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Le matériel de l’équipementier Huawei peut être interdit à la commercialisation en raison des risques pour la sécurité nationale.
La société Orange a sollicité l’autorisation d’exploiter des équipements radio 5G (gNodeB) de la marque Huawei en version SRAN1.x en vue de la fourniture d’un accès dit « B » sur 450 sites couvrant La Réunion. Le Premier ministre a refusé de lui accorder cette autorisation (confirmé par la juridiction administrative).
Le matériel pour lequel la société Orange sollicitait une autorisation provenait de l’équipementier Huawei. Compte tenu des liens étroits que l’Etat chinois entretient avec cette société et de la portée extraterritoriale de la loi chinoise relative au renseignement, qui impose aux sociétés de coopérer avec les services de renseignement, le risque d’ingérence de la part d’un Etat étranger est significatif.
Aux termes de l’article L. 34-12 du code des postes et des communications électroniques : « Le Premier ministre refuse l’octroi de l’autorisation prévue à l’article L. 34-11 s’il estime qu’il existe un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale résultant du manque de garantie du respect des règles mentionnées aux a, b, e, f et f bis du I de l’article L. 33-1 relatives à la permanence, à l’intégrité, à la sécurité, à la disponibilité du réseau, ou à la confidentialité des messages transmis et des informations liées aux communications.
Sa décision est motivée sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des a à f du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration.
Le Premier ministre prend en considération, pour l’appréciation de ce risque, le niveau de sécurité des appareils, leurs modalités de déploiement et d’exploitation envisagées par l’opérateur et le fait que l’opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, est sous le contrôle ou soumis à des actes d’ingérence d’un Etat non membre de l’Union européenne ».
Le secret de la défense nationale et la conduite de la politique extérieure de la France sont protégés par les dispositions b) et c) du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration.
Ce risque est d’autant plus préoccupant que des installations sensibles en termes de défense et de sécurité nationales se situent sur le territoire de La Réunion, dont l’insularité constitue aussi un élément de vulnérabilité particulier, et que, de surcroît, la société Orange assure un service de téléphonie et d’accès à Internet pour des clients d’une sensibilité particulière présents sur l’île.
Enfin, compte tenu des mesures prises par le gouvernement américain à l’encontre de la société Huawei, il existe également un risque pour la disponibilité des réseaux.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Tribunal administratif de Paris, 3e section – 2e chambre, 29 septembre 2022, n° 2020214 Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 novembre et le 18 décembre 2020, le 17 novembre 2021, le 25 janvier, le 16 mars et le 25 avril 2022, la société Orange, représentée par Me Naugès, demande au tribunal : 1°) d’annuler la décision n° 73/SGDSN/SG/NP du 13 juillet 2020 par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande d’autorisation présentée le 5 février 2020 pour l’exploitation d’équipements radio 5G (gNodeB) de la marque Huawei en version SRAN 15.x pour la fourniture d’un accès « B » sur quatre-cent-cinquante sites couvrant La Réunion, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 31 juillet 2020 ; 2°) d’enjoindre au Premier ministre de lui délivrer l’autorisation demandée dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte le cas échéant de 1 000 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : — la décision est entachée d’insuffisance de motivation ; — elle est entachée d’une erreur de droit et d’une erreur d’appréciation au regard des dispositions de l’article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques ; — elle méconnaît le principe d’égalité dans la mesure où une autorisation a été accordée à un autre opérateur de communications électroniques présent sur le marché réunionnais sans qu’aucune différence de situation objective ne justifie cette différence de traitement ; — elle méconnaît le principe de libre concurrence. Par des mémoires en défense enregistrés le 13 octobre 2021, le 24 février, le 5 avril et le 3 mai 2022, le Premier ministre conclut au rejet de la requête. Il soutient que : — les conclusions à fin d’annulation sont irrecevables en tant qu’elles sont dirigées contre le refus d’autoriser l’exploitation d’antennes 5G à Mayotte dès lors que la décision du 13 juillet 2020 ne concerne que la demande d’autorisation d’exploitation de la 5G à La Réunion ; — le moyen tiré de l’insuffisance de motivation est inopérant et, en tout état de cause, il n’est pas fondé ; — le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité est inopérant et, en tout état de cause, il n’est pas fondé ; — les autres moyens ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense enregistré le 4 août 2022, le Premier ministre maintient ses précédentes conclusions et conclut au non-lieu à statuer. Il fait valoir que la société Orange a été autorisée à exploiter des équipements radio 5G de la marque Nokia à La Réunion et que le présent litige a perdu son objet. Le 5 août 2022, une demande de maintien de la requête a été adressée à la société Orange. Par un mémoire enregistré le 5 septembre 2022, la société Orange a confirmé le maintien de sa requête. Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2022, le Premier ministre maintient ses précédentes conclusions. Par ordonnance du 5 août 2022, l’instruction a été rouverte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : — le code des postes et des communications électroniques ; — le code des relations entre le public et l’administration ; — le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : — le rapport de Mme A, — les conclusions de Mme Privet, rapporteure publique, — et les observations de Me Michellet, représentant la société Orange. Une note en délibéré, présentée pour la société Orange, a été enregistrée le 16 septembre 2022. Considérant ce qui suit : 1. Le 5 février 2020, la société Orange a sollicité l’autorisation d’exploiter des équipements radio 5G (gNodeB) de la marque Huawei en version SRAN1.x en vue de la fourniture d’un accès dit « B » sur 450 sites couvrant La Réunion. Par une décision du 13 juillet 2020, le Premier ministre a refusé de lui accorder cette autorisation. Le recours gracieux formé par la société Orange le 31 juillet 2020 a également fait l’objet d’une décision implicite de rejet. Par la présente requête, la société Orange demande au tribunal d’annuler cette décision du 13 juillet 2020, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux. Sur le non-lieu : 2. Dans le mémoire enregistré le 4 août 2022, le Premier ministre fait valoir que, dès lors que la société Orange a obtenu l’autorisation d’exploiter des équipements 5G de la marque Nokia sur le territoire de La Réunion et qu’elle a commencé à déployer ce matériel et à lancer ses offres commerciales, le présent litige a perdu son objet ou à tout le moins tout intérêt pratique. Toutefois, il est constant que la société Orange n’a pas obtenu satisfaction en cours d’instance s’agissant de sa demande d’autorisation relative aux appareils de la marque Huawei. La circonstance qu’elle a pu exploiter d’autres équipements est sans incidence sur le présent litige qui, dans ces conditions, n’a pas perdu son objet. Sur l’étendue du litige : 3. Il ressort des termes de la décision du 13 juillet 2020 que celle-ci n’a pour objet que de rejeter la demande d’autorisation présentée par la société Orange pour la fourniture d’un accès au réseau 5G dit « B » sur quatre-cent-cinquante sites couvrant La Réunion. Ainsi, à supposer que la société Orange ait entendu demander l’annulation du rejet opposé à ses demandes relatives au territoire de Mayotte, de telles conclusions seraient irrecevables car dirigées contre une décision inexistante. Sur les conclusions à fin d’annulation : 4. D’une part, aux termes de l’article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques : « I.- Est soumise à une autorisation du Premier ministre, dans le but de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, l’exploitation sur le territoire national des appareils, à savoir tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau radioélectrique mobile, à l’exception des réseaux de quatrième génération et des générations antérieures, qui, par leurs fonctions, présentent un risque pour la permanence, l’intégrité, la sécurité, la disponibilité du réseau, ou pour la confidentialité des messages transmis et des informations liées aux communications, à l’exclusion des appareils installés chez les utilisateurs finaux ou dédiés exclusivement à un réseau indépendant, des appareils électroniques passifs ou non configurables et des dispositifs matériels informatiques non spécialisés incorporés aux appareils. / L’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I n’est requise que pour l’exploitation, directe ou par l’intermédiaire de tiers fournisseurs, d’appareils par les opérateurs mentionnés à l’article L. 1332-1 du code de la défense, ainsi désignés en vertu de leur activité d’exploitant d’un réseau de communications électroniques ouvert au public. / La liste des appareils dont l’exploitation est soumise à l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I est fixée par arrêté du Premier ministre, pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes () ». En application du premier alinéa de l’article R. 20-29-12 du même code, l’autorisation prévue à l’article L. 34-11 mentionne la ou les versions des appareils autorisées ainsi que la durée d’autorisation. 5. D’autre part, aux termes de l’article L. 34-12 du code des postes et des communications électroniques : « Le Premier ministre refuse l’octroi de l’autorisation prévue à l’article L. 34-11 s’il estime qu’il existe un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale résultant du manque de garantie du respect des règles mentionnées aux a, b, e, f et f bis du I de l’article L. 33-1 relatives à la permanence, à l’intégrité, à la sécurité, à la disponibilité du réseau, ou à la confidentialité des messages transmis et des informations liées aux communications. Sa décision est motivée sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des a à f du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration./ Le Premier ministre prend en considération, pour l’appréciation de ce risque, le niveau de sécurité des appareils, leurs modalités de déploiement et d’exploitation envisagées par l’opérateur et le fait que l’opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, est sous le contrôle ou soumis à des actes d’ingérence d’un Etat non membre de l’Union européenne ». Le secret de la défense nationale et la conduite de la politique extérieure de la France sont protégés par les dispositions b) et c) du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration. 6. En premier lieu, l’autorisation sollicitée par la société Orange lui a été refusée au motif qu’il existait un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Dans le cadre de la présente instance, le Premier ministre fait valoir que la communication des motifs de cette décision est de nature à porter atteinte au secret de la défense nationale et à la conduite de la politique extérieure de la France. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée n’était pas suffisamment motivée doit être écarté. 7. En deuxième lieu, saisi de conclusions tendant à l’annulation d’un refus d’autorisation opposé sur le fondement de l’article L. 34-12 précité, le juge de l’excès de pouvoir doit être en mesure d’apprécier, à partir d’éléments précis, le bien-fondé du motif retenu par l’administration. Il appartient en conséquence à celle-ci de verser au dossier, dans le respect des exigences liées à la sécurité nationale, les renseignements nécessaires pour que le juge statue en pleine connaissance de cause. 8. En l’espèce, le Premier ministre fait valoir, d’une part, que le matériel pour lequel la société Orange sollicitait une autorisation provenait de l’équipementier Huawei et que, compte tenu des liens étroits que l’Etat chinois entretient avec cette société et de la portée extraterritoriale de la loi chinoise relative au renseignement, qui impose aux sociétés de coopérer avec les services de renseignement, le risque d’ingérence de la part d’un Etat étranger est significatif. D’autre part, le Premier ministre indique également que ce risque est d’autant plus préoccupant que des installations sensibles en termes de défense et de sécurité nationales se situent sur le territoire de La Réunion, dont l’insularité constitue aussi un élément de vulnérabilité particulier, et que, de surcroît, la société Orange assure un service de téléphonie et d’accès à Internet pour des clients d’une sensibilité particulière présents sur l’île. Enfin, le Premier ministre relève que, compte tenu des mesures prises par le gouvernement américain à l’encontre de la société Huawei, il existe également un risque pour la disponibilité des réseaux. La société Orange, qui se borne à soutenir que l’un de ses concurrents, à savoir la société SRR, s’est vu accorder une autorisation pour le même type de matériel de la marque Huawei, et ce alors même qu’il compterait aussi des administrations publiques importantes parmi ses clients, ne conteste pas utilement les motifs opposés par le Premier ministre. Dans ces circonstances, en considérant que les appareils pour lesquels l’autorisation était sollicitée ne présentaient pas des garanties suffisantes au regard des exigences mentionnées aux articles L. 34-11 et L. 34-12, et qu’il existait par conséquent un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale, le Premier ministre n’a pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation. De plus, dès lors que le refus d’autorisation est intervenu après l’examen de la demande de la société Orange et n’a pas présenté un caractère automatique du seul fait que les équipements étaient de la marque Huawei, la société Orange n’est pas non plus fondée à soutenir que le Premier ministre aurait entaché sa décision d’une erreur de droit. 9. En troisième lieu, ainsi qu’il a été dit au point 8, le Premier ministre a pu à bon droit, au regard des critères fixés par la loi, considérer qu’il existait un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale pour refuser d’accorder à la société Orange l’autorisation demandée. Par conséquent, la circonstance, fusse-t-elle établie, que la société SRR placée dans la même situation a pour sa part bénéficié d’une autorisation pour exploiter des antennes de la marque Huawei sur le territoire de La Réunion est sans incidence sur la légalité de la mesure de police attaquée. Par suite, il convient d’écarter comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité. 10. En dernier lieu, ainsi qu’il a été dit précédemment, la décision du 13 juillet 2020, qui constitue une mesure de police, était justifiée par l’objectif d’intérêt général tenant à la sauvegarde de la sécurité et de la défense nationales. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’atteinte portée au principe de libre concurrence, à la supposer établie, peut être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 13 juillet 2020 et du rejet implicite de son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction doivent également être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. L’Etat n’étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Orange et au Premier ministre. Délibéré après l’audience du 15 septembre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Amat, présidente, Mme Armoët, première conseillère, Mme Nguyen, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022. La rapporteure, E. A La présidente, N. AMATLa greffière, P. TARDY-PANIT La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. | |