Cour d’appel de Lyon, 6 septembre 2011, 10/02208

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Cour d’appel de Lyon, 6 septembre 2011, 10/02208

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

R. G : 10/ 02208

Décision du

Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON

Au fond

du 05 février 2010

RG : 01. 328

ch no

SARL SOROC

C/

X…

A…

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 06 Septembre 2011

APPELANTE :

SARL SOROC

représentée par ses dirigeants légaux

Lieudit  » Le Colombier  »

42810 ROZIER EN DONZY

représentée par Me Annie GUILLAUME, avoué à la Cour

assistée de Me Yves MERGY, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Monsieur Robert X…

né le 26 Août 1951 à BALBIGNY (42510)

42510 BALBIGNY

représenté par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre, avoués à la Cour

assisté de Me CORNILLON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Madame Josiane A… épouse X…

née le 07 Juin 1951 à MONTBRISON (42600)

42510 BALBIGNY

représentée par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre, avoués à la Cour

assistée de Me CORNILLON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

******

Date de clôture de l’instruction : 29 Avril 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Mai 2011

Date de mise à disposition : 06 Septembre 2011

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Pascal VENCENT, président

-Dominique DEFRASNE, conseiller

-Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.

A l’audience, Pascal VENCENT a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Les époux X…sont propriétaires d’un immeuble situé à Feurs (Loire) …qu’ils ont souhaité faire rénover en vue de le louer.

Monsieur B…, architecte, et de la société SOROC pour les travaux de maçonnerie ont ainsi été contactés par les maîtres de l’ouvrage.

Les travaux, commencés en décembre 1996, ont été achevés début 1998.

La société SOROC et l’architecte auraient décidé, sans en parler aux époux X…, de commander un escalier préfabriqué.

La réception est intervenue tacitement en février 1998.

Des malfaçons se seraient révélées concernant essentiellement la conception de l’escalier commandé à la société SOROC.

Par un premier jugement en date du 12 décembre 2003, le tribunal de grande instance de Montbrison a notamment :

– condamné la société SOROC à payer à monsieur et madame X…une somme de 96, 50 euros,

– débouté les époux X…de leur demande relative à l’implantation du réseau d’eaux usées et aux désordres affectant l’ouverture de la porte, avant dire droit, ordonné une nouvelle mesure d’expertise concernant l’escalier confiée à monsieur C….

Ce dernier déposait son rapport le 15 décembre 2005.

A la suite de quoi le tribunal de grande instance de Montbrison en date du 13 décembre 2006 a :

– rejeté la demande de la société SOROC tendant à voir prononcer la nullité de l’expertise effectuée par monsieur C…,

– constaté que les travaux avaient fait l’objet d’une réception tacite au 1er février 1998,

– dit que les désordres affectant l’escalier litigieux relevaient de la garantie décennale,

– déclaré la société SOROC responsable des désordres affectant l’escalier litigieux,

– ordonné une nouvelle expertise et commis monsieur Laurent D…pour, au regard des préconisations techniques de l’expert C…sur la nature des travaux de remise en état, donner un avis technique et circonstancié sur le coût des travaux de réfection de l’ouvrage, indiquer la durée prévisible des travaux, préciser le montant de la perte de loyer, le montant de la réfection des logements, le montant des frais de relogement et de déménagement.

La société SOROC a interjeté appel du jugement le 16 février pour s’en désister le 29 mars 2007.

L’expert D…a pu déposer son rapport le 28 janvier 2009 qui affirme qu’une seule solution réglementairement est envisageable pour la réfection, à savoir la réfection générale de l’escalier avec agrandissement de sa cage pour permettre la réalisation de volées de 1, 20 m de largeur. Le préjudice des époux X…était alors estimé par lui à la somme totale de 284. 985, 27 euros.

La même juridiction par jugement en date du 5 février 2010 a :

– débouté la SARL SOROC de sa demande en déclaration de nullité de l’expertise judiciaire produite par monsieur D…,

– déclaré irrecevable la demande de la SARL SOROC tendant à faire reconnaître une quelconque responsabilité des époux X…,

– condamné la SARL SOROC à payer aux époux X…la somme de 284. 985, 27 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi et à subir,

– débouté les époux X…de leur demande d’indemnisation d’un préjudice moral,

– condamné la SARL SOROC à verser aux époux X…la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL SOROC aux entiers dépens.

La société SOROC a relevé appel du jugement et demande à la cour de :

– annuler le rapport d’expertise de monsieur D…,

– ordonner une mesure de contre-expertise confiée à un autre expert avec une mission identique, soit le chiffrage du coût de la remise en état de l’escalier et les préjudices subséquents,

Subsidiairement, elle demande à la cour de :

– constater que tous les postes de préjudices concernant les pertes de loyers, les frais de déménagement et de relogement ne sont que des préjudices éventuels et de surseoir à statuer sur les demandes des époux X…concernant ces chefs de préjudices tant que ceux-ci n’auront pas justifié de la réalisation des travaux de remise en état de l’escalier,

– dire et juger que les époux X…encourent une part de responsabilité dans la réalisation de leurs préjudices à concurrence de 30 % du coût de la remise en état et du montant des préjudices annexes,

– donner acte à la société SOROC de son offre indemnitaire sur le coût de la remise en état de l’escalier pour la somme de 90. 109, 39 euros TTC représentant 70 % du chiffrage réalisé par la société ETUDES & QUANTUM,

– dire et juger cette offre satisfactoire.

Très subsidiairement et si la cour ne sursoit pas à statuer sur les préjudices complémentaires :

– réduire le montant des réclamations des époux X…pour tenir compte aussi bien de leur part de responsabilité égale à 30 % qu’en raison de la durée des travaux de remise en état de quatre mois et non pas de six mois,

– rejeter l’appel incident des époux X…et confirmer le jugement rendu sur le rejet de la demande de préjudice moral.

En tout état de cause,

– confirmer le jugement sur le rejet par le tribunal de la demande sur le préjudice moral,

– dire et juger n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire et juger que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Il est fait reproche à l’expert de ne pas avoir accompli personnellement sa mission en infraction avec l’article 233 du code de procédure civile, se basant aveuglément pour calculer le montant des réparations sur des études réalisées par des cabinets ayant travaillé directement pour les maîtres de l’ouvrage. Il aurait au surplus négligé d’autres solutions techniques comme la mise en place d’un escalier extérieur nettement moins coûteux et n’aurait pas recherché si un architecte avait ou non participé au choix de cet escalier préfabriqué.

En tout état de cause les époux X…devraient se voir reprocher leurs propres fautes pour n’avoir pas pris d’assurance D. O. et avoir négligé de mettre en cause l’architecte B…. Il serait donc tout à fait légitime que la cour impute aux époux X…une quote-part de responsabilités devant conduire à ce qu’ils prennent en charge une partie des préjudices qu’ils invoquent, et ce à concurrence de 30 %.

Le montant des travaux serait largement surestimé en l’état d’une contre étude effectuée par la société ETUDE et QUANTUM qui aboutirait à un montant des réparations de 128. 727 euros. Quant aux pertes de loyers et préjudices annexes ils ne correspondraient qu’à une perte de chance ne pouvant déboucher que sur des réparations minorées.

De leur côté, les époux X…demandent à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 5 février 2010 par le tribunal de grande instance de Montbrison en ce qu’il a condamné la société SOROC à payer aux époux X…la somme de 284. 985, 27 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi et à subir.

Ajoutant à la décision,

– dire que cette indemnité sera revalorisée selon l’évolution de l’indice du coût de la construction en prenant pour indice de base janvier 2009, date du dépôt du rapport de l’expert judiciaire D…,

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné la société SOROC à payer aux époux X…la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– réformer pour partie le jugement rendu en ce qu’il a écarté la demande d’indemnisation de préjudice moral et condamner la société SOROC à payer aux époux X…la somme de 20. 000 euros en réparation du préjudice immatériel subi et à subir en raison de la résistance abusive de la société SOROC à indemniser le préjudice occasionné,

– condamner la société SOROC au paiement d’une indemnité article 700 complémentaire de 5. 000 euros outre les dépens.

Il est ainsi soutenu qu’aucun élément ne permet de douter de l’objectivité et de l’impartialité de l’expert dont toutes les investigations ont bien eu un caractère contradictoire, qu’il a ainsi répondu à l’ensemble des questions posées par le tribunal et a explicité son choix de retenir les études fournies par les maîtres de l’ouvrage alors que le propre technicien de la société SOROC a sciemment oublié dans sa proposition de devis des postes très importants.

Concernant l’architecte B…, il est soutenu que par jugement rendu par le tribunal de grande instance de Montbrison le 13 décembre 2006, précité et actuellement définitif, monsieur B…pour des raisons touchant au droit des sociétés a été mis hors de cause alors que la société SOROC de son côté a bien été déclarée comme seule responsable en sa qualité de professionnel, des désordres affectant l’escalier non conforme. Les maîtres de l’ouvrage demandent encore à la cour de noter que le problème de leurs propres responsabilités a définitivement été tranché par ce jugement rendu le 13 décembre 2006. Quant aux réparations il est noté que les conclusions de l’expert sont claires qui dit que :

« Il ne reste donc qu’une seule solution réglementairement envisageable, à savoir la réfection générale de l’escalier avec agrandissement de sa cage pour permettre la réalisation de volées de 1. 20 m de largeur ».

Le montant total et actualisé des travaux, valeur janvier 2009, serait de 152. 993, 08 euros HT soit 161. 407, 70 euros TTC outre provision pour imprévu de 4. 800 euros TTC. Les travaux devant durer six mois il faut bien dédommager les maîtres de l’ouvrage des frais de déménagement des locataires et des pertes de loyers.

SUR QUOI LA COUR

L’examen du rapport de l’expert D…permet de constater qu’il s’agit d’un travail soigné, argumenté et consciencieux.

La cour note que monsieur D…a étudié toutes les possibilités de faire disparaître les désordres à moindre coût, y compris reprise des marches et adjonction d’un ascenseur. Il en a conclu par des observations techniques pertinentes, que la cour adopte, que ces solutions de substitution n’étaient soit techniquement pas possibles soit contraires à la réglementation en vigueur.

Concernant le chiffrages des travaux de la seule solution technique possible consistant à enlever l’escalier existant pour le remplacer par un autre avec des volées de marches de 1, 20 mètres de largeur, il y a lieu de noter qu’effectivement l’expert s’appuie entièrement sur un devis fourni par l’une des parties pour y parvenir et proposer un coût des réparations de plus de 181. 000 euros TTC valeur janvier 2009.

Mais à la suite de ce pré-rapport renfermant déjà ce chiffrage et la manière d’y parvenir, la cour note encore que le dire de réplique du conseil de la société SOROC en date du 5 janvier 2009 est parfaitement taisant sur la somme retenue et la méthode suivie.

Pour que sa demande en nullité du rapport d’expertise fondée sur l’absence de travail personnel de l’expert apparaisse sérieuse et non dilatoire, il eut fallu pour le moins que la société SOROC interpelle en temps utile l’expert sur le procédé suivi et, mieux encore, lui fournisse par le biais d’un devis d’un autre cabinet de maîtrise d’oeuvre un début de démonstration du caractère inflationniste du devis du cabinet MAG +.

Au reste, il n’y a rien de contraire au principe de l’article 233 du code de procédure civile sur le nécessaire travail personnel de l’expert, dans le fait pour celui-ci, pour remplir sa mission, de s’appuyer sur un devis fourni par l’une des parties, pratique courante voire banale, à la seule condition qu’il en vérifie le sérieux et le bien fondé et qu’il se l’approprie expressément.

Tel est bien le cas en l’espèce, l’expert notant implicitement le bien fondé et le sérieux de ce devis en visant le fait qu’il était en réalité le fruit du travail collectif de professionnels patentés comme le cabinet de maîtrise d’œ uvre MAG + SARL, le cabinet MASSARDIER, économiste de la conception, pour les lots non techniques et le B. E. T. Fluides M. 2. B. pour les lots techniques.

Si l’expert judiciaire n’a rien à eu à modifier à ce devis, c’est obligatoirement parce qu’il n’a rien eu à reprendre d’un travail consciencieux et sérieux et qu’il se l’est donc complètement approprié.

Il est encore fait reproche à l’expert de n’avoir pas pris connaissance des factures de l’architecte B….

Mais outre que ce point n’était pas dans sa mission, on se perd en conjecture sur l’influence qu’aurait pu avoir cette connaissance sur l’appréciation par l’expert de la manière de réparer ce désordre et le coût des réparations, seul travail confié à monsieur D….

Il convient donc de rejeter la demande de mise à néant du rapport de l’expert D….

Concernant la recherche d’une part de responsabilité des époux X…dans la survenance des désordres, il n’est que de constater avec ces derniers que le problème des responsabilités a définitivement été tranché par le jugement rendu le 13 décembre 2006 par le tribunal de grande instance de Montbtrison.

Après avoir relevé appel la société SOROC s’est effectivement désistée de ce recours.

L’autorité de la chose jugée s’attache désormais au fait :

– que les désordres affectant l’escalier litigieux constatés par l’expert relèvent de la « garantie décennale »,

– que la société SOROC est responsable des désordres affectant l’escalier litigieux.

Il échet en définitive d’avaliser le rapport de l’expert D…pour les raisons sus mentionnées et de confirmer le jugement déféré en ce qu’il qu’il a condamné la société SOROC à payer aux époux X…la somme de 181. 044, 20 euros TTC au titre des travaux de reprise de cet escalier et celle de 49. 348, 87 euros au titre des travaux de remise en état des logements.

Par contre, pour ce qui touche aux différents préjudices nés de l’obligation de libérer les lieux loués durant les travaux, la cour constate que la durée prévisible oscille entre quatre et six mois.

Compte tenu de l’amplitude de cette variable et de l’importance des sommes en jeu, soit plusieurs milliers d’euros, il convient de surseoir à statuer en attente de la réalisation des travaux permettant de connaître leur durée effective et indemnisable.

Le dommage étant en tout état de cause inévitable et important de ce chef, la cour à d’ores et déjà les éléments suffisants pour attribuer aux époux X…une provision de 20. 000 euros.

Il échet de surseoir à statuer également sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral, préjudice immatériel et résistance abusive ; l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu’il déboute la SARL SOROC de sa demande en déclaration de nullité de l’expertise judiciaire produite par monsieur D…, déclare irrecevable la demande de la SARL SOROC tendant à faire reconnaître une quelconque responsabilité des époux X…, condamne la SARL SOROC à réparer seule l’entier préjudice des époux X…concernant les désordres affectant l’escalier de leur immeuble sis à FEURS.

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la SARL SOROC à payer aux époux X…la somme de181. 044, 20 euros TTC au titre des travaux de réfection de l’ouvrage et la somme de 49. 348, 87 euros TTC au titre de la remise en état des logements.

Dit et juge que cette indemnité sera revalorisée selon l’évolution de l’indice du coût de la construction en prenant pour indice de base janvier 2009, date du dépôt du rapport de l’expert judiciaire D….

Ordonne le sursis à statuer concernant les différents préjudices liés à l’obligation de quitter les lieux durant les travaux.

Dit et juge que l’instance devant la cour sera reprise à l’initiative de la partie la plus diligente à l’issue de ces travaux, la cour prenant en considération au titre du montant des réparations la durée réelle d’accomplissement de ces travaux attestée par le maître d’oeuvre de l’opération, la preuve contraire étant réservée au besoin à l’entreprise SOROC.

Condamne avant dire droit et à titre provisionnel sur ce point la société SOROC à payer aux époux X…la somme de 20. 000 euros.

Réserve à l’issue de la présente procédure l’examen des demandes de dommages et intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens.

Le greffierLe président


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