Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. Benabdelkader Y…,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 4-10, en date du 2 juin 2014, qui, pour exercice illégal de la profession de taxi, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 500 euros d’amende ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 15 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller SCHNEIDER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 112-1 du code pénal, L. 3120-2, L. 3121-1, L. 3124-4 du code des transports, R. 231-1 du code du tourisme, défaut de motifs et base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Y… coupable du délit d’exercice illégal de la profession de taxi sans carte professionnelle valide, du délit d’exercice illégal de la profession de taxi sans autorisation de stationnement, et l’a condamné à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis et à 500 euros d’amende ;
» aux motifs que les faits sont établis par les constatations parfaitement régulières des procès-verbaux et tout particulièrement par les procès-verbaux de contrôle et d’interpellation des policiers du service de répression de la délinquance routière qui ont vu, chaque fois, M. Y… s’adresser à des passagers aux arrivées du terminal 1 de l’aéroport de Roissy, et conduire ces voyageurs jusqu’à son véhicule où il a été interpelé ; que celui-ci a admis qu’il n’était pas titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle et qu’il ne possédait pas davantage de carte professionnelle de conducteur de taxi ; que malgré ses allégations de réservations pour les clients qu’il s’apprêtait à transporter, il ne verse aucun document les établissant qui puisse contredire les constatations révélant qu’il les avait démarchés, constatations confortées par les déclarations de Mohamed Z…, pour ce qui concerne les faits du 6 janvier 2011 et de Jacqueline A…pour ce qui concerne les faits du 19 août 2011 ; que la licence, pour le transport intérieur de personnes par route, pour compte d’autrui, dont la société Euroways est titulaire, n’autorise le transport occasionnel de personnes qu’après commande préalable et délivrance d’un billet individuel ou collectif indiquant le nom des personnes transportées, leur destination et le prix du voyage quel que soit le lieu de prise en charge ; qu’en attendant la clientèle et en proposant ses services de transport aux passagers arrivants, M. Y… s’est livré de manière illégale à l’activité de taxi ; que l’infraction est caractérisée en tous ses éléments ;
» et aux motifs adoptés que le 6 janvier 2011, les fonctionnaires de police en mission de surveillance au terminal 1 de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle constataient qu’un individu abordait, dans le hall des arrivées, des passagers se rendant à une station de taxis ; qu’il s’adressait notamment à un groupe de trois personnes avec qui il se dirigeait ensuite vers les ascenseurs permettant d’accéder au parking du terminal ; que les fonctionnaires de police procédaient à la sortie du parking au contrôle du véhicule immatriculé 968 RGS 75 conduit par l’individu et dans lequel se trouvaient les passagers abordés ; que le conducteur présentait une carte d’identité au nom de M. Y… Benabdelkader ainsi qu’une copie conforme d’une licence de transport intérieur de personnes par route appartenant à la société Euroways ; que l’un des passagers indiquait que le chauffeur s’était présenté à eux en employant les mots « taxi service » alors qu’ils cherchaient un moyen de transport pour se rendre à Paris ; que le prix du trajet était fixé à 80 euros ; que M. Y… indiquait n’être titulaire ni d’une carte professionnelle de conducteur de taxi, ni d’une autorisation de stationner, circuler et prendre en charge la clientèle sur la voie publique ; qu’il ajoutait, lors de son interpellation, qu’il était « réservé » par ses clients ; qu’il déclarait qu’il attendait un client dans le hall des arrivées et qu’il n’avait jamais abordé de passagers ; qu’il expliquait qu’un de ses clients l’avait appelé et lui avait demandé de venir chercher une famille au niveau du terminal 1 ; qu’il contestait s’être présenté comme un chauffeur de taxi, étant le gérant d’une société de transport de personnes et assurait disposer d’un billet collectif rempli au nom des passagers ; que, toutefois, la perquisition de son véhicule ne permettait pas de découvrir de billet collectif pour les trois passagers pris en charge ; que, le 19 août 2011, les fonctionnaires de police, de nouveau de surveillance au terminal 1 de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, observaient un individu aborder un groupe de trois personnes sortant du hall des arrivées puis se rendre vers les ascenseurs permettant d’accéder au parking du terminal ; que, dans le parking, cet individu indiquait au groupe de personnes l’emplacement d’un véhicule avec un chauffeur qui les prenait finalement en charge tandis que le premier individu repartait vers l’ascenseur de l’aérogare ; que le conducteur du véhicule intercepté à la sortie du parking indiquait travailler pour la société Euroways et que son employeur, M. Y…, lui avait donné pour instruction de prendre en charge ces trois clients pour la somme de 50 euros ; qu’il présentait la copie conforme d’une licence de transport intérieur de personnes par route appartenant à la société Euroways ainsi qu’un billet collectif de transport de personnes non renseigné ; que l’une des personnes prises en charge expliquait que l’individu qui était entré en contact avec elle à la sortie des douanes lui avait demandé si elle avait besoin d’un taxi et que le prix de la course pour la gare Saint-Lazare avait été fixé à 60 euros ; que M. Y… assurait n’avoir proposé qu’un transport en mini-van et non en taxi au prix fixe de 50 euros puis avoir ensuite appelé l’un de ses salariés pour prendre en charge les trois personnes et établir un billet collectif à leur nom ; qu’à l’audience du 25 octobre 2011, M. Y… a réitéré ses dénégations ; que, toutefois, il résulte des deux procédures jointes que le transport à bord des véhicules utilisés par la société Euroways dont le prévenu est le gérant de droit a été proposé oralement aux passagers sortant du hall des arrivées comme étant un service de taxi ; qu’en outre, concernant les faits du 6 janvier 2011, aucun billet collectif n’a été découvert à bord du véhicule par les fonctionnaires de police ayant procédé à sa perquisition alors que cette délivrance est obligatoire pour le transport occasionnel collectif de personnes par route ; que, concernant les faits du 19 août 2011, un billet collectif a été produit mais sans que ce dernier eut été renseigné alors que les clients étaient déjà montés à bord et que le véhicule s’apprêtait à sortir du parking ; qu’enfin, il ressort clairement des surveillances effectuées par les fonctionnaires de police que les clients ont été démarchés directement par M. Y… au niveau du hall des arrivées alors que seuls les taxis peuvent ainsi prendre en charge des personnes sur la voie publique, le transport de personnes par route nécessitant à l’inverse une commande ou réservation préalable ; que, par conséquent, il résulte des éléments du dossier et des débats qu’il convient de déclarer M. Y… coupable pour les faits qualifiés de : exercice illégal de l’activité de conducteur de taxi, absence de carte professionnelle en cours de validité, faits commis le 6 janvier 2011 à Roissy Charles de Gaulle, exercice illégal de l’activité de conducteur de taxi, absence de carte professionnelle en cours de validité, faits commis le 19 août 2011 à Roissy aéroport Charles de Gaulle, exercice illégal de la profession d’exploitant de taxi, absence d’autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle, faits commis le 19 août 2011 à Roissy aéroport Charles de Gaulle, et qu’il y a lieu d’entrer en voie de condamnation en prononçant à son encontre une peine d’emprisonnement entièrement assortie du sursis simple, ainsi qu’une peine d’amende ;
» 1°) alors que les lois pénales de fond plus douces s’appliquent aux faits commis avant leur entrée en vigueur ; que l’article L. 3124-4 du code des transports réprime deux infractions distinctes : « le fait d’effectuer à la demande et à titre onéreux le transport particulier de personnes et de bagages sans être titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle, ou d’exercer l’activité de conducteur de taxi sans être titulaire de la carte professionnelle en cours de validité » ; que la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 a modifié cette disposition qui ne réprime désormais plus que le fait « d’exercer l’activité d’exploitant taxi sans être titulaire de l’autorisation de stationnement » ; que cette nouvelle disposition qui abroge l’infraction d’exercice de l’activité de taxi sans être titulaire de la carte professionnelle, plus douce, s’applique aux faits commis antérieurement ; que l’application de cette nouvelle disposition plus douce prive de base légale l’arrêt qui a prononcé la condamnation du prévenu du chef d’exercice de l’activité de taxi sans être titulaire de la carte professionnelle ;
» 2°) alors que sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ; que les dispositions du code des transports prévoyant deux infractions distinctes sont divisibles ; que les dispositions nouvelles créées par le décret n° 2013-1251 du 27 septembre 2013 et par la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 répriment, au titre de l’infraction d’exercice de l’activité de taxi sans autorisation de stationnement, le démarchage de clients, notamment dans l’enceinte des aéroports, imposent un délai entre la commande du véhicule et la prise en charge du client ainsi que la justification de cette réservation par un support durable ; que ces dispositions nouvelles plus sévères ne peuvent pas rétroagir ; que l’article L. 3124-4 dans sa rédaction alors applicable, ne réprime donc que le fait d’effectuer le transport de particuliers « sans être titulaire de l’autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle » ; que les dispositions alors applicables délimitent l’exercice de l’activité de taxi à l’« attente de la clientèle » sans sanctionner le démarchage de clients dans l’enceinte des aéroports, réprimé seulement depuis la loi du 1er octobre 2014 ; qu’ayant exclusivement relevé des faits de démarchage de clients dans l’enceinte de l’aéroport, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé les éléments constitutifs de l’infraction, n’a pas justifié sa décision » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Y… a été déclaré coupable d’avoir les 6 et 19 août 2011, exercé l’activité de chauffeur de taxi, d’une part, sans être titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle et, d’autre part, sans être titulaire de la carte professionnelle en cours de validité ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d’exercice illégal de l’activité de taxi sans autorisation de stationnement, la cour d’appel faisant application de la loi ancienne, retient, par motifs propres et adoptés, que le prévenu, qui n’est pas titulaire de l’autorisation de stationnement prévue à l’article L. 3120-1 du code des transports, et qui n’a pas justifié d’une réservation préalable, était garé, en attente de voyageurs ;
Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que les faits poursuivis demeurent punissables par l’article L. 3120-2. II du code des transports dans sa rédaction issue de la loi du 1er octobre 2014 et qu’elle a caractérisé les faits de stationnement sans autorisation, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’ou il suit que le grief sera écarté ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 112-1 du code pénal, L. 3124-4 du code des transports modifié par la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur ;
Attendu que les dispositions d’une loi nouvelle s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;
Attendu que, pour déclarer M. Y… coupable d’exercice illégal de l’activité de taxi pour défaut de carte professionnelle, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu que la situation du prévenu n’a pas été examinée au regard de l’article L. 3124-4 du code des transports modifié par la loi du 1er octobre 2014 lequel ne reprend pas l’incrimination d’exercice illégal de l’activité de taxi pour défaut de carte professionnelle ;
D’où il suit que l’annulation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 2 juin 2014, mais en ses seules dispositions ayant déclaré le prévenu coupable d’exercice illégal de la profession de taxi pour défaut de carte professionnelle et relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de l’annulation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
ECLI:FR:CCASS:2015:CR04390