CAA de PARIS, 4ème chambre, 19/01/2016, 14PA03588, Inédit au recueil Lebon

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CAA de PARIS, 4ème chambre, 19/01/2016, 14PA03588, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Thyssenkrupp a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), à la suite de la résiliation pour un motif d’intérêt général du lot n° 12 du marché lui confiant la construction, le transport sur site et l’installation d’un ascenseur à l’hôpital Fernand Widal, à lui verser les sommes de 12 292,82 euros TTC au titre des travaux de conception et de réalisation de cet équipement et de 3 180,24 euros au titre du gain manqué, assorties des intérêts moratoires à compter du 1er décembre 2012.

Par un jugement n° 1318311/3 du 10 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2014, la société Thyssenkrupp, représentée par

MeA…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 juin 2014 ;

2°) de condamner l’AP-HP à lui verser les sommes de 12 292,82 euros TTC au titre des travaux de conception et de réalisation de l’ascenseur, de 3 180,04 euros au titre de l’indemnisation du gain manqué, lesdites sommes étant assorties des intérêts moratoires au taux légal à compter du 1er décembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l’AP-HP la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les premiers juges ont commis une erreur de droit et de fait en considérant que la société Thyssenkrupp ne justifiait pas suffisamment de la réalité des travaux de fabrication de l’ascenseur ;

– les premiers juges ont commis une erreur de fait en considérant que la société Thyssenkrupp n’avait pas intégré la valeur vénale de l’ascenseur dans l’évaluation de son préjudice, ni démontré que cette valeur était nulle ;

– les premiers juges devaient accorder une indemnisation à la société Thyssenkrupp au titre du manque à gagner.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2015, l’AP-HP conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Thyssenkrupp une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Thyssenkrupp ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 novembre 2015, la clôture de l’instruction a été fixée au 1er décembre 2015.

Un mémoire en réplique présenté pour la société Thyssenkrupp a été enregistré le

27 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

– le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 dans sa version applicable en l’espèce ;

– le code des marchés publics ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de MmeB…,

– les conclusions de M. Cantié, rapporteur public,

– et les observations de Me Breton, avocat de l’AP-HP.

1. Considérant que, dans le cadre de l’opération d’humanisation et de mise en conformité du service de gérontologie  » Labrouste Gauthier  » de l’hôpital Fernand Widal, l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a confié à la société Thyssenkrupp, par un acte d’engagement notifié le 7 juillet 2006, reçu le 21 juillet suivant, le lot n° 12  » appareil élévateur  » destiné à construire, transporter sur site et installer un ascenseur pour un montant de 37 452,50 euros TTC ; qu’après avoir découvert de l’amiante sur les lieux, l’AP-HP a suspendu l’exécution de ce marché le

5 octobre 2006, avant de le résilier par une décision du 27 octobre 2010, en précisant que la poursuite de l’opération aurait nécessité d’importants travaux supplémentaires susceptibles d’entraîner un bouleversement de l’économie générale du contrat ; que, par une lettre du 14 décembre 2010, la société Thyssenkrupp a adressé à l’AP-HP un projet de décompte final pour un montant de 11 656,97 euros HT correspondant aux travaux effectués et l’a mise en demeure, les 13 mai et 3 août 2011, de procéder au règlement de cette somme ; que par un mémoire rectificatif du 11 janvier 2012, la société Thyssenkrupp a modifié ses demandes en sollicitant le versement de la somme de 12 292,82 euros TTC au titre des prestations effectuées et celle de 3 180,04 euros au titre du manque à gagner ; que le décompte final notifié par l’AP-HP a son cocontractant le 2 avril 2013 faisant apparaître un solde de 0 euros, la société Thyssenkrupp a refusé de le signer et a, par un mémoire en réclamation du 15 mai 2013, réitéré sa demande du 11 janvier 2012 ; que, par une décision du 24 juillet 2013, l’AP-HP a refusé de faire droit à cette demande ; que la société Thyssenkrupp fait régulièrement appel du jugement du 10 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’AP-HP à lui verser les sommes réclamées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 46 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 dans sa version applicable en l’espèce :  » 46.1. Il peut être mis fin à l’exécution des travaux faisant l’objet du marché, avant l’achèvement de ceux-ci par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d’effet. Le règlement du marché est fait alors selon les modalités prévues aux 3 et 4 de l’article 13, sous réserve des autres stipulations du présent article. Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l’entrepreneur a droit à être indemnisé, s’il y a lieu, du préjudice qu’il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de quarante cinq jours compté à partir de la notification du décompte général. 46.2. En cas de résiliation, il est procédé, l’entrepreneur ou ses ayants droit, tuteur, curateur ou syndic, dûment convoqués, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d’ouvrages exécutés, à l’inventaire des matériaux approvisionnés, ainsi qu’à l’inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations. L’établissement de ce procès-verbal emporte réception des ouvrages et parties d’ouvrages exécutés, avec effet de la date d’effet de la résiliation, tant pour le point de départ du délai de garantie défini à l’article 44 que pour le point de départ du délai prévu pour le règlement final du marché au 32 de l’article 13  » ;

En ce qui concerne la demande sollicitée au titre des prestations effectuées en application du marché :

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’aucun procès-verbal emportant réception de l’ascenseur n’a été dressé en application des dispositions du CCAG ; que si la société Thyssenkrupp, qui se borne à produire trois photographies de caisses fermées, non datées, en noir et blanc, sans indication de contenu et une facture, établie par la société Thyssenkrupp Elevator Manufacturing France, en décembre 2006, pour un montant total de 25 968,82 euros TTC correspondant à du matériel pour un ascenseur de taille standardisée de 630 kg pouvant accueillir huit personnes, soutient qu’elle a invité à plusieurs reprises l’AP-HP à venir constater l’existence de cet équipement, le silence de cette personne publique ne saurait valoir réception tacite de l’ouvrage ; qu’en tout état de cause, la société Thyssenkrupp n’établissant pas l’obsolescence du matériel qu’elle dit conserver depuis 2006, ni le fait que cet élévateur aurait été construit pour répondre uniquement aux besoins de l’hôpital Fernand Widal et serait, dès lors, insusceptible d’être vendu, elle ne peut être regardée comme établissant la réalité d’un préjudice et, par suite, n’est pas fondée à obtenir une indemnisation à ce titre ;

En ce qui concerne le manque à gagner :

4. Considérant que la société Thyssenkrupp demande à être indemnisée du manque à gagner résultant pour elle de la résiliation anticipée du marché, qu’elle chiffre à 3 180,04 euros ; que pour établir la réalité et l’étendue de ce préjudice, elle se borne à produire un tableau issu de ses documents comptables au titre de l’exercice 2014, certifié par le directeur administratif et financier de la société, qui mentionne une  » marge projet  » de 3 180,04 euros, sans indiquer si elle est nette ou brute ; que ce seul document ne saurait suffire à établir la réalité du manque à gagner que la société requérante allègue, alors que l’AP-HP a versé un acompte à la société Thyssenkrupp, le 21 octobre 2008, s’élevant à 14 981 euros TTC correspondant à 40 % du montant total du marché ;

5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’AP-HP, qui n’est pas la partie perdante, la somme réclamée par la société Thyssenkrupp sur le fondement des dispositions de l’article 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l’espèce, la société Thyssenkrupp versera à l’AP-HP une somme de 1 500 euros en application des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Thyssenkrupp est rejetée.

Article 2 : La société Thyssenkrupp versera la somme de 1 500 euros à l’AP-HP en application de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Thyssenkrupp et à l’AP-HP.

Délibéré après l’audience du 5 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

– M. Bernard Even, président de chambre,

– Mme Perrine Hamon, président assesseur,

– Mme Lorraine d’Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 janvier 2016.

Le rapporteur,

L. d’ARGENLIEULe président,

B. EVEN

Le greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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3

N° 14PA03588


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