Revisiter les œuvres d’art en Playmobil : un concept protégé ?
Revisiter les œuvres d’art en Playmobil : un concept protégé ?
Ce point juridique est utile ?

Bien que les droits d’auteur ne protègent pas les concepts, la reproduction non autorisée d’œuvres d’art revisitées en Playmobil (exemple : La Joconde) est bien une contrefaçon. 

80 000 euros de préjudice

Une Société a été condamnée à 80 000 euros au titre du préjudice patrimonial et des atteintes au droit moral d’un artiste revisitant en playmobil les icônes artistiques et du pop art dont les Rolling Stones, les Beatles et Salvalor Dali.

Œuvres de l’artiste

L’artiste peintre qui revisite les classiques de la peinture en remplaçant les personnages reproduits dans ces tableaux par des figurines Playmobil a obtenu la condamnation d’un galeriste et d’un éditeur d’œuvres d’art qui a reproduit des panneaux incluant des représentations revisitées de sa Joconde.  

Protection d’une œuvre originale

Sans prétendre s’approprier un genre, l’artiste a fait valoir avec succès que cette originalité procédait « d’une réinterprétation humoristique, espiègle et nostalgique de la figure mythique de ‘la Joconde de Léonard de Vinci en y associant un traitement décalé, par la rencontre poétique avec le personnage enfantin du Playmobil, revisité pour l’occasion afin de le transposer et le confronter aux codes du début du XVIe siècle, ce voyage inopiné dans l’imaginaire conférant au tableau un caractère éminemment personnel ».

La circonstance qu’un autre artiste ait préalablement réinterprété la Joconde de Léonard de Vinci en utilisant la photographie d’une figurine Playmobil, cette oeuvre figurant dans l’ouvrage ‘Playmobil – Le tour du monde’ dont le dépôt légal est d’octobre 2010, n’est pas suffisante à priver d’originalité le tableau de l’artiste alors qu’il a lui-même fait des choix arbitraires et esthétiques différents de ceux de l’auteur visé, notamment quant à la représentation du visage, du corsage, des bras, des cheveux, de la position du personnage qui font que l’aspect global de l’oeuvre prise dans la combinaison de chacun de ses éléments, fussent-ils connus, en font un tableau qui présente une physionomie particulière qui le distingue du jouet qu’il évoque ou de créations du même genre et qui traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.

L’originalité de l’oeuvre dont la protection est revendiquée est caractérisée et le tableau en cause est bien éligible à la protection par le droit d’auteur.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2022
 
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/18194 – n° Portalis 35L7-V-B7E-CCZTC
 
Décision déférée à la Cour : jugement du 03 décembre 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°19/06289
 
APPELANT
 
M. [O] [T]
 
Né le 10 mars 1982 à [Localité 5]
 
De nationalité française
 
Exerçant la profession d’artiste peintre
 
Demeurant[Adresse 1] – [Localité 5]
 
Représenté par Me Thibault LACHACINSKI de la SCP NFALAW, avocat au barreau de PARIS, toque P 305
 
INTIMES
 
M. [B] [W]
 
Né le 21 octobre 1960 à [Localité 5]
 
De nationalité française
 
Demeurant [Adresse 2] – [Localité 5]
 
S.A.R.L.U. DOOBLE PICS, agissant en la personne de son dirigeant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 3]
 
[Localité 5]
 
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 513 537 183
 
Société SIFRA, société de droit suisse, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 6]
 
CP 108
 
[Adresse 4]
 
SUISSE
 
Représentés par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD – SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J 125
 
Assistés de Me Isabelle MARCUS MANDEL plaidant pour le Cabinet MANDEL – PARIENTE ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque P 342
 
COMPOSITION DE LA COUR :
 
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
 
Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
 
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente
 
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
 
Mme Déborah BOHEE, Conseillère, désignée pour compléter la Cour
 
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
 
ARRET :
 
Contradictoire
 
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
 
Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
 
Vu le jugement contradictoire rendu le 3 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,
 
Vu l’appel interjeté le 14 décembre 2020 par M. [T],
 
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 18 juin 2021 par M. [T], appelant,
 
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 mars 2022 par les sociétés Dooble Pics, Sifra et M. [W], intimés et appelants incidents,
 
Vu l’ordonnance de clôture du 10 mars 2022.
 
SUR CE, LA COUR,
 
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
 
M. [T] se présente comme un artiste peintre. Il expose que, depuis 2011, il a revisité des classiques de la peinture en remplaçant les personnages reproduits dans ces tableaux par des figurines Playmobil :
 
M. [T] précise que son travail trouve une résonance particulière chez un jeune public qui est ainsi sensibilisé à l’art en général et à la peinture en particulier et que ses oeuvres sont présentes sur son site internet ‘www.[08].com’ accessible depuis le 20 janvier 2011, ainsi que sur sa page Facebook.
 
M. [T] expose que, parmi ses oeuvres emblématiques, figure un tableau, qu’il aurait réalisé en 2011, réinterprétant ‘La Joconde de Léonard de Vinci, lequel a été largement relaye’ par les médias et dans la presse :
 
M. [W] se présente comme un artiste français appartenant au courant de l’art cinétique et de l’art figuratif pop art.
 
Il dit avoir mis au point un procédé exclusif à partir de la superposition de photographies argentiques dans des panneaux, pour créer ainsi une image qui, selon l’angle où elle est regardée, présente trois visions différentes d’une même oeuvre.
 
M. [W] fait valoir que la plupart de ses oeuvres revisitent les icônes artistiques et du pop art et qu’il a ainsi reproduit de très nombreuses représentations, dont celles de [S] [K], [U] [A], [G] [I], [N] [L], les Rolling Stones, les Beatles et Salvalor Dali.
 
La société de droit suisse Sifra exploite diverses galeries d’art sous la dénomination « Bel-Air » situées en France et à l’étranger, lesquelles offrent notamment à la vente des oeuvres de M. [W].
 
La société Dooble Pics, dont le président est M. [W], est en charge de l’exploitation et de la commercialisation de ses oeuvres. Elle fait ainsi la promotion des oeuvres de l’artiste qu’elle vend directement ou par l’intermédiaire de galeries qui lui reversent une partie du prix de vente des oeuvres cédées.
 
M. [T] expose avoir, durant le mois d’avril 2018, découvert que M. [W] présentait sur son compte Facebook et offrait à la vente, notamment par l’intermédiaire de la galerie « Bel-Air » située à [Localité 5], des panneaux reproduisant des représentations revisitées de la Joconde :
lesquels représentent notamment l’image suivante, qui serait une reproduction partielle du tableau de la Joconde revisite’ dont il est l’auteur :
 
Il a fait établir un procès-verbal de constat par l’agence de protection des programmes le 16 avril 2018.
 
Une mise en demeure du 24 avril 2018 enjoignant à M. [W] de procéder au retrait des panneaux représentant cette image étant restée infructueuse, M. [T] a fait dresser un second constat par l’agence de protection des programmes au mois de mars 2019 et a, par actes des 16 et 17 mai 2019, fait assigner la société Sifra et M. [B] [W] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, en contrefaçon de droits d’auteur et, subsidiairement, en concurrence déloyale et parasitaire.
 
La société Dooble Pics est intervenue volontairement à l’instance pendante devant le tribunal.
 
Le jugement dont appel a :
 
— dit n’y avoir lieu à écarter des débats la piéce n°17.5 communiquée par M. [T],
 
— rejeté la demande de mise hors de cause de M. [W],
 
— débouté M. [T] de ses demandes formées au titre des droits d’auteur sur le tableau “La Joconde”,
 
— condamné in solidum M. [W] et la société Dooble Pics à payer à M. [T] 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour parasitisme,
 
— rejeté les demandes formées contre la société Sifra au titre du parasitisme,
 
— rejeté la demande de publication judiciaire,
 
— condamné in solidum M. [W] et la société Dooble Pics aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Me Thibault Lachacinsky, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
 
— condamné in solidum M. [W] et la société Dooble Pics à payer à M. [T] 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.
 
M. [T] a interjeté appel dudit jugement et par ses dernières conclusions sollicite de la cour de :
 
— réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 3 décembre 2020, en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d’auteur, en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme à l’encontre de société Sifra et quant au quantum de son préjudice ;
 
Statuant à nouveau :
 
— dire et juger qu’il est recevable et bien fondé en son action et en l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;
 
En conséquence,
 
— débouter M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra de l’ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions ;
 
— dire et juger que le tableau “[M]” est original et digne de bénéficier, à ce titre, de la protection conférée par les dispositions des Livres I et III du code de la propriété’ intellectuelle ; dire et juger qu’il est titulaire des droits d’auteur y afférents ;
 
— dire et juger que M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra, en fabriquant, en exposant, en représentant, en offrant à la vente et/ou en commercialisant sans autorisation des panneaux reproduisant sans autorisation le tableau “[M]”, ont porté atteinte à ses prérogatives patrimoniales de droit d’auteur ainsi qu’aux prérogatives extrapatrimoniales du droit à l’intégrité de l’oeuvre et du droit à la paternité ;
 
A titre subsidiaire,
 
— dire et juger que M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra, en fabriquant, en exposant, en représentant, en offrant à la vente et/ou en commercialisant sans autorisation des panneaux reproduisant sans autorisation le tableau “[M]”, ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son préjudice ;
 
En conséquence,
 
— interdire à M. [W] et aux sociétés Dooble Pics et Sifra toute fabrication directe ou indirecte, exposition, représentation, offre à la vente et commercialisation, sous quelque forme et support (Internet notamment) et à quelque titre que ce soit, de tout panneau reproduisant totalement ou partiellement le tableau “[M]” dont les droits d’auteur lui appartiennent sous astreinte de 500 euros par infraction constatée sous 8 jours à compter du prononcé de la décision à intervenir, la cour restant saisie pour statuer sur l’astreinte définitive ;
 
— ordonner à M. [W] et aux sociétés Dooble Pics et Sifra la destruction ou à tout le moins la transformation des panneaux contrefaisants non commercialisés à un consommateur final au jour de l’assignation, afin qu’ils ne portent plus atteinte à ses droits d’auteur, sous astreinte de 500 euros par jour de retard dans les 8 jours suivant le prononcé de la décision à intervenir, la Cour restant saisie pour statuer sur l’astreinte définitive ;
 
— condamner solidairement M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra à lui verser la somme globale de 560.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des atteintes à ses prérogatives patrimoniales du droit d’auteur, outre la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des atteintes à ses prérogatives extrapatrimoniales du droit d’auteur ;
 
A titre subsidiaire :
 
— condamner solidairement M. [W] et les société Dooble Pics et Sifra à lui verser la somme globale de 580.000 euros a’ titre de dommages et inte’rêts en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme commis à son préjudice ;
 
— ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir faisant suite à la mention “COMMUNIQUE ‘ Par de’cision du (date de la décision), la Cour d’appel de Paris a condamnéM. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra pour des actes de contrefaçon des droits d’auteur de M. [O] [T], artiste peintre : (dispositif)”, dans 3 journaux périodiques ou magazines de son choix, mais aux frais solidairement avancés de M. [W] et des société’s Dooble Pics et Sifra, le coût global de ces insertions ne pouvant exce’der la somme de 20.000 euros hors taxes ;
 
— ordonner la diffusion du jugement à intervenir, sous 8 jours à compter de sa signature et pendant 15 jours, du dispositif du jugement à intervenir faisant suite à la mention “COMMUNIQUE ‘ Par décision du (date de la décision), la Cour d’appel de Paris a condamné M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra pour des actes de contrefaçon des droits d’auteur de M. [O] [T], artiste peintre : (dispositif)”, sur la page d’accueil française des sites Internet accessibles à l’adresse www.belairfineart.com et www.[07].com, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la cour restant saisie de la liquidation de l’astreinte définitive ;
 
— ordonner que cette publication intervienne en partie supérieure de ces pages d’accueil et en toute hypothèse  au- dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, en police de caractères « Times New Roman » de taille « 13 », droits, de couleur noire et sur fond blanc, dans un encadré de 468 x120 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, en lettres capitales de taille 16 ;
 
— condamner solidairement M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre pour la procédure d’appel ;
 
— condamner solidairement M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra aux entiers dépens de l’instance, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, en ce compris les frais de constats Internet.
 
Par leurs dernières conclusions, les sociétés Dooble Pics, Sifra et M. [W] demandent à la cour de :
 
A titre principal
 
— confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire en date du 3 décembre 2020 ayant :
 
— débouté M. [D] [O] [T] de ses demandes formées au titre des droits d’auteur sur le tableau « La Joconde» ;
 
— rejeté les demandes formées contre la société Sifra au titre du parasitisme ;
 
— rejeté la demande de publication judiciaire ;
 
— infirmer le jugement en ce qu’il a :
 
— rejeté la demande de mise hors de cause de M. [B] [W] ;
 
— condamné in solidum M. [W] et la société Dooble Pics à payer à M. [D] [O] [T] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme ;
 
— condamné in solidum M. [W] et la société Dooble Pics à payer à M. [D] [O] [T] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
Statuant à nouveau
 
— ordonner la mise hors de cause de M. [W], celui-ci ne commercialisant pas les oeuvres litigieuses ;
 
— infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire en ce qu’il a accueilli la demande de M. [D] [O] [T] fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de M. [B] [W] et la société Dooble Pics ;
 
— débouter M. [D] [O] [T] de toutes ses demandes accessoires ;
 
A titre subsidiaire
 
Sur l’action en contrefaçon :
 
— si par extraordinaire la cour devait entrer en voie de condamnation pour des faits de contrefaçon, limiter le préjudice de M. [D] [O] [T] à la somme de 2.444 euros ;
 
— dire que la société Sifra n’ayant vendu qu’une oeuvre, n’a pu causer un préjudice supérieur à la somme de 488 euros ;
 
Sur l’action en concurrence déloyale :
 
— infiniment subsidiairement et si la cour devait entrer en voie de condamnation sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, limiter le préjudice de M. [D] [O] [T] à la somme de 2.444 euros ;
 
En tout état de cause
 
— condamner M. [D] [O] [T] à leur verser à chacun la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— condamner M. [D] [O] [T] en tous les dépens dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
A titre liminaire, la cour constate que le chef du jugement ayant dit n’y avoir lieu d’écarter des débats la pièce n°17-5 communiquée par M. [T] n’est pas critiqué par les parties et est donc devenu irrévocable.
 
— Sur le droit d’auteur
 
— Sur l’originalité
 
M. [T] critique le jugement déféré qui a rejeté ses demandes fondées sur la conrefaçon du droit d’auteur en raison du défaut d’originalité du tableau ‘Joconde qu’il a créé, faisant valoir que sa qualité d’auteur n’était pas contestée par M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra en première instance et que les longs développements du jugement sur la date de création, la fixant au 27 décembre 2013, sont indifférents. Il soutient que le tableau exposé le 9 décembre 2011 lors d’un vernissage à la galerie des arts graphiques a été commercialisé à cette date, et que sa création issue d’un long processus est originale, chaque coup de pinceau étant un choix créatif arbitraire.
 
M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra contestent la date de création de l’oeuvre approuvant le tribunal de l’avoir fixée au 27 décembre 2013, date de présentation de la toile sur la page Facebook de M. [T], et font valoir une antériorité constituée d’un tableau dénommé ‘Joconde créée par M. [H], contestant les choix artistiques de M. [T], les éléments du tableau étant imposés par des contraintes techniques dues au choix de représenter une figurine Playmobil en plastique. Ils ajoutent que l’oeuvre de M. [T] est dépourvue d’originalité du fait de l’absence totale de physionomie propre, les éléments revendiqués se retrouvant déjà dans l’oeuvre préexistante de [X] [H].
 
Il résulte des dispositions des articles L. 111-1, L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
 
M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra ne discutent pas la qualité d’auteur de M. [T] ni que le tableau ‘Joconde qu’il oppose au titre de la contrefaçon existait préalablement aux panneaux critiqués réalisés par M. [W].
 
Les intimés contestent uniquement l’originalité du tableau qui leur est opposé ainsi que la date de création de celui-ci pour faire valoir une oeuvre préexistante de M. [H].
 
Néanmoins, l’originalité comme condition de la protection au titre du droit d’auteur, s’oppose à la notion de nouveauté et la notion d’antériorité est donc inopérante en droit d’auteur.
 
En conséquence, le débat sur la date de création notamment pour démontrer que le tableau de M. [H] est antérieur à celui de M. [T] est indifférent.
 
M. [T] démontre toutefois par la fourniture de pièces au débat devant la cour, non utilement discutées par les intimés, notamment des attestations des personnes présentent lors du vernissage organisé le 9 décembre 2011 de l’exposition des oeuvres de l’appelant à la galerie des arts graphiques parmi lesquelles figurait le tableau ‘Joconde en cause, de l’acquéreur de celui-ci, M. [P] [V] et de l’invitation à l’exposition qui s’est déroulée du 10 au 18 décembre 2011 (pièces 6-2, 6-3 et 6-4) que cette oeuvre a été divulguée au public le 9 décembre 2011, peu important que sa date de création ne soit pas établie.
 
Il appartient à M. [T] qui revendique une protection au titre du droit d’auteur sur un tableau dont l’originalité est contestée de préciser en quoi l’oeuvre revendiquée porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.
 
A cet égard, M. [T] soutient, sans prétendre s’approprier un genre, que cette originalité procède d’ ‘une réinterprétation humoristique, espiègle et nostalgique de la figure mythique de ‘la Joconde de Léonard de Vinci en y associant un traitement décalé, par la rencontre poétique avec le personnage enfantin du Playmobil, revisité pour l’occasion afin de le transposer et le confronter aux codes du début du XVIe siècle, ce voyage inopiné dans l’imaginaire confèrant au tableau un caractère éminemment personnel’, ainsi que des caractéristiques qu’il expose et détaille dans ses écritures tels les proportions du personnage peint, la position de la tête, des bras et des mains, la forme de la coiffure, la stylisation du corsage et des vêtements, la représentation de la jupe, de couleurs, des jeux de lumière et du fond paysager stylisé.
 
La circonstance que M. [X] [H] a préalablement à M. [T] réinterprété la Joconde de Léonard de Vinci en utilisant la photographie d’une figurine Playmobil, cette oeuvre figurant dans l’ouvrage ‘Playmobil – Le tour du monde’ dont le dépôt légal est d’octobre 2010, n’est pas suffisante à priver d’originalité le tableau de M. [T] alors qu’il a lui-même fait des choix arbitraires et esthétiques différents de ceux de M. [H] notamment quant à la représentation du visage, du corsage, des bras, des cheveux, de la position du personnage qui font que l’aspect global de l’oeuvre prise dans la combinaison de chacun de ses éléments, fussent-ils connus, en font un tableau qui présente une physionomie particulière qui le distingue du jouet qu’il évoque ou de créations du même genre et qui traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.
 
Contrairement à ce qu’ont retenus les premiers juges, l’originalité de l’oeuvre dont la protection est revendiquée est caractérisée par l’appelant et le tableau en cause est bien éligible à la protection par le droit d’auteur.
 
— Sur les actes de contrefaçon
 
Selon les dispositions de l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayant cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
 
L’article L. 121-1 prévoit que l’auteur jouit au droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.
 
L’existence des panneaux La  Joconde sur lesquels a été apposée une Joconde Playmobil n’est pas contestée par les intimés.
 
Ils contestent en revanche tout acte de contrefaçon faisant valoir que la représentation de la Joconde en Playmobil ne constitue qu’une petite partie de l’oeuvre qui juxtapose 9 vignettes représentant la Joconde de façon humoristique, ils invoquent le courant artistique de ‘l’appropriationnisme’, le droit d’auteur ne pouvant faire obstacle à la création, la liberté de création artistique et d’expression devant prévaloir.
 
Il apparaît néanmoins des éléments fournis au débat que l’oeuvre de M. [W] constituée de panneaux représentant la Joconde, reproduit à l’identique, en tronquant le bas du tableau, la création de M. [T] intitulée ‘Joconde, celle-ci figurant parmi une mosaïque avec 8 autres vignettes de représentation de la Joconde de Léonard de Vinci en reprenant des personnages d’animation ou de ‘comics’ tels Super Mario, les Simpson, Donald ou Captain America.
 
Les intimés ne font pas utilement valoir les dispositions de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantissent l’exercice de la liberté d’expression dans le respect du droit des tiers.
 
La combinaison de cette liberté fondamentale et des droits exclusifs conférés par les dispositions protégeant la propriété intellectuelle conduit à prévoir des exceptions aux droits exclusifs des titulaires de droit d’auteur qui sont limitativement énumérés à l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle telle l’exception de parodie.
 
Or, le tableau de M. [T] est reproduit à l’identique bien que tronqué, dans la création critiquée, la parodie dont apparaît se prévaloir M. [W] est celle de l’oeuvre d’origine soit La Joconde de Léonard de Vinci et non du tableau de M. [T].
 
De même, les intimés invoquent à tort le courant dit ‘appropriationniste’ pour contester la contrefaçon qui leur est reprochée, l’incorporation dans une oeuvre nouvelle d’une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière constitue certes une oeuvre nouvelle qui est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, mais sous réserve des droits de l’auteur de l’oeuvre prééxistante (articles L. 113-2 et L. 113-4 du code de la propriété intellectuelle).
 
Enfin, M. [W], la société Dooble Pics et la société Sifra ne peuvent faire valoir que M. [T] lui-même emprunte également aux oeuvres préexistantes, ceux-ci ne pouvant invoquer des droits de tiers.
 
Il ressort des procès-verbaux de constat dressés par l’agence de protection des programmes le 16 avril 2018 sur la page Facebook de M. [B] [W], sur le site internet galerie-montmartre.com édité par la société L’Historial de Montmartre et du procès-verbal de constat dressé par la même agence le 2 avril 2019 sur le site belairfineart.com géré par la société Sifra que la composition arguée de contrefaçon notamment intitulée [M] Parody ou Ti Guarda est représentée et ainsi décrite sur le site belairfineart.com ‘Ti Guarda kinetik work / superposition de photos argentiques sur panneau – oeuvre originale – pièce unique 155cm x 155cm disponible’.
 
La société Dooble Pics ne discute pas commercialiser l’oeuvre de M. [W] et dit exploiter directement les oeuvres de l’artiste et les confier aux galeries.
 
La société Sifra exploite des galeries d’art et propose à la vente des oeuvres de M. [W].
 
Aussi, en reproduisant sans autorisation dans les panneaux représentant la Joconde, le tableau dont M. [T] est l’auteur et en représentant cette oeuvre sur son compte Facebook, M. [W] a porté atteinte aux droits patrimoniaux de M. [T].
 
C’est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de mise hors de cause de M. [W].
 
En exposant, représentant, diffusant, offrant à la vente et en commercialisant les panneaux créés par M. [W], la société Dooble Pics qui ne discute pas commercialiser l’oeuvre de M. [W] et la société Sifra qui édite notamment le site belairfineart.com sur lequel est représenté l’oeuvre de M. [W] arguée de contrefaçon, ont également porté atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur dont celui-ci est titulaire.
 
De même, en omettant de préciser que l’un des visuels représentés est l’oeuvre de M. [T], les intimés ont porté atteinte au droit au respect du nom de ce dernier. En outre, en supprimant le fond du tableau et en coupant le bas de la représentation du personnage tronqué à hauteur de la poitrine, M. [W], les sociétés Dooble Pics et Sifra ont également porté atteinte à l’intégrité de l’oeuvre de M. [T], les intimés n’invoquant pas utilement pour les raisons sus-évoquées, le respect de la liberté de création de M. [W].
 
Les demandes au titre de l’atteinte au droit moral de l’auteur sont en conséquence fondées.
 
Les griefs de concurrence déloyale et de parasitisme étant invoqués à titre subsidiaire, il n’y a pas lieu de statuer à ce titre.
 
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [T] au titre de la contrefaçon de droit d’auteur.
 
— Sur le préjudice
 
L’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :
 
«Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
 
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
 
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
 
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de
l’atteinte aux droits».
 
Il ressort des éléments fournis au débat que les oeuvres de M. [T] sont vendues entre 5.000 euros et 8.500 euros selon la taille des tableaux, les reproductions étant vendues 2.500 euros, et que l’artiste bénéficie d’une certaine reconnaissance sur le marché de l’art ‘geek’, ayant participé à plusieurs événements consacrés au ‘geek art’, ses oeuvres servant d’illustration de certains ouvrages ou articles qui lui sont notamment consacrés, l’oeuvre ‘Joconde ayant notamment été remarquée.
 
De même, M. [W] est un artiste français qui, selon les termes mêmes de ses écritures, rencontre un grand succès et a réalisé de nombreuses expositions dans des galeries situées en France et à l’étranger, certaines de ses oeuvres étant exposées dans des musées. Sa cote est estimée entre 20.000 et 25.000 euros. Le panneau argué de contrefaçon d’une dimension 113×113 est vendu autour de la somme de 5.000 euros selon factures fournies au débat par la société Dooble Pics.
 
Selon l’attestation de l’expert comptable de cette société établie le 27 juin 2019, 10 oeuvres comportant la reproduction du tableau ‘Joconde de M. [T] ont été vendues pour un montant total de 44.000 euros (pièce 17 intimés), la société disposant de trois oeuvres en stock.
 
La société Sifra reconnaît avoir vendu une de ces oeuvres intitulée ‘le sourire et le regard’.
 
Les 13 tableaux comportant une reproduction de l’oeuvre [M] de M. [T] reconnus par les intimés sont des compositions différentes où la représentation du tableau de l’appelant apparaît à des endroits différents.
 
M. [T] ne peut donc être suivi lorsqu’il affirme que la masse contrefaisante doit être évaluée à 9 (nombre de configurations possibles pour chaque panneau litigieux) x3 (dimensions différentes) soit 27 panneaux à minima.
 
Les 13 tableaux créés en France doivent être pris en considération pour l’appréciation du préjudice de M. [T], ce quand bien même 5 des 10 tableaux vendus l’ont été en dehors du territoire français.
 
En outre, il convient de considérer que l’oeuvre de M. [T] n’est qu’un élément du panneau de M. [W] étant associée à 8 autres représentation de la Joconde.
 
La cour, au vu des éléments ci-dessus détaillés et appréciés distinctivement, est à même de fixer à la somme de 60.000 euros l’indemnisation totale due à M. [T] en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur du fait des actes de contrefaçon retenus, et à la somme de 20.000 euros l’indemnisation due en réparation de son préjudice né des atteintes à son droit moral.
 
M. [W], auteur de l’oeuvre contrefaisante, et les sociétés Dooble Pics et Sifra qui ont diffusé et commercialisé cette oeuvre sont coresponsables du préjudice causé à M. [T] par les actes de contrefaçon et seront en conséquence condamnés in solidum à payer cette somme.
 
Trois tableaux contrefaisants restant en possession de la société Dooble Pics, les mesures d’interdiction sollicitées apparaissent fondées et non disproportionnées eu égard aux atteintes au droit d’auteur ci-avant retenues et elles seront accueillies dans les termes du dispositif. En revanche, la poursuite par M. [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra des actes reprochés n’étant pas établie, il n’y a pas lieu d’assortir cette interdiction d’une astreinte.
 
La mesure de destruction ou de transformation des oeuvres sollicitée n’est pas justifiée et apparaît disproportionnée en raison de l’interdiction prononcée et sera rejetée.
 
Le préjudice de M. [T] apparaît suffisamment réparé par l’allocation de dommages et intérêts et la mesure de publication judiciaire sollicitée sera également rejetée.
 
— Sur les autres demandes
 
Le sens de l’arrêt conduit à infirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.
 
L’équité commande de condamner in solidum M. [W], la société Dooble Pics et la société Sifra à payer à M. [T] une indemnité de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
 
M. [W], la société Dooble Pics et la société Sifra seront également condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
PAR CES MOTIFS
 
La cour dans les limites de l’appel,
 
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de mise hors de cause de M. [W] et rejeté la demande de publication judiciaire,
 
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
 
Dit qu’en fabriquant, exposant, représentant, offrant à la vente et ou commercialisant des panneaux reproduisant sans autorisation le tableau ‘Joconde dont M. [O] [T] est l’auteur, M. [B] [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra ont commis des atteintes au droit patrimonial et au droit moral d’auteur dont M. [O] [T] est titulaire,
 
Condamne in solidum M. [B] [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra à payer à M. [O] [T] la somme de 60.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur du fait des actes de contrefaçon, et la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice né des atteintes à son droit moral,
 
Y ajoutant,
 
Fait interdiction à M. [B] [W] et aux sociétés Dooble Pics et Sifra de fabriquer, exposer, représenter, offrir à la vente et ou commercialiser des panneaux reproduisant le tableau ‘Joconde dont M. [O] [T] est l’auteur,
 
Rejette la demande de destruction ou de transformation des oeuvres,
 
Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt,
 
Condamne in solidum M. [B] [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra à payer à M. [O] [T] une indemnité de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
 
Condamne in solidum M. [B] [W] et les sociétés Dooble Pics et Sifra aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente
 

Chat Icon