En application de l’article L.1132-4 du code du travail, le licenciement intervenu dans un contexte de discrimination est nul. Dans cette hypothèse le barème d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-3 n’est pas applicable
Exclusion du barème d’indemnisation
Le barème d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-3 n’est pas applicable si le juge constate que le licenciement est entaché d’une des 6 nullités suivantes :
1° La violation d’une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel ;
3° Un licenciement discriminatoire ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d’un salarié protégé en raison de l’exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d’un salarié en méconnaissance de protections spécifiques.
6000 euros de préjudice
En l’espèce, la salariée disposait d’une ancienneté au service du même employeur supérieure à quatre années, elle percevait une rémunération mensuelle brute à hauteur de 760 € et, si elle justifie de difficultés financières importantes au cours de l’année 2019, elle occupe un emploi de secrétaire comptable depuis le 2 juin 2020 pour lequel elle perçoit un salaire mensuel brut de 1645 €.
Aussi, l’intéressée est-elle valablement fondée à obtenir en réparation de la perte injustifiée de son emploi, la condamnation de la société à lui verser la somme de 6000 euros.
Le barème d’indemnisation du salarié
Pour rappel, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous :
Ancienneté du salarié dans l’entreprise (en années complètes) | Indemnité minimale (en mois de salaire brut) | Indemnité maximale (en mois de salaire brut) |
0 | Sans objet | 1 |
1 | 1 | 2 |
2 | 3 | 3,5 |
3 | 3 | 4 |
4 | 3 | 5 |
5 | 3 | 6 |
6 | 3 | 7 |
7 | 3 | 8 |
8 | 3 | 8 |
9 | 3 | 9 |
10 | 3 | 10 |
11 | 3 | 10,5 |
12 | 3 | 11 |
13 | 3 | 11,5 |
14 | 3 | 12 |
15 | 3 | 13 |
16 | 3 | 13,5 |
17 | 3 | 14 |
18 | 3 | 14,5 |
19 | 3 | 15 |
20 | 3 | 15,5 |
21 | 3 | 16 |
22 | 3 | 16,5 |
23 | 3 | 17 |
24 | 3 | 17,5 |
25 | 3 | 18 |
26 | 3 | 18,5 |
27 | 3 | 19 |
28 | 3 | 19,5 |
29 | 3 | 20 |
30 et au-delà | 3 | 20 |
En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés à l’alinéa précédent :
Ancienneté du salarié dans l’entreprise (en années complètes) | Indemnité minimale (en mois de salaire brut) |
0 | Sans objet |
1 | 0,5 |
2 | 0,5 |
3 | 1 |
4 | 1 |
5 | 1,5 |
6 | 1,5 |
7 | 2 |
8 | 2 |
9 | 2,5 |
10 | 2,5 |
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE GRENOBLE Ch. Sociale -Section B RRÊT DU JEUDI 23 JUIN 2022 Appel d’une décision (N° RG 19/00160) rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE en date du 15 octobre 2020 suivant déclaration d’appel du 23 octobre 2020 APPELANTE : S.A.S. B2M38, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège ZI la Gloriette 38160 représentée par Me Guillaume ALLIX, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Anne ALIAS, avocat au barreau de VALENCE INTIMEE : Madame [E] [M] née le 19 juillet 1990 de nationalité Française 10 A les Jardins d’Adele 38160 MURINAIS représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Blandine FRESSARD, Présidente, M. Frédéric BLANC, Conseiller, Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, DÉBATS : A l’audience publique du 04 mai 2022, Mme Blandine FRESSARD, Présidente chargée du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ; Puis l’affaire a été mise en délibéré au 23 juin 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour. L’arrêt a été rendu le 23 juin 2022. EXPOSE DU LITIGE La société B2M38 a pour activité les services d’aménagement paysager et est présidée par Monsieur [N] [O]. Monsieur [N] [O] est également président de la société NET DISTRIBUTIONS, qui a pour activité le commerce de détail d’autres équipements du foyer. Madame [E] [M] a été embauchée par la société B2M38 le 18 septembre 2014 en qualité d’employée administrative et commerciale, coefficient E1, en contrat à durée déterminée à temps plein jusqu’au 20 mars 2015, en remplacement d’un congé maternité. La relation de travail s’est ensuite poursuivie sous contrat de travail à durée indéterminée. Au dernier état de la relation de travail, Madame [E] [M], pour une durée de travail mensuelle de 76 heures, percevait une rémunération brute de 760 euros. Le contrat de travail de Madame [E] [M] était soumis aux dispositions de la convention collective des entreprises du paysage. Reprochant à la salariée certains manquements, la société B2M38 a convoqué Madame [E] [M] le 2 janvier 2019, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 janvier 2019. A compter du 8 janvier 2019, Madame [E] [M] a été placée en arrêt de travail par son médecin traitant. La société a adressé un courrier recommandé à Madame [E] [M] pour confirmer l’entretien préalable du 11 janvier 2019 à 14 heures. Madame [E] [M] ayant fait part, le 9 janvier 2019, de son impossibilité de se rendre à cet entretien préalable compte tenu de sa pathologie, la société B2M38 a décalé l’entretien préalable de licenciement au 18 janvier 2019, auquel la salariée ne s’est pas présentée. Le 21 janvier 2019, Madame [E] [M] a adressé un courrier à la société pour préciser que son état de santé ne lui permettait pas de se présenter à l’entretien et dénoncer une discrimination en raison de sa situation familiale. Le 23 janvier 2019, la société B2M38 a notifié à Madame [E] [M] son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Contestant son licenciement et considérant être victime de discrimination, Madame [E] [M], faisant également reproche à son employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité à son égard, a saisi le conseil de prud’hommes de GRENOBLE le 18 février 2019 pour solliciter le versement d’indemnités tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail. Aux termes du jugement rendu le 15 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble a : Dit que la discrimination est avérée, Dit que le licenciement de Madame [E] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, Dit que la SAS B2M38 n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat, Condamné en conséquence la SAS B2M38 à payer à Madame [E] [M] les sommes suivantes: — 10 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination, — 6 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, — 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, Lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 20 février 2019, Déboute Madame [E] [M] du surplus de ses demandes, Déboute la SAS B2M38 de sa demande reconventionnelle, Condamne la SAS B2M38 aux dépens. Etant précisé que Madame [E] [M] a également été licenciée pour faute par la société NET DISTRIBUTIONS le 23 janvier 2019, et qu’elle a contesté ce licenciement devant le conseil de prud’hommes de Grenoble, qui a statué, en formation de départage le 22 février 2021: — en l’a déboutant de ses demandes de nullité du licenciement et de dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait de la discrimination et des manquements de l’employeur à ses obligations de prévention et de sécurité ; — en requalifiant le licenciement et en condamnant la société NET DISTRIBUTION à payer à Mme [M] la somme de 1516 € nets de dommages et intérêts pour licenciement abusif, outre 1200€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision rendue le 15 octobre 2020 a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec accusé de réception des 15 et 16 octobre 2020 ; la SAS B2M38 en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction du 23 octobre 2020. Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le16 février 2022, la SAS B2M38 sollicite de la cour de : D’infirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de Grenoble du 15 octobre 2020 en ce qu’il a : — Dit que le licenciement de Madame [E] [M] était nul et condamné la société B2M38 à 6000 euros de dommages-intérêts ; — Dit que Madame [E] [M] avait été victime de discrimination et a condamné la société B2M38 à 10 000 euros de dommages-intérêts pour discrimination ; — Condamné la société à 1200 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile De confirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de Grenoble du 15 octobre 2020 en ce qu’il a : — Dit que la SAS B2M38 n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat ; — Débouté Madame [M] de sa demande de dommages-intérêts de 10 000 € nets de CG CRDS pour le prétendu préjudice moral subi au titre de la violation par l’employeur de l’obligation de prévention et de sécurité ; Par conséquent, JUGER que Madame [E] [M] n’a pas été victime de discrimination ; JUGER que le licenciement de Madame [E] [M] est justifié par une cause réelle et sérieuse; En conséquence, DEBOUTER Madame [E] [M] de l’intégralité de ses demandes ; CONDAMNER Madame [E] [M] à payer la somme de 2 000 € à la société B2M38 au titre de l’article 700 du CPC. Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, [E] [M] sollicite de la cour de : CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a : — dit que la discrimination est avérée et condamné la société B2M38 à verser à Madame [M] [Z] la somme de 10 000 € nets à titre de dommages et intérêts ; — condamné la société B2M38 à verser à Madame [M] [Z] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens, — débouté la société B2M38 de sa demande reconventionnelle. L’INFIRMER pour le surplus, et, statuant à nouveau, CONDAMNER la société B2M 38 à verser à Madame [M] [Z] la somme de 10 000 € nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ensuite de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité à son égard, sur le fondement des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail. JUGER que le licenciement notifié à Madame [M] [Z] est nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse. CONDAMNER la société B2M 38 à verser à Madame [M] [Z] les sommes suivantes : — 10 000 € nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse sans cause réelle et sérieuse. DEBOUTER la société B2M38 de l’intégralité de ses demandes. CONDAMNER la société B2M 38 à verser à Madame [M] [Z] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700, ainsi que les dépens. Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées. L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2022 et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 4 mai 2022. La décision a été mise en délibéré le 23 juin 2022. MOTIFS DE L’ARRET Sur le licenciement L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. L’article L 1235-1 du code du travail dispose notamment que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Dès lors, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables mais qui n’ont pas nécessairement à être datés. La lettre de licenciement, notifiée le 23 janvier 2019 à Madame [E] [M] et qui fixe les termes du litige, est libellée en ces termes : « Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement initialement le 11 janvier 2019 pour tenir compte de votre arrêt de travail. Par courrier en date du 9 janvier 2018, vous nous avez informé ne pas être en mesure de pouvoir vous présenter à l’entretien compte tenu de votre pathologie malgré le fait que votre arrêt de travail fasse état de sorties autorisées. Nous avons alors décalé à nouveau votre entretien au 18 janvier 2019 et nous vous avons informé des faits qui vous étaient reprochés afin que vous puissiez nous adresser vos observations par écrit. Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien et vous ne nous avez adressé aucune observation écrite. Nous n’avons pas modifié notre position et nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement aux motifs suivants : Vous occupez le poste d’hôtesse de vente depuis le 18 septembre 2014. Depuis quelques mois nous avons constaté une dégradation de votre comportement et une multiplication des manquements qui vous sont imputables, notamment : — Le 21 décembre 2018, vous avez visionné des vidéos sur You Tube durant votre temps de travail au lieu d’exercer vos fonctions ; — Vous avez commis de très nombreuses erreurs dans le cadre de la réalisation de l’inventaire physique des stocks du magasin de fin d’année ; — Votre manque de rigueur impacte également le traitement des commandes dont certaines sont réalisées sans utilité compte tenu des stocks disponibles ; — De manière plus globale, vous avez démontré de graves manquements dans le cadre de l’organisation et de la gestion des documents de la société malgré nos multiples observations et nos rappels à l’ordre sur ce point. Les dossiers sont désorganisés et de nombreux documents non triés (dossiers du personnel, documents véhicules mélangés, factures fournisseurs etc’). Vous aviez même oublié de nous communiquer l’arrêt de travail d’un salarié que vous aviez réceptionné (Monsieur [X]) et un impayé client (Madame [G]) ; Vous avez également commis des erreurs dans la rédaction du montant de chèque (n° 3937586) et la remise de chèque (n°2193875) ; — Le 14 décembre 2018, vous avez même égaré la carte conducteur de Monsieur [X] dans votre bureau ; — Votre absence de respect des règles s’est enfin ressenti sur vos horaires de travail puisque vous avez été absente ou êtes arrivée en retard à plusieurs reprises sans justification (06/11, 17/11, 1/12, 21/12 par exemple); Pour mémoire, nous vous avions déjà alerté ensuite de vos retards et absences injustifiés cet été. Votre attitude n’a pas évolué malgré nos remarques et nos directives. Elle n’est désormais plus tolérable, nous sommes donc contraints de vous notifier par la présente votre licenciement. Votre préavis d’une durée de 2 mois débutera à la date de première présentation de la présente à votre domicile ». Et, au soutien de l’ensemble des griefs retenus à l’encontre de sa salariée, l’employeur verse aux débats: — un procès-verbal de constat d’huissier établi le 30 janvier 2019, lequel, bien que réalisé postérieurement au licenciement, sur mandat de la société, « afin de préserver les droits de l’employeur face à la contestation par la salariée des faits énoncés dans la procédure de licenciement’», est cependant recevable en ce que la société peut valablement se prévaloir des constatations de l’officier ministériel, qui font foi jusqu’à inscription de faux, ce que s’abstient de faire valoir la salariée, qui en conteste seulement l’établissement contradictoire, et dès lors qu’il s’appuie sur des outils ou documents appartenant à la société et qui n’ont aucun caractère personnel à Mme [M] — un extrait du cahier suivi des envois (trop succinct pour que la cour puisse en tirer des éléments de preuve suffisants des griefs énoncés) — un avertissement adressé à Mme [M] le 22 juillet 2015 (unique et trop ancien pour asseoir des antécédents disciplinaires à la charge de la salariée). Au soutien du premier grief énoncé en ces termes’: «’Le 21 décembre 2018, vous avez visionné des vidéos sur You Tube durant votre temps de travail au lieu d’exercer vos fonctions’», le constat d’huissier objective, à la date du 22 décembre 2018, des visites du site Youtube pour plusieurs vidéos différentes entre 17h29 et 17h55, ainsi que plus tôt dans l’après-midi, de 15h37 à 15h46, dans l’historique d’un PC-écran de marque LENOVO, présent sur le bureau de l’accueil dans le magasin ; cependant, rien ne relie cet ordinateur et ces connexions à Mme [M], de même que ces connexions concernent le 22/12 alors que la lettre de licenciement ne vise que le 21/12/2018 : le grief n’est pas établi. Au soutien du deuxième grief énoncé en ces termes’: «’Vous avez commis de très nombreuses erreurs dans le cadre de la réalisation de l’inventaire physique des stocks du magasin de fin d’année’», l’employeur ne verse aucun élément probant objectivant les erreurs qu’il affirme avoir constatées s’en l’établir. Le grief n’est pas établi. Au soutien du troisième grief énoncé en ces termes’: «’Votre manque de rigueur impacte également le traitement des commandes dont certaines sont réalisées sans utilité compte tenu des stocks disponibles’», l’employeur fait référence au constat effectué par l’huissier d’une divergence entre les mentions portées sur un bon de commande PISCINE, signé par Mr et Mme [T], à Saint Sauveur, 88, impasse de la chainée, en date du 08 août 2018, sur lequel, à la ligne « Margelles » il est indiqué « inclus », alors que sur la commande passée par B2M38 aux piscines IBIZA, portant le nom du même client [T] ‘ GUIGNON au 88, impasse de chainée à St sauveur, est coché «’NON» à la ligne « kit margelles ». Cependant, aucun autre élément ne vient établir que c’est Mme [M] qui serait à l’origine de cette erreur. Le grief n’est pas établi. Le quatrième grief est libellé en ces termes : «’De manière plus globale, vous avez démontré de graves manquements dans le cadre de l’organisation et de la gestion des documents de la société malgré nos multiples observations et nos rappels à l’ordre sur ce point. Les dossiers sont désorganisés et de nombreux documents non triés (dossiers du personnel, documents véhicules mélangés, factures fournisseurs etc’). Vous aviez même oublié de nous communiquer l’arrêt de travail d’un salarié que vous aviez réceptionné (Monsieur [X]) et un impayé client (Madame [G]) ; Vous avez également commis des erreurs dans la rédaction du montant de chèque (n° 3937586) et la remise de chèque (n°2193875) ;’». Sur la base des constatations de l’huissier, l’employeur met en lumière que plusieurs pochettes, rangées dans des classeurs, sur des étagères, dans le bureau du fond, au sein de l’entreprise, contiennent des documents qui n’ont aucun rapport avec la mention figurant sur les dites pochettes, sans qu’il puisse être établi que Mme [M] soit responsable de ce désordre en ne respectant pas les procédures mises en place par la société en matière de classement des documents, sur lesquelles l’employeur omet d’éclairer la cour. L’employeur n’établit pas plus que Mme [M] aurait oublié de communiquer l’arrêt de travail de M.[X], au sujet duquel aucun élément n’est versé aux débats, ni que la salariée n’aurait pas davantage fait part d’un impayé client. Par ailleurs, les constats relatifs aux erreurs alléguées par l’employeur dans la rédaction des montants des chèques sont inopérants en l’absence de compléments d’informations et d’éléments de comparaison en ce que les écarts invoqués ne résultent que des seules déclarations de l’employeur. Ces griefs ne sont pas suffisamment établis. Au soutien du cinquième grief énoncé en ces termes «’Le 14 décembre 2018, vous avez même égaré la carte conducteur de Monsieur [X] dans votre bureau’», l’employeur ne justifie d’aucun préjudice en étant résulté alors que si la carte de M.[X] a bien été égarée par Mme [M] qui s’en excuse auprès de lui par courrier du 15/12/2018, elle a été retrouvée. Le grief n’est pas établi. Alors que le sixième grief est libellé en ces termes : «’Votre absence de respect des règles s’est enfin ressenti sur vos horaires de travail puisque vous avez été absente ou êtes arrivée en retard à plusieurs reprises sans justification (06/11, 17/11, 1/12, 21/12 par exemple); Pour mémoire, nous vous avions déjà alerté ensuite de vos retards et absences injustifiés cet été’», la salariée, qui ne conteste pas être arrivée en retard aux dates mentionnées sur la lettre de licenciement, justifie cependant s’en être expliquée, les avoir justifiées, s’en être excusée et les avoir «’rattrapé’», par la production des SMS envoyés à chacune de ces dates. Si le grief est établi, en l’absence de tout antécédent disciplinaire significatif, il est bien insuffisant à caractériser une faute et fonder le licenciement d’une salariée d’une ancienneté de plus de quatre années qui avait, jusqu’alors, donné satisfaction à son employeur. En conséquence, par confirmation de la décision entreprise, c’est par une juste appréciation des circonstances de l’espèce que les premiers juges ont pu juger le licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse. Sur la discrimination en raison de la situation de famille L’article L. 1132-1 du code du travail dispose notamment qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (‘) en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse. Et les dispositions de l’article L. 1134-1 prévoient qu’en cas de litige relatif au respect des dispositions précitées, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, puis à la partie défenderesse, le cas échéant, de prouver au vu de ces éléments que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Au cas d’espèce Mme [M] allègue avoir fait l’objet d’agissements de la part de son employeur constitutifs d’une discrimination en raison de sa situation familiale en ce qu’à son retour de congés, au mois d’août 2018, elle a constaté que son employeur avait placé des caméras de vidéo-surveillance, qu’il l’a mise sciemment à l’écart, avant de la licencier, ultime mesure de rétorsion à son encontre. Et, au soutien de l’hostilité croissante dont elle a fait l’objet de la part de sa hiérarchie depuis que son employeur a appris sa relation amoureuse avec un ancien salarié de l’entreprise, Mme [M] produit aux débats un certificat attestant de la réalité de cette relation en ce qu’elle s’est concrétisée par son mariage avec [S] [Z] le 31 juillet 2021. D’une première part, Mme [M], qui affirme avoir appris, à son retour de congés d’août 2018, que des caméras de surveillance avaient été installées et que l’une d’elles filmait son poste de travail en permanence, ne produit aucun élément au soutien de la mise en oeuvre de cette surveillance décrite comme étant discriminatoire. En effet, sa collègue de travail, Mme [A] [W], atteste seulement de façon générale que «’Je commence à travailler en CDI le mardi 4 septembre, je constate qu’il y a des caméras de surveillance dans l’espace magasin mais aussi dans le bureau de Mr [J]’», tandis que l’employeur confirme l’installation d’un système de vidéo-surveillance au sein de l’entreprise qui permet de filmer l’espace d’accueil, la caisse du magasin, l’espace de vente et l’entrée du bureau secrétariat et comptabilité. Et, la société justifie tant des déclarations qu’elle a effectuées dans le respect de ses obligations légales à la CNIL en septembre 2010 et juin 2018, que de l’autorisation qu’elle a sollicitée auprès de la préfecture, en novembre 2018, pour l’installation «’d’un système de vidéoprotection pour l’établissement B2M38’»’; elle produit également une note interne datée du 28 août 2018 ayant pour objet «’Avis relatif à l’installation de caméras de surveillance dans les lieux suivants’: Espace accueil et caisse magasin, Bureau secrétariat et comptabilité, Espace vente’». Il ressort de ces énonciations que, dans ces conditions, l’ensemble des salariés étant soumis aux conditions de vidéo-protection de la société, Mme [M], qui ne tire aucune conséquence de l’illicéité alléguée des installations ci-dessus décrites, n’établit pas la matérialité de l’installation d’un système de vidéo-surveillance dans le but spécifique de la surveiller de manière permanente et discriminante. D’une deuxième part, Mme [M], qui soutient avoir été mise à l’écart, s’appuie sur l’attestation précise et circonstanciée de Mme [A] [W], salariée de l’entreprise du 12 au 28 avril 2018 puis 4 au 24 septembre 2018, formée par la salariée intimée, qui rapporte les propos de M.[J], gérant de l’entreprise, et décrit leurs conditions de travail en ces termes : «[…]. Au bout du troisième jour, Mr [J] m’informe que le mot de passe de son ordinateur vient d’être modifié et que Madame [M] ne doit plus y avoir accès. Lorsque je demande la raison, il me répond «’On a appris récemment qu'[E] est en couple avec un ancien employé que l’on a licencié, c’est vrai qu’on est resté choqué de cette nouvelle, on ne s’y attendait vraiment pas ! Alors vous comprenez que cette relation nous rend méfiants’». Madame [M] n’ayant plus accès à cet ordinateur où se trouve le logiciel et tous les documents nécessaires, cela devient problématique pour travailler efficacement. [‘] Par la suite, Mr [J] me demande de faire en sorte que Madame [M] ne soit jamais seule quand elle doit travailler dans le bureau hormis pour venir utiliser l’imprimante. [‘] L’atmosphère entre les membres de l’entreprise est très tendue surtout lorsqu’on nous demande de plus travailler en binôme. Mme [M] doit rester dans l’espace magasin pendant que moi je dois rester dans le bureau pour m’occuper de tout ce qui concernent le secrétariat. Nos compétences professionnelles étant inversées entre Mme [M] et moi, nous avons eu des difficultés à travailler efficacement. […]». Etant relevé que M.[I] [J], dans l’attestation versée aux débats par l’employeur, conteste fermement avoir tenus ces propos, de même qu’il expose que Mme [M] a bien été privée d’accès à son ordinateur à l’occasion d’une journée de mise à jour de sécurité, tandis qu’il explique avoir mis fin à la période d’essai de Mme [W], dont les compétences ne correspondaient pas aux exigences du poste, sans cependant étayer ces propos par la production d’éléments les objectivant. Et, alors que Mme [M] a continué à occuper son poste et exercer ses fonctions après le départ de Mme [W] et jusqu’à son licenciement, sans justifier d’aucune alerte sur la dégradation de ses conditions de travail dans l’intervalle, ce seul témoignage de Mme [W], qui établit, pour la courte période concernée, la matérialité de la mise à l’écart alléguée, est cependant corroboré par les critiques exprimées dans le courrier que Mme [M] a adressé à l’inspection du travail le 23 janvier 2018, après avoir reçu la convocation à un entretien préalable’: «’ Au mois d’août 2018, quand mes employeurs ont su que nous étions en couple ils ont procédé à une mise au placard en bonne et due forme. Par la suite, tout se passait à peu près bien jusqu’à la réception de mes lettres préalables de licenciements’». D’une troisième part, Mme [M] établit qu’alors qu’elle avait quatre ans d’ancienneté et aucun antécédent disciplinaire, il n’a fallu à l’employeur que cinq mois, entre la découverte, en août 2018, de sa relation sentimentale avec M.[C], ancien salarié de l’entreprise, et sa convocation à un entretien préalable par courrier du 2 janvier 2019, pour envisager avec brutalité une mesure de licenciement disciplinaire injustifiée, ainsi que l’a retenu la cour dans les énonciations qui précèdent, caractérisant ainsi une mesure de représailles à son égard en raison de sa nouvelle situation familiale. Dès lors, il résulte de l’ensemble de ces énonciations que Mme [M] établit l’existence matérielle de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination à son encontre en raison de sa nouvelle situation familiale. Et l’employeur, qui conteste tout agissement discriminatoire de sa part à l’encontre de sa salariée, n’apporte cependant aucun élément de nature à établir que la mise à l’écart comme le licenciement de Mme [M] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de la situation familiale de l’intéressée. La société B2M38 échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [M] sont justifiés par des éléments étrangers à toute discrimination. La discrimination est dès lors établie. Compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa courte durée, et des conséquences dommageables qu’elle a eues pour Mme [M] telles qu’elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant pour la salariée doit être réparé par l’allocation de la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement est infirmé sur ce point. Sur les obligations de sécurité et de prévention de l’employeur Aux termes de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés; l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. L’employeur doit notamment transcrire et mettre à jour un document unique des résultats de l’évaluation des risques, (physiques et psycho-sociaux), pour la santé et la sécurité des salariés qu’il est tenu de mener dans son entreprise, ainsi que les facteurs de pénibilité en vertu de l’article R 4121-1 et suivants du code du travail. La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant. En l’espèce, la salariée soutient que les agissements de l’employeur traduisent, outre la discrimination qu’elle justifie avoir subie, un manquement de l’employeur à ses obligations de prévention en ce qu’elle a été contrainte de suspendre son activité professionnelle en raison d’un syndrome anxiodépressif ensuite de l’hostilité affichée à son égard. Et Madame [M], qui soutient une première part avoir alerté régulièrement son employeur des difficultés qu’elle rencontrait, produit cependant les deux courriers qu’elle a adressés postérieurement à sa convocation à un entretien préalable, l’avant-veille et le jour de son licenciement : — à son employeur, le 21 janvier 2019, aux termes duquel elle expose’: «’D’ailleurs ma situation professionnelle s’est profondément dégradée depuis août 2018, date à laquelle vous avez appris que j’entretenais une relation amoureuse avec Monsieur [Z] [S], votre ancien salarié. Depuis, vous avez tenté de m’évincer de mes fonctions, et vous adoptez à mon égard une attitude hostile qui me fait profondément souffrir (‘)’» — à l’inspection du travail, le 23 janvier 2019, à laquelle elle rapporte que : «’Mes employeurs souhaitent me licenciés pour des motifs irréels. La réelle cause de mon licenciement est le fait que je suis en couple avec un ancien technicien de l’entreprise B2M38 qui a été licencié en juin 2018. Au mois d’août 2018, quand mes employeurs ont su que nous étions en couple ils ont procédé à une mise au placard en bonne et due forme. Par la suite, tout se passait à peu près bien jusqu’à la réception de mes lettres préalables de licenciements. Suite à un conseil d’une personne de vos services je suis en arrêt maladie pour dépression. J’ai saisie une avocate pour me défendre dans ce litige ». Etant relevé, dans ces conditions, que Mme [M] n’a pas mis en situation son employeur d’avoir à apporter une réponse concrète à la souffrance qu’elle a dénoncée trop tardivement par rapport à la mesure de licenciement contestée. D’une deuxième part, Mme [M] constate valablement que la société B2M38 ne justifie d’aucune prévention des risques psychosociaux, ni d’aucune formation propre à les prévenir, ni ne verse aux débats aucun document unique de prévention des risques. Or, ce défaut de prévention lui cause nécessairement un préjudice dans la mesure où elle ne disposait d’aucun outil pour alerter de manière efficiente des interlocuteurs tels que la médecine du travail. D’une troisième part, elle verse aux débats son arrêt de travail initial pour syndrome anxio dépressif et la prolongation de celui-ci du 21/01/2019 au 11/02/2019 avec pour mention «’Troubles mentaux-Episode dépressif’» qui l’ont contrainte à suspendre son activité professionnelle. En conséquence, Mme [M] est bien-fondée à solliciter l’indemnisation de son préjudice au titre des manquements de l’employeur à son obligation de prévention et de sécurité que la cour évalue à la somme de 1500 euros. Le jugement est infirmé partiellement en ce sens. Sur les demandes indemnitaires au titre du licenciement En application de l’article’L.1132-4 du code du travail, le licenciement intervenu dans un contexte de discrimination est nul. Et conformément à l’article L.1235-3-1 du code du travail, le barème prévu à l’article L. 1235-3 dudit code n’est pas applicable si le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités mentionnées au deuxième alinéa de l’article L.1235-3-1 du Code du travail. En l’espèce, Mme [M] disposait d’une ancienneté au service du même employeur supérieure à quatre années, elle percevait une rémunération mensuelle brute à hauteur de 760 € et, si elle justifie de difficultés financières importantes au cours de l’année 2019, elle occupe un emploi de secrétaire comptable depuis le 2 juin 2020 pour lequel elle perçoit un salaire mensuel brut de 1645 €. Aussi, l’intéressée est-elle valablement fondée à obtenir en réparation de la perte injustifiée de son emploi, la condamnation de la société B2M38 à lui verser la somme de 6000 euros, par confirmation du jugement entrepris de ce chef. Sur les demandes accessoires L’équité commande de confirmer l’indemnité de procédure accordée en première instance et de condamner la SAS B2M38 à payer une indemnité complémentaire en cause d’appel de 1500 euros à Mme [E] [M]. Le surplus des prétentions des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté. Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, le jugement dont appel est confirmé en ce qu’il a condamné la SAS B2M38, succombant partiellement à l’instance, aux dépens de première instance ; y ajoutant la société doit également être tenue des dépens d’appel. PAR CES MOTIFS’: La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, CONFIRME le jugement entrepris en celles de ses dispositions ayant’: — condamné la SAS B2M38 à payer à Mme [E] [M] la somme de 6000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et 1200,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile — débouté la société de sa demande reconventionnelle et l’ayant condamnée aux dépens INFIRME le jugement entrepris pour le surplus Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant CONDAMNE la SAS B2M38 à payer à Mme [E] [M] les sommes suivantes’: — 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination — 1500 € à titre de dommages et intérêts pour manquements de l’employeur à son obligation de prévention et de sécurité — 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile REJETTE le surplus des demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile CONDAMNE la SAS B2M38 aux dépens de l’instance. Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La Greffière La Présidente | |