Repos compensateur du pigiste

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Repos compensateur du pigiste

Le pigiste est en droit de bénéficier des avantages accordés aux journalistes permanents liés au paiement du jour de repos compensateur pris et à la rémunération compensatrice (au cas où la demande de repos compensateur ne peut pas être satisfaite) correspondant à une indemnité de repos compensateur, à partir du moment où il devient un collaborateur régulier de l’entreprise.

Travail quotidien du pigiste

Dans l’affaire soumise, il ressort des plannings de travail que le salarié travaillait, sauf jours de congés payés, de repos hebdomadaire ou de repos dit compensateur, tous les jours de la semaine, à une ou deux exceptions près sur les six années litigieuses.

Collaborateur régulier

Ainsi, en fournissant régulièrement du travail à l’appelant qui a été engagé en contrat à durée indéterminée après un an de contrat à durée déterminée, sans modifier sa rémunération à la pige, la société a fait de ce dernier un collaborateur régulier et à ce titre, il est en droit de bénéficier des avantages prévus en faveur des journalistes professionnels permanents, par la convention collective nationale des journalistes.

Rémunération du repos compensateur

Aussi l’article 29 de la convention collective nationale des journalistes est applicable au salarié qui a droit à la rémunération du repos compensateur et à rémunération compensatrice, ou indemnité, en cas d’absence de possibilité de prendre ce repos.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT DU 07 AVRIL 2022

 
N° 2022/CM/FP-D
 
Rôle N° RG 18/18974 –��N° Portalis DBVB-V-B7C-BDNO5
 
Y X
 
C/
 
SARL A P.P.P
 
Me Cédric PEREZ, avocat au barreau de NICE
 
Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE
 
Décision déférée à la Cour :
 
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NICE en date du 25 Octobre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° .
 
APPELANT
 
Monsieur Y X, demeurant […]
 
représenté par Me Cédric PEREZ, avocat au barreau de NICE
 
 
INTIMEE
 
SARL A P.P.P prise en la personne de son représentant légal, demeurant […] représentée par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE
 
*-*-*-*-*
 
COMPOSITION DE LA COUR
 
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
 
 
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
 
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
 
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
 
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
 
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
 
 
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2022.
 
ARRÊT
 
contradictoire,
 
 
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2022
 
 
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
***
 
EXPOSE DU LITIGE
 
 
La société A B (la société) exploite une activité d’agence de presse photographique sous l’enseigne Team Sot et occupe habituellement plus de onze salariés. La convention collective nationale applicable à l’entreprise est la convention collective nationale des agences de presse.
 
M. X (le salarié) a été embauché par la société A B selon contrat à durée déterminée conclu pour la période du 4 juillet 2011 au 31 décembre 2011 en qualité de rédacteur, 1er échelon au statut de journaliste pigiste de la convention collective nationale des journalistes, le contrat stipulant application de la convention collective nationale des journalistes.
 
 
Le contrat de travail a été renouvelé pour une période de 8 mois à compter du 1er janvier 2012 et s’est poursuivie en contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2012.
 
 
Le 15 novembre 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins de voir la société A B condamnée à lui verser un rappel de salaire pour repos compensateur, un rappel de salaire au titre de la prime de langue, une indemnité de congés payés sur rappel de salaire, des dommages et intérêts pour manquement de la société à la législation propres aux astreintes, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
 
 
Par jugement de départage du 25 octobre 2018, le conseil de prud’hommes de Nice a :
 
débouté M. X de sa demande au titre du repos compensateur,• débouté M. X de sa demande au titre de la prime de langue,• débouté M. X de sa demande d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire,• • condamné la société A B à verser à M. X la somme de 3000 euros au titre des astreintes non indemnisées,
 
• condamné la société A B à verser à M. X la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire du jugement dans toutes ses dispositions,• condamné la société A B aux dépens.•
 
 
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 3 décembre 2018, M. X a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 19 novembre 2018 en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre du repos compensateur, au titre de la prime de langue et au titre de l’indemnité de congés payés sur appel de salaire.
 
 
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 25 février 2019, M. X demande à la cour de :
 
• infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté de ses demandes au titre du repos compensateur, au titre de la prime de langue et au titre de l’indemnité de congés payés sur rappel de salaire, et de
 
au principal
 
condamner la société A B à lui verser les sommes suivantes :• 8296,25 € bruts de rappel d’indemnité pour non-respect du repos compensateur,• 8330,33 € bruts à titre de rappel de salaire pour la prime de langue,• 1662 € bruts à titre d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire•
 
au subsidiaire,
 
condamner la société A B à lui verser les sommes suivantes• 8626,56 € bruts, une indemnité pour non-respect du repos compensateur,• 8330,33 € bruts à titre de rappel de salaire pour la prime de langue,• 1695 € bruts à titre d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire,•
 
• confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société A B à lui verser la somme de 3000 € au titre des astreintes non indemnisées, la somme de 1200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
 
en tout état de cause,
 
• condamner la société A B à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
 
 
Selon ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 9 mai 2019, la société A B demande à la cour de :
 
dire et juger la société A B recevable et bien fondée en son appel,• statuer ce que de droit sur l’appel de M. X,• débouter M. X de l’intégralité de ses demandes,•
 
• condamner M. X au paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
 
 
La clôture des débats a été ordonnée le 15 mars 2021. L’affaire a été évoquée à l’audience du 29 mars 2021, a fait l’objet d’un arrêt de réouverture des débats sans révocation de l’ordonnance de clôture le 2 décembre 2021, l’affaire à de nouveau été évoquée à l’audience du 17 janvier 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
 
MOTIFS DE LA DÉCISION
 
Sur la demande d’indemnité pour non-respect du repos compensateur
 
 
La demande d’indemnité pour non-respect du repos compensateur porte sur les années 2011 à 2017.
 
 
Le jugement entrepris a, pour débouter l’employé de sa demande de rappel de salaire au titre des repos compensateurs pris et non payés, considéré qu’il n’était pas versé d’élément permettant d’établir le coefficient de référence issu de l’accord du 7 novembre 2008 relatif aux journalistes rémunérés à la pige pour déterminer ses droits effectifs, que le salarié ne démontrait pas suffisamment qu’une pige était équivalente à une journée de travail, que le repos compensateur prévu par la convention collective nationale en cas de privation du deuxième jour de repos hebdomadaire ne donnait pas lieu à rémunération particulière mais dès lors que le contrat de travail prévoyait le doublement du prix des piges de week-end et des jours fériés, alors que le salarié n’indiquait pas avoir été privé de cette rémunération complémentaire nécessaire à la validité du repos compensateur, le salarié ne pouvait qu’être débouté de sa demande.
 
 
En appel, le salarié modifie le fondement de sa demande, sollicitant le paiement de l’indemnité pour non-respect du repos compensateur, estimant qu’à défaut de paiement des repos, ceux-ci ne peuvent être considérés comme des repos compensateurs pris et qu’il en a ainsi été privé. Il revendique le statut de journaliste professionnel permanent prévu par la convention collective nationale sur la base desquelles il fonde sa demande d’indemnisation du repos compensateur. Il soutient ainsi être astreint à des horaires de travail précis, que la rémunération à la pige correspond à une rémunération par journée de travail, qu’il travaille de façon régulière et permanente pour la société, tirant de ses salaires sa principale et unique source de revenus. Il expose que les repos compensateurs accordés la semaine suivant les heures de travail effectuées les dimanches n’ont pas été traités financièrement comme des jours travaillés au mépris du principe même de repos compensateur mais comme des jours d’absence autorisée non rémunérés et que la comparaison des plannings de travail versés aux débats et des bulletins de salaire démontrent qu’une pige équivaut à 8 heures de travail, soit une journée de travail. Il estime que la prescription triennale n’a pas commencé à courir puisque les bulletins de salaire ne mentionnent pas le nombre de jours de repos compensateurs, leur prise et leur traitement.
 
 
La société considère que :
 
 
– la demande de rappel d’indemnité est prescrite sur la période de 2011 à novembre 2014 par application des dispositions de l’article L.3245-1 du code du travail, car le salarié disposait de toutes les informations nécessaires relatives à ses droits à repos de récupération prévus aux plannings, les bulletins de salaire mentionnant expressément le nombre de piges rémunérées chaque mois ; l’information tardive de ses droits à repos de compensation ne lui permet pas de formuler des demandes de rappel de salaire pour une période supérieure à trois ans ;
 
 
– sur le fond, l’article 29 de la convention collective nationale des journalistes relatif au repos hebdomadaire ne lui est pas applicable puisqu’il n’est pas rémunéré sur la base d’un décompte de la durée de travail mais à la tâche ; le contrat de travail précise qu’il pourra travailler au moins un week-end par mois et a mis en place un système de rémunération double des piges effectuées les week-ends afin de compenser l’absence de réalisation de pige due à la journée de repos ‘compensateur’accordée dans la semaine ; les jours de récupération apparaissent sur les plannings sous la mention ‘R’.
 
 
La cour constate que la société n’a jamais demandé dans le dispositif de ses conclusions, tant en appel qu’en première instance, de déclarer irrecevable la demande en paiement au motif de la prescription, en sorte que la cour n’a pas à statuer sur ce point en vertu de l’article 954 du code de procédure civile.
 
 
Sur le fond, la convention collective nationale des journalistes est applicable au contrat de travail en application des dispositions contractuelles.
 
 
Aux termes du contrat de travail, il est prévu que le salarié pourra travailler au moins un week-end par mois, soit :
 
– le samedi à partir de 13h
 
– le dimanche à partir de 12h
 
Lors de ces permanences de week-end, le prix des piges est double, ainsi que les jours fériés. De plus, des heures de repos compensateur correspondant aux heures du dimanche lui sera accordée dans la semaine qui suit.
 
 
Ainsi, le contrat de travail s’il prévoit le doublement de la rémunération du travail effectué les jours de fin de semaine et jours fériés, ne comporte aucune stipulation particulière concernant la rémunération du repos compensateur accordé ni concernant une indemnité en cas de non prise du repos compensateur. Il ne l’exclut pas non plus.
 
 
L’article 29 de la convention collective nationale des journalistes prévoit que :
 
Les journalistes bénéficient des dispositions législatives et réglementaires en vigueur sur la durée du travail.
 
A compter du 1er février 1982, la durée légale du travail effectif est fixée à 39 heures par semaine, soit 169 heures par mois.
 
Les parties reconnaissent que les nécessités inhérentes à la profession ne permettent pas de déterminer la répartition des heures de travail ; le nombre de ces heures ne pourra excéder celui que fixent les lois en vigueur sur la durée du travail.
 
Les dérogations exceptionnelles rendues nécessaires par l’exercice de la profession et les exigences de l’actualité donneront droit à récupération.
 
Les modalités d’application de l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relatives à la durée du travail peuvent prendre différentes formes et sont définies par les accords au niveau de l’entreprise.
 
Elles peuvent se traduire par des réductions de travail quotidiennes, hebdomadaires ou mensuelles.
 
Le repos hebdomadaire de 2 jours en principe consécutifs doit être assuré.
 
Dans le cas particulier où le journaliste ne pourrait bénéficier du deuxième jour hebdomadaire, un repos compensateur lui sera assuré dans un délai ne pouvant excéder 60 jours, délai porté à 90 jours pendant la période du 1er mai au 31 octobre.
 
Si, par exception, ce repos compensateur demandé par l’intéressé ne pouvait être satisfait dans ce délai, il ferait l’objet d’une rémunération compensatrice.
 
Dans les limites compatibles avec le fonctionnement normal de l’entreprise, le repos compensateur pourra être pris en une seule fois, de préférence entre le 1er octobre et le 31 mai, sans préjudice des périodes de repos hebdomadaire normalement dues pendant cette période.
 
 
Les dispositions de l’accord du 7 novembre 2008 en vigueur étendu, relatif aux journalistes rémunérés à la pige, négocié compte tenu des difficultés constatées pour résoudre les questions soulevées par une référence simple aux textes normatifs et à la jurisprudence, et de la nécessité d’unifier au niveau de la branche les pratiques des entreprises, aux termes duquel il a été convenu de mettre en place des règles d’application des droits pour les pigistes dans certains domaines ne prévoient aucune disposition particulière concernant les repos compensateurs. Tout développement relatif au coefficient de référence qu’il met en place pour la détermination des primes d’ancienneté est en conséquence sans incidence sur le présent litige.
 
 
Certes, l’appelant est payé à la pige. Néanmoins, le pigiste est en droit de bénéficier des avantages accordés aux journalistes permanents liés au paiement du jour de repos compensateur pris et à la rémunération compensatrice (au cas où la demande de repos compensateur ne peut pas être satisfaite) correspondant à une indemnité de repos compensateur, à partir du moment où il devient un collaborateur régulier de l’entreprise.
 
 
Il ressort des plannings de travail que le salarié travaillait, sauf jours de congés payés, de repos hebdomadaire ou de repos dit compensateur, tous les jours de la semaine, à une ou deux exceptions près sur les six années litigieuses. Ainsi, en fournissant régulièrement du travail à l’appelant qui a été engagé en contrat à durée indéterminée après un an de contrat à durée déterminée, sans modifier sa rémunération à la pige, la société a fait de ce dernier un collaborateur régulier et à ce titre, il est en droit de bénéficier des avantages prévus en faveur des journalistes professionnels permanents, par la convention collective nationale des journalistes.
 
 
Aussi l’article 29 de la convention collective nationale des journalistes est applicable au salarié qui a droit à la rémunération du repos compensateur et à rémunération compensatrice, ou indemnité, en cas d’absence de possibilité de prendre ce repos.
 
 
Le contrat de travail prévoit que le salarié est rémunéré à la tâche et non au temps, que la valeur de la pige est fixée forfaitairement à 87,10 euros coefficient 120 de la ‘CV’ des journalistes, que l’employeur s’engage à faire effectuer au salarié un minimum de 21 piges par mois, que les horaires des tâches seront réparties selon les plannings affichés tous les mois.
 
 
Il est constant que sur les plannings de l’entreprise, la lettre A correspond à un horaire de travail de 9h à 17 h avec une heure de pause, la lettre AM à un horaire de travail 13h à 20h, la lettre X à un horaire de 15h30 à 22h30, la lettre R à un repos compensateur et la lettre CP à un jour de congés payés. Ainsi, ces plannings mettent en place des horaires de travail. D’ailleurs, il ressort de la réunion des délégués du personnel de novembre 2013 que la pige de base est calculée sur la base de 8 heures de travail.
 
 
La cour note que le nombre minimal de piges mensuelles prévu au contrat (21) correspond à la moyenne des jours de travail mensuel pour un salarié rémunéré au temps de travail. Les bulletins de salaire mentionnent un ‘salaire horaire’ de juillet 2011 à décembre 2015, alors qu’il devrait correspondre à un nombre de piges. Ce n’est qu’à compter du mois de mars 2016 que le nombre des piges apparaît dans les bulletins de salaire. En outre la rémunération versée est sensiblement égale au nombre de journées travaillées sur le planning (doublée en cas de travail le samedi ou dimanche) multiplié par le prix unitaire de la pige. Il s’ensuit qu’au regard du prix forfaitaire de la pige, que ce soit le matin, l’après midi ou la journée entière, et du planning, la pige correspond à une durée de travail de 8 heures.
 
 
Au regard des plannings versés aux débats, les décomptes effectués par le salarié au titre du nombre des repos compensateurs auxquels il a droit et correspondant à une pige d’une journée, sont exacts. Ainsi, il avait droit à : en 2011, 6 jours à 87,10 euros (prix de la pige) ; en 2012, 17 jours à 88,41 euros ; en 2013, 12 jours à 89,29 euros ; en 2014, 17 jours 94,16 euros ; en 2015, 14 jours à 94,56 euros ; en 2016, 14 jours à 94,56 euros ; en 2017 10 jours 95,08 euros, correspondant à la somme totale de 8.296,25 euros au titre de l’indemnité de repos compensateur non pris et non payé outre la somme de 829,62 euros au titre des congés payés afférents.
 
 
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de ces chefs.
 
Sur la demande de prime de langue
 
 
Pour débouter le salarié de sa demande de prime de langue, les premiers juges ont considéré que cette prime n’était pas prévue par la convention collective nationale des journalistes applicable ni par le contrat de travail et que le salarié ne rapportait pas la preuve de l’existence d’un usage au sein de l’entreprise consistant à attribuer une prime de langue au sein de l’agence.
 
 
Au soutien de son appel, le salarié revendique l’application de la convention collective nationale des journalistes prévoyant une majoration salariale de 10% au titre de la prime de langue plus favorable que la convention collective nationale des agences de presse pour cet avantage, sans qu’il soit nécessaire qu’il prouve l’existence d’un usage d’entreprise portant sur l’attribution d’une telle prime. Il estime que dans le silence de la convention collective nationale sur les conditions d’attribution de l’avantage, il appartient à la juridiction de l’interpréter, qu’en l’occurrence, il a déjà été jugé par la cour d’appel de Paris que la prime de langue était due lorsque le journaliste utilisait dans son travail quotidien une langue étrangère.
 
 
La société soutient que la prime de langue n’est prévue à la convention collective nationale des journalistes que pour les journalistes rémunérés à l’heure et non à ceux rémunérés à la pige, qu’il ne peut donc prétendre à une telle prime au titre de la convention collective nationale des journalistes et qu’il ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la prime de langue prévue à la convention collective nationale des agences de presse, en sorte qu’en l’absence de preuve d’un usage de ce type au sein de l’entreprise, le salarié ne peut qu’être débouté de sa demande.
 
 
La convention collective nationale des journalistes prévoit une prime de langue de 10% dans le cadre des barèmes de salaire SAPIG et SAPHIR issu de l’accord du 29 novembre 2000 relatifs aux salaires au 1er décembre 2000, s’agissant des salaires pour 169 heures, applicables aux journalistes bénéficiant d’une rémunération calculée en fonction de leur temps de travail. Aucune prime de langue n’est prévue pour les salariés rémunérés à la pige.
 
 
Néanmoins, il ressort des plannings de travail que le salarié travaillait, sauf jours de congés payés, de repos hebdomadaire ou de repos dit compensateur, tous les jours de la semaine, à une ou deux exceptions. Ainsi, en fournissant régulièrement du travail à l’appelant qui a été engagé en contrat à durée indéterminée après un an de contrat à durée déterminée, sans modifier sa rémunération à la pige, la société a fait de ce dernier un collaborateur régulier et à ce titre, il est en droit de bénéficier des avantages prévus en faveur des journalistes professionnels permanents, par la convention collective nationale des journalistes.
 
 
La convention collective nationale des journalistes ne définit pas des conditions d’attributions de cette prime de langue. Dans le silence de la convention collective nationale, la cour considère que la prime de langue est due dès lors que le journaliste doit utiliser une langue étrangère dans son travail quotidien.
 
 
Si le salarié est amené à utiliser la langue anglaise dans le cadre de son emploi et que l’employeur lui a imposé de faire toutes les légendes des photographies en anglais, à compter du mois de novembre 2016, ce n’est qu’à compter du mois de juin 2017 par les photographies qu’il verse aux débats qu’il justifie avoir quotidiennement utilisé la langue anglaise dans le cadre de son emploi.
 
Compte tenu des salaires de base versés à compter du mois de juin 2017 et justifiés jusqu’au mois de septembre 2017 pour un montant 7.904,66 euros, il est dû au salarié une somme de 790,46 euros bruts au titre de la prime de langue que la société sera condamnée à lui verser, outre une indemnité compensatrice de congés payés afférente d’un montant de 79,04 euros.
 
 
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il l’a débouté de toute demande à ce titre.
 
Sur la demande de la société A B tendant à la déclarer recevable et bien fondée en son appel
 
 
Il convient de constater qu’aux termes du dispositif de ses conclusions, la société ne demande aucunement à la cour d’infirmer sur une quelconque de ses dispositions, le jugement entrepris et qu’il n’y a donc pas lieu à la déclarer recevable et bien fondée en son appel.
 
 
La cour observe qu’en l’absence de toute demande d’infirmation du jugement par l’intimé dans le dispositif de ses conclusions, elle n’est pas saisie d’un appel incident que ce soit sur les astreintes, l’article 700 et les dépens.
 
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
 
 
La société succombant sera condamnée aux entiers dépens de l’appel et sera déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
 
L’équité commande de faire bénéficier le salarié de ces mêmes dispositions et de condamner la société à lui verser une indemnité complémentaire de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
PAR CES MOTIFS,
 
 
La cour,
 
 
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;
 
 
Dans la limite de la dévolution,
 
 
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. X de sa demande au titre du repos compensateur, de sa demande au titre de la prime de langue et de sa demande d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire ;
 
 
Statuant à nouveau dans cette limite,
 
 
Condamne la société A B à verser à M. X les sommes suivantes :
 
• 8.296,25 euros au titre de l’indemnité de repos compensateur non pris et non payés outre la somme de 829,62 euros au titre des congés payés afférents,
 
• 790,46 euros bruts au titre de la prime de langue outre 79,04 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;
 
 
Y ajoutant,
 
 
Condamne la société A B à verser à M. X une indemnité complémentaire de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société A B de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
 
Condamne la société A B aux entiers dépens de l’appel.
 
 
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
 
 

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