Cour d’appel de Versailles, 2 novembre 2017, 15/054688

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Cour d’appel de Versailles, 2 novembre 2017, 15/054688

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

A. D. D.

EXPERTISE

RENVOI

AU 22/ 05/ 2018

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 02 NOVEMBRE 2017

R. G. No 15/ 05468

AFFAIRE :

Nouriddin X…

C/

SAS MK CC ETOILE L’intimée est la société MK CC Etoile, également dénommée « Starman Etoile SAS », société par actions simplifiée au capital de 4. 001. 000, 00 €, immatriculée au RCS de Paris sous le no537 443 764 et dont le siège social est sis 81, boulevard Gouvion-St-Cyr – 75848 Paris Cedex 17, venant aux droits de la société Lehwood Etoile SAS (RCS Paris no722 000 957), radiée le 31 janvier 2012,

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Hauts-de-Seine

No RG : 14-02195/ N

Copies exécutoires délivrées à :

la ASSOCIATION MORDANT FILIOR SERRE

la SELASU CARAVAGE AVOCATS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-SEINE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Nouriddin X…

SAS MK CC ETOILE L’intimée est la société MK CC Etoile, également dénommée « Starman Etoile SAS », société par actions simplifiée au capital de 4. 001. 000, 00 €, immatriculée au RCS de Paris sous le no537 443 764 et dont le siège social est sis 81, boulevard Gouvion-St-Cyr – 75848 Paris Cedex 17, venant aux droits de la société Lehwood Etoile SAS (RCS Paris no722 000 957), radiée le 31 janvier 2012,

SERVICE DES EXPERTISES (3 COPIES)

le : 3 Novembre 2017RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Nouriddin X…

comparant en personne, assisté de Me Matthieu ODIN de l’ASSOCIATION MORDANT FILIOR SERRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R105

APPELANT

****************

SAS MK CC ETOILE L’intimée est la société MK CC Etoile, également dénommée « Starman Etoile SAS », société par actions simplifiée au capital de 4. 001. 000, 00 €, immatriculée au RCS de Paris sous le no537 443 764 et dont le siège social est sis 81, boulevard Gouvion-St-Cyr – 75848 Paris Cedex 17, venant aux droits de la société Lehwood Etoile SAS (RCS Paris no722 000 957), radiée le 31 janvier 2012,

81, boulevard Gouvion-Saint-Cyr

Paris/ France

représentée par Me Pierre BREGOU de la SELASU CARAVAGE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0093

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-

SEINE

Centre de rattachement no9261

92026 Nanterre Cedex/ France

représentée par M. Maxime BIZEAU en vertu d’un pouvoir général

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe FLORES, Président chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,

M. X…, commis de restauration engagé par la société Lehwood Etoile SAS, aux droits de laquelle vient la société H Etoile (la société), selon contrat de travail du 4 octobre 2007, a été victime d’un accident le 5 juillet 2010. La déclaration d’accident du travail établie par son employeur précise : « Mr X…, alors qu’il apportait un plateau repas dans la chambre, a été plaqué au sol et malmené par des individus armés et cagoulés. Mr X…a été retenu dans la chambre pendant environ dix minutes avant l’arrivée de la police ». Le certificat médical initial établi le jour de l’accident par le docteur Pierre Y…fait état d’une « dépression après agression lors de son travail ».

Le 6 septembre 2010, la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels. L’état de santé de M. X…a été considéré comme consolidé le 30 mars 2012. Le 1er décembre 2012, M. X…a déclaré une rechute prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine par décision du 28 janvier 2013. A la suite de cette rechute, l’état de M. X…a été considéré comme consolidé le 16 juin 2013 avec un taux d’incapacité permanente partielle de 7 % pour des « séquelles psychologiques post agression, caractérisées par syndrome d’anxiété post traumatique modéré, sur état indépendant. Séquelles ayant un retentissement professionnel ». M. X…a également déclaré une rechute le 6 août 2013, qui a fait l’objet d’un refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Le 31 janvier 2014, M. X…a saisi la caisse d’une tentative amiable de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Le 14 août 2014, en l’absence de réponse de son employeur, la caisse l’a informé ne pouvoir donner suite à sa demande.

Par requête déposée le 16 octobre 2014, M. X…a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine afin de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur à la suite de l’accident de travail du 5 juillet 2010.

M. X…a demandé au tribunal :

– de constater, dire et juger, que l’accident dont il a été victime, le 5 juillet 2010, résulte de la faute inexcusable de l’employeur,

avant dire droit, sur la liquidation du préjudice de la victime,

– d’ordonner une expertise médicale

La société a demandé au tribunal :

– de dire et juger que M. X…ne rapporte pas la preuve d’une faute inexcusable de son

employeur,

en conséquence,

– de débouter M. X…de l’ensemble de ses demandes.

La caisse a demandé au tribunal :

– de prendre acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur le mérite de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable présentée par M. X…en application de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale,

dans le cas où le tribunal reconnaîtrait la faute inexcusable de l’employeur :

– de donner acte à la concluante de ce qu’elle s’en remet à la sagesse du tribunal sur la majoration de l’indemnité en capital et de ce qu’elle se réserve le droit de discuter le cas échéant, le principe et le quantum correspondant à la réparation des préjudices personnels, lesquels ne devront pas excéder les montants ordinairement alloués par les juridictions de droit commun,

– de dire et juger que les sommes attribuées au bénéficiaire (majoration de l’indemnité en capital et indemnités de préjudice par le tribunal conformément aux dispositions des articles L. 454-2 et 452-3 du code de la sécurité sociale seront avancées par la caisse, à charge pour elle d’en récupérer le montant auprès de l’employeur, la société Mk Cc Etoile, également dénommée « Starman Etoile Sas » venant aux droits de la société Lehwood Etoile Sas.

Par jugement du 9 novembre 2015, notifié le 23 novembre 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine a débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes.

Le 7 décembre 2015, M. X…a relevé appel de cette décision.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, M. X…demande à la cour l’infirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu le 9 novembre 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine. Il réitère ses conclusions de première instance et porte la demande de condamnation au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur de 5. 000 euros.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, la société H Etoile demande à la cour de confirmer le jugement du 9 novembre 2015 en toutes ses dispositions.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine demande à la cour de dire et juger qu’elle bénéficie de plein droit d’une action récursoire contre l’employeur.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la faute inexcusable de l’employeur :

M. X…affirme que la société ne pouvait ignorer le risque d’agression pesant sur son personnel, compte tenu de la clientèle d’affaires et de touristes étrangers fortunés de l’hôtel d’une part, et du caractère récurrent des vols ou de tentatives de vols avec violence dans ce type d’établissement d’autre part. Il ajoute que la présence d’un système de sécurité et de vidéo surveillance démontre la conscience du risque par l’employeur, risque confirmé par M. C…, agent de sécurité, ayant déclaré aux enquêteurs qu’il était fréquent que des individus indésirables pénètrent dans l’hôtel. Il soutient qu’à la date de l’accident, l’ensemble du personnel de nuit de l’hôtel avait reçu pour instruction de surveiller les occupants de la suite no5091 en raison de leur caractère suspect, de leur signalement pour prostitution, et de précédents problèmes de sécurité dans d’autres établissements hôteliers en leur présence. Le salarié affirme que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le personnel de nuit du risque d’agression existant dans l’établissement. Il a été établi par l’enquête de police que les quatre auteurs de l’agression ont pu, en dépit du fait qu’ils n’étaient pas clients de l’hôtel et d’un comportement jugé suspect par les agents de sécurité, pénétrer dans l’hôtel en deux groupes successifs, traverser le hall de l’hôtel, gagner l’ascenseur, se regrouper au cinquième étage, perpétrer l’agression et quitter l’hôtel par une issue de secours.

La société intimée considère que la jurisprudence n’admet, en cas d’agression par une tierce personne, événement imprévisible et irrésistible par nature, l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur que dans des circonstances particulières desquelles il ressort une connaissance notoire du risque encouru. Au cas d’espèce, il ne ressort pas des éléments de l’enquête que les braquages étaient récurrents au sein de l’hôtel, de sorte que l’employeur pouvait avoir une connaissance raisonnable de ce risque ; l’attention de l’employeur avait été appelée sur des éventuels risques de dégradation de matériel des occupants de la chambre et non d’une potentielle agression de la part d’une personne étrangère. M. Z…, occupant de la chambre, avait déjà séjourné dans l’hôtel sans qu’aucun événement particulier ne se soit produit. Il n’est pas démontré par le salarié que l’employeur avait connaissance de la prétendue agression qui se serait déroulée à l’hôtel Méridien Montparnasse il y a quelques années, étant précisé que ces deux hôtels n’ont aucun lien juridique et partagent uniquement la même enseigne. L’intimée ajoute que l’obligation de sécurité de l’employeur ne peut que concerner que les conditions de travail dont il a la maîtrise, l’intervention fortuite de malfaiteurs déterminés et armés étant imprévisible. Le salarié ne saurait prétendre que ni la surveillance physique, ni la vidéo-surveillance de l’hôtel n’aurait permis de surveiller les couloirs et ainsi empêcher l’agression, ou que l’installation d’un système de vidéo surveillance plus performant aurait permis d’identifier les agresseurs et donc d’empêcher le salarié de se rendre dans les étages et ainsi dans la suite de l’hôtel.

La caisse s’en rapporte sur l’existence d’une faute inexcusable de la société, et précise souhaiter se réserver le droit de discuter le principe et le montant de la réparation des préjudices personnels à l’issue des opérations d’expertise. Elle demande également à la cour de juger qu’elle bénéficie d’une action récursoire contre l’employeur.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. L’appréciation de la conscience du danger relève de l’examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l’activité du salarié ou du non-respect des règlements de sécurité. La preuve de la faute inexcusable de l’employeur incombe au salarié.

Il résulte du procès-verbal de synthèse établi par les services de police à la suite des faits dont a notamment été victime M. X…, que l’hôtel, alors exploité sous l’enseigne le Méridien Etoile, comptait mille-vingt-cinq chambres et environ six-cent-cinquante salariés. La prévention des risques contre l’intrusion de personnes indésirables reposait sur un contrôle physique réalisé par des vigiles à l’entrée de l’hôtel et sur un système de sécurisation des ascenseurs, unique moyen d’accéder aux chambres, nécessitant soit la détention d’un badge magnétique, soit l’appel d’un technicien. Le système de vidéo-surveillance était limité à des caméras dont le champ ne couvrait que les entrées de l’hôtel et les ascenseurs.

Le 5 juillet 2010, vers 4 heures, quatre individus armés ont pénétré dans la chambre 5091/ 5092, avant de molester et voler les occupants. Alors que le vol était en cours, M. X…et M. A…, qui assuraient le  » room service « , ont frappé à la porte de la chambre 5092 afin de livrer la commande qui avait été faite par les occupants. M. X…a été menacé par un individu armé, contraint de rentrer de la chambre et frappé. Les agresseurs ont tenté de l’enfermer dans un placard avant de s’enfuir. Les occupants de la chambre ont également été molestés et dépouillés de valeurs et d’objets.

Il résulte du procès-verbal et des auditions de témoins réalisés par les service de police à la suite de l’agression que le système de sécurité des ascenseurs ne fonctionnait pas depuis plusieurs jours (auditions de M. B…, M. C…, M. D…et de M. E…), ce qui a permis aux agresseurs de d’accéder aux étages de l’hôtel et de circuler librement. Si des vigiles ont bien repéré des individus suspects, en ce qu’ils ne correspondaient pas au profil habituel des clients de cet hôtel quatre étoiles (audition de M. E…), ces soupçons n’ont en rien empêché l’accomplissement du forfait puisque, après avoir perdu de vue les individus en question, qui n’étaient plus dans le champ des caméras de surveillance et n’ont pas été retrouvés dans les étages, l’agent de sécurité est retourné à son poste. Dans la mesure où l’employeur savait que des indésirables pénétraient régulièrement dans l’hôtel, où des vols avaient déjà eu lieu et que le système de sécurité des ascenseurs était le seul moyen pour empêcher les intrus de pénétrer dans les étages, le risque résultant de la défaillance de ce système de sécurité ne pouvait être ignoré.

Il apparaît également que la personnalité des occupants de la chambre 5091/ 5092, connus pour s’adonner à la prostitution, signalés comme ayant commis des dégradations dans d’autres établissements (audition de M. B…) et dont la photographie de certains d’entre-eux était affichée dans les locaux (audition de M. B…et de M. E…), avait suscité des interrogations de la part de l’hôtel dans la mesure où ils ne semblaient pas correspondre avec les données de la réservation (audition de M. C…et de M. D…). Une instruction de vigilance particulière avait été donnée au personnel. Pour autant, l’employeur ne justifie d’aucune autre mesure de prévention. L’enquête de police a d’ailleurs relevé que l’un des occupants de la chambre était déjà venus le mois précédent dans les mêmes conditions de réservation. Or, ce sont les occupants de cette chambre qui ont été la cible de l’attaque à main armée.

Il résulte de l’ensemble de ces faits que, sans la défaillance du système de sécurisation des ascenseurs, les agresseurs n’auraient pas pu circuler librement dans l’hôtel pour aller commettre leur forfait. La mise hors service de ce système remontant à plusieurs jours et l’employeur ne justifiant d’aucune démarche pour pallier cette faille de sécurité et mettre en place des mesures alternatives susceptibles d’y remédier efficacement, les faits d’agression ne peuvent être regardés

comme étant irrésistibles. Ils ne sont pas davantage imprévisibles, dans la mesure où des indésirables circulaient fréquemment dans les lieux, que des vols avaient déjà eu lieu, que les occupants de la chambre objet de l’attaque étaient identifiés comme ne correspondant pas à la réservation réalisée et que le système d’accès aux ascenseurs était la seule barrière de sécurité de nature à empêcher des personnes étrangères à l’hôtel de circuler dans les étages. L’employeur ne pouvait ignorer que la convoitise que suscite la clientèle d’un hôtel de luxe est de nature à amener des personnes indésirables à tenter de s’introduire dans l’hôtel. Il ne pouvait donc échapper à l’employeur que son inertie pendant plusieurs jours face à l’absence de fonctionnement du système d’accès aux ascenseurs augmentait les risques de commission d’infractions dans les chambres et facilitait en outre l’action des malfaiteurs éventuels. Le risque augmentait à mesure que durait le dysfonctionnement. L’examen des enregistrements vidéos par la police a d’ailleurs révélé que le premier groupe de deux malfaiteurs s’était dirigé sans hésitation vers les ascenseurs, avant d’appuyer sur le bouton d’appel. Le second groupe de deux malfaiteurs, arrivé sur les lieux huit minutes plus tard, a agi de la même façon. Or, bien que repérés et considérés comme suspects, aucune mesure particulière n’a été entreprise pour prévenir une quelconque action fâcheuse de leur part.

Il en découle que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient exposés l’ensemble des usagers de l’hôtel, clients ou salariés et qu’il n’a pris aucune mesure susceptible de pallier la défaillance de la sécurisation des ascenseurs.

C’est à tort que le tribunal des affaires de sécurité sociale a retenu que la chambre était un espace sous la responsabilité exclusive du client qui conservait le droit d’y recevoir les personnes de son choix. En effet, si le client a droit au respect de sa vie privée, il n’en demeure pas moins que l’employeur qui fait travailler des salariés au contact de la clientèle n’est pas exonéré de son obligation de sécurité. De surcroît, il convient de souligner surabondamment, d’une part, que les occupants de la chambre, dont l’un d’entre-eux a reconnu exercer une activité  » d’escort boy  » et venir régulièrement à cette fin dans l’hôtel, avaient été signalés par la direction comme des personnes appelant une surveillance renforcée en raison des troubles qu’ils pouvaient créer et du fait qu’ils ne paraissaient pas correspondre à la réservation, de sorte que l’employeur ne peut pas ensuite considérer qu’il ne saurait répondre des incidents survenus entre ces usagers de l’hôtel et les salariés qui ont assuré le  » room service « , d’autre part, que la présence des agresseurs n’étaient pas souhaitée par les occupants de la chambre dont ils avaient forcé la porte.

Le fait que le salarié ait éventuellement accompagné son collègue M. A…, par pure curiosité, pour assurer le  » room service  » n’a aucune incidence sur la cause dans la mesure où il a agi dans le cadre et le temps de son travail pour effectuer une tâche pour le compte de l’employeur et ne pouvait avoir connaissance de la présence de malfaiteurs dans cette chambre à la suite de la défaillance du système de sécurisation des ascenseurs.

Il convient donc de retenir la faute inexcusable de l’employeur et d’infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale en toutes ses dispositions.

Sur les conséquences de la faute inexcusable de l’employeur :

En vertu des articles L 452-1, L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime a droit à une indemnisation complémentaire soit une majoration du taux de la rente ou du capital versée et la réparation des préjudices visés par l’article L 452-3 (souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d’agrément, perte ou diminution des possibilités de promotion). Dans une décision du 18 juin 2010 (no 2010-8 QPC), le Conseil constitutionnel a précisé qu’indépendamment de cette majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l’employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Il résulte de la combinaison des articles L. 451-1, L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-4 du Code de la sécurité sociale que la victime ou ses ayants droit ne peuvent agir en reconnaissance d’une faute inexcusable que contre l’employeur, quel que soit l’auteur de la faute, et que le versement des indemnités est à la charge exclusive de la caisse primaire d’assurance maladie, laquelle n’a de recours que contre la personne qui a la qualité d’employeur. En conséquence, les demandes de provisions du salarié dirigées contre l’employeur et non contre la caisse seront rejetées.

Au vu de la situation il convient d’ordonner la majoration de l’indemnité a capital au taux maximum.

Par ailleurs, il convient d’ordonner une mesure d’expertise afin d’évaluer les préjudices visés par l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale et ceux qui ne sont pas pris en charge par ce code, y compris de manière forfaitaire.

Sur les mesures accessoires :

L’équité commande l’allocation à M. X…d’une somme de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par décision contradictoire.

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau.

Dit que l’accident du travail dont M. X…a été victime le 5 juillet 2010 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société Lehwood Etoile SAS, aux droits de laquelle vient la société MK CC Etoile.

Ordonne la majoration au taux maximum de l’indemnité a capital.

Dit que les sommes attribuées au bénéficiaire, conformément aux dispositions des articles L. 454-2 et 452-3 du code de la sécurité sociale, seront avancées par la caisse, à charge pour elle d’en récupérer le montant auprès de l’employeur, la société H Etoile.

Rejette les demandes de provision dirigées contre la société H Etoile.

Avant dire droit sur l’appréciation des préjudices de M. X…résultant de l’accident du travail dont il a été victime le 5 mars 2010, ordonne une mesure d’expertise médicale et désigne à cette fin le Docteur Michèle F…, …-tél 01-…- portable 06-…, lequel aura pour mission de :

– convoquer les parties qui lui remettront tous documents utiles qui seront annexés à son rapport,

– déterminer les postes de préjudices suivants :

– souffrances physiques et morales endurées,

– préjudice esthétique,

– préjudice d’agrément,

– perte de change de promotion professionnelle,

– préjudice sexuel,

– l’éventuel besoin d’assistance d’une tierce personne (qualification, nombre d’heures par jour ou semaine, durée) avant consolidation,

– le déficit personnel temporaire,

– le cas échéant les frais d’aménagement du logement ou du véhicule,

Dit que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix dans une spécialité différente de la sienne.

Dit que l’expert établira un pré-rapport qui devra être communiqué aux parties, lesquelles disposeront alors d’un délai de deux semaines pour faire connaître leurs observations.

Dit qu’à l’expiration de ce délai, l’expert devra établir et déposer son rapport définitif au service des expertises de la cour dans un délai de telle sorte qu’il ne se soit pas écoulé plus de cinq mois depuis l’acceptation de sa mission et le notifier à chaque partie.

Dit que de manière générale, l’expert devra se conformer aux dispositions du code de procédure civile pour le déroulement des opérations d’expertise.

Dit que M. X…devra consigner au greffe de la cour la somme de six cents euros (600 euros) à valoir sur la rémunération de l’expert dans le délai de quatre mois du présent arrêt.

Dit qu’à défaut de consignation dans le délai imparti et sauf autorisation dûment sollicitée, la désignation de l’expert sera caduque et que l’affaire sera rappelée à l’audience pour y être jugée.

Dit que l’expert devra déposer son rapport dans le délai de cinq mois à compter de sa saisine sauf prorogation de délai préalablement sollicité.

Désigne M. Flores, président de chambre, en qualité de magistrat chargé du suivi des opérations d’expertise.

Condamne la société H Etoile à payer à M. X…la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Renvoie l’examen de cette affaire à l’audience de la cour, 21ème chambre, du MARDI 22 MAI 2017 à 14 heures, Salle d’audience numéro 3 rez de chaussée

5 rue Carnot à 78000- Versailles

Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à cette audience.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président, et par Madame POIRIER, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


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