Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
– M. Henri X…,
– La société Résidence Isatis,
contre l’arrêt de la cour d’appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 14 juin 2011, qui, pour infractions au code de l’urbanisme, les a condamné à 3 000 euros d’amende, chacun, et a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, L.480-4, L. 480-5, L. 480-13 du code de l’urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a condamné M. X… et la société résidence Isatis à une peine d’amende de 3 000 euros, chacun, des chefs d’exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et modifiant l’état d’un immeuble dans un secteur sauvegardé, et ordonné la démolition de l’ouvrage litigieux et la remise en état des lieux dans un délai de six mois à compter du prononcé de la décision, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
« aux motifs que sur les infractions poursuivies, il n’est pas contesté que M. X… et la société Résidence Isatis ont exécuté des travaux sur un immeuble situé … et …, comprenant une « émergence » sur le toit destinée à accueillir le mécanisme d’un ascenseur afin de rendre le dernier étage accessible aux personnes handicapées ; que cet ouvrage en maçonnerie ne figurait pas au projet qui a fait l’objet d’un permis de construire le 28 mai 2007, et aucune autorisation n’a été délivrée par les bâtiments de France alors que l’immeuble est situé en secteur classé ; que ces faits constituent des infractions aux dispositions des articles L. 313-2, L. 480-4 et suivants du code de l’urbanisme ; que sur les sanctions applicables, M. X…, architecte et promoteur, n’ignorait pas les contraintes d’urbanisme qui pèsent sur tout acte de construction, et sur les ouvrages visibles de l’extérieur affectant un immeuble situé en secteur de sauvegarde en particulier ; qu’il était d’ailleurs en conflit avec l’architecte des bâtiments de France, et qu’il s’est délibérément abstenu de l’aviser et de solliciter son autorisation ; que ce comportement justifie une application stricte de la loi à l’égard des prévenus, et les peines d’amende prononcées par les premiers juges seront confirmées ; qu’il doit être observé que le moyen soulevé par la défense relatif à la non-observation des dispositions de l’article 480-5 du code de l’urbanisme ne constituent pas une exception de nullité de la procédure, mais une défense au fond ; que ce texte permet à la juridiction pénale, en cas de condamnation pour une infraction prévue à l’article L. 480-4, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, de statuer soit sur la mise en conformité des ouvrages avec les règlements ou l’autorisation, soit d’ordonner la démolition de ceux-ci ; qu’en l’espèce, contrairement à ce qui est soutenu par la défense, cette exigence procédurale a été respectée puisque l’autorité compétente a donné son avis exprès sur la démolition de « l’émergence » et la remise en état de la toiture de l’immeuble :
– dans le cadre de la procédure suivie en première instance par courrier, du 7 juillet 2009 adressé au procureur de la République par l’adjointe au maire et le chef du service départemental de l’architecture, – dans le cadre de la présente instance d’appel par courrier du maire d’Albi, adressé au président de la chambre des appels correctionnels le 6 avril 2011, ainsi que, par l’audition à l’audience des représentants de la mairie et du département ;
que cette mesure de restitution, qui ne constitue pas une peine complémentaire devra être assortie d’un délai et d’une astreinte à la charge de la société Résidence Isatis demandeur au permis de construire et bénéficiaire des travaux litigieux, en application de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme ;
1°) « alors que les mesures de démolition des ouvrages sont des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales ; qu’une situation cesse nécessairement d’être illicite lorsqu’elle est justifiée par la seule nécessité de se conformer à l’évolution des normes de construction ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que l’évolution des normes de construction des ascenseurs avait obligé les prévenus à modifier l’implantation de la machinerie de l’ascenseur prévu et installé conformément aux plans du permis de construire du 28 mai 2007, l’émergence sur le toit étant rendue nécessaire par l’implantation en hauteur de la machinerie ; qu’en prononçant néanmoins la mesure de démolition de l’ouvrage litigieux quand l’obligation de se conformer à l’évolution des normes de construction privait nécessairement la situation litigieuse de son caractère illicite, la cour d’appel a méconnu les textes visés au moyen et privé sa décision de base légale ;
2°) « alors qu’il résulte des articles L. 480-5 et L. 480-13 du code de l’urbanisme que lorsqu’une construction a été irrégulièrement édifiée sans être autorisée par un permis de construire, la délivrance ultérieure d’un autre permis, si elle ne fait pas disparaître l’infraction consommée, fait obstacle à une mesure de démolition de l’ouvrage ; qu’en ordonnant en l’espèce la démolition d’une émergence sur le toit non prévue par le permis de construire initial du 28 mai 2007, destinée à accueillir la machinerie d’un ascenseur prévu et installé conformément aux plans de ce permis, sans même rechercher si le permis modificatif du 20 mai 2010 obtenu par les prévenus pour procéder, d’une part, à la construction d’un « soleilhou » permettant d’intégrer l’émergence de l’ascenseur et, d’autre part, à la création d’un établissement recevant du public (ERP) au niveau du premier étage, imposant la présence d’un ascenseur afin de le rendre accessible aux personnes handicapées conformément aux articles R. 111-19 et suivants du code de la construction et de l’habitation, n’avait pas permis de régulariser la situation administrative de cet ouvrage, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et privé sa décision de base légale ;
3°) « alors que le droit au respect des biens protégé par l’article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 suppose que la démolition d’un ouvrage édifié en contravention avec les règles d’urbanisme ne puisse être ordonnée que si elle n’est pas manifestement disproportionnée au but légitime poursuivi ; qu’en ordonnant en l’espèce à titre de mesure de restitution la démolition de l’ouvrage litigieux et la remise en état des lieux sans même rechercher si la démolition de « l’émergence litigieuse », particulièrement peu visible de l’espace public comme le démontraient les photographies annexées au dossier et expressément invoquées par les prévenus, n’était pas manifestement disproportionnée, faute d’atteinte effective à l’architecture de l’immeuble et à l’esthétique du secteur sauvegardé d’Albi tel que protégé par les règles de l’urbanisme, la cour d’appel a méconnu les textes visés au moyen et privé sa décision de base légale » ;
Attendu qu’en ordonnant sous astreinte la remise en état des lieux, les juges, qui ont relevé que les prévenus s’étaient rendus coupables d’exécution de travaux sans permis de construire et modifiant l’état d’un immeuble dans un secteur sauvegardé, n’ont fait qu’user de la faculté que leur accorde l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, sans encourir les griefs du moyen, lequel, dès lors, ne peut qu’être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Mirguet conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;