jusqu’au 22 décembre 2015, à raison de l’absence de déclaration au passif d’une créance de 55 073,52 €, correspondant au reliquat d’une avance sur marché versée à une société ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire ; qu’en outre, la Procureure générale a considéré qu’il n’y a pas lieu d’engager la responsabilité de M. Z, gérant intérimaire du 23 décembre 2015 au 3 janvier 2016, qui ne disposait que de quelques jours pour agir ;

Sur le droit applicable

5. Attendu que les 1

er

et 4

ème

alinéas de l’article L. 622-24 du code de commerce prévoient « 

qu’à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture

[…

] adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’État […] ; que la déclaration des créances doit être faite alors même qu’elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n’est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d’une évaluation […] 

» ; qu’en application de l’article R. 622-24 du même code, ce délai de déclaration est de deux mois ;

6. Attendu qu’aux termes de l’article L. 622-26 du code de commerce, « 

À défaut de déclaration dans les délais prévus à l’article L. 622 24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion […] 

»

 ;

Sur les faits

7. Attendu qu

’au 31 décembre 2018, le compte 4091000000 «

 Fournisseurs, avances sur commandes 

» présentait un solde débiteur de 117 151,75 €, comportant une créance correspondant au reliquat d’une avance sur marché, d’un montant de 55 073,52 € ; que ce marché, conclu le 6 juin 2014, ayant pour objet le remplacement d’ascenseurs, a été résilié le 27 avril 2015 pour faute du titulaire ;

8. Attendu, cependant, que par certificat administratif du 13 août 2015, le pouvoir adjudicateur a attesté de la nécessité d’émettre un titre de perception à l’encontre de l’entreprise titulaire et a transmis à la direction régionale des finances publiques (DRFiP) le 12 octobre 2015 le décompte de liquidation du marché ; que cette société a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement du 13 octobre 2015, publié au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODDAC) le 27 octobre 2015 ; que le mandataire judiciaire a adressé le 24 décembre 2015 au pouvoir adjudicateur un courrier l’invitant à déclarer sa créance au passif de la liquidation judiciaire ; que la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d’actif le 26 novembre 2019, par jugement publié le 6 décembre 2019 ;

9. Attendu que la créance sur la société n’a pas été déclarée au passif de la procédure collective, dans le délai de deux mois qui a suivi la publication le 27 octobre 2015 du jugement d’ouverture au BODACC, comme prévu par les dispositions des articles L. 622-24 et R. 622‑24 du code de commerce précitées, soit avant le 28 décembre 2015 ;

Sur les éléments apportés à décharge par la comptable

10. Attendu que la comptable indique que, suite à la résiliation du marché, l’ordonnateur a transmis à la DRFiP le 12 octobre 2015 un décompte de liquidation, établi le 26 juin 2015, pour obtenir son accord avant l’émission du titre de perception ; que la DRFiP a rejeté le 13 octobre 2015 ce décompte, au regard du caractère négatif du solde du décompte, de l’absence de justification des pénalités, de la différence de montant entre les sommes portées au décompte et celles déjà versées ; que, par courriel du 8 novembre 2015, resté sans réponse, la DRFiP a confirmé à l’ordonnateur la nécessité de refaire le décompte de liquidation, de le notifier à la société et de refaire le certificat administratif permettant d’émettre un titre de perception conforme ;

11. Attendu que, la comptable fait valoir que l’ordonnateur a reçu le 24 décembre 2015 un courrier du mandataire judiciaire l’informant de la liquidation judiciaire et de la nécessité de déclarer toute créance dans les délais légaux, soit avant le lundi 28 décembre 2015 ; que l’ordonnateur n’a pas réagi malgré la brièveté des délais ; qu’en août et septembre 2016, l’ordonnateur a fourni des documents erronés ; que les demandes de rectification adressées par la DRFiP les 16 septembre 2016 et 11 juillet 2017 sont restées sans réponse ;

12. Attendu que la comptable estime que l’ordonnateur, par son inaction, endosse la totale responsabilité des faits, faute d’émission de titre exécutoire dans les délais ; qu’elle souligne qu’elle a quitté ses fonctions le 22 décembre 2015, avant le terme du délai légal de production de la créance ;

Sur l’existence d’un manquement

13. Attendu que le suivi des créances, qui impose de connaître les procédures collectives en cours, est une obligation personnelle du comptable ; que sa responsabilité est donc susceptible d’être engagée, y compris lorsque l’ordonnateur n’a pas signalé au comptable l’existence d’une telle procédure ; que cette obligation est également valable en l’absence de titre, lorsque le comptable connaît l’existence d’une créance ;

14. Attendu que la DRFiP a été destinataire du décompte de liquidation du marché le 12 octobre 2015 ; qu’à cette date, préalable à la publication du jugement d’ouverture au BODACC, le poste comptable avait connaissance de l’existence d’une créance ;

15. Attendu, dès lors, qu’en application des dispositions du code de commerce rappelées aux points

5

et

6

ci-dessus, il revenait à la comptable, dès la publication du 27 octobre 2015, de se mettre en situation de déclarer la créance en temps utile, soit sur la base du décompte, soit, d’un titre obtenu de la part de l’ordonnateur, dans tous les cas dans le délai de deux mois qui a suivi la publication du jugement d’ouverture au BODACC de la procédure collective ; qu’en l’espèce, le délai de déclaration expirait le 28 décembre 2015 ;

16. Attendu qu’à défaut de déclaration dans le délai imparti, la créance de 55 073,52 € n’a pas été admise au passif ; qu’ainsi, son recouvrement s’est trouvé définitivement compromis ; que le fait que l’ordonnateur ait tardé dans la rectification éventuelle du décompte, le fait qu’il n’ait pas répondu à la relance du comptable, le fait qu’il n’ait pas relayé la relance du mandataire judiciaire sont indifférents à cet égard dans la mesure où le comptable n’était pas de ce fait empêché d’agir ;

17. Attendu que le dernier jour avant la prescription, M. Z, gérant intérimaire du 23 décembre 2015 au 3 janvier 2016, était en fonctions, mais ne disposait que de quelques jours pour agir ; qu’en revanche Mme X aurait pu accomplir cette formalité jusqu’au 22 décembre 2015, date de sa sortie de fonctions ; qu’en s’en abstenant, elle a manqué à ses obligations en matière de recouvrement des recettes ; qu’il y a donc lieu de mettre

en jeu sa responsabilité personnelle et pécuniaire, au titre de l’exercice 2015 ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

18. Attendu que le défaut de recouvrement d’une créance cause, en principe, un préjudice financier à la collectivité concernée ; que toutefois, il n’y a pas préjudice lorsque la preuve est apportée que la créance n’aurait pas pu être recouvrée, n’eût été le manquement du comptable ;

19. Attendu que l’état de reddition des comptes de la procédure collective du 26 juillet 2021 atteste de l’absence d’actif distribuable ; que dès lors, même si cette créance avait été déclarée au liquidateur, le Trésor n’aurait pas pu être désintéressé ; qu’ainsi le manquement de la comptable n’a pas causé de préjudice à l’État ;

20. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, «

 lorsque le manquement du comptable aux obligations […] n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce 

» ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;

21. Attenduque le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour l’exercice 2015 est fixé à 685 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de Mme X s’élève à 1 027,50 € ;

22. Attendu que le fait que le pouvoir adjudicateur n’ait que partiellement partagé ses informations avec le poste comptable constitue une circonstance atténuante au stade de la fixation d’une somme non rémissible ; qu’il y a lieu donc d’arrêter la somme à acquitter par Mme X à 500 €, au titre de l’exercice 2015 ;

Sur la charge n° 2, soulevée à l’encontre de

Mme Y, au titre de l’exercice 2018

23. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a relevé qu’au 31 décembre 2018, le compte 41111 «

 Clients auxiliarisés Produits divers 

» comprendrait deux créances, relatives à des pensions alimentaires

dues par M. E. et M. F., ayant fait l’objet de versements réguliers par les débiteurs, qui ne seraient donc pas atteintes par la prescription de l’action en recouvrement ; que, toutefois, ces deux créances ne seraient que partiellement justifiées ;

24. Attendu qu’en l’absence de titres exécutoires, les sommes en cause ne pourraient pas être recouvrées si les débiteurs interrompaient leurs paiements ; que ce constat s’assimilerait à un déficit ou à un manquant en monnaie ou en valeurs ; que le comptable aurait donc manqué à ses obligations de préservation des actifs de l’État et de tenue de la comptabilité ; que le défaut de justification de ces deux créances serait présomptif d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Y, à hauteur de 26 436,08 €, au titre de l’exercice 2018 ;

Sur le droit applicable

25. Attendu que l’article L581-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, prévoit que «

 Lorsque l’un au moins des parents se soustrait totalement au versement d’une créance alimentaire pour enfants fixée par décision de justice devenue exécutoire, l’allocation de soutien familial est versée à titre d’avance sur créance alimentaire. L’organisme débiteur des prestations familiales est subrogé dans les droits du créancier, dans la limite du montant de l’allocation de soutien familial ou de la créance d’aliments si celle-ci lui est inférieure […]. L’organisme débiteur de prestations familiales est subrogé dans les droits du créancier 

» ;

26. Attendu que l’article L581-7 du même code, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, prévoit que « 

Par dérogation aux articles 2 et 3 de la loi n° 75-618 du 11 juillet 1975, le directeur de l’organisme débiteur de prestations familiales intervenant au titre des articles L581-2 et suivants établit et certifie l’état des sommes à recouvrer et l’adresse au représentant de l’État dans le département. Celui-ci rend cet état exécutoire dans un délai de cinq jours ouvrables et le transmet au trésorier-payeur général (directeur départemental des finances publiques) du département 

» ;

27. Attendu que l’article L581-10 du même code, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, prévoit que «

 Le recouvrement sur le débiteur d’aliments de toute avance sur pension alimentaire fixée par une décision judiciaire devenue exécutoire et consentie par les organismes débiteurs de prestations familiales peut être confié, pour le compte de ces organismes, aux comptables directs du Trésor (comptables publics compétents). Le directeur de l’organisme débiteur de prestations familiales établit et certifie l’état des sommes à recouvrer et l’adresse au représentant de l’État dans le département. Celui-ci rend cet état exécutoire dans un délai de cinq jours ouvrables et le transmet au trésorier-payeur général du département (directeur départemental des finances publiques). Dès qu’ils ont saisi le représentant de l’État dans le département, les organismes débiteurs de prestations familiales ne peuvent plus, jusqu’à ce qu’ils soient informés de la cessation de la procédure de recouvrement par les comptables du Trésor (comptables publics compétents), exercer aucune action en vue de récupérer les sommes qui font l’objet de leur demande 

» ;

28. Attendu que l’article 7 de la loi n° 75-618 du 11 juillet 1975 relative au recouvrement public des pensions alimentaires prévoit que «

 Le recouvrement public des sommes à percevoir est effectué par les comptables publics compétents selon les procédures applicables en matière de contributions directes. Le montant de ces sommes est majoré de 10 % au profit du Trésor à titre de frais de recouvrement 

» ;

29. Attendu qu’aux termes de l’article 1342-10 du code civil, «

 Le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle qu’il entend acquitter. A défaut d’indication par le débiteur, l’imputation a lieu comme suit : d’abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter. A égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement

 » ;

30. Attendu qu’en vertu de l’article 1 du décret n° 86-1073 du 30 septembre 1986 relatif à l’intervention des organismes débiteurs des prestations familiales pour le recouvrement des créances alimentaires impayées, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, «

 Le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales établit et certifie, en trois exemplaires, l’état des sommes à recouvrer. Cet état mentionne le jugement qui a fixé la pension alimentaire. Pour la mise en œuvre de la loi du 11 juillet 1975 (relative au recouvrement public des pensions alimentaires), la demande est réputée faite à la date d’établissement de l’état. Celui-ci précise, d’une part, le montant des termes échus et non versés par le débiteur au titre de la période de six mois ayant précédé la date de la demande de recouvrement public et, d’autre part, le montant des termes échus ou à échoir à compter de cette même date. Pour la mise en œuvre de la loi n° 80-1055 du 23 décembre 1980 portant loi de finances rectificative pour 1980, l’état précise le montant des termes échus et non versés par le débiteur dans la limite de deux ans à compter de la demande d’aide faite à l’organisme débiteur des prestations familiales en vertu de l’article L. 581-6 du code de la sécurité sociale ou des périodes de versement de l’allocation de soutien familial versée à titre d’avance. L’état des sommes à recouvrer fait apparaître, en

outre, le montant des frais de recouvrement perçus au profit du Trésor 

» ;

31. Attendu que l’article 3 du même décret prévoit que «

 Le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales adresse sans délai l’état des sommes à recouvrer au représentant de l’État dans son département. Celui-ci rend exécutoire cet état, dans un délai de cinq jours ouvrables, et le transmet au trésorier-payeur général du département. Il avise de sa décision le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales 

» ;

Sur les faits

32. Attendu que les créances relatives aux pensions alimentaires, pensions et arriérés en principal, et frais de recouvrements liquidés à hauteur de 10 % au profit de l’État, sont portés au compte 41111 «

 Clients auxiliarisés Produits divers 

» ; que

deux créances, relatives à des pensions alimentaires dues par M. E. et M. F. restaient, à la clôture de l’exercice 2018, partiellement dépourvues de justifications ;

Sur les éléments apportés à décharge par la comptable

33. Attendu qu’en réponse au réquisitoire, la comptable a indiqué que les créances visées portent sur des montants de pensions à échoir, déjà transmis à la Cour des comptes, mentionnés dans les états des sommes à recouvrer, notamment sur l’état des restes à recouvrer du 9 décembre 2011 établi par la Caisse d’allocations familiales (CAF) de la Côte d’Or pour la reprise des sommes dans l’application REP ;

34. Attendu que

la comptable a déclaré qu’en vertu de l’article 3 de la loi du 11 juillet 1975 susvisée, le comptable public est chargé, sur le fondement de l’état exécutoire, du recouvrement des arriérés et des sommes à échoir et que les pensions alimentaires ne peuvent plus être payées auprès du service à l’origine de l’émission du titre aux termes de l’article 15 de la loi n° 80-1055 du 23 décembre 1980 ; qu’ainsi le comptable public doit tenir compte des échéances à échoir sans émission d’un nouveau titre ;

35. Attendu que, par ailleurs, la comptable a fait valoir que le défaut de justification de la comptabilité ne constitue pas en lui-même un cas de mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ; que, nonobstant l’absence de titre, il n’y a pas de défaut de recouvrement et donc pas de défaut de diligence, du fait des recouvrements réguliers effectués dans le respect de conventions de délais ; que l’absence de contestation et la mise en place de délais de paiement attestent de la reconnaissance de leurs dettes par les débiteurs ;

36. Attendu que la comptable estime qu’il n’y a pas de manquement ; que, néanmoins, en cas de déficit retenu par la Cour des comptes, elle sollicite que les encaissements constatés au 31 décembre 2022 soient pris en compte et que le montant porté au réquisitoire soit ramené de 26 436,08 € à 23 451,05 €, comme suit : M. E. = 12 006,78 €, identique au solde dû au 31 décembre 2018 ; M. F. = 11 444,27 €, au lieu de 14 429,30 € au 31 décembre 2018 ;

Sur l’existence d’un manquement

37. Attendu que contrairement aux dires de Mme Y, le comptable doit pouvoir opposer un titre aux redevables ; qu’en l’absence de titre matérialisant les créances, le comptable public se trouve dans l’impossibilité de faire valoir ses droits à l’égard des tiers ;

38. Attendu

que le grief retenu par le ministère public concerne en l’espèce le défaut de justification de créances ; qu’ainsi, l’absence de défaut de diligences de recouvrement, invoquée à décharge par la comptable, est en l’espèce indifférente à l’affaire ;

39. Attendu, conformément aux dispositions de l’article 1342-10 du code civil rappelées au point

29

ci-dessus, qu’il convient d’affecter les paiements aux titres les plus anciens ;

40. Attendu que les créances prises en charge sur M. E ressortent à 32 164,21 € et les paiements à 17 980,91 € ; qu’ainsi le titre le plus ancien, de 5 031 €, qui est produit, se trouve intégralement soldé ; que le titre suivant, de 15 126,43 €, accuse un reste à recouvrer de 2 176,52 € (5 031 € + 15 126,43 € – 17 980,91 €) qui se trouve justifié, le titre ayant été produit ; qu’en revanche les autres créances ultérieurement prises en charge, pour 12 006,78 €, ne sont pas matérialisées par des titres ; qu’ainsi le solde non justifié ressort à ce montant ;

41. Attendu que les créances prises en charge sur M. F ressortent à 31 271,40 € et les paiements à 19 827,12 € ; qu’ainsi les titres les plus anciens, de 2 689,81 € et 3 048,39 €, se trouvent intégralement soldés ; que les titres suivants, émis pour 25 533,20 € accusent un reste à recouvrer de 11 444,28 € (25 533,20 € – [19 827,12 – 2 689,81 € – 3 048,39 €]) ; que, ces créances n’étant pas matérialisées par des titres, le solde injustifié ressort à ce montant ;

42. Attendu que, lorsqu’un compte d’actif présente des créances injustifiées, le comptable public n’est pas en mesure d’opposer aux tiers concernés les droits de l’État qu’il a pris en charge ; qu’une telle situation caractérise non seulement un désordre comptable, mais aussi un manquant en monnaie ou en valeurs ;

43. Attendu que la totalité du manquant est retracée dans les comptes ; que dès lors, au stade du constat du manquement, il y a lieu de retenir la totalité des sommes non justifiées restant à recouvrer, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre le principal à revenir à la caisse d’allocations familiales de la Côte-d’Or et les frais de gestion prévus au profit du Trésor ;

44. Attendu que Mme Y, comptable en fonctions à la clôture de l’exercice 2018, a manqué à ses obligations de tenue de la comptabilité rappelées aux points

1

et

3

ci-dessus ; qu’elle n’a pas émis de réserves à l’encontre de ses prédécesseurs ; que par voie de conséquence, elle doit être tenue pour responsable du manquant en monnaie ou en valeurs résultant du défaut de justification des créances, relatives aux deux dossiers retenus par l’instruction, portées au compte 41111, pour un montant total de 23 451,06 € (12 006,78 € + 11 444,28 €) ;

45. Attendu qu’il y a donc lieu d’engager à ce motif la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Y, au titre de l’exercice 2018 ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

46. Attendu qu’en application des dispositions de l’article 7 de la loi du 11 juillet 1975 rappelées au point

28

ci-dessus, l’État reverse dix onzièmes des montants recouvrés à la caisse d’allocations familiales et en perçoit un onzième ; que dès lors, si le défaut de justification devait aboutir à ce que la somme totale restant à recouvrer ne puisse plus l’être (par exemple suite à une contestation par laquelle les redevables demanderaient la production du titre), il y aurait lieu de distinguer, pour l’appréciation du préjudice, au sein du manquant total, le principal et les frais de gestion ; que le principal ne devant revenir en aucun cas à l’État, mais à un tiers, de surcroît privé, cette part du manquant ne peut causer de préjudice financier au Trésor ; qu’en revanche, l’État se verrait privé de la perception des frais de gestion correspondants ;

47. Attendu que le manquement de la comptable à ses obligations de tenue de la comptabilité est donc réputé causer un préjudice financier à l’État, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ; qu’aux termes du même article,

« lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, (ou l’État …), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante 

» ;

48. Attendu

qu’il ressort du point

40

ci-dessus que les remboursements effectués par M. E ne s’imputent que sur les deux titres produits ; que, dès lors, le montant des frais non justifiés, lesquels constituent le préjudice pour l’État, correspond aux frais tels qu’ils ont été pris en charge dans les titres non produits, et qui ressortent selon le dossier à 2 005,70 € ;

49. Attendu qu’il ressort du point

41

ci-dessus qu’une partie des remboursements effectués par M. F s’impute sur des titres non produits ; qu’il y lieu de considérer que la proportion des frais non justifiés, lesquels constituent le préjudice pour l’État, est réputée correspondre à celle des frais dans la totalité des créances prises en charge postérieurement aux deux titres produits, soit 9,091 % (2 321,17 € / 25 533,20 €, selon le dossier) ; qu’ainsi le préjudice ressort à 1 040,40 € (11 444,28 € x 9,091 %) ;

50. Attendu que si des versements devaient intervenir au bénéfice du Trésor, le comptable disposerait à son encontre d’une action récursoire ;

51. Attendu qu’ainsi, il y a lieu de constituer Mme Y débitrice de l’État pour la somme de 3 046,10 € (2 005,70 € + 1 040,40 €) ;

52. Attendu aux termes du VIII de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, «

 les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics 

» ; qu’en l’espèce, cette date est le 5 janvier 2022, date de la réception du réquisitoire par Mme Y ;

Sur le droit applicable aux charges n° 3 et n° 4 relatives à des dépenses

53. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi de finances pour 1963, «

 les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique 

» ; que leur responsabilité se trouve engagée dès lors notamment «

 qu’une dépense a été irrégulièrement payée 

» ;

54. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «

 dans le poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : […] 7° Du paiement des dépenses, soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative 

» ; qu’aux termes de l’article 19 du même texte, «

 le comptable public est tenu d’exercer le contrôle : […] 2° S’agissant des ordres de payer : […] d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 […] 

» ; qu’aux termes de l’article 20 précité, «

 Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : […] 3° La production des pièces justificatives […] 

» ;

55. Attendu que l’article 38 de ce décret précise que «

 lorsqu’à l’occasion de l’exercice des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l’ordonnateur 

» ;

56. Attendu que l’article 50 du même décret dispose que «

 les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie doivent être justifiées par des pièces prévues dans des nomenclatures établies […] par arrêté du ministre chargé du budget […] ; que lorsqu’une opération de dépense n’a pas été prévue par une nomenclature mentionnée ci-dessus, doivent être produites des pièces justificatives permettant au comptable d’opérer les contrôles mentionnés aux articles 19 et 20 

» ;

Sur la charge n° 3, soulevée à l’encontre de Mme Y, au titre de l’exercice 2018

57. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par Mme Y, à hauteur de 75 015 €, au titre de l’exercice 2018, au motif que quatre demandes de paiement au titre des remboursements forfaitaires des dépenses de campagne électorale des élections législatives des 11 et 18 juin 2017, auraient été payées dans des conditions irrégulières ; que ces irrégularités consisterai


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x