Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte au syndicat des copropiétaires de l’immeuble 30 rue Denver à Brest, à Mme X…, à la SCI Espace Denver, à Mme Y…, aux consorts Z… et à M. et Mme A… du désistement de leur pourvoi provoqué ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l’article 1382 du code civil ;
Attendu que le syndicat des copropriétaires et certains des copropriétaires de l’immeuble 30 rue de Denver, à Brest, ont recherché, outre celle du syndic de copropriété et du maître d’oeuvre, la responsabilité de M. B…, notaire associé de la SCP Jamault-Merour-Queinnec-Thubert, et de cette SCP notariale à la suite des retards dans l’exécution des travaux de rénovation votés par l’assemblée générale des copropriétaires en raison de la rédaction défectueuse du règlement de copropriété en ce qui concernait la répartition de charges et de l’acte de vente d’un lot ne figurant pas dans l’état descriptif de division de l’immeuble ;
Attendu que, pour condamner M. B… et la SCP notariale à indemniser le syndicat des copropriétaires des frais et honoraires qu’il avait dû engager dans les procédures en cours et, in solidum avec le syndic de copropriété et le maître d’oeuvre, à indemniser divers copropriétaires de leurs préjudices de jouissance ou de pertes locatives, l’arrêt retient que les manquements du notaire à ses obligations professionnelles ont contribué au retard dans l’exécution des travaux ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre les fautes imputées au notaire et les préjudices qu’elle indemnisait, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré la SCP Jamault-Merour-Queinnec et, en tant que de besoin, M. B…, responsables des conséquences dommageables subies par le syndicat des copropriétaires, l’a condamnée à payer à celui-ci la somme de 29 104,46 euros et a condamné cette SCP et, en tant que besoin M. B…, in solidum avec le maître d’oeuvre et le syndic de copropriété, à indemniser certains copropriétaires de leurs préjudices de jouissance et d’un préjudice locatif , l’arrêt rendu le 25 février 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la SCP Jamault-Merour-Queinnec-Thubert et M. B….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt d’AVOIR déclaré la SCP JAMAULT-MEROUR-QUEINNEC et, en tant que de besoin, Monsieur Yann B…, responsables des conséquences dommageables subies par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du 30 rue de Denver à Brest, de les AVOIR condamnés à payer à ce dernier la somme de 29.104,46 arrêtée au 6 octobre 2005, sauf à parfaire, de les AVOIR condamnés, in solidum avec Monsieur Manuel C… et la société GENERALE IMMOBILIERE, à payer, à Monsieur et Madame A…, la somme de 28.179,20 , à Madame Simone X…, la somme de 19.710,48 , à Monsieur et Madame Guy Z… la somme de 15.884,80 , à Monsieur et Madame Philippe Z… la somme de 31.769,60 , à Madame Danièle Y… la somme de 26.307,84 , à la SCI ESPACE DENVER la somme de 35.887,68 , valeurs au 31 décembre 2006, sauf à parfaire, et d’AVOIR condamné SCP JAMAULT-MEROUR-QUEINNEC et, en tant que de besoin, Monsieur Yann B…, in solidum avec Monsieur Manuel C… et la société GENERALE IMMOBILIERE, à payer à la SCI ESPACE DENVER la somme de à titre d’indemnisation de son préjudice locatif ;
AUX MOTIFS QUE la SCP JAMAULT-MEROUR-QUEINNEC ne pouvait établir un règlement de copropriété d’un immeuble pourvu d’un ascenseur ou destiné à en être pourvu, sans corrélativement prévoir la répartition des charges correspondantes, au mépris des dispositions d’ordre public de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu’elle ne pouvait davantage pour le même motif, établir ultérieurement un règlement de copropriété ne prévoyant pour les copropriétaires du premier étage aucune participation au paiement des charges relatives à l’entretien et au bon fonctionnement de l’ascenseur de l’immeuble, alors qu’il était démontré que cet équipement présentait une réelle utilité pour les lots affectés à cet étage de l’immeuble ; qu’à tout le moins, ces omissions et imprécisions, même si elles ont été réalisées aux dires des notaires susvisées, sous l’impérieuse sollicitation des copropriétaires de l’époque, constituent un manquement à l’obligation d’information et de conseil des professionnels susvisés, comme aux devoirs de leur charge dès lors qu’elles ont privé les actes délivrés par leur ministères de l’efficacité et de la sécurité qui doit y être attachée ; qu’il en est de même pour ce qui concerne la rédaction de l’acte authentique de vente consentie par Madame Karine D… et la SCI LABICHE qui fait état de la vente du lot n°31 alors que celui-ci ne figure pas à l’état descriptif de division de l’immeuble concerné ; que c’est vainement sur ce point que les notaires susvisés soutiennent que cette vente est intervenue sous la condition résolutoire de la création ultérieure de ce lot par l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble alors qu’il est interdit à un notaire d’authentifier un droit hypothétique ou conditionnel ; que ce manquement aux obligations et règles professionnelles du notaire a occasionné un préjudice réel et certain au SDC qui se voit continuellement sollicité par la SCI LABICHE de devoir accepter la création du lot n° 31 qu’elle affirme avoir régulièrement acquis et qui, par dépit devant le refus du SDC d’y consentir, vote systématiquement contre toutes les résolutions proposées par le syndicat des copropriétaires ; qu’en conséquence, la responsabilité de Maître Yann B… et de la SCP JAMAULT-MEROUR et QUEINNEC à l’égard du SDC sera engagée, infirmant en cela le jugement entrepris ; que le SDC sollicite sur ce fondement la condamnation des notaires susvisés au paiement de la somme de 29.104,46 arrêtée au 6 octobre 2005, représentant le montant des frais et honoraires qu’il a dû engager dans les procédures en cours, une fois déduits ceux relatifs au paiement des administrateurs provisoires et de l’expert judiciaire ; que l’évaluation de son préjudice telle qu’elle est faite par le SDC est justifiée et doit être approuvée ; qu’il convient en conséquence de condamner la SCP JAMAULT-MEROUR-QUEINNEC et en tant que de besoin Maître Yann B… à payer au SDC le montant de cette somme, sauf à parfaire ; que le désintérêt marqué par la société GENERALE IMMOBILIERE pour la surveillance du chantier, son absence de conseil à l’égard du SDC comme les manquements de la SCP JAMAULTMEROUR-QUEINNEC à son obligation de conseil et ceux de Monsieur Manuel C… à son obligation de diligence dans la surveillance et la conduite des travaux ont contribué au retard dans l’exécution des travaux ; que l’expert judiciaire à constaté l’existence de ce préjudice et en fait une évaluation pour chacun des copropriétaires concernés qu’il convient d’approuver et de retenir à hauteur de : pour les époux A…, 28.179,20 , pour Madame Simone X…, 19.710,48 , pour les époux Guy Z…, 15.884,80 , pour les époux Philippe Z…, 31.769,60 , pour Madame Danièle Y…, 26.307,84 , pour la SCI ESPACE DENVER, 35.887,68 , valeurs au 31 décembre 2006, sauf à parfaire ; que chacune des fautes commises par Monsieur Manuel C…, la société GENERALE IMMOBILIERE et la SCP JAMAULT-MEROUR-QUEINNEC a concouru à la réalisation de l’entier dommage subi par le SDC et les époux A…, Madame Simone X…, les époux Guy Z…, les époux Philippe Z…, Madame Danièle Y… et la SCI ESPACE DENVER ; considérant que la SCI ESPACE DENVER sollicite l’indemnisation de la perte locative qu’elle a subie entre le 1er avril 2002 et le 31 mai 2004 ; qu’elle justifie, au regard de l’état déplorable des parties communes de l’immeuble jonchées de gravats interdisant l’accès facile aux parties privatives, de l’existence d’odeurs nauséabondes, de l’absence de toute location de son lot privatif pendant la période concernée ; qu’il convient d’évaluer son préjudice à la somme de 10.000 , mise in solidum à la charge de Monsieur Manuel C…, la société GENERALE IMMOBILIERE et la SCP JAMAULT-MEROUR-QUEINNEC ;
1°) ALORS QUE les choses futures ou éventuelles peuvent faire l’objet d’une obligation ; qu’en jugeant, pour retenir la responsabilité de Monsieur Yann B…, qu’il aurait commis une faute en instrumentant la vente d’un lot n° 31 sous la condition résolutoire de sa création par l’assemblée générale des copropriétaires, dès lors qu’il serait « interdit à un notaire d’authentifier un droit hypothétique ou conditionnel » (arrêt page 9, al. 2), la Cour d’appel a violé l’article 1130 du Code civil ;
2°) ALORS QU’en toute hypothèse, un notaire ne peut être condamné à réparer un dommage que s’il existe un lien de causalité entre la faute qui lui est imputée et ce dommage ; qu’en condamnant la SCP JAMAULT-MEROUR-QUEINNEC et Monsieur Yann B… à indemniser la copropriété des frais et honoraires que celle-ci avait dû engager « dans les procédures en cours » (arrêt page 9, al. 4), à réparer les préjudices de jouissance subis par chacun des copropriétaires, dus « au retard dans l’exécution des travaux » (arrêt page 10 al. 1er) et le préjudice subi par la SCI ESPACE DENVER au titre des pertes locatives, conséquences de « l’état déplorable des parties communes de l’immeuble jonchées de gravats, interdisant l’accès facile aux parties privatives et de l’existence d’odeurs nauséabondes » (arrêt page 10, dernier al.), sans caractériser le lien existant entre les fautes qu’elle relevait à la charge du notaire (mauvaise répartition des charges d’ascenseur et rédaction d’un acte de vente portant notamment sur un lot non encore créé) et ces préjudices, liés à la mauvaise exécution des travaux de réhabilitation de l’immeuble, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
3°) ALORS QU’en toute hypothèse, l’exposant faisait valoir, dans ses conclusions d’appel qu’il aurait appartenu à la copropriété ou à tout copropriétaire de saisir le juge pour faire adopter judiciairement une autre grille de répartition des charges d’ascenseur s’ils estimaient inadéquate et préjudiciable la répartition actuelle, soulignant qu’il n’aurait, tout au plus, pu être tenu que d’indemniser la copropriété des frais et honoraires engagés dans une procédure destinée à faire fixer judiciairement la répartition des charges d’ascenseur mais que cette procédure n’avait jamais été mise en oeuvre (page 6, pénultième al. et page 9, al. 5 et 6) ; qu’en considérant que la mauvaise rédaction du règlement de copropriété quand à la répartition des charges avait été à l’origine des préjudices liés aux procédures en cours, de préjudices de jouissance ou d’un préjudices locatifs pour les copropriétaires, sans répondre à ce moyen péremptoire, la Cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l’arrêt d’AVOIR, rejetant l’appel en garantie formé par la société GENERALE IMMOBILIERE à l’encontre de la SCP JAMAULT-MEROUR-QUEINNEC et Monsieur Yann B…, omis de statuer sur la répartition finale de la charge de la dette dont ils avaient été reconnus coresponsables ;
ALORS QU’il incombe aux juges du fond, sur le recours en garantie dont ils peuvent se trouver saisis, de fixer la charge finale de la réparation entre co-obligés en considération de la gravité de leurs fautes respectives ; qu’en s’abstenant de fixer la contribution de la SCP JAMAULT-MEROUR-QUEINNEC et de la société GENERALE IMMOBILIERE à la dette dont ils avaient été considérés comme tenus in solidum, la Cour d’appel a violé l’article 1213 du Code civil.