Licence Lustucru : 3 millions de redevances publicitaires récupérées
Licence Lustucru : 3 millions de redevances publicitaires récupérées

La société Lustucru qui avait concédé une licence de sa marque pour exploiter une gamme d’oeufs de poule a obtenu près de 3 millions d’euros au titre de redevances de publicité non payées par son licencié.

Lustucru c/ Ovalis

La S.A.S. Ovalis, spécialisée dans les achats et les ventes de produits agricoles, a conclu un contrat de licence et de collaboration avec les S.A.S. Lustucru riz et Lustucru frais (les sociétés Lustucru).

Elles ont concédé à la société Ovalis le droit exclusif d’utiliser sa marque pour la commercialisation d’oeufs de poule contre le versement de redevances.

Par acte du 10 février 2020, les sociétés Lustucru ont assigné la société Ovalis en paiement et en indemnisation devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement, le tribunal de commerce a condamné la société Ovalis à payer aux sociétés Lustucru la somme de 2 877 654 € au titre des redevances de publicité dues par la société Ovalis.

Arrêt de l’exécution provisoire  

L’arrêt de l’exécution provisoire de cette décision n’a pas été ordonné.

L’article 514-3 du Code de procédure civile dispose dans son alinéa 1er que «En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.» ;

Aux termes de l’alinéa 2 de ce texte, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire présentée par la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.  

La société Ovalis est restée silencieuse sur l’exécution provisoire et ses conséquences devant le tribunal de commerce. Elle n’a fait état que d’éléments financiers parcellaires, au regard même de l’absence de production des comptes et bilans d’ores et déjà réalisés et en l’état du caractère particulièrement fructueux des saisies-attribution réalisées par la société Lustucru.

Or, pour être recevable à solliciter l’exécution provisoire, la personne condamnée doit caractériser la révélation depuis la décision rendue par cette juridiction de conséquences manifestement excessives, conséquences sur lesquelles elle devait se trouver dans l’incapacité de les faire valoir en première instance.

Compétence du premier président

S’agissant de ce risque de conséquences manifestement excessives, il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement de l’intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur.

Le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d’une condamnation au paiement d’une somme d’argent, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible pour la partie contrainte par l’exécution provisoire ; elle a la charge de la preuve d’un tel risque.

R É P U B L I Q U E  F R A N Ç A I S E
_________________________
 
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
 
 
COUR D’APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DE REFERE
DU 26 Octobre 2022
 
N° R.G. Cour : N° RG 22/00157 –��N° Portalis DBVX-V-B7G-OMPV
 
DEMANDERESSE :
 
S.A.S.U. OVALIS
 
[Adresse 4]
 
[Localité 3]
 
avocat postulant : Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON
 
(toque 215)
 
avocat plaidant : Me Guillaume DARDE, avocat au barreau de GRASSE
 
DEFENDERESSES :
 
S.A.S. LUSTUCRU RIZ
 
[Adresse 1]
 
[Localité 2]
 
avocat postulant : SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)
 
avocat plaidant : Me Antoine DE BROSSES, avocat au barreau de PARIS
 
S.A.S. LUSTUCRU FRAIS
 
[Adresse 1]
 
[Localité 2]
 
avocat postulant : SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)
 
avocat plaidant : Me Antoine DE BROSSES, avocat au barreau de PARIS
 
DEBATS : audience publique du 03 Octobre 2022 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d’appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 1er septembre 2022, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.
 
L’affaire a été mise en délibéré au 24 Octobre 2022
 
Prorogé au 26 Octobre 2022
 
Les parties ayant été avisées
 
ORDONNANCE : contradictoire
 
prononcée publiquement le 26 Octobre 2022 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
 
signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
EXPOSE DU LITIGE
 
La S.A.S. Ovalis, spécialisée dans les achats et les ventes de produits agricoles, a conclu un contrat de licence et de collaboration avec les S.A.S. Lustucru riz et Lustucru frais (les sociétés Lustucru). Elles ont concédé à la société Ovalis le droit exclusif d’utiliser sa marque pour la commercialisation d’oeufs de poule contre le versement de redevances.
 
Par acte du 10 février 2020, les sociétés Lustucru ont assigné la société Ovalis en paiement et en indemnisation devant le tribunal de commerce de Lyon.
 
Par jugement contradictoire du 13 avril 2022, ce tribunal de commerce a notamment condamné la société Ovalis à payer aux sociétés Lustucru :
 
— la somme de 2 877 654 € au titre des redevances de publicité dues par la société Ovalis pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2020 inclus, somme à actualiser du montant des sommes dues non versées au jour du jugement et avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2019, date de la mise en demeure adressée à la société Ovalis,
 
— la somme de 33 204 € au titre de la perte de chance, montant à actualiser au jour du jugement à intervenir,
 
— la somme de 10 000 € à titre d’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
 
La société Ovalis a interjeté appel de cette décision le 14 juin 2022.
 
Par assignation délivrée le 23 juin 2022 aux sociétés Lustucru, la société Ovalis a saisi le premier président afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire et la condamnation des sociétés Lustucru aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
 
A l’audience du 3 octobre 2022 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s’en sont remises à leurs écritures, qu’elles ont soutenues oralement.
 
Dans son assignation, la société Ovalis soutient l’existence de moyens sérieux de réformation du jugement concernant notamment le paiement des redevances.
 
Elle affirme que les sociétés Lustucru n’ont émis aucune facture au titre de la redevance de publicité de 2013 à 2019 et qu’elles ont accepté tacitement des changements quant à la stratégie marketing et publicitaire notamment par rapport à l’investissement dans les nouveaux instruments promotionnels.
 
Elle fait état de l’attestation du 29 septembre 2015 dans laquelle les sociétés Lustucru ont reconnu que la société Ovalis était à jour du paiement des redevances.
 
Elle observe que cet investissement a entraîné la non-facturation de la redevance annuelle de publicité étant donné qu’il a largement compensé le coût des redevances.
 
Elle souligne par ailleurs que les sociétés Lustucru refusent de communiquer des extraits de leurs comptes pour que l’absence de ligne sur les redevances de publicité ne puisse pas être constatée.
 
Elle affirme que les juges de première instance n’ont pas pris en compte les effets des investissements de la société Ovalis et de son positionnement sur le segment alternatif au bénéfice exclusif des sociétés Lustucru. Elle considère que les sociétés Lustucru ne démontrent aucun préjudice financier.
 
Elle fait valoir l’impact de la crise de grippe aviaire depuis mars 2022 sur sa situation financière. Elle assure que l’exécution provisoire de la décision entraînerait un état de cessation des paiements.
 
Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 3 octobre 2022, les sociétés Lustucru s’opposent à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire et sollicitent la condamnation de la société Ovalis à leur verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
 
Elles soutiennent l’absence de moyens sérieux de réformation en ce que la société Ovalis se contente de reprendre ses moyens soutenus devant le tribunal de commerce alors que cette juridiction s’est référée à juste titre au seul contrat.
 
Elles affirment qu’un moyen sérieux de réformation est celui qui démontre que le premier juge a statué en violation manifeste d’un principe fondamental de procédure ou d’une règle de droit sans contestation sérieuse sur le fond.
 
Elles considèrent que l’argument de la société Ovalis fondé sur une attestation dressée le 29 septembre 2015 par la société Lustucru frais n’est pas sérieux car elle ne porte pas sur les paiements qu’elle a effectués postérieurement à sa date. Elles contestent l’existence d’un accord sur une dispense de règlement de la redevance de publicité et le caractère erroné du quantum de la condamnation prononcée.
 
Elles s’opposent à l’argumentation adverse portant sur la détermination du montant des redevances et concernant l’imputation de certaines dépenses sur les redevances de publicité. Elles considèrent de même que le tribunal n’a violé aucune règle de droit en matière de prescription et que s’agissant de l’indemnisation de son préjudice consécutif à sa perte de chance, il a retenu la certitude de cette perte.
 
Elles indiquent en outre que la société Ovalis est mal fondée à invoquer au titre de ses moyens de réformation un manque de loyauté devant les premiers juges à raison de l’absence de production de leurs grands livres.
 
Elles observent au visa de l’article 514-3 du Code de procédure civile qu’aucune conséquence manifestement excessive révélée postérieurement au jugement du tribunal de commerce n’est démontrée, car la grippe aviaire a été déclarée antérieurement et alors que la nécessaire ouverture d’une procédure collective n’est pas certaine et n’est pas constitutive en tout état de cause d’une conséquence irréversible.
 
Elles relèvent que la situation financière de la société Ovalis s’est manifestement améliorée durant l’été 2022 et qu’elle contredit son affirmation d’une incapacité financière d’exécuter le jugement du tribunal de commerce. Elles estiment que la société Ovalis n’est pas fondée à se prévaloir d’un risque de cessation des paiements et des effets des saisies-attribution engagées en exécution de la décision dont appel, sans produire d’élément justificatif chiffré et ajoutent qu’elle n’explique en quoi cet état de cessation des paiements entraînerait des conséquences irréversibles.
 
Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 30 septembre 2022, la société Ovalis maintient les demandes contenues dans son assignation et sollicite le débouté des demandes adverses.
 
Elle soutient l’existence de conséquences manifestement excessives révélées depuis la décision du tribunal de commerce constituées des conséquences récentes de la grippe aviaire qu’elle continue à subir.
 
Elle réplique à ses adversaires en maintenant établir des chances sérieuses de réformation, notamment sur la prescription et en ce que le tribunal de commerce a pris en compte pour le calcul de l’indemnisation de la perte de chances des redevances sur l’année 2015 dans son intégralité alors qu’il avait retenu leur prescription.
 
Elle ajoute que les saisies-attribution récemment mises en place sur ses comptes bancaires comme auprès d’un client sensible l’ont privée de ses seules ressources économiques.
 
Sur interrogation du délégué du premier président au regard de l’invocation des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 514-3 du Code de procédure civile et de l’absence d’observations de la société Ovalis sur l’exécution provisoire devant les premiers juges, les sociétés Lustucru ont alors indiqué soulever l’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
 
Au regard des saisies-attribution lancées par les sociétés Lustucru et de leur caractère fructueux, il a été demandé à la société Ovalis, dans le cadre de notes en délibéré autorisées, de justifier de la saisine du juge de l’exécution en contestation de ces mesures d’exécution forcée, correspondant aux assignations qu’elle annonçait lors de l’audience.
 
Dans une note en délibéré reçue au greffe le 11 octobre 2022, la société Ovalis produit l’assignation qu’il a délivrée le 7 octobre 2022 saisissant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Niort d’une contestation des saisies-attribution exécutées par actes des 13 et 15 septembre 2022.
 
Réagissant à l’irrecevabilité soulevée par ses adversaires fondée sur le 2ème alinéa de l’article 514-3 du Code de procédure civile, elle indique n’avoir pas fait précisément d’observations sur l’exécution provisoire en première instance et souligne avoir largement développé son argumentation sur les conséquences financières directes de la grippe aviaire qui se sont révélées postérieurement au jugement entrepris.
 
Concernant les effets des saisies-attribution effectuées par les sociétés Lustucru, elle fait valoir qu’il est de jurisprudence constante que le premier président saisi d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire, ne peut remettre en cause les effets des actes d’exécution accomplis ou les paiements effectués antérieurement à son ordonnance.
 
Elle soutient qu’à raison de la délivrance récente d’une assignation saisissant le juge de l’exécution conduit à ce que l’exécution provisoire ne peut être réputée avoir été consommée et que sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire est recevable.
 
Dans leur note en délibéré reçue au greffe le 12 octobre 2022, les sociétés Lustucru relèvent que la société Ovalis a reconnu ne pas avoir sollicité en première instance une demande de suspension de l’exécution provisoire de droit et que son appel est donc irrecevable.
 
Elles estiment que l’assignation récemment délivrée et saisissant le juge de l’exécution lui permet d’éviter une seconde irrecevabilité. Elles sollicitent l’écart des observations présentées par la société Ovalis au soutien du bien fondé de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire, l’autorisation du dépôt d’une note en délibéré ne portant pas sur cette question.
 
Pour satisfaire aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l’exposé des moyens à l’énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.
 
MOTIFS
 
Attendu que les parties pour avoir été autorisées à présenter des notes en délibéré concernaient uniquement les questions de la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire au regard des saisies-attribution effectuées et de l’absence d’observations présentées par la société Ovalis sur l’exécution provisoire devant le tribunal de commerce de Lyon ;
 
Que les observations réalisées par la société Ovalis sur les conséquences dites révélées postérieurement au jugement dont appel redondantes avec celles contenues dans ses dernières écritures dépassaient le cadre de cette autorisation et sont écartées en tant que telles ;
 
Sur la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire
 
Attendu qu’il n’est pas discuté par les parties que le premier président saisi en référé d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire, ne peut remettre en cause les effets des actes d’exécution accomplis ou les paiements effectués antérieurement à sa décision ;
 
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des écritures des parties et des pièces du débat, en particulier de l’assignation communiquée par la société Ovalis dans le cadre de sa note en délibéré, que différentes saisies-attribution ont été effectuées :
 
— une mesure visant les avoirs de la société Ovalis dans les livres du Crédit agricole Charente-maritime Deux-Sèvres fructueuse à hauteur de 1 218 592,38 € au regard de la déclaration de tiers saisi du 12 septembre 2022,
 
— une mesure visant les avoirs de la société Ovalis dans les livres du Crédit Mutuel Océan fructueuse à hauteur de 4 198 562,15 € au regard de la déclaration de tiers saisi du 13 septembre 2022,
 
— une mesure visant les créances de la société Ovalis entre les mains de la S.A.S. Distribution Casino fructueuse à hauteur de 57 361,37 € ;
 
Que si ces mesures d’exécution ont eu un effet attributif immédiat et ont rendu indisponibles en partie les fonds saisis dans la limite des condamnations exécutées, il n’est pas discuté par les parties que cet effet attributif est suspendu de plein droit en l’état de la saisine récente du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Niort ;
 
Attendu qu’en cet état, la société Ovalis conserve donc un intérêt à solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire qui n’est pas consommée ;
 
Attendu que l’article 514-3 du Code de procédure civile dispose dans son alinéa 1er que «En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.» ;
 
Attendu qu’aux termes de l’alinéa 2 de ce texte, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire présentée par la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ;
 
Attendu que les sociétés Lustucru relèvent au visa de ce texte que la demanderesse, qui n’a pas présenté d’observations sur l’exécution provisoire devant le tribunal de commerce de Lyon, défaille à établir des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à sa décision ;
 
Que dans leur note en délibéré, elles en tirent par erreur de plume une conséquence sur la question de la recevabilité de l’appel, sur laquelle ces éléments sont inopérants, et soutiennent en fait l’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ;
 
Attendu que la société Ovalis n’a pas contesté être demeurée silencieuse sur l’exécution provisoire et ses conséquences devant le tribunal de commerce de Lyon ;
 
Attendu que pour être recevable à solliciter l’exécution provisoire, elle doit caractériser la révélation depuis la décision rendue par cette juridiction de conséquences manifestement excessives, conséquences sur lesquelles elle devait se trouver dans l’incapacité de les faire valoir en première instance ;
 
Attendu que s’agissant de ce risque de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu’il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement de l’intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;
 
Qu’en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d’une condamnation au paiement d’une somme d’argent, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible pour la partie contrainte par l’exécution provisoire ; qu’elle a la charge de la preuve d’un tel risque ,
 
Attendu que la société Ovalis focalise ses arguments sur les conséquences qu’elles considèrent comme ayant été révélées postérieurement à la décision du tribunal de commerce ;
 
Qu’elle affirme que l’évolution actuelle de l’épidémie de grippe aviaire, en forte aggravation dans les pays de Loire depuis le mois de février 2022, est considérée comme sans précédent et l’a conduite à perdre 97 % de ses ressources suite à l’abattage des animaux ; qu’elle ajoute en mettant en avant une attestation de son dirigeant du 2 mai 2022 que ce phénomène s’est fortement aggravé postérieurement au jugement dont appel a mené à une baisse de 10 % de son chiffre d’affaires, de 20 % de sa marge brute et une hausse de ses charges fixes ;
 
Attendu qu’elle invoque d’autre part une incapacité récente à financer le paiement de ses condamnations, dont il faut rappeler qu’elle ne constitue pas un critère de l’arrêt de l’exécution provisoire et ne caractérise pas par nature un risque de conséquences manifestement excessives ; que d’ailleurs, le résultat fructueux à hauteur totale de 5 474 515,90 € des mesures d’exécution forcées lancées par les sociétés Lustucru pour recouvrer des condamnations prononcées pour un total de 2 920 858 € n’objective en rien cette impossibilité ni même le risque de cessation des paiements allégué par la société Ovalis ;
 
Attendu que s’agissant des effets de la grippe aviaire, les sociétés Lustucru relèvent avec pertinence d’une part qu’une telle épizootie est récurrente depuis plusieurs années, évoquant quatre épisodes en six années et que l’épidémie actuelle est dite comme ayant débuté au mois de novembre 2021 ; qu’elles ajoutent que cette récurrence a nécessairement conduit la société Ovalis à prendre des garanties d’assurance dédiées aux effets de ces épizooties ;
 
Que les pièces versées aux débats ne permettent qu’en partie de retracer un historique de l’extension de cette épizootie et l’extrait d’un site internet produit par les sociétés Lustucru conduit à retenir qu’elle avait débuté en réalité en août 2021, était apparue dans le département du Nord en novembre et avait affecté le grand Ouest à la fin du mois de février 2022 ;
 
Attendu que, confrontée aux trois épisodes précédents de grippe aviaire, la société Ovalis est ainsi mal fondée à se prévaloir de cette dernière épizootie dont elle connaissait les possibles effets sur son activité dès sa comparution devant les premiers juges et à soutenir qu’elle a été à elle-seule à l’origine d’une situation financière difficile ;
 
Que le commissaire aux comptes de cette société demanderesse a dressé une attestation le 6 mai 2022 faisant état d’une trésorerie annoncée par le dirigeant au 30 avril 2022 à hauteur de 931 000 €, basée sur des rapprochements bancaires et précisant que cette attestation ne fait pas suite à un audit, mais à une analyse sans examen même limité d’un écrit du 2 mai 2022 émanant de ce dirigeant ;
 
Attendu que ce dirigeant fait état d’un accord de conciliation signé devant le tribunal de commerce le 26 octobre 2020, sans que cet accord soit produit aux débats et que sa teneur soit même évoquée, et ne détaille que cette seule situation de trésorerie ;
 
Que ces éléments financiers sont bien parcellaires, au regard même de l’absence de production des comptes et bilans d’ores et déjà réalisés et en l’état du caractère particulièrement fructueux ci-dessus relevé des saisies-attribution ; que surtout cette seule information d’un niveau ponctuel de trésorerie à une date plus que proche du jugement dont appel est particulièrement insuffisante à établir que la récurrence des épidémies de grippe aviaire se trouve à l’origine de difficultés identifiables ;
 
Attendu qu’aucun élément concret ne vient appuyer ses allégations concernant une évolution péjorative de ses indicateurs depuis la décision dont appel, tels que le chiffre d’affaires et la marge brute ;
 
Attendu que la société Ovalis défaille ainsi d’une part à démontrer qu’un risque de conséquences manifestement excessives lui a été révélé depuis la décision du tribunal de commerce de Lyon et d’autre part même à établir qu’elles sont existantes en l’état actuel des choses ;
 
Que sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire est déclarée irrecevable ;
 
Sur les dépens et les frais irrépétibles
 
Attendu que la société Ovalis succombe et doit supporter les dépens de ce référé
 
comme indemniser ses adversaires des frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense ;
 
PAR CES MOTIFS
 
Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,
 
Vu la déclaration d’appel du 14 juin 2022,
 
Déclarons la S.A.S. Ovalis irrecevable en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 13 avril 2022 par le tribunal de commerce de Lyon,
 
Condamnons la S.A.S. Ovalis aux dépens de ce référé et à verser aux S.A.S. Lustucru riz et Lustucru frais une indemnité de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
 
LE GREFFIER
LE MAGISTRAT DELEGUE
 

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