Contester l’interdiction d’un Festival pour risque sanitaire

·

·

,
Contester l’interdiction d’un Festival pour risque sanitaire

L’interdiction de l’organisation du festival « Marvellous Island Festival » a été validée par les juges administratifs.

Contrôle de proportionnée sur les risques sanitaires

L’atteinte portée par le préfet de Seine-et-Marne aux principes de la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce et de l’industrie en interdisant l’organisation du festival doit, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu notamment du nombre de personnes attendues et de la durée du festival, être regardée comme strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu au sens des dispositions sus rappelée du III de l’article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020.

Critère de l’affluence

L’affluence attendue par les organisateurs, à savoir 4 850 spectateurs les 19 et 20 septembre de 12 h à 5 h du matin, se situait, légèrement en-dessous du seuil légal de 5 000 personnes (qui interdisait tout événement réunissant plus de 5 000 personnes sur le territoire de la République).

L’arrêté interdisant le festival a alors été pris au motif tiré de ce que, eu égard à la reprise de l’épidémie dans le département de Seine-et-Marne, la tenue du festival était de nature à entraîner un brassage de la population, qui constitue le principal vecteur de propagation du virus du Covid-19.

Appréciation du taux d’incidence

Si la circulation de ce virus restait limitée à la date de la décision litigieuse, le taux d’incidence était néanmoins passé sur une période d’une quinzaine de jours de 32,4 cas pour 100 000 personnes sur la période du 13 au 19 août 2020 à 60,68 cas pour 100 000 personnes sur la période du 31 août au 6 septembre, ce qui avait entraîné l’inscription du département de Seine-et-Marne, à la date de l’arrêté attaqué, dans la liste des zones de circulation active du virus covid-19 par le décret n° 2020-1096 du 28 août 2020 venant modifier le décret précité du 10 juillet 2020.

En outre, et alors même qu’il était prévu un espace théorique par personne dépassant, à l’échelle du festival entier, les 4 m2, il résulte de l’avis émis le 17 juin 2020 par le Haut conseil pour la santé publique que la distanciation physique est en général difficile à respecter pour des évènements de grande ampleur, avec placement libre ou favorisant la libre circulation des personnes en intérieur ou en extérieur, planifiés et contrôlés par un organisateur et que cette difficulté est encore accrue pour, comme en l’espèce, les grands concerts dès lors que ces évènements conduisent naturellement à des attroupements devant les scènes.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que la majorité des participants au festival provenaient d’autres départements français ainsi que de l’étranger, pouvant ainsi participer à une diffusion du virus au niveau national, la circonstance que les statistiques d’hospitalisation des personnes de 20 à 30 ans soient faibles étant sans incidence sur ce constat.

Enfin, si certaines études faisaient part d’un faible risque de contamination dans les espaces extérieurs, elles ne faisaient pas l’objet d’un consensus à la date de la décision attaquée.

Impact des mesures de prévention

Si la société Navco avait prévu une série de mesures de prévention et de contrôle contenues dans une « Charte sanitaire » transmise dès le 17 juillet 2020 au service instructeur qui n’avait émis aucune objection jusqu’à la date de l’arrêté querellé, ces mesures ne peuvent être regardées comme ayant été de nature à permettre, conformément au II de l’article 3 du décret du 10 juillet 2020, le respect des dispositions de l’article 1er de ce décret, à savoir le « strict respect », « en tout lieu et en toute circonstance », des mesures d’hygiène et de distanciation sociale eu égard, en particulier, au nombre de personnes attendues et la durée du festival.

Rappel sur la loi du 9 juillet 2020

Aux termes de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire :

 » I. – A compter du 11 juillet 2020, et jusqu’au 30 octobre 2020 inclus, hors des territoires mentionnés à l’article 2, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :

1° Réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ; 

2° Réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité. La fermeture provisoire d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunions peut, dans ce cadre, être ordonnée lorsqu’ils accueillent des activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ou lorsqu’ils se situent dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus 

3° Sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ;

4° Imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen biologique de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid-19. ()

II. Lorsque le Premier ministre prend des mesures mentionnées au I, il peut habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions.  Lorsque les mesures prévues au même I doivent s’appliquer dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l’État dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. Cet avis est rendu public. 

Le Premier ministre peut également habiliter le représentant de l’État dans le département à ordonner, par arrêté pris après mise en demeure restée sans effet, la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas en œuvre les obligations qui leur sont imposées en application du 2° dudit I.

III. – Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent (). ».

Avis du directeur général de l’agence régionale de santé

En la matière, l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé ne doit être préalablement recueilli et rendu public que lorsque la mesure édictée par le représentant de l’Etat dans le département a été prise sur habilitation du Premier ministre, et porte sur une ou plusieurs des mesures limitativement mentionnées aux 1° à 4° du I de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020. 

Le décret du 10 juillet 2020

Par ailleurs, aux termes de l’article 1er du décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé alors en vigueur : « I. – Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes, dites barrières , définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance 

II. – Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l’usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures. Dans les cas où le port du masque n’est pas prescrit par le présent décret, le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d’habitation, lorsque les circonstances locales l’exigent. ». Aux termes du II de l’article 3 de ce décret :

« II. – Les organisateurs des rassemblements, réunions ou activités mentionnés au I mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes adressent au préfet de département sur le territoire duquel la manifestation doit avoir lieu, sans préjudice des autres formalités applicables, une déclaration contenant les mentions prévues à l’article L. 211-2 du code de la sécurité intérieure, en y précisant, en outre, les mesures qu’ils mettent en œuvre afin de garantir le respect des dispositions de l’article 1er du présent décret.  Sans préjudice des dispositions de l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, le préfet peut en prononcer l’interdiction si ces mesures ne sont pas de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er. »

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NON DU PEUPLE FRANCAIS
 
Tribunal administratif de Melun, 7ème chambre, 13 septembre 2022, n° 2008998
 
Vu la procédure suivante :
 
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 novembre 2020, 22 janvier 2021 et 24 juin 2021, la société Navco, représentée par Me Dumez, demande au tribunal :
 
1°) d’annuler l’arrêté du 4 septembre 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a interdit l’organisation du festival « Marvellous Island Festival »;
 
2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme totale de 537 990 euros en réparation du préjudice que lui a causé cet arrêté ;
 
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
Elle soutient que :
 
— le préfet de Seine-et-Marne n’établit pas que l’arrêté contesté du 4 septembre 2020 a fait l’objet d’une information auprès du procureur de la République ;
 
— il n’est pas établi que l’arrêté du 4 septembre 2020 a été précédé d’un avis du directeur de l’Agence régionale de santé ;
 
— l’arrêté en litige a été pris en méconnaissance du décret n°2020-860 du 10 juillet 2020 dès lors que dans le cadre de l’organisation du festival, et ainsi qu’il résulte du protocole qu’elle avait présenté, elle respectait scrupuleusement les préconisations prévues par ce texte, rajoutant, de plus, des mesures non obligatoires ; les services de l’Etat, qui ont eu connaissance de ces mesures deux mois avant la tenue du festival envisagé, n’ont émis aucune critique, ni demandé de compléter le protocole ; elle avait la capacité à garantir le respect des mesures prévues par le décret ;
 
— il porte une atteinte excessive aux principes de la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce et de l’industrie en ce que la mesure d’interdiction du festival n’était ni nécessaire ni proportionnée pour permettre d’assurer la protection de la santé publique ;
 
— l’arrêté contesté est entaché d’une erreur de fait en tant qu’il retient qu’aucune mesure n’était prévue dans l’espace camping ;
 
— l’arrêté méconnaît le principe d’égalité entre les justiciables dès lors que le lieu sur lequel devait se tenir le festival, et qui reçoit un public familial et de la même tranche d’âge, est resté ouvert jusqu’au 30 octobre 2020, date du deuxième confinement avec de conditions sanitaires moins strictes ; de même, l’ouverture du parc Eurodisney situé à dix kilomètres du lieu où devait se tenir le Festival a été autorisé et d’importants évènement ont été maintenus à Paris alors que la circulation du virus était plus active que dans le département de Seine-et-Marne ;
 
— l’arrêté annulant le festival envisagé, qui a été pris le 4 septembre 2020, ne lui a été notifié que le 7 septembre suivant, date du début du montage, ce qui l’a privé de tout recours utile en méconnaissance de l’article 6 de la Constitution ; il présente, en outre, un caractère vexatoire compte tenu de ce que l’arrêté en litige a été adressé préalablement à un journaliste, ce qui lui a permis d’en prendre connaissance ;
 
— l’illégalité de l’arrêté litigieux est constitutif d’une faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune ;
 
— contrairement à ce que soutient l’administration, ses conclusions indemnitaires sont recevables dès lors que si sa demande indemnitaire préalable a été déposée le même jour que sa requête, aucune réponse ne lui a été apportée en cours d’instance ; elle a subi un préjudice financier évalué à 407 990 euros, ainsi qu’un préjudice découlant de la perte de chance évalué à 90 000 euros et un préjudice moral évalué à 40 000 euros.
 
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
 
Il soutient que :
 
— à titre principal, les conclusions indemnitaires présentées par la société Navco sont irrecevables en l’absence d’intervention d’une décision à la suite d’une demande indemnitaire préalable à la date d’enregistrement de la requête ;
 
— à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la société Navco ne sont pas fondés.
 
Vu :
 
— les autres pièces du dossier ;
 
Vu :
 
— la Constitution ;
 
—  la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
 
— le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;
 
— le décret n° 2020-1096 du 28 août 2020 ;
 
— le code de justice administrative.
 
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
 
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
 
— le rapport de M. A,
 
— les conclusions de M. Zanella, rapporteur public,
 
— et les observations de Me Dumez, représentant la société Navco.
 
Considérant ce qui suit :
 
1. Le 25 août 2020, la société NAVCO a adressé au préfet de Seine-et-Marne une déclaration portant sur l’organisation de la huitième édition du festival « Marvellous Island Festival » sur la base de loisirs de Vaires-Torcy qui devait se tenir les 19 et 20 septembre 2020. Par un arrêté du 4 septembre 2020, le préfet de Seine-et-Marne a interdit l’organisation de ce festival « en raison de la dégradation de la situation sanitaire ». Par un courrier du 8 septembre 2020, la société Navco a formé contre cet arrêté un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 10 septembre 2020. La société Navco demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 4 septembre 2020 et de condamner l’Etat à lui verser la somme de 537 990 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de l’illégalité de cet arrêté.
 
Sur le cadre juridique :
 
2. Aux termes de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire :  » I. – A compter du 11 juillet 2020, et jusqu’au 30 octobre 2020 inclus, hors des territoires mentionnés à l’article 2, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :  1° Réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ;  2° Réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité. La fermeture provisoire d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunions peut, dans ce cadre, être ordonnée lorsqu’ils accueillent des activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ou lorsqu’ils se situent dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus  3° Sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ;  4° Imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen biologique de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid-19. ()  II. Lorsque le Premier ministre prend des mesures mentionnées au I, il peut habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions.  Lorsque les mesures prévues au même I doivent s’appliquer dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l’État dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. Cet avis est rendu public.  Le Premier ministre peut également habiliter le représentant de l’État dans le département à ordonner, par arrêté pris après mise en demeure restée sans effet, la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas en œuvre les obligations qui leur sont imposées en application du 2° dudit I.  III. – Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent (). ».
 
3. Aux termes de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire :  » I. – A compter du 11 juillet 2020, et jusqu’au 30 octobre 2020 inclus, hors des territoires mentionnés à l’article 2, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :  1° Réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ;  2° Réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité. La fermeture provisoire d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunions peut, dans ce cadre, être ordonnée lorsqu’ils accueillent des activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ou lorsqu’ils se situent dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus  3° Sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ;  4° Imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen biologique de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid-19. ()  II. Lorsque le Premier ministre prend des mesures mentionnées au I, il peut habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions.  Lorsque les mesures prévues au même I doivent s’appliquer dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l’État dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. Cet avis est rendu public.  Le Premier ministre peut également habiliter le représentant de l’État dans le département à ordonner, par arrêté pris après mise en demeure restée sans effet, la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas en œuvre les obligations qui leur sont imposées en application du 2° dudit I.  III. – Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent (). ».
 
4. Il résulte de ces dispositions que l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé ne doit être préalablement recueilli et rendu public que lorsque la mesure édictée par le représentant de l’Etat dans le département a été prise sur habilitation du Premier ministre, et porte sur une ou plusieurs des mesures limitativement mentionnées aux 1° à 4° du I de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020.
 
5. Par ailleurs, aux termes de l’article 1er du décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé alors en vigueur : « I. – Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes, dites barrières , définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance  II. – Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l’usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures. Dans les cas où le port du masque n’est pas prescrit par le présent décret, le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d’habitation, lorsque les circonstances locales l’exigent. ». Aux termes du II de l’article 3 de ce décret : « II. – Les organisateurs des rassemblements, réunions ou activités mentionnés au I mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes adressent au préfet de département sur le territoire duquel la manifestation doit avoir lieu, sans préjudice des autres formalités applicables, une déclaration contenant les mentions prévues à l’article L. 211-2 du code de la sécurité intérieure, en y précisant, en outre, les mesures qu’ils mettent en œuvre afin de garantir le respect des dispositions de l’article 1er du présent décret.  Sans préjudice des dispositions de l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, le préfet peut en prononcer l’interdiction si ces mesures ne sont pas de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er. »
 
Sur les conclusions à fin d’annulation
 
6. En premier lieu, l’arrêté attaqué, qui prononce l’interdiction de la tenue de la huitième édition du festival « Marvellous Island Festival », a été pris sur le fondement des dispositions précitées du II. de l’article 3 du décret du 10 juillet 2020 alors en vigueur après que la société NAVCO eût adressé aux services de l’Etat une déclaration concernant l’organisation de ce festival. Ces dispositions autorisent le représentant de l’Etat à interdire toute manifestation si les mesures envisagées ne sont pas de nature à permettre le respect de celles prévues à l’article 1er du même décret. L’arrêté contesté, qui porte interdiction d’une manifestation après le dépôt de la déclaration prévue par le décret, n’a, en revanche, pas pour objet de réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public tels que visés au 3° du I de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020 précitée. Il n’entre pas davantage dans une des autres rubriques mentionnées aux I. de cet article. Il suit de là, et contrairement à ce que soutient la société requérante, que le préfet de Seine-et-Marne pouvait régulièrement interdire le festival sans recueillir préalablement l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé.
 
7. En deuxième lieu, si le III de l’article 1 de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire prévoit que les mesures individuelles doivent faire l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent , cette information n’a pas pour finalité de porter à la connaissance de l’administration des éléments d’appréciation avant qu’elle arrête sa décision, mais uniquement d’assurer la coordination de la police administrative et de la police judiciaire. Par suite, le défaut d’information du procureur de la République est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet de Seine-et-Marne.
 
8. En troisième lieu, le décret précité du 10 juillet 2000 subordonne, par le II. de son article 3, les rassemblements et réunions mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes au respect de strictes conditions d’organisation et de fonctionnement. La circonstance, invoquée par la société requérante que d’autres établissements accueillant du public ont pu continuer leur activité alors qu’elles n’auraient pas appliqué les mesures de distanciation sociale, ou les auraient appliquées de manière moins diligente que celles qu’elle envisageait en méconnaissance de la réglementation applicable, ne saurait être utilement invoquée pour soutenir que la décision contestée méconnaîtrait le principe d’égalité.
 
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’affluence attendue par les organisateurs, à savoir 4 850 spectateurs les 19 et 20 septembre de 12 h à 5 h du matin, se situait, légèrement en-dessous du seuil de 5 000 personnes fixé au V de l’article 3 du décret précité qui interdisait tout événement réunissant plus de 5 000 personnes sur le territoire de la République. L’arrêté contesté interdisant le festival a alors été pris au motif tiré de ce que, eu égard à la reprise de l’épidémie dans le département de Seine-et-Marne, la tenue du festival était de nature à entraîner un brassage de la population, qui constitue le principal vecteur de propagation du virus du Covid-19. Si la circulation de ce virus restait limitée à la date de la décision litigieuse, le taux d’incidence était néanmoins passé sur une période d’une quinzaine de jours de 32,4 cas pour 100 000 personnes sur la période du 13 au 19 août 2020 à 60,68 cas pour 100 000 personnes sur la période du 31 août au 6 septembre, ce qui avait entraîné l’inscription du département de Seine-et-Marne, à la date de l’arrêté attaqué, dans la liste des zones de circulation active du virus covid-19 par le décret n° 2020-1096 du 28 août 2020 venant modifier le décret précité du 10 juillet 2020. En outre, et alors même qu’il était prévu un espace théorique par personne dépassant, à l’échelle du festival entier, les 4 m2, il résulte de l’avis émis le 17 juin 2020 par le Haut conseil pour la santé publique que la distanciation physique est en général difficile à respecter pour des évènements de grande ampleur, avec placement libre ou favorisant la libre circulation des personnes en intérieur ou en extérieur, planifiés et contrôlés par un organisateur et que cette difficulté est encore accrue pour, comme en l’espèce, les grands concerts dès lors que ces évènements conduisent naturellement à des attroupements devant les scènes. Par ailleurs, il n’est pas contesté que la majorité des participants au festival provenaient d’autres départements français ainsi que de l’étranger, pouvant ainsi participer à une diffusion du virus au niveau national, la circonstance que les statistiques d’hospitalisation des personnes de 20 à 30 ans soient faibles étant sans incidence sur ce constat. Enfin, si certaines études faisaient part d’un faible risque de contamination dans les espaces extérieurs, elles ne faisaient pas l’objet d’un consensus à la date de la décision attaquée. Si la société Navco avait prévu une série de mesures de prévention et de contrôle contenues dans une « Charte sanitaire » transmise dès le 17 juillet 2020 au service instructeur qui n’avait émis aucune objection jusqu’à la date de l’arrêté querellé, ces mesures ne peuvent être regardées comme ayant été de nature à permettre, conformément au II de l’article 3 du décret du 10 juillet 2020 précité, le respect des dispositions de l’article 1er de ce décret, à savoir le « strict respect », « en tout lieu et en toute circonstance », des mesures d’hygiène et de distanciation sociale eu égard, en particulier, au nombre de personnes attendues et la durée du festival. Dès lors, et quel que soit le sérieux des mesures qu’elle proposait de mettre en place, la société Navco n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l’article 3 du décret du décret du 10 juillet 2020.
 
10. Compte tenu de ce qui a été dit au point 9, l’atteinte portée par le préfet de Seine-et-Marne aux principes de la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce et de l’industrie en interdisant l’organisation du festival doit, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu notamment du nombre de personnes attendues et de la durée du festival, être regardée comme strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu au sens des dispositions sus rappelée du III de l’article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces principes doit être écarté.
 
11. En cinquième lieu, si l’arrêté contesté retient à tort que l’organisateur n’avait prévu aucune mesure sanitaire pour l’espace « camping », il ressort des pièces du dossier, alors que le festival devait se tenir sur un site d’une superficie de 27 353 m² comprenant notamment trois scènes et un camping, que le préfet de Seine-et-Marne aurait pris la même décision en l’absence d’un tel motif.
 
12. En dernier lieu, les conditions de notification de la décision contestée étant sans incidence sur sa légalité, le moyen tiré de ce que cette notification serait intervenue tardivement est inopérant et ne peut être qu’écarté.
 
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Navco n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 4 septembre 2020.
 
Sur les conclusions indemnitaires :
 
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le préfet de Seine-et-Marne n’a commis, par son arrêté du 4 septembre 2020 interdisant la manifestation « Marvellous Island Festival », prévue les 19 et 20 septembre 2020 sur la base de loisirs de Vaires-Torcy, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de Seine-et-Marne, les conclusions de la société requérante tendant à l’indemnisation des préjudices résultant de l’illégalité fautive de cet arrêté ne peuvent qu’être rejetées.
 
Sur les frais liés au litige :
 
15. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante, la somme réclamée par la société Navco au titre de ces dispositions.
 
D E C I D E :
 
Article 1er : La requête de la société Navco est rejetée.
 
Article 2: La présente décision sera notifiée à la société Navco et au préfet de Seine-et-Marne
 
Délibéré après l’audience du 2 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
 
M. B, président,
 
Mme Morisset, conseillère,
 
M. Cabal, conseiller,
 
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022.
 
Le rapporteur,
 
P.Y. A
 
Le président,
 
M. B
 
La greffière,
 
L. DARNAL
 
La République mande et ordonne au préfet de la Seine et Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent jugement.
 
Pour expédition conforme,
 
La greffière,

Chat Icon