Distribution de marque sans contrat : risque maximal
Distribution de marque sans contrat : risque maximal
Ce point juridique est utile ?

La loi n’impose pas de mettre par écrit un partenariat ou une distribution commerciale portant sur une gramme de produits sous marque. Toutefois l’absence d’écrit rend difficile la preuve des obligations de chaque partie et la répartition des recettes.

Preuve de l’existence d’un partenariat

En l’espèce, les parties s’accordaient sur l’existence entre elles d’un partenariat ayant pour objet de commercialiser les produits de la marque ‘Elena Cordova’ au sein du réseau de distribution de la société Groupe Star, moyennant un partage des bénéfices réalisés sur les ventes.

Preuve de la société en participation

Rien n’établissait non plus que les parties entendaient constituer une société (société en participation) et qu’elles se sont comportées comme des associés d’une société à constituer.

Si certains des éléments constitutifs du contrat de société apparaissaient réunis, à savoir la mise en commun d’apports et l’intention des parties de partager les bénéfices résultant d’un projet commun, il ne ressortait d’aucun élément du dossier qu’elles entendaient partager les pertes éventuelles du projet entrepris.

Or, la société en participation ne doit pas se borner à répartir des bénéfices, elle doit également avoir une activité susceptible d’engendrer des pertes, ce qui n’est en l’espèce pas démontré.

Conditions de l’existence d’une société

Pour mémoire, selon l’article 1832 du code civil, la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes.

En vertu de l’article 1871 du même code, les associés peuvent convenir que la société ne sera pas immatriculée ; elle est dite alors ‘société en participation’ et dépourvue de personnalité morale ; son existence peut être prouvée par tous moyens.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
12e chambre
ARRET DU 20 OCTOBRE 2022
 
N° RG 21/01750 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UMFU
 
AFFAIRE :
 
S.A.R.L. GROUPE STAR
 
C/
 
[N] [H] [B]
 
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Pontoise
 
N° Chambre : 3
 
N° RG : 20/01742
 
LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
 
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
 
S.A.R.L. GROUPE STAR
 
RCS Pontoise n° 801 269 093
 
[Adresse 2]
 
[Localité 4]
 
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 21101
 
Représentant : Me Florie VINCENT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2109
 
APPELANTE
 
****************
 
Madame [N] [H] [B] divorcée [J]
 
née le 02 Mars 1974 à [Localité 6] (BRESIL)
 
[Adresse 1]
 
[Localité 3]
 
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2211433
 
Représentant : Me Carol AIDAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0021
 
INTIMEE
 
****************
 
Composition de la cour :
 
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
 
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
 
Monsieur François THOMAS, Président,
 
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
 
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
 
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
 
EXPOSÉ DU LITIGE
 
Mme [N] [H] [B] a développé une gamme de produits capillaires sous la marque ‘Elena Cordova’, qui a été déposée à l’Institut national de la propriété industrielle et enregistrée le 19 juin 2014 pour les classes 3, 21, 26 et 44 sous le numéro 4099072. Elle a créé la SAS Enora & Brazil ayant pour objet la commercialisation de ces produits.
 
En 2017, Mme [H] [B] est entrée en relation avec la SARL Groupe Star, grossiste en produits capillaires, dont le gérant est M. [W] [Z]. Les parties ont convenu que la société Groupe Star assurerait la commercialisation des produits ‘Elena Cordova’ via son réseau de distribution et que les bénéfices réalisés sur les ventes seraient partagés par moitié, sans qu’un contrat ne soit formalisé entre elles.
 
Par ordonnance du 26 septembre 2019, Mme [H] [B] a été autorisée à faire constater par huissier la réalité de la vente des produits ‘Elena Cordova’ par la société Groupe Star. Les opérations de constat ont eu lieu le 8 octobre 2019 au sein des locaux de la société Groupe Star, l’huissier notant la présence en stock de produits portant la marque ‘Elena Cordova’.
 
Par courrier du 6 mars 2020, Mme [H] [B] a mis en demeure la société Groupe Star de cesser toute exploitation sans droit des produits de la marque ‘Elena Cordova’, de justifier sans délai du chiffre d’affaires réalisé par la vente desdits produits et de lui reverser 50% du chiffre d’affaires réalisé.
 
Par acte du 7 mai 2020, la société Enora & Brazil et Mme [H] [B] ont assigné la société Groupe Star et M. [X] [Z] devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins notamment de voir constater l’existence d’une société en participation entre les parties et de voir condamner la société Groupe Star à verser à Mme [H] [B] la somme de 120.280 € correspondant à la moitié du chiffre d’affaires réalisé, outre des dommages-intérêts pour préjudice moral, et à la société Enora & Brazil la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.
 
Par jugement réputé contradictoire du 29 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :
 
— Constaté l’existence d’une société de participation ayant existé entre Mme [H] [B] et la société Groupe Star ;
 
— Constaté la disparition de l’affectio societatis du fait du comportement de la société Groupe Star et la fin de la société en participation ;
 
— Condamné la société Groupe Star à payer à Mme [H] [B] la somme de 120.279,98 € au titre de la moitié du chiffre d’affaires réalisé pour la vente des produits de la marque Elena Cordova, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
 
— Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil;
 
— Condamné la société Groupe Star à cesser toute exploitation illégale de la marque Elena Cordova et ce, immédiatement dès la signification du jugement ;
 
— Condamné la société Groupe Star à détruire, dans un délai de 15 jours à compter de la signification qui lui sera faite du jugement, l’intégralité du stock de produits de marque Elena Cordova en sa possession et à en justifier à Mme [H] [B] par voie d’exploit d’huissier qui lui sera transmis dans le délai de 8 jours de sa date ;
 
— Condamné la société Groupe Star à verser à Mme [H] [B] la somme de 1.000 € au titre de son préjudice moral ;
 
— Condamné la société Groupe Star à verser à Mme [H] [B] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— Condamné la société Groupe Star aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
 
— Rejeté le surplus des demandes ;
 
— Rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.
 
Par déclaration reçue au greffe le 15 mars 2021 et enregistrée le 16 mars 2021, la société Groupe Star a interjeté appel du jugement à l’encontre de Mme [H] [B].
 
PRÉTENTIONS DES PARTIES
 
Par dernières conclusions notifiées le 29 juin 2022, la société Groupe Star demande à la cour de :
 
— Recevoir l’intégralité de ses moyens et prétentions ;
 
— Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise en date du 29 janvier 2021 en ce qu’il a :
 
— Constaté l’existence d’une société de participation ayant existé entre Mme [H] [B] et la société Groupe Star ;
 
— Constaté la disparition de l’affectio societatis du fait du comportement de la société Groupe Star et la fin de la société en participation ;
 
— Condamné la société Groupe Star à payer à Mme [H] [B] la somme de 120.279,98 € au titre de la moitié du chiffre d’affaires réalisé pour la vente des produits de la marque Elena Cordova, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
 
— Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
 
— Condamné la société Groupe Star à cesser toute exploitation illégale de la marque Elena Cordova et ce, immédiatement dès la signification du jugement ;
 
— Condamné la société Groupe Star à détruire, dans un délai de 15 jours à compter de la signification qui lui sera faite du jugement, l’intégralité du stock de produits de marque Elena Cordova en sa possession et à en justifier à Mme [H] [B] par voie d’exploit d’huissier qui lui sera transmis dans le délai de 8 jours de sa date ;
 
— Condamné la société Groupe Star à verser à Mme [H] [B] la somme de 1.000 € au titre de son préjudice moral ;
 
— Condamné la société Groupe Star à verser à Mme [H] [B] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— Condamné la société Groupe Star aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
 
— Rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit ;
 
et statuant à nouveau,
 
— Juger que l’intégralité des demandes, fins et prétentions de Mme [H] [B] sont infondées et injustifiées ;
 
— Débouter Mme [H] [B] de toute demande de condamnation à l’encontre de la société Groupe Star ;
 
— Débouter Mme [H] [B] de sa demande nouvelle en cause d’appel de condamnation à l’encontre de la société Groupe Star au titre de la licence de marque ;
 
— Débouter Mme [H] [B] de toute ses demandes, fins et prétentions nouvelles figurant dans ses conclusions d’intimée III ;
 
— Ordonner la restitution des sommes saisies au titre des saisies-attributions pratiquées par Mme [H] [B] à la société Groupe Star sans délai à compter de la signification de l’arrêt de la cour d’appel avec astreinte de 500 € par jour de retard ;
 
A titre subsidiaire,
 
— Débouter Mme [H] [B] de sa demande nouvelle en cause d’appel de condamnation à l’encontre de la société Groupe Star au titre de la licence de marque ;
 
— Juger que la somme restant due par la société Groupe Star à l’encontre de Mme [H] [B] ne saurait excéder 5.160,74 € TTC au titre du partenariat relatif à la vente des produits Elena Cordova ;
 
— Condamner la société Groupe Star à verser à Mme [H] [B] la somme de 5.160,74 € TTC de laquelle doit être déduite la somme prélevée au titre de la saisie-attribution pratiquée ;
 
— Ordonner la restitution des sommes saisies au titre des saisies-attributions pratiquées par Mme [H] [B] à la société Groupe Star sans délai pour le surplus de la somme de 5.160,74 € TTC à compter la signification de l’arrêt de la Cour d’appel avec astreinte de 500 € par jour de retard ;
 
— Débouter Mme [H] [B] de toutes ses autres demandes de condamnation à l’encontre de la société Groupe Star, y compris reconventionnelles ;
 
En tout état de cause,
 
— Condamner Mme [H] [B] à verser à la société Groupe Star la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— Condamner Mme [H] [B] aux entiers dépens.
 
Par dernières conclusions notifiées le 29 juin 2022, Mme [B] demande à la cour de :
 
— Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu une société en participation ayant existé entre la société Groupe Star et Mme [H] [B] ;
 
— Infirmer le jugement entrepris quant au quantum de la condamnation prononcée ;
 
et statuant à nouveau sur le quantum,
 
— Condamner en tout état de cause, société en participation ou contrat de partenariat, la société Groupe Star à payer à Mme [H] [B] la somme de 149.701,20 € en deniers et quittance, sauf mémoire, outre la somme de 14.970,12 € au titre de la participation de Mme [H] [B] ;
 
— Donner acte à la société Groupe Star qu’elle a déjà versé entre les mains de Mme [H] [B] une somme de 3.201,20 € ;
 
A titre subsidiaire, sur le quantum,
 
— Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Groupe Star au paiement de la somme de 120.279,98 € ;
 
En tout état de cause,
 
— Confirmer le jugement en ce qu’il a :
 
— Condamné la société Groupe Star au paiement de la somme de 1.000 € au titre du préjudice moral de Mme [H] [B] et 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
 
— Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
 
— Condamné la société Groupe Star à cesser toute exploitation illégale de la marque Elena Cordova et ce, immédiatement dès la signification du jugement ;
 
— Condamné la société Groupe Star à détruire, dans un délai de 15 jours à compter de la signification qui lui sera faite du jugement, l’intégralité du stock de produits de marque Elena Cordova en sa possession et à en justifier à Mme [H] [B] par voie d’exploit d’huissier qui lui sera transmis dans le délai de 8 jours de sa date ;
 
— Condamner la société Groupe Star à verser à Mme [H] [B] en cause d’appel la somme de 5.000 € en vertu de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens ;
 
— Débouter la société Groupe Star de toutes ses demandes et notamment sa demande d’astreinte.
 
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 juin 2022.
 
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
 
MOTIFS
 
Sur la recevabilité de la demande nouvelle
 
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
 
La société Groupe Star soulève, au visa de ce texte, l’irrecevabilité de la demande de Mme [H] [B] de se voir payer une redevance au titre de la licence de sa marque.
 
Elle fait valoir que cette demande est nouvelle et qu’en outre elle est en contradiction avec le partenariat convenu puisque la licence de marque a été accordée à titre gratuit notamment en contrepartie de la répartition des bénéfices sur les ventes réalisées.
 
Mme [H] [B] ne présente pas d’argument quant à la recevabilité de sa demande.
 
S’il est exact que, selon l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, il convient de relever que les demandes formulées par Mme [H] [B] en première instance tendaient à voir condamner la société Groupe Star à lui verser 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur les ventes de produits Elena Cordova, outre des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
 
Or, Mme [H] [B] sollicite pour la première fois en cause d’appel le paiement d’une somme de 14.970,12 €, correspondant à 5 % de la marge réalisée sur les ventes, « pour tenir compte de son apport en industrie et de l’apport de sa marque dans l’opération».
 
Cette prétention doit être considérée comme nouvelle et donc écartée.
 
Sur l’existence d’une société en participation
 
Mme [H] [B] expose qu’en 2017, elle a été mise en relation avec la société Groupe Star, que des discussions se sont engagées afin de constituer une société ayant pour objet de distribuer en grande quantité et dans le monde entier les produits de la marque Elena Cordova, dont elle est titulaire, moyennant un partage des bénéfices à 50/50, qu’il était convenu que Mme [H] [B] apporterait son savoir-faire, son réseau de fabricants, une licence de sa marque et ses contacts tandis que la société Groupe Star apporterait son réseau de distribution et ses capitaux, qu’aucun contrat n’a été signé mais que les parties ont agi en qualité d’associés d’une société à constituer, que ce partenariat doit être qualifié de société en participation.
 
Elle fait valoir qu’avant même de formaliser leur partenariat, les parties ont entamé des démarches commerciales en vue de l’exploitation de la marque Elena Cordova et de sa distribution, que sous l’impulsion de la société Groupe Star les produits ont fait l’objet d’un changement de packaging (‘Elena Cordova distribué par Groupe Star’), que Mme [H] [B] s’est déplacée aux frais de la société Groupe Star afin de passer une première commande de produits, qu’elle a elle-même commencé à prodiguer des formations aux salons de coiffure partenaires de la société Groupe Star, qu’elle a également pris à sa charge un contrat de prestation de services avec une agence de marketing en vue d’actions de publicité sur les réseaux sociaux, que dans ce contexte les parties se sont réunies, début 2018, au cabinet d’expertise comptable Sanchez en vue de formaliser enfin leur partenariat mais qu’après une nouvelle commande de 2.700 kg de produits capillaires, la société Groupe Star a refusé de concrétiser le partenariat.
 
La société Groupe Star admet qu’a bien été envisagé avec Mme [H] [B] un contrat de partenariat avec partage des bénéfices à 50/50, soit le chiffre d’affaires réalisé sur les ventes de produits Elena Cordova moins les dépenses générées pour la vente de ces produits. En revanche, elle réfute tout projet de création de société.
 
*****
 
Selon l’article 1832 du code civil, la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes.
 
En vertu de l’article 1871 du même code, les associés peuvent convenir que la société ne sera pas immatriculée ; elle est dite alors ‘société en participation’ et dépourvue de personnalité morale ; son existence peut être prouvée par tous moyens.
 
En l’espèce, les parties s’accordent sur l’existence entre elles d’un partenariat ayant pour objet de commercialiser les produits de la marque ‘Elena Cordova’ au sein du réseau de distribution de la société Groupe Star, moyennant un partage des bénéfices réalisés sur les ventes. Il est établi qu’aucun contrat n’a été signé.
 
L’analyse des pièces soumises à la cour ne permet cependant pas de considérer que les parties entendaient constituer une société et qu’elles se sont comportées comme des associés d’une société à constituer.
 
En effet, Mme [H] [B] se prévaut de l’attestation rédigée par M. [C] [A], employé en tant que chef de mission au sein du cabinet d’expertise comptable Sanchez, qui atteste l’avoir reçue début 2018 « pour étudier la mise en place d’une structure juridique et comptable pour une activité d’import-export avec 2 associés, à savoir Monsieur [X] [Z] et Madame [H] [B]. Le projet concernait la distribution au niveau mondial de produits cosmétiques (produits Elena Cordova, protégé par INPI et dont Madame [H] [B] est propriétaire). A l’origine cette société devait avoir un capital réparti à égales moitiés, à savoir 50 % pour Madame [H] [B] et 50 % pour Monsieur [X] [Z]. Un rendez-vous avait été pris pour finaliser cette opération, Monsieur [X] [Z] n’y a pas donné suite. »
 
Or, cette attestation permet de retenir que Mme [H] [B] a pu envisager la création d’une société commune avec un associé, en l’occurence M. [X] [Z], projet qu’elle a soumis à M. [A], mais aucunement que la société Groupe Star a eu la volonté de former une société avec l’intimée. La cour observe d’ailleurs que, contrairement à ce que soutient Mme [H] [B], la preuve n’est pas rapportée que M. [X] [Z] a effectivement rencontré M. [A], ni même qu’il s’est entretenu avec lui du projet allégué, ne serait-ce que par téléphone. En toute hypothèse, il n’est pas démontré que M. [X] [Z], simple salarié de la société Groupe Star, avait le pouvoir d’engager cette société dont le gérant est, depuis sa création, M. [W] [Z], ainsi qu’il ressort de l’extrait Kbis et de la liste des actes enregistrés au greffe du tribunal de commerce de Pontoise.
 
Les quelques échanges de courriels n’apportent aucun élément utile à la solution du litige.
 
En outre, si certains des éléments constitutifs du contrat de société apparaissent réunis, à savoir la mise en commun d’apports et l’intention des parties de partager les bénéfices résultant d’un projet commun, il ne ressort d’aucun élément du dossier qu’elles entendaient partager les pertes éventuelles du projet entrepris. Or, la société en participation ne doit pas se borner à répartir des bénéfices, elle doit également avoir une activité susceptible d’engendrer des pertes, ce qui n’est en l’espèce pas démontré.
 
Mme [H] [B] n’apportant pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une société en participation ayant existé entre elle-même – ou sa société Enora & Brazil – et la société Groupe Star, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris de ce chef.
 
Sur les demandes en paiement
 
Mme [H] [B] énonce ici qu’elle a mis à disposition de la société Groupe Star son savoir-faire, son temps et son énergie mais qu’elle n’a jamais été rémunérée de son travail, ni de son apport en industrie, lequel a notamment consisté à mettre la société Groupe Star en relation avec son fournisseur ou encore à dispenser des formations au profit de la clientèle de ladite société ; que la société Groupe Star a exploité la marque Elena Cordova sans lui verser aucune rémunération.
 
Elle soutient que la société Groupe Star a vendu l’ensemble du stock de produits commandés au Brésil et dont la quantité est déterminée par les bons de commande et bons de livraison produits aux débats, qu’il y a lieu de retenir un chiffre d’affaires encaissé de 317.501.62 € HT dont elle accepte de déduire 18.533,22 € TTC, correspondant aux dépenses prises en charge par la société Groupe Star (déplacements, achat des produits, certifications, transport, etc), outre les frais d’emballage à hauteur de 3.166 €. Elle rappelle qu’elle a assumé pendant toute l’année 2018 des dépenses de marketing en vue d’actions de publicité sur les réseaux sociaux pour un montant de 3.600 €. Selon son calcul, la marge bénéficiaire s’établit en conséquence à 299.402,40 €, soit la somme de 149.701,20 € qu’elle estime lui être due par la société Groupe Star.
 
Elle considère que la société Groupe Star est de particulière mauvaise foi à invoquer un montant bien inférieur alors qu’elle a été mise en demeure de communiquer le chiffre d’affaires réalisé, à la fois par l’huissier de justice ayant réalisé le constat sur requête mais également par le conseil de Mme [H] [B], avant toute procédure au fond, et qu’elle a choisi de ne pas déférer à ces mises en demeure. Mme [H] [B] estime que les documents comptables communiqués par la société Groupe Star n’ont aucune valeur probante.
 
Enfin, elle conteste être en possession d’une partie du stock et affirme qu’elle n’a jamais commandé ni reçu de produits, sauf de façon très occasionnelle, à raison de deux bouteilles de lissage, et ce à deux reprises seulement. Elle prétend que les factures produites par la société Groupe Star à l’attention de la société Enora & Brazil ont été établies pour les besoins de la cause.
 
La société Groupe Star fait valoir en réplique qu’elle a payé les frais de déplacement de Mme [H] [B], qu’elle a avancé tous les frais de fabrication des produits et qu’elle a mis à disposition ses moyens pour promouvoir et commercialiser ces produits, que le chiffre d’affaires réalisé est bien moindre que celui prétendu par Mme [H] [B].
 
Elle ajoute qu’une partie du stock des produits est resté en possession de Mme [H] [B], que d’autres produits appartenant exclusivement à la société Groupe Star ont été retirés des stocks du showroom par Mme [H] [B], laquelle n’a jamais réglé les factures afférentes.
 
Elle soutient que Mme [H] [B] a été désintéressée de sa part des bénéfices au fur et à mesure de leur réalisation, soit directement, soit indirectement (via le paiement de son loyer), mais que les rapports entre les parties se sont tendus dans le courant de l’année 2018, l’intéressée sollicitant le versement de sommes complémentaires, puis que celle-ci a coupé tout contact avec la société Groupe Star, jusqu’à ce que le 8 octobre 2019, un huissier se présente dans les locaux de la société pour récupérer des éléments relatifs aux produits Elena Cordova et l’informe que des démarches judiciaires étaient en cours.
 
Elle estime n’être débitrice d’aucune somme, arguant que Mme [H] [B] est au contraire redevable à son égard du produit des ventes qu’elle a dissimulées, qu’en effet elle a vendu directement des produits et a conservé un stock de produits portant la mention ‘Elena Cordova distribué par Groupe Star’ qu’elle continue à vendre. Elle indique à ce titre avoir déposé plainte pour escroquerie contre l’intéressée le 21 avril 2021, soulignant que celle-ci a volontairement présenté une situation déformée de la réalité, qu’elle sait que les sommes que la société Groupe Star a été condamnée à payer en première instance ne sont pas dues et que pour autant elle a fait procéder à une première saisie-attribution sur le compte bancaire de la société le 7 avril 2021 puis à trois nouvelles saisies-attributions entre le 2 novembre 2021 et le 24 mai 2022.
 
*****
 
Les parties étant d’accord sur un partage à 50/50 des bénéfices réalisés sur les ventes de produits Elena Cordova, la discussion porte sur le montant à répartir entre elles.
 
Un procès-verbal de constat a été établi le 8 octobre 2019, à la requête de Mme [H] [B] et de la société Enora & Brazil, en vertu d’une ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Pontoise le 26 septembre 2019. Ce procès-verbal ne permet cependant pas de déterminer le chiffre d’affaires réalisé sur les ventes de produits Elena Cordova, sachant que la mission de l’huissier consistait selon l’ordonnance susvisée à :
 
« – Se rendre sur place, au siège de la société Groupe Star et dans ses entrepôts, sis [Adresse 2] et partout où besoin sera, afin de constater la réalité de la vente des produits « Elena Cordova » ;
 
— Saisir par voie de descriptions et de photocopies tous documents, pièces, modèles ou produits qui présenteraient ou révéleraient le nombre des ventes passées desdits produits « Elena Cordova » et le prix de vente ;
 
— Saisir par voie de description et de photocopies tous documents techniques, commerciaux et comptables relatifs à la commande, fabrication, distribution et vente des produits Elena Cordova. »
 
Il ressort dudit procès-verbal que l’huissier s’est rendu le 8 octobre 2019 au siège de la société Groupe Star, qu’il a relevé dans le show-room et l’entrepôt la présence de 845 produits de la marque Elena Cordova portant la mention « Distribué par Groupe Star », qu’il a consulté sur l’ordinateur de l’accueil le prix de chaque produit pour les professionnels et les particuliers, qu’il s’est vu remettre un certain nombre de documents (bons de commande, factures, avis de virements, échanges de mails, support publicitaire) qu’il a annexés à son procès-verbal de constat. L’huissier a également noté la présence d’un panneau portant la mention « Elena Cordova – 50 % » et la directrice commerciale, Mme [R] [M], lui a indiqué que cette réduction de 50 % était appliquée aux produits Elena Cordova depuis juillet 2019.
 
Outre que l’ensemble des factures de vente ne figure pas parmi les documents annexés au procès-verbal de constat, ceux-ci apparaissent en l’état inexploitables, et ce tandis que la société Groupe Star communique quant à elle le détail des ventes de produits Elena Cordova, certifié le 31 mars 2021 par le cabinet d’expert-comptable André Nzessi sur la base des factures établies entre le 1er janvier 2017 et le 9 octobre 2019. Il en ressort un montant total de ventes de 65.586,75 € HT pour 825 produits, auquel la société Groupe Star ajoute les ventes réalisées sur le site internet Amazon entre le 4 juillet 2018 et le 29 novembre 2019, en tenant compte des commandes annulées suite à des retours clients. Le détail de ces ventes est également certifié conforme à la comptabilité par le cabinet d’expert-comptable André Nzessi. La cour observe toutefois que la somme indiquée par l’appelante pour les ventes Amazon, soit 1.721,50 €, est exprimée TVA incluse, ce qui rend son calcul nécessairement erroné.
 
La société Groupe Star justifie ensuite, sans être utilement contredite, de dépenses à hauteur de 26.230,13 € TTC.
 
Mme [H] [B] fait quant à elle état de la prise en charge de dépenses de marketing en vue d’actions de publicité sur les réseaux sociaux durant l’année 2018, pour un montant de 3.600 €. Elle ne communique cependant qu’un seul reçu de paiement pour un montant équivalent à 300 €.
 
Il est établi notamment par les relevés de comptes bancaires versés aux débats que la société Groupe Star a versé à Mme [H] [B] ou pour son compte (paiement de loyers) la somme totale de 3.401,20 €.
 
S’agissant des produits que Mme [H] [B] aurait retirés, sans les régler, des stocks de la société Groupe Star, celle-ci fait état d’un montant de 11.685,88 € et produit pour en justifier des bons de commande mentionnant comme client « [N] », à l’exception d’un seul qui vise le client « Rosita ». Ces bons de commande, rédigés de façon manuscrite, sont pour la plupart accompagnés de factures établies aux mêmes dates que les bons de commande et destinées à la société Enora & Brazil. Comme le fait observer Mme [H] [B], les bons de commande ne sont pas signés par elle et les factures ne sont pas établies sur papier à en tête de la société Groupe Star, ce qui en limite la force probante.
 
Enfin, le procès-verbal de constat dressé le 14 avril 2021 à la requête de la société Groupe Star permet de confirmer que Mme [H] [B] continue de vendre des produits portant la mention ‘Elena Cordova distribué par Groupe Star’. Aucun élément ne permet cependant à la cour de chiffrer ces ventes, qui ne sont manifestement pas prises en compte dans les calculs de Mme [H] [B].
 
En l’état de ces constatations et au vu du volume de produits commandés, la cour retient que la société Groupe Star reste redevable envers Mme [H] [B] de la somme de 40.00 €, qu’elle sera condamnée à lui payer, par infirmation du jugement entrepris. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement et la capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.
 
Compte tenu de cette infirmation, la restitution des sommes versées au titre de l’exécution provisoire de la décision contestée est de droit sans avoir lieu de l’ordonner.
 
Le jugement déféré sera par ailleurs confirmé en ce qu’il a fait droit, par des motifs pertinents que la cour adopte, à la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral de Mme [H] [B] à hauteur de 1.000 €.
 
Sur les demandes de cessation de l’exploitation de la marque Elena Cordova et de destruction du stock de produits
 
La société Groupe Star prétend qu’elle a fait procéder à la destruction des produits Elena Cordova le 9 octobre 2019, dès le lendemain du passage de l’huissier dans ses locaux, et qu’elle a fait mentionner « rupture de stock » sur le site Amazon afin de cesser la commercialisation desdits produits sans nuire à l’image de la société ni de la marque.
 
Mme [H] [B] réplique que la société Groupe Star veut faire croire à une destruction de produits mais qu’il n’en est rien, que la seule facture de la société Bon Débarras produite par l’appelante est contredite par les coiffeurs interrogés, lesquels attestent avoir été contactés fin 2019 par la société Groupe Star pour bénéficier d’un déstockage à prix réduits.
 
*****
 
La société Groupe Star verse aux débats une facture acquittée émise le 9 octobre 2019, soit le lendemain du constat d’huissier, par la société Bon Débarras, sise près de [Localité 5] dans le département de l’Isère. Cette facture porte mention du « Débarras » de « Divers produits Elena Cordova 728 pièces » pour un montant de 455 € HT.
 
Ce document permet d’établir que la société Groupe Star ne détient plus de produits Elena Cordova, étant observé que Mme [H] [B] reconnaît elle-même dans ses écritures (page 19) qu’après le passage de l’huissier, « il n’y avait plus de stock ».
 
Au surplus, l’intimée ne justifie pour les années 2020 et 2021 d’aucun acte de commercialisation des produits Elena Cordova par la société Groupe Star.
 
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Groupe Star à cesser toute exploitation illégale de la marque Elena Cordova, à détruire l’intégralité du stock de produits de marque Elena Cordova en sa possession et à en justifier à Mme [H] [B] par voie d’exploit d’huissier.
 
Sur les dépens et les frais irrépétibles
 
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
 
La société Groupe Star supportera les dépens exposés en appel, en application des dispositions de l’article’696 du code de procédure civile.
 
Elle sera en outre condamnée à verser à Mme [H] [B] une indemnité de 3.000 € au titre de l’article’700 du code de procédure civile.
 
PAR CES MOTIFS
 
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
 
DIT irrecevable la demande de condamnation de la société Groupe Star au titre de la licence de la marque Elena Cordova ;
 
CONFIRME le jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Pontoise en ce qu’il a condamné la société Groupe Star à verser à Mme [H] [B] la somme de 1.000 € au titre de son préjudice moral et la somme de 2.500 au titre de ses frais irrépétibles ainsi que s’agissant des dépens ;
 
L’INFIRME pour le surplus ;
 
Statuant à nouveau et y ajoutant,
 
DIT que la preuve n’est pas rappportée de l’existence d’une société en participation entre Mme [H] [B] – ou sa société Enora & Brazil – et la société Groupe Star ;
 
CONDAMNE la société Groupe Star à verser à Mme [N] [H] [B] la somme de 40.000 € au titre du partenariat relatif à la vente des produits de la marque Elena Cordova, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
 
ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
 
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
 
CONDAMNE la société Groupe Star à verser à Mme [N] [H] [B] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
CONDAMNE la société Groupe Star aux dépens.
 
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
 
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
Le greffier,Le président,
 
 

Chat Icon