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La multiplication de relances, reproches et avertissement adressés à une salariée, non justifiés par des faits objectifs, constituent des indices sérieux de harcèlement moral.
Pour rappel, en application de l’article 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, il appartient au salarié d’établir des faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement au juge d’appréhender les faits dans leur ensemble et de rechercher s’ils permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, à charge ensuite pour l’employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s’expliquent par des éléments objectifs.
Il est établi que la salariée a subi des agissements ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de compromettre son avenir professionnel et qui ont altéré sa santé physique ou mentale, les arrêts de travail pour syndrome anxio dépressif réactionnel étant en lien avec de tels agissements, ainsi que le constat du médecin du travail de l’impossibilité de maintenir la salariée dans l’entreprise de l’employeur sous peine de préjudicier gravement à sa santé.
Le préjudice moral spécifique qu’elle démontre avoir subi de ce fait justifie la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 10 000 € nets à titre de dommages et intérêts.
Le harcèlement moral constitue un manquement grave imputable à l’employeur rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle, qui justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée aux torts de l’employeur, à la date du licenciement.
La résiliation emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément à la demande de l’appelante qui ne demande la nullité de la rupture que sur sa contestation, subsidiaire, du licenciement.
La rupture a occasionné à la salariée un préjudice qui doit être réparé, au vu de son ancienneté de 39 ans, de son âge (née en 1959) au moment de la rupture, et des éléments qu’elle produit pour en justifier, par la condamnation de l’employeur à lui payer sur le fondement de l’article 1235-5 du Code du travail la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme s’entendant sans préjudice des cotisations sociales et fiscales applicables.
Les conditions d’application de l’article L1235-4 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce étant réunies, la juridiction a ordonné le remboursement d’office des indemnités versées par Pôle Emploi à la salariée dans la limite de 6 mois.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE RENNES ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2022 7ème Ch Prud’homale ARRÊT N°4162022 N° RG 1905139 – N° Portalis DBVL-V-B7D-P7VJ Mme [P] [X] C SCP [Z] [R] & [F] [S] COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère, Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère, Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, GREFFIER : Madame Hélène RAPITEAU, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé, DÉBATS : A l’audience publique du 27 Juin 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS et Monsieur Hervé KORSEC, magistrats rapporteurs, tenant seuls l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial. En présence de Madame DUBUIS, médiatrice. ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 03 octobre 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré intialement fixé au jeudi 29 septembre 2022 **** APPELANTE : Madame [P] [X] née le 08 Janvier 1959 à [Localité 3] [Adresse 1] [Adresse 1] Représentée par Me Corentin PALICOT de la SELARL CABINET PALICOT, PlaidantPostulant, avocat au barreau de RENNES INTIMÉE : SCP [Z] [R] & [F] [S] Pris en la personne de ses représentantes légales domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2] [Adresse 2] Représentée par Me Nicolas CARABIN, PlaidantPostulant, avocat au barreau de RENNES EXPOSÉ DU LITIGE Mme [P] [X] a été engagée selon un contrat à durée indéterminée en 1977 à l’étude de Maître [I] [H]. Elle exerçait les fonctions de standardiste avant d’exercer en qualité de clerc. À compter du 1er mars 2004, Mme [X] a été promue au poste de clerc hors rang, statut cadre. Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective du notariat. En 2011, Me [H] a cédé son étude à Me [R] et Me [S], exploitant à ce jour la SCP [Z] [R] & FABIENNE VERRIEZ. Mme [X] a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 19 septembre 2015 pour ‘décompensation anxieuse’. Le 13 octobre 2015, à son retour, la salariée a repris son poste. En novembre 2015, lors de l’entretien d’évaluation, Mme [X] s’est vue reprocher ‘l’absence de production suffisante d’actes, l’absence d’adhésion au projet de l’entreprise générant une qualité de travail déficiente ainsi que des retours négatifs des clients.’ Au cours de l’année 2016, de nombreux échanges ont eu lieu entre les parties sur le temps de travail, la charge de travail ainsi que sur des erreurs, contestées, reprochées dans le traitement des dossiers. Mme [X] a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail au cours de l’année 2016 : — A compter du 18 mai 2016 pour une durée de 10 jours, — Du 18 au 22 octobre 2016, — Du 05 au 14 novembre 2016, — Du 14 au 19 novembre 2016, — Du 16 décembre 2016, jusqu’à la date de rupture du contrat. Le 22 décembre 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire. Le 09 janvier 2017, l’employeur a notifié à Mme [X] un avertissement pour refus de se conformer aux directives de l’employeur et fautes professionnelles dans le traitement de dossiers. À l’issue d’une seule visite de reprise en date du 09 mai 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [X] inapte à tous postes dans l’entreprise. Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 mai 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable au licenciement prévu le 02 juin 2017. Puis, le 07 juin 2017, Mme [X] s’est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. *** Sollicitant la résiliation de son contrat de travail, Mme [X] avait saisi le conseil de prud’hommes de Rennes le 20 décembre 2016 et elle a formé à l’audience les demandes suivantes : — Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [X] aux torts de l’employeur, — A titre subsidiaire : Constater que la déclaration d’inaptitude à son poste est la conséquence du harcèlement et des fautes de l’employeur, — Dire et juger que son licenciement est nul et en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse, — Débouter la SCP de sa demande d’expertise, — Dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral : 23 5 64,8 8€ Net, — Indemnité légale de licenciement (rappel) : 965,72 Euros Net, — Indemnité compensatrice de préavis : 12 154,56 Euros Brut, — Indemnité compensatrice de congés payés afférente : 1 215,46 Euros, — Réparation du préjudice subi du fait de ce licenciement nul et en toute hypothèse sans cause réelle et sérieuse : 145 854,72 Euros Net, — Ordonner la communication des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire rectifiés et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la notification de la décision à intervenir, — Dire et juger que le conseil de Prud’hommes se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte — Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir — Article 700 du code de procédure civile : 7 000,00 Euros — Entiers dépens y compris ceux éventuels d’exécution. La SCP [Z] [R] & FABIENNE VERRIEZ a demandé au conseil de: — Ordonner la désignation d’un expert afin d’éclairer le conseil sur la réalité des fautes commises par Mme [X] et par conséquent sur la légitimité des observations qui lui ont été faites — Article 700 du code de procédure civile : 4 000,00 Euros Par jugement en date du 08 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Rennes a statué ainsi qu’il suit : — Dit et juge que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par Mme [X] est infondée, — Dit et juge que Mme [X] n’a pas été victime d’une situation de harcèlement moral au sens des dispositions contenues à l’article L1152-1 du Code du travail, — Dit et juge que le licenciement intervenu à l’égard de Mme [X] est parfaitement fondé, — Condamne la SCP [Z] [R] et [F] [S] à payer à Mme [X] la somme de 965,72 € nets à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement, — Ordonne l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur la base de 1’article R 1454-28 du code du travail, — Condamne la SCP [Z] [R] et [F] [S] à payer à Mme [X] la somme de 200,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, — Déboute Mme [X] du surplus de ses demandes, — Déboute la SCP [Z] [R] et [F] [S] de sa demande d’expertise et d’article 700 du code de procédure civile, — Met les dépens à la charge de la SCP [Z] [R] et [F] [S] y compris les frais éventuels d’exécution. *** Mme [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 29 juillet 2019. En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 30 mai 2022, Mme [X] demande à la cour de : — Constater que la SCP [Z] [R] & [F] [S] a nié de manière réitérée le temps de travail réellement réalisé par Madame [X] qu’elle connaissait pourtant parfaitement ; — Constater que la SCP [Z] [R] & [F] [S] a accusé Madame [X] de mentir à propos de ses horaires de travail ; — Constater que la SCP [Z] [R] & [F] [S] a refusé de payer les heures supplémentaires effectuées par Madame [X] jusqu’à ce que cette dernière saisisse le conseil de prud’hommes de RENNES ; — Constater que la SCP [Z] [R] & [F] [S] a refusé de prendre en compte la baisse du temps de travail de Madame [X] et a refusé d’adapter en conséquence la charge de travail de cette dernière ; — Constater que la SCP [Z] [R] & [F] [S] a fixé à Madame [X] un objectif irréalisable de 15 actes par mois ; — Constater que la SCP [Z] [R] & [F] [S] exigeait de Mme [X] qu’elle rédige les actes figurant sur sa liste des dossiers à signer chaque mois, qui surpassait ce qu’elle pouvait absorber; — Constater que la SCP [Z] [R] & [F] [S] a imposé à Madame [X] des délais de traitement anormaux ; — Constater que la SCP [Z] [R] et [F] [S] a mis en place une nouvelle procédure interne réduisant les délais de traitement des dossiers de vente ; — Constater qu’à compter d’octobre 2015, la SCP [Z] [R] & [F] [S] n’a cessé d’enjoindre à Madame [X] de faire telle et telle choses, de la relancer sur tel ou tel dossier et de lui demander de se justifier sur tel ou tel point alors que jusqu’alors la salariée avait toujours travaillé en quasi-complète autonomie de façon très satisfaisante ; — Constater que la SCP [Z] [R] & [F] [S] a abusé de son pouvoir de direction et de son pouvoir disciplinaire en adressant à Madame [X] des dizaines de courriels, 5 courriers recommandés et un avertissement qui reposent tous sur des griefs fallacieux ; — Constater que la SCP [Z] [R] & [F] [S] n’apporte pas la preuve que les agissements ne soient pas constitutifs de harcèlement moral et justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ; — Constater que l’inaptitude de Madame [X] est la conséquence d’agissements fautifs de la SCP [Z] [R] & [F] [S] ; En conséquence : — Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de RENNES du 8 juillet 2019, sauf en ce qu’il a condamné la SCP à payer à Madame [X] la somme de 965,72€ nets à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement ; A titre principal : — Dire et juger que Madame [X] a été victime de harcèlement moral ; — Dire et juger que les manquements de la SCP [Z] [R] & [F] [S] sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [X] aux torts exclusifs de l’employeur ; — Dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [X] aux torts exclusifs de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; A titre subsidiaire : — Dire et juger que l’inaptitude de Madame [X] est la conséquence du harcèlement moral dont elle a été victime ainsi que de l’abus du pouvoir de direction et de l’abus du pouvoir hiérarchique de la SCP [Z] [R] & [F] [S] ; — Dire et juger que le licenciement de Madame [X] est nul et en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse ; En tout état de cause, — Annuler l’avertissement du 9 janvier 2017 ; — Condamner la SCP [Z] [R] & [F] [S] à verser à Madame [X] : ‘ 23.564,88 € nets, correspondant à 6 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont Madame [X] a été victime ; ‘ 12.154,56 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de 3 mois de préavis, outre 1.215,46 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente ; ‘ 145.854,72 € nets, correspondant à 36 mois de salaire, à titre de réparation du préjudice subi du fait de ce licenciement nul et en tout hypothèse sans cause réelle et sérieuse ; — Ordonner la communication des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire rectifiés à intervenir et ce sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la notification de la décision à intervenir ; — Dire et juger que la Cour d’appel se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte ; — Condamner la SCP [Z] [R] & [F] [S] à verser à Madame [X] la somme de 3.500€ au titre des frais irrépétibles de première instance et 3.500€ au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. — Condamner la SCP aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d’exécution. En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 24 mai 2022, la SCP [Z] [R] & [F] [S] demande à la cour de : — Confirmer le jugement rendu par le conseil de Prud’hommes de RENNES le 8 juillet 2019 : — en ce qu’il a jugé la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [P] [X] injustifiée, — en ce qu’il a dit que Madame [P] [X] n’a pas été victime d’une situation de harcèlement moral au sens des dispositions de l’article L.1152-1 du code du travail, — en ce qu’il a jugé fondé le licenciement intervenu à son encontre, — en ce qu’il l’a déboutée des demandes présentées sur ce fondement. — Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de RENNES le 8 juillet 2019 : — en ce qu’il a condamné la SCP [Z] [R] et [F] [S] à verser à Madame [P] [X] la somme de 965,72 € à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement, — en ce qu’il a condamné la SCP [Z] [R] et [F] [S] à verser à Madame [P] [X] la somme de 200,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. A titre principal, — Dire et juger que Madame [P] [X] n’a pas été victime d’une situation de harcèlement moral au sens des dispositions de l’article L.1152-1 du Code du Travail ; — Débouter Madame [P] [X] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; — Voir dire et juger que le licenciement de Madame [P] [X] n’est pas affecté de nullité et repose sur une cause réelle et sérieuse ; — Débouter Madame [P] [X] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive de son contrat de travail, de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral, et de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ; — Ordonner la désignation d’un expert en application des dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile afin d’éclairer le Conseil sur la réalité des fautes commises par Madame [P] [X] et par conséquent sur la légitimité des observations qui lui ont été faites ; — Débouter Madame [P] [X] de sa demande de rappel d’indemnité légale de licenciement ; — Condamner Madame [P] [X] au paiement au profit de la SCP [R]- VERRIEZ d’une indemnité de 4.000,00€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, — Débouter Madame [P] [X] de sa demande d’indemnité en réparation du préjudice liée au harcèlement, à défaut de préjudice établi ; — Réduire la demande d’indemnité compensatrice de préavis à la somme brute de 11.564,22 € outre 1.156,42 € de congés payés afférents ; — Faire application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail et limiter la demande indemnitaire présentée par Madame [P] [X]. *** La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 21 juin 2022 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 27 juin 2022. Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur l’avertissement Par l’avertissement notifié à Mme [X] le 9 janvier 2017, il est reproché en substance à la salariée de : n’avoir pas respecté les directives de l’employeur relatives à l’établissement de fiches de travail, en établissant des documents totalement inexploitables et en n’établissant pas de compte-rendu d’activité certaines journées ; avoir commis des négligences constitutives de fautes professionnelles dans 3 dossiers : [N], [W], [C]. Mme [X], qui conteste les griefs et critique le jugement en ce qu’il a jugé l’avertissement fondé, soutient que les notaires n’hésitent pas à recourir à des manoeuvres déloyales pour tenter de créer l’apparence de fautes totalement artificielles et ainsi tenter d’induire en erreur la cour. La partie intimée réplique que, si la salariée est parfaitement en droit de contester la sanction, la matérialité des faits énoncés dans le courrier de sanction est établie, et que Mme [X] a fait preuve d’une mauvaise volonté évidente d’une part, de graves négligences d’autre part. Pour établir la preuve du non respect des directives relatives à l’établissement de fiches de travail, l’employeur produit : — les fiches établies par Mme [X] et comparativement celles établies par sa collègue Mme [L], — des fiches versées aux débats par Mme [X] (pièces 91, 93 et 97) en indiquant qu’elles ont été établies après son départ et jamais communiquées aux notaires, — des éléments du dossier [N], du dossier [W], de l’arrivée des fonds du dossier [C], une déclaration de sinistre relative au dossier [W] mettant en cause Me [H], ; Mme [X] produit : — la demande par mail des notaires en date du 3 novembre 2016 d’avoir à remplir des fiches de temps, accompagnée d’un modèle type « fiche de temps » — des fiches établies à compter du lendemain sur ce modèle(pièce 91), — un courriel du 24 novembre 2016 des notaires lui demandant de ne plus mentionner sur les fiches que le temps de rédaction des actes et les démarches significatives effectuées en vue des prises de rendez-vous, — des fiches remplies en conformité avec cette demande (pièce 93), — un courrier recommandé du 2 décembre 2016 des notaires lui reprochant une tenue des fiches ne restituant pas correctement son activité et lui demandant de transcrire le travail substantiel journalier, — une réponse de sa part en courrier recommandé du 12 décembre 2016 faisant part de son étonnement, mentionnant qu’elle précisait des tâches annexes pour rappeler que ses activités de clerc ne se limitaient pas au temps passé à la rédaction des actes et demandant à l’employeur d’indiquer avec précision ce qu’elle devait porter sur ces fiches, de façon claire et concise, — un courriel de sa part du 4 novembre 2016 de transmission de la fiche du même jour, mentionnant qu’elle n’avait pas eu le temps de la mettre au propre et se proposant de le faire pour les prochains jours si cela lui était demandé — des éléments des 3 dossiers [N], [W], [C]. La pièce 25 de la partie intimée que celle-ci désigne comme les fiches de temps transmises par la salariée recouvre en fait des fiches identiques à celles produites par Mme [X], ce qui démontre, ainsi que le reproche qui a été adressé à cette dernière le 24 novembre, que, contrairement à ce qu’affirme l’employeur, elle avait bien transmis ces fiches ; d’autre part, si elle a reçu une demande de modification des mentions à porter sur les fiches, il n’est pas établi que sa collègue ait reçu la même consigne ; si l’employeur soutient que les fiches de temps du 25 novembre et 1 er décembre 2016, qui mentionnent une activité quasi inexistante, démontrent la mauvaise foi de la salariée, ce n’est pas le reproche qui lui était fait le 2 décembre, l’employeur lui reprochant au contraire la mention de temps excessivement longs pour la rédaction de certains actes. Au vu des pièces produites aux débats, il n’est pas établi de mauvaise volonté de la salariée dans l’établissement et la transmission des fiches de temps qui lui étaient demandées. Le grief de refus de se conformer aux directives de son employeur n’est pas établi et doit être écarté. S’agissant des reproches faits dans les 3 dossiers [W], [N] et [C], Mme [X] apporte des explications accompagnées de pièces justificatives (respectivement ses pièces 19 ; 78 et annexes, 44, 96 et annexes pour le dossier [W] ; 125 et annexes pour le dossier [N] ; 126 et annexes pour le dossier [C]) qui conduisent à écarter les griefs comme étant également non fondés. La seule production d’une déclaration de sinistre et d’une plainte de la cliente auprès de la Chambre des Notaires n’est pas non plus en soi probante d’une faute personnelle de Mme [X]. Il convient en conséquence d’annuler l’avertissement, en infirmation du jugement sur ce chef. Sur le harcèlement moral et la rupture En application de l’article 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, il appartient au salarié d’établir des faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement au juge d’appréhender les faits dans leur ensemble et de rechercher s’ils permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, à charge ensuite pour l’employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s’expliquent par des éléments objectifs. Au titre des faits laissant supposer un harcèlement moral, Mme [X] expose les faits suivants : — la négation et les mensonges des notaires relatifs à son temps de travail et le fait de l’avoir traité elle-même de menteuse, cependant il ressort des productions aux débats que Mme [X] était payée sur la base de 35 heures et n’était pas rémunérée pour des heures supplémentaires effectuées à hauteur de 40 heures ou 38 heures, et que, les relations entre les parties étant dégradées, il pouvait exister une confusion sur les enjeux au cours des échanges entre heures réellement faites par la salariée dont elle n’avait jusque là jamais demandé le paiement ce qu’elle estimait normal en sa qualité de cadre, et les heures supplémentaires qui ne peuvent être faites qu’à la demande de l’employeur, que les notaires n’entendaient pas exiger, renvoyant pour la période passée la salariée aux règles de preuve en la matière, débat qui s’est ensuite poursuivi avec l’intervention de conseils ; les faits mis en avant s’insèrent dans une discussion juridique qui n’est pas en soi indicative d’un harcèlement moral et doivent donc être écartés ; Mme [X] expose également : — le refus d’adapter sa charge de travail du fait de la baisse de son temps de travail ; elle produit : . des attestations de collègues confirmant qu’elle effectuait habituellement plus de 35 heures par semaine, restant travailler le soir jusqu’à 19 heures, sauf le vendredi, ; un mail (pièce 13) adressé à l’employeur le 6 avril 2016 par lequel elle lui fait part qu’elle ne peut assurer sa charge de travail en 35 heures et lui demande de réduire le nombre d’actes mensuels lui étant imposés ;.ainsi que la réponse de l’employeur (pièce 16) refusant la demande en écrivant « il est hors de question de procéder à un aménagement de votre charge de travail comme vous le demandez » ; — la surcharge de travail imposée (nouvelles tâches) et les objectifs irréalisables (15 actes authentiques par mois), alors que dans le même temps les délais de remise des dossiers étaient raccourcis et qu’elle recevait une multiplication de relances injustifiées auxquelles elle était obligée de répondre ; elle produit notamment des comptes rendus de réunions et notes de service, son compte rendu d’entretien annuel 2015, des listes de dossiers à signer mensuellement (mois de janvier à septembre 2016), un tableau et des formulaires mentionnant les délais de remise des dossiers et les délais de signature exigés, de nombreux mails de relances et d’injonctions de l’employeur ; — la multiplication de reproches, en des termes excessifs, doublés de courriers recommandés à compter d’avril 2016, et un avertissement injustifié ; elle produit les mails, courriers et avertissement y afférents ; — elle produit également des éléments médicaux : arrêt de travail le 29 septembre 2015 pour « décompensation anxieuse », arrêts de travail mentionnant un syndrome anxio-dépressif réactionnel, l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionnant que tout maintien dans un emploi de la SCP [R] et [S] serait gravement préjudiciable à sa santé, Elle établit ainsi la matérialité de faits qui, pris dans leur ensemble, peuvent laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral. L’employeur, qui conteste les griefs, expose en réplique que : — Mme [X] a cessé de son propre chef d’effectuer l’établissement des soldes de comptes, la purge et l’archivage des dossiers, la fonction de clerc du jour, de secrétariat de société, les formalités postérieures ; ainsi que la tâche de Démarche Qualité Notariale, qui lui donnait beaucoup de travail contrairement à ce qu’elle soutient, mais ne l’empêchait pas d’assurer un nombre d’actes largement supérieur à 15 lorsque son concubin Me [H] était titulaire de l’office ; elle ne recevait que très peu de clientèle ; elle ne s’occupait pas des formalités et rédigeait des actes classiques sans difficultés particulières, essentiellement des ventes ; elle s’appuie pour établir un tableau sur la base du logiciel GENAPI, qui n’est pas pertinent, à la différence du répertoire manuscrit des actes, qui mentionne les initiales des rédacteurs des actes ; l’objectif de 15 actes par mois est raisonnable au regard des statistiques Fiducial selon lesquelles la moyenne pour une étude comptant 2 rédacteurs est de 20 dossiers ; elle fait état de tâches qui ne sont pas nouvelles mais étaient déjà prévues par des notes de service antérieures à la reprise de l’étude ; il peut y avoir des situations d’urgence non imputables à l’étude, ou des dates prévisionnelles différant de la date réelle, sans que cela ne pose de problème particulier pour les clients ; certains dossiers visés dans la liste de Mme [X] pour illustrer les délais qu’elle estime insuffisants ont été repris par les notaires ou d’autres clercs, Mme [X] arguant régulièrement ne pas avoir eu le temps de les faire ; Cependant : la liste de la pièce 31 de Mme [X] est claire sur l’intitulé « dossiers à signer », et seuls les dossiers n’ayant pu être effectivement signés comme prévu reviennent d’un mois sur l’autre, comme le fait valoir la salariée, cette liste est donc afférente aux dossiers à traiter et non au stock global de dossiers en cours comme l’affirme l’employeur ; le mail du 22 avril 2016 de Mme [X] le confirme ; il ressort également de ce mail qu’elle avait aussi à rédiger des actes complexes (apport à GAEC avec augmentation de capital, actes de co-propriété) et les différents échanges illustrent qu’elle recevait la clientèle ; la récurrence de reports de dates de signature est indicatrice de délais fixés à trop courte échéance ; Mme [X] n’a jamais été sanctionnée pour avoir redéfini unilatéralement son poste et refusé de son propre chef d’effectuer certaines tâches, ni pour ne pas avoir effectué des actes dans les temps impartis et s’en être déchargé sur d’autres salariés ou les notaires, ce qui confirme que l’employeur était conscient de sa charge ; alors que Mme [X] demandait le 6 avril 2016 un aménagement de son poste en raison de sa charge de travail incompatible avec un temps de travail strictement limité à 35 heures, que la réalité d’un temps antérieurement supérieur de la salariée est confirmée par des attestations de salariés et que l’une des notaires reconnaît dans un courrier avoir dit à Mme [X] qu’elle-même travaillait 38 heures lorsqu’elle était cadre (dans l’étude), le 11 avril 2016 l’employeur informait Mme [X] d’une nouvelle procédure interne en matière de vente, raccourcissant notablement les délais comme l’établit la pièce 14 de l’appelante, non utilement contestée. L’employeur n’établit ainsi pas que le refus d’adapter la charge de travail, importante, de Mme [X], et le raccourcissement des délais concernant les actes de vente quelques jours après sa demande, alors qu’il avait pu constater que cette dernière restait travailler après l’horaire collectif (courrier du 11 avril 2016 des notaires) et qu’il exigeait dans le même temps le strict respect du temps de travail de 35 heures soient justifiés par des faits objectifs, étrangers à du harcèlement ; Il expose ensuite que si les échanges par mail ou courriers recommandés ont été nombreux, c’est en raison de la constante volonté de Mme [X] d’avoir le dernier mot, ce qui obligeait à chaque fois à répondre à sa réponse ; et qu’il ne lui a pas été formulé de reproches infondés, simplement fait des observations parfaitement justifiées, au regard de constats de manquements et d’erreurs commises dans les dossiers dont elle a la charge ; — cependant l’avertissement, annulé, est injustifié ; lors de son entretien d’évaluation tenu en novembre 2015 il lui a été reproché de ne faire en moyenne que 9 signatures par mois, pourtant au vu du répertoire des actes produit aux débats ce n’est pas une moyenne mais le nombre d’actes qu’elle a réalisés en novembre 2015, alors qu’elle en avait fait 18 en septembre et en a réalisé 20 en décembre, et que l’examen de l’activité antérieure de l’étude, et de Mme [X], révèle une variabilité des actes, qui n’a jamais correspondu à une moyenne invariable de 15 ; les relances par mails et injonctions documentées par la pièce 56 de Mme [X] sont incessantes, plusieurs fois par jour ; les reproches dans le traitement des dossiers (relatifs pour certains à une période antérieure à la reprise de l’étude, pour d’autres à l’année 2015 et 2016) sont également incessants, sans toutefois donner lieu à avertissements, excepté celui du 9 janvier 2017 infondé, ni à une initiative de l’employeur de mettre en oeuvre un licenciement pour faute ou insuffisance professionnelle . L’employeur n’établit donc pas davantage que la multiplication des relances, reproches et avertissement adressés à la salariée à compter de novembre 2015 aient été justifiés par des faits objectifs, étrangers à du harcèlement moral. Il est par conséquent établi que Mme [X] a subi des agissements ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de compromettre son avenir professionnel et qui ont altéré sa santé physique ou mentale, les arrêts de travail pour syndrome anxio dépressif réactionnel étant en lien avec de tels agissements, ainsi que le constat du médecin du travail de l’impossibilité de maintenir Mme [X] dans l’entreprise de l’employeur sous peine de préjudicier gravement à sa santé. Le préjudice moral spécifique qu’elle démontre avoir subi de ce fait justifie la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 10 000 € nets à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera infirmé sur ce chef. Le harcèlement moral constitue un manquement grave imputable à l’employeur rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle, qui justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [X] aux torts de l’employeur, à la date du licenciement, soit au 7 juin 2017. La résiliation emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément à la demande de l’appelante qui ne demande la nullité de la rupture que sur sa contestation, subsidiaire, du licenciement. En conséquence une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois (article 13.3 de la CCN du notariat) calculée sur la base, selon l’article L1234-5 du code du travail, des salaires et avantages que Mme [X] aurait perçus si elle avait travaillé lui est due par l’employeur, et s’établit à la somme de 11 738,13 € bruts, outre 1173,38 € bruts de congés payés afférents, que la SCP [R] et [S] sera condamnée à lui payer. La rupture a occasionné à la salariée un préjudice qui doit être réparé, au vu de son ancienneté de 39 ans, de son âge (née en 1959) au moment de la rupture, et des éléments qu’elle produit pour en justifier, par la condamnation de l’employeur à lui payer sur le fondement de l’article 1235-5 du Code du travail la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme s’entendant sans préjudice des cotisations sociales et fiscales applicables. Les conditions d’application de l’article L1235-4 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement d’office des indemnités versées par Pôle Emploi à la salariée dans la limite de 6 mois. L’employeur devra remettre à Mme [X] les documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi et bulletins de salaire modifiés) mais il n’est pas justifié en l’état d’assortir cette obligation de remise d’une astreinte. Le jugement sera infirmé sur ces chefs. C’est à juste titre que l’employeur calcule l’indemnité de licenciement sur la moyenne des 12 derniers mois de salaires précédant l’arrêt de travail, soit de novembre 2015 à octobre 2016, ce que ne conteste pas Mme [X] qui ne justifie toutefois pas, au regard de cette moyenne, être créditrice d’un solde d’indemnité de licenciement, alors que, compte tenu de la somme qu’elle a effectivement reçue, elle a été remplie de ses droits. Elle doit donc être déboutée de cette demande, en infirmation du jugement. Sur la demande reconventionnelle de désignation d’un expert La SCP [R] et Verriez demande la désignation d’un expert pour éclairer « le conseil »aux termes de ses conclusions, sur la réalité des fautes commises par Mme [X] et par conséquent sur la légitimité des observations qui lui ont été faites. Cependant, la cour dispose des éléments nécessaires pour statuer sur la demande d’annulation de l’avertissement et, en l’absence d’autres faits sanctionnés par l’employeur, après réception par celui-ci de contestations et explications détaillées que la salariée produit aux débats, il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise. Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté la SCP [R] et Verriez de cette demande. Il est inéquitable de laisser à Mme [X] ses frais irrépétibles de première instance et d’appel qui seront mis à la charge de la partie intimée à hauteur de 4000 €. Le jugement sera infirmé sur ce point mais confirmé en ce qu’il a débouté la SCP [R] et Verriez de sa demande sur le même fondement et l’a condamnée aux dépens de première instance ; partie succombant principalement, elle sera condamnée également aux dépens d’appel. PAR CES MOTIFS La cour, CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SCP [Z] [R] et [F] [S] de sa demande de désignation d’un expert, de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance, L’INFIRME en ses autres dispositions, STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant, PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [P] [X] aux torts de l’employeur, DIT que la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, CONDAMNE la SCP [Z] [R] et Fabienne Verriez : — à payer à Mme [P] [X] les sommes de : -10 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait du harcèlement subi, -60 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans préjudice des cotisations sociales et fiscales applicables, -11 738,13 € bruts, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1173,38 € bruts de congés payés afférents, -4000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’instance, — à remettre à Mme [P] [X] les documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi et bulletin de salaire rectifiés), ORDONNE le remboursement par la SCP [Z] [R] et [F] [S] des indemnités de chômage versées par Pôle Emploi dans la limite de 6 mois, — DEBOUTE Mme [P] [X] de sa demande de rappel d’indemnité légale de licenciement et du surplus de ses demandes, DEBOUTE la SCP [Z] [R] et [F] [S] de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel, CONDAMNE la SCP [Z] [R] et [F] [S] aux dépens d’appel. Le Greffier Le Conseiller Faisant Fonction de Président | |