CAA de PARIS, 6ème chambre, 07/07/2020, 19PA02001- 19PA02202, Inédit au recueil Lebon

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CAA de PARIS, 6ème chambre, 07/07/2020, 19PA02001- 19PA02202, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G… E… a demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 13 mars 2018 par laquelle la présidente du département de Paris lui a accordé le renouvellement de son agrément en qualité d’assistante maternelle pour deux accueils simultanés en ce qu’elle le restreint à ce qu’un des deux enfants accueillis sache monter et descendre les escaliers.

Par un jugement n° 1807381 du 19 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé la cette décision .

Procédure devant la Cour :

I – Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 20 juin 2019 et 18 mai 2010 sous le n°19PA02001, la ville de Paris, représentée par son maire en exercice, représentée par Me D…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 avril 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme E… ;

Elle soutient que :

– le tribunal a estimé, à tort, qu’aucun texte applicable n’interdisait la montée ou la descente d’escaliers par les enfants avec l’assistante maternelle alors que l’exigence de sécurité, notamment des accès, ressort de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles, du référentiel adopté par décret du 15 mars 2012 codifié à l’annexe 4-8 du code de l’action sociale et des familles et de l’article R. 421-3.3° du même code ;

– le jugement retient à tort l’existence d’une erreur d’appréciation alors qu’un appartement au troisième étage sans ascenseur ne garantit pas la sécurité de deux enfants, que de plus depuis ses précédents agréments Mme E… a eu un deuxième enfant que son jeune âge ne permet pas de considérer comme parfaitement autonome dans les escaliers, et que les diverses assistantes sociales et assistantes socio-éducatives ont toutes souligné ce risque ;

– le signataire de la décision attaquée justifiait d’une délégation régulière de compétence à cette fin ;

– la commission consultative n’a à être saisie, pour des modifications apportées à un agrément, que lorsqu’elles interviennent pendant la période de validité d’un agrément et non lors de la délivrance de celui-ci ou de son renouvellement ;

Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2019, Mme E…, représentée par Me A…, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d’enjoindre au président du conseil départemental de la ville de Paris de lui délivrer un agrément d’assistante maternelle ne comportant pas la restriction litigieuse dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

– la décision annulée était entachée d’incompétence faute de justification d’une délégation de signature à cette fin ;

– la décision a été prise sur le fondement de la décision du 13 mars 2015 qui est entachée d’irrégularité en raison d’une part, de l’absence de saisine de la commission consultative paritaire départementale, en méconnaissance des articles L. 421-6 et R. 421-23 du code de l’action sociale et des familles et d’autre part, de l’absence de motivation et de mention des voies et délais de recours ; la décision du 13 mars 2018 est illégale par voie de conséquence de celle du 13 mars 2015 ;

– la décision qu’elle a contestée est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

II – Par une requête enregistrée le 9 juillet 2019 sous le n°19PA02202 la Ville de Paris, représentée par son maire en exercice, représentée par Me D…, demande à la Cour d’ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1807381 du 19 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris.

Elle soutient que :

– les conditions posées par l’article R. 811-15 du code de justice administrative sont satisfaites dès lors qu’un moyen sérieux est de nature à justifier l’annulation du jugement et le rejet de la demande de première instance ;

– le tribunal s’est mépris sur la portée de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles et sur l’exigence croissante de sécurité des enfants ;

– le tribunal a à tort retenu l’existence d’une erreur d’appréciation ;

– la restriction apportée à l’agrément de Mme E… est proportionnée par rapport aux impératifs de sécurité.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

– le code de l’action sociale et des familles ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme H…,

– les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

– les observations de Me D… pour la ville de Paris,

– et les observations de Me C… pour Mme E….

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n°19PA02001 et 19PA02202 présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Exerçant les fonctions d’assistante maternelle depuis 1998, Mme E… avait été autorisée à l’occasion du renouvellement de son agrément le 28 mars 2003 à accueillir désormais à son domicile deux enfants simultanément. Cet agrément avait été renouvelé le 13 février 2008 puis le 7 janvier 2013. Elle avait toutefois interrompu son activité en juillet 2013, à l’occasion d’un congé maternité suivi d’un congé parental, avant de la reprendre en 2015. Par décision du 13 mars 2015, l’agrément en cours depuis le 9 mars 2013 avait été modifié en lui imposant désormais qu’un des deux enfants accueillis sache d’ores et déjà monter et descendre les escaliers. Le recours grâcieux formé par l’intéressée contre cette décision avait été implicitement rejeté. Invitée par courrier du 15 septembre 2017 à déposer une demande de renouvellement de son agrément, elle a, à nouveau, exprimé le souhait de pouvoir accueillir simultanément deux enfants sans restriction d’âge, mais, par décision du 13 mars 2018, le président du conseil général, tout en renouvelant son agrément, a maintenu la condition tenant à ce qu’un des deux enfants accueillis sache monter et descendre les escaliers. Mme E… a alors formé le 2 mai 2018 un recours gracieux, rejeté par décision du 24 septembre 2018. Elle a également saisi le Tribunal administratif de Paris qui, par jugement du 19 avril 2019, a annulé la décision attaquée. Par la requête enregistrée sous le n°19PA02001 la ville de Paris interjette appel de ce jugement dont elle sollicite par ailleurs le sursis à exécution par la requête n°19PA02202 ;

Sur la requête n°19PA02001 à fins d’annulation du jugement :

3. Aux termes de l’article L.421-3 du code de l’action sociale et des familles : « L’agrément nécessaire pour exercer la profession d’assistant maternel ou d’assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. /Un référentiel approuvé par décret en Conseil d’Etat fixe les critères d’agrément. /(….)L’agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d’accueil garantissent la sécurité, la santé et l’épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d’octroi ainsi que la durée de l’agrément sont définies par décret « . Aux termes de l’article R.421-3 du même code :  » Pour obtenir l’agrément d’assistant maternel ou d’assistant familial, le candidat doit :  » (….)3° Disposer d’un logement dont l’état, les dimensions, les conditions d’accès et l’environnement permettent d’assurer le bien-être et la sécurité des mineurs compte tenu du nombre et, s’agissant d’un candidat à l’agrément d’assistant maternel, de l’âge de ceux pour lesquels l’agrément est demandé  » ;

4. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d’un agrément ou son renouvellement sont subordonnés notamment à la condition que le logement dans lequel les enfants seront accueillis présente, y compris en ce qui concerne ses conditions d’accès, des garanties suffisantes pour leur sécurité.

5. Il ressort des pièces versées au dossier que l’appartement de Mme E…, dans lequel elle exerce son activité d’assistante maternelle, se situe au troisième étage sans ascenseur d’un immeuble ancien et que l’accès s’y fait par un escalier tournant, dont les marches sont plus étroites du côté de la rampe. Par ailleurs, il résulte également des attestations qu’elle produit elle-même qu’elle a l’habitude de sortir avec les enfants qui lui sont confiés. Si elle fait valoir qu’elle peut sortir de chez elle et y rentrer avec deux enfants ne maitrisant pas encore la montée et la descente d’escaliers sans danger pour eux ou pour elle-même grâce à l’usage simultané d’un maxi-cosi et d’un porte-bébé, qui lui permettent de garder une main libre pour se tenir à la rampe, une telle organisation, alors même qu’elle lui aurait été suggérée par des professionnels de l’enfance, comporte un risque évident de perte d’équilibre et de chute et représente en conséquence un danger pour les enfants et pour elle, qui est encore accru dès lors que, outre les deux bébés ainsi transportés, elle est susceptible d’avoir avec elle sa plus jeune fille, née en janvier 2014, et âgée par conséquent de seulement quatre ans lors de l’intervention de la décision attaquée. Enfin, l’usage du maxi-cosi, impossible pour un bébé de plus de six ou au maximum neuf mois, et d’un porte-bébé, guère utilisable lorsque l’enfant a plus d’un an, ne lui permet pas de disposer d’une solution viable lorsque les enfants qui lui sont confiés ont dépassé ces âges sans pour autant avoir atteint celui de savoir monter et descendre les escaliers. Le rapport de l’assistante socio-éducative du 18 février 2015, produit devant les premiers juges, indiquait d’ailleurs, à propos de l’usage simultané d’un maxi- cosi et d’un porte-bébé que  » cette solution parait insatisfaisante en termes de sécurité et de confort (tant pour les enfants que pour l’assistante maternelle)  » et se prononçait de ce fait en faveur de la restriction litigieuse, relative à l’âge d’un des enfants accueillis, de même que, de manière unanime, le rapport d’évaluation du 11 janvier 2019, celui du 21 août 2018 et de la commission de recours gracieux le 20 septembre 2018. Par ailleurs, si Mme E… produit plusieurs attestations de parents se déclarant pleinement satisfaits de lui avoir confié leurs enfants et faisant état de ce qu’aucun accident n’aurait eu lieu, de tels documents, à supposer même qu’ils permettent d’établir l’absence effective de tout accident, dont ils n’auraient d’ailleurs pas nécessairement été informés s’il n’avait pas concerné leur enfant, ne permettent pas d’établir que la situation ne comportait pas de risques, ni que des accidents ne pourraient se produire par la suite. Dès lors, et alors même que l’agrément lui avait été délivré antérieurement pour deux enfants sans restrictions relatives à leur âge, au demeurant pour une période où elle n’avait pas encore sa fille qu’elle est susceptible de devoir les cas échéant aider aussi dans les escaliers, la décision attaquée, qui est conforme à tous les avis émis lors des visites à domicile, n’est pas entachée d’erreur d’appréciation.

6. Il appartient à la Cour, saisie par l’effet d’évolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens présentés par Mme E… en première instance et en appel.

7. Mme E… soutient, en premier lieu, que la décision attaquée serait entachée d’incompétence dès lors que sa signataire ne justifierait pas d’une délégation régulière à cette fin. Toutefois la maire de Paris, présidente du conseil départemental de Paris, avait, par arrêté du 24 février 2016 publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 8 mars 2016, donné délégation de signature, dans le cadre de ses attributions, à Mme B… F…, attachée principale d’administration parisienne, chef du bureau de la protection maternelle et infantile. Or, il n’est ni contesté ni sérieusement contestable que les décisions relatives au renouvellement d’agrément d’une assistante maternelle entrent dans le cadre des attributions du chef du bureau de la protection maternelle et infantile. Le moyen manque dès lors en fait.

8. En deuxième lieu une décision à caractère individuel ne peut être contestée par la voie de l’exception d’illégalité, sauf si elle n’est pas devenue définitive. Or, à supposer même que la décision du 13 mars 2015 portant pour la première fois la restriction litigieuse à l’agrément de Mme E… n’ait pas été accompagnée de l’indication des voies et délais de recours, l’intéressée en a eu connaissance au plus tard à la date à laquelle elle a formé un recours gracieux à son encontre, soit le 31 mars 2015. Elle n’est ainsi pas recevable à exciper de l’illégalité de cette décision qui, en tout état de cause, n’a pas servi de fondement à la décision contestée, qui ne peut non plus être regardée comme ayant été prise pour son application.

9. Aux termes de l’article R.421-23 du code de l’action sociale et des familles :  » Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, d’y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l’article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. (….) « . Il ne résulte pas de ces dispositions que cette commission doive être consultée lorsque l’autorité administrative renouvelle à l’identique l’agrément de l’assistante maternelle, alors même qu’il a pour effet de maintenir une restriction que l’intéressée souhaiterait voir disparaitre. Par suite, à supposer que Mme E… doive être regardée comme ayant entendu invoquer le défaut de saisine de la commission consultative paritaire départementale à l’encontre non seulement de la décision du 12 mars 2015 mais aussi de la décision du 13 mars 2018, le moyen est inopérant à l’égard de celle-ci, cette décision se bornant à renouveler à l’identique l’agrément tel qu’il avait été modifié en 2015.

10. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir Mme E…, la décision attaquée n’est, ainsi qu’il a été dit au point 5, pas entachée d’erreur d’appréciation.

11. Enfin, elle ne peut faire utilement état ni de ses compétences comme assistante maternelle, qui ne sont aucunement mises en cause par une restriction exclusivement justifiée par les conditions d’accès à son logement, ni de ce que cette restriction risque de l’inciter à quitter son métier, cette circonstance étant sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la ville de Paris est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 mars 2018 renouvelant à l’identique l’agrément d’assistante maternelle de Mme E…. Elle est par suite fondée à en demander l’annulation ainsi que le rejet de la demande de première instance de Mme E… et de ses conclusions d’appel, y compris ses conclusions à fins d’injonction et celles présentées sur le fondement de l’article L761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 19PA02202 à fin de sursis à exécution du jugement :

13. La Cour, statuant au fond, par le présent arrêt, sur les conclusions de la requête à fin d’annulation du jugement, les conclusions de la ville de Paris à fins de sursis à exécution de ce jugement deviennent sans objet. Par suite, il n’y a plus lieu d’y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur la requête n° 19PA02202.

Article 2 : Le jugement n° 1807381 du 19 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme E… devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées en appel par Mme E… sont rejetées.

Article 5 : le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris et à Mme E….

Délibéré après l’audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :

– Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

– M. Niollet, président-assesseur,

– Mme H… premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.

Le rapporteur,

M-I. H…Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°s 19PA02001 – 19PA02202


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