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Texte intégral
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 août 1986, par MM. Pierre Joxe, Lionel Jospin, Jean-Jack Queyranne, Bernard Schreiner, Dominique Strauss-Kahn, Charles Hernu, Mme Ginette Leroux, MM. André Lejeune, Jean Lacombe, Jean Beaufils, Paul Dhaille, Jean Laurain, Raymond Douyère, Jean-Michel Belorgey, Jean Anciant, Jean-Hugues Colonna, Mme Catherine Lalumière, MM. Alain Barrau, Robert Chapuis, Job Durupt, Jean-Claude Portheault, André Clert, Mme Yvette Roudy, MM. Christian Laurissergues, Jean Oehler, Mme Martine Frachon, M André Ledran, Mme Gisèle Stievenard, M Jean Auroux, Mmes Jacqueline Osselin, Marie-France Lecuir, MM. Jean-Michel Boucheron (Ille-et-Vilaine), Philippe Bassinet, André Bellon, Alain Richard, Jean Proveux, Roland Carraz, Mme Odile Sicard, MM. André Laignel, Bernard Derosier, Louis Mexandeau, Guy Bêche, Guy Malandain, Alain Vivien, Claude Bartolone, Michel Sapin, Roger-Gérard Schwartzenberg, Alain Calmat, Marcel Wacheux, Maurice Adevah-P uf, Michel Pezet, Jean Le Garrec, Jean Giovannelli, Jacques Guyard, André Labarrère, Roland Dumas, Mmes Edith Cresson, Véronique Neiertz, Catherine Trautmann, MM. Jean-Pierre Sueur, Pierre Bourguignon, Jean-Claude Chupin, Henri Fiszbin, Henri Emmanuelli, Gilbert Bonnemaison, Jack Lang, Olivier Stirn, Joseph Franceschi, Guy-Michel Chauveau, André Billardon, Philippe Puaud, Michel Berson, Jean-Pierre Worms, Guy Chanfrault, Jacques Maheas, Henri Prat, Augustin Bonrepaux, Jean-Claude Dessein, Georges Le Baill et Henri Nallet, députés, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la liberté de communication ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les auteurs de la saisine contestent la conformité à la Constitution de la loi relative à la liberté de communication en faisant porter l’essentiel de leurs griefs sur quatre aspects fondamentaux de la loi qui intéressent respectivement le remplacement de la Haute autorité de la communication audiovisuelle par la Commission nationale de la communication et des libertés, le régime des autorisations d’utilisation des fréquences hertziennes, le pluralisme de la communication et le transfert au secteur privé de la société T.F.1. ; qu’ils critiquent également un certain nombre de dispositions particulières de la loi ;
– SUR LE REMPLACEMENT DE LA HAUTE AUTORITE DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE PAR LA COMMISSION NATIONALE DE LA COMMUNICATION ET DES LIBERTES :
2. Considérant que la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel énonce, dans son article 1er, alinéa 1, que “L’établissement et l’emploi des installations de télécommunication, l’exploitation et l’utilisation des services de télécommunication sont libres” et précise, dans le deuxième alinéa du même article, que “Cette liberté ne peut être limitée, dans le respect de l’égalité de traitement, que dans la mesure requise par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public ainsi que par la sauvegarde de l’ordre public, de la liberté et de la propriété d’autrui et de l’expression pluraliste des courants d’opinion” ; qu’aux termes de l’article 3 “Il est institué une Commission nationale de la communication et des libertés qui a pour mission de veiller au respect des principes définis à l’article 1er.- La commission veille à assurer l’égalité de traitement et à favoriser la libre concurrence et l’expression pluraliste des courants d’opinion.- Elle garantit aux citoyens l’accès à une communication libre.- Elle veille à la défense et à l’illustration de la langue française.” ; que le titre I détermine le statut de la Commission nationale de la communication et des libertés et précise ses attributions ; que le titre VIII de la loi consacré aux “Dispositions transitoires et finales” dispose notamment que la Commission nationale de la communication et des libertés prendra la suite, à compter de sa date d’installation, de la Haute autorité de la communication audiovisuelle ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que “la mise en oeuvre moderne de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 suppose l’existence d’une instance indépendante” chargée de veiller au respect des principes constitutionnels en matière de communication audiovisuelle ; que l’indépendance d’un tel organisme implique que le législateur lui-même ne puisse mettre fin de façon anticipée au mandat de ses membres ; que, faute d’avoir prévu le maintien en fonction des membres composant la Haute autorité de la communication audiovisuelle jusqu’à l’expiration de leur mandat, les articles 96 et 99 de la loi méconnaissent des exigences de valeur constitutionnelle ;
4. Considérant qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; qu’il ne lui est pas moins loisible d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions législatives qu’il estime inutiles ; que, cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
5. Considérant que la substitution à la Haute autorité de la communication audiovisuelle, créée par l’article 12 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, de la Commission nationale de la communication et des libertés n’a pas, à elle seule, pour effet de priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que, dès lors, le législateur pouvait, sans méconnaître aucune règle non plus qu’aucun principe de valeur constitutionnelle, décider de mettre fin, au moment de cette substitution choisi par lui, au mandat des membres de la Haute autorité de la communication audiovisuelle ; que le moyen invoqué ne peut qu’être écarté ;
– SUR LE REGIME JURIDIQUE D’UTILISATION DES FREQUENCES HERTZIENNES :
6. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, la rareté des fréquences hertziennes jointe au fait que le développement de la télévision par voie hertzienne intéresse au plus haut point l’exercice des libertés publiques, fait que l’espace hertzien appartient au domaine public et que ce mode de communication constitue un service public par nature, qui répond à des exigences constitutionnelles ; qu’ils en déduisent que les articles 25, 27, 28, 30 et 31 de la loi, qui permettent la création de chaînes de télévision par voie hertzienne dans le cadre d’un régime d’autorisation administrative, exclusif de l’application des règles du service public, sont, pour ce seul motif, contraires à la Constitution ; qu’il est soutenu également que les exigences d’intérêt général ne pouvaient être satisfaites que dans le cadre de la concession de service public ;
7. Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : “La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi.” ;
8. Considérant qu’il appartient au législateur, compétent en vertu de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, de concilier, en l’état actuel des techniques et de leur maîtrise, l’exercice de la liberté de communication telle qu’elle résulte de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme, avec, d’une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d’autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ;
9. Considérant que, pour la réalisation ou la conciliation de ces objectifs, le législateur n’est pas tenu de soumettre l’ensemble de la télévision par voie hertzienne au régime juridique applicable aux services publics ni d’adopter un régime de concession ; qu’en effet, ce mode de communication ne constitue pas une activité de service public ayant son fondement dans des dispositions de nature constitutionnelle ; que, par suite et quelle que soit la nature juridique de l’espace hertzien, il est loisible au législateur de soumettre le secteur privé de la communication audiovisuelle à un régime d’autorisation administrative, sous réserve d’assurer la garantie des objectifs de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés ; que le moyen invoqué ne peut donc être retenu ;
– SUR LE PLURALISME DANS LES SERVICES DE COMMUNICATION DIFFUSES PAR VOIE HERTZIENNE TERRESTRE OU PAR SATELLITE :
10. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de la loi destinées à garantir le pluralisme de la communication audiovisuelle et plus généralement le pluralisme de la communication sont imprécises quant à leur contenu et plus encore insuffisantes quant à leur domaine d’intervention ; que le fait pour le législateur de ne pas édicter de règles visant à limiter la “concentration multimédia” est d’autant plus grave qu’il s’agit là de la préservation d’un objectif de valeur constitutionnelle et qu’il serait difficile, en la matière, de remettre en cause dans l’avenir des situations existantes intéressant une liberté publique qui auraient été légalement acquises ; qu’en outre, les dispositions relatives au pluralisme dans le domaine de la communication audiovisuelle sont insuffisantes ou inopérantes ; qu’il en va ainsi de l’article 39 qui n’édicte de limitation en matière de participation au capital d’une société privée titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne qu’au sein d’une même société et qui ne fait pas obstacle à ce qu’une même personne puisse devenir actionnaire, à concurrence de 25 pour cent, dans de nombreuses sociétés ; que l’article 41 est tout aussi inopérant car il permet à un même opérateur, à la condition de créer ou d’acquérir des chaînes de télévision dans des zones différentes, de disposer en fait d’une couverture nationale ; que, par ailleurs, le pluralisme est menacé par le transfert de la société nationale de programme T.F.1. au secteur privé ;
11. Considérant que le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuelle n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractères différents dans le respect de l’impératif d’honnêteté de l’information ; qu’en définitive, l’objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu’on puisse en faire les objets d’un marché ;
12. Considérant que l’article 1er de la loi, qui dispose que la liberté de l’exploitation et de l’utilisation des services de télécommunication peut être limitée dans la mesure requise par la sauvegarde de l’expression pluraliste des courants d’opinion, de même que l’article 3, qui institue une Commission nationale de la communication et des libertés chargée en particulier de favoriser l’expression pluraliste des courants d’opinion, sont conformes à la Constitution ; qu’il convient d’examiner si les modalités de mise en oeuvre des principes énoncés par les articles 1er et 3 de la loi le sont également ; que cette mise en oeuvre repose, pour partie, sur des règles posées par la loi et qui sont directement applicables, pour partie, sur des règles qui seront précisées par décret et dont l’application effective dépendra de l’intervention de la Commission nationale de la communication et des libertés, selon des modalités qui diffèrent suivant qu’il s’agit du secteur public ou du secteur privé ;
. En ce qui concerne le pluralisme dans le secteur public :
13. Considérant que, pour le secteur public, le législateur a fixé lui-même certaines règles destinées à garantir le pluralisme des courants de pensée socioculturels ; qu’au nombre de ces règles, il y a lieu de mentionner l’article 16, alinéa 1, de la loi qui, combiné avec les dispositions de l’article L. 167-1 du code électoral qui demeurent en vigueur, assure aux groupements politiques le libre accès au service public de la radiodiffusion télévision pendant les campagnes électorales ; que, de même, si l’article 54 de la loi prévoit que le Gouvernement peut à tout moment faire diffuser par les sociétés nationales de programme toutes les déclarations ou communications qu’il juge nécessaires, il est prévu que les émissions annoncées à ce titre peuvent donner lieu à un droit de réplique ; que le premier alinéa de l’article 55 de la loi place sous le contrôle du bureau de chaque assemblée la retransmission des débats des assemblées parlementaires ; que le second alinéa du même article prévoit qu’”un temps d’émission est accordé aux formations politiques représentées par un groupe dans l’une ou l’autre des assemblées du Parlement ainsi qu’aux organisations syndicales et professionnelles représentatives à l’échelle nationale” ; que, dans son article 56, la loi fait obligation à la société nationale de programme visée au 2° de l’article 44, de programmer le dimanche matin des émissions à caractère religieux consacrées aux principaux cultes pratiqués en France ;
14. Considérant qu’en sus des règles ainsi énoncées, l’article 13 de la loi dispose, dans son premier alinéa, que “La Commission nationale de la communication et des libertés veille par ses recommandations au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des sociétés nationales de programme et notamment pour les émissions d’information politique” ; que ces dispositions impliquent que la commission est tenue d’exercer la mission qui lui est confiée par la loi et que les recommandations qu’elle prend à cet effet revêtent un caractère obligatoire et peuvent, tout comme d’ailleurs le refus par la commission de faire usage des pouvoirs qu’elle tient de la loi, être contestées devant le juge de l’excès de pouvoir ;
15. Considérant enfin, que les obligations imposées aux sociétés et à l’établissement public composant le secteur public de la communication audiovisuelle sont précisées dans des cahiers des charges fixés par décret, qui doivent être préalablement soumis à la Commission nationale de la communication et des libertés, dont l’avis motivé est rendu public ; que ces cahiers des charges doivent nécessairement se conformer aux principes fondamentaux du service public et notamment au principe d’égalité et à son corollaire le principe de neutralité du service ;
16. Considérant que ces diverses dispositions permettent d’assurer le respect de l’objectif de pluralisme dans le secteur public de la communication audiovisuelle ;
. En ce qui concerne le pluralisme dans le secteur privé :
17. Considérant qu’afin de prendre en compte, dans le secteur privé, l’objectif de préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels, la loi a adopté, dans ses articles 28 à 31, des dispositions dont la mise en oeuvre est confiée, cas par cas, à la Commission nationale de la communication et des libertés, et, dans ses articles 38, 39 et 41, des dispositions destinées à réglementer la possibilité pour une même personne d’être titulaire de plusieurs autorisations ou d’exercer une influence prépondérante au sein d’une société titulaire d’une autorisation ; qu’enfin, en vertu du deuxième alinéa de l’article 16 : “Pour la durée des campagnes électorales, la commission adresse des recommandations aux exploitants des services de communication audiovisuelle autorisés en vertu de la présente loi.” ;
– Quant à l’étendue des pouvoirs de la Commission nationale de la communication et des libertés :
18. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 28 de la loi, l’exploitation des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite autres que ceux assurés par le secteur public, est subordonnée “au respect d’obligations particulières définies par la commission et souscrites par le titulaire, compte tenu de l’étendue de la zone desservie, du respect de l’égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d’eux” ; qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 28 “Ces obligations portent sur un ou plusieurs des points suivants : 1° une durée minimale de programmes propres ; 2° l’honnêteté et le pluralisme de l’information et des programmes ; 3° un temps minimal consacré à la diffusion d’oeuvres d’expression originale française en première diffusion en France ; 4° une contribution minimale à des actions culturelles, éducatives ou de défense des consommateurs ; 5° une contribution minimale à la diffusion d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer ; 6° une contribution minimale à la diffusion à l’étranger d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision ; 7° le temps maximum consacré à la publicité” ;
19. Considérant que l’article 29 de la loi, qui définit les conditions d’octroi des autorisations d’usage des fréquences pour la diffusion des services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne, dispose dans son huitième alinéa que “La commission accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, compte tenu notamment : 1° de l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication, 2° du financement et des perspectives d’exploitation du service ; 3° de la nécessité de diversifier les opérateurs et d’assurer le pluralisme des idées et des opinions ; 4° des engagements du candidat quant à la diffusion d’oeuvres d’expression originale française en première diffusion en France ; 5° de la nécessité d’éviter les abus de position dominante et les pratiques entravant la concurrence en matière de communication ; 6° du partage des ressources publicitaires entre la presse écrite et les services de communication audiovisuelle” ;
20. Considérant que l’article 30 de la loi, qui définit les conditions d’octroi des autorisations d’usage des fréquences pour la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre, dispose dans son quatrième alinéa que “la commission accorde l’autorisation en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, compte tenu notamment des critères figurant aux six derniers alinéas de l’article 29 et des engagements que le candidat souscrit dans l’un ou plusieurs des domaines suivants : 1° diffusion des programmes éducatifs et culturels ; 2° actions culturelles ou éducatives ; 3° contribution à la diffusion d’émissions de télévision dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer ; 4° contribution à la diffusion à l’étranger d’émissions de télévision ; 5° concours complémentaire au soutien financier de l’industrie cinématographique et de l’industrie de programmes audiovisuels dans les conditions d’affectation fixées par la loi de finances” ;
21. Considérant que l’article 31 de la loi, qui est relatif à l’usage des fréquences de diffusion affectées à la radiodiffusion sonore et à la télévision par satellite, dispose dans son second alinéa que “La commission accorde l’autorisation en fonction des critères mentionnés aux six derniers alinéas de l’article 29 et des engagements figurant aux cinq derniers alinéas de l’article 30” ;
22. Considérant que les dispositions des articles 28 à 31 doivent être interprétées à la lumière des principes posés par la loi en ses articles 1er et 3 qui font obligation à la Commission nationale de la communication et des libertés de préserver, par priorité, “l’expression pluraliste des courants d’opinion” ; qu’en particulier, dans l’hypothèse où il n’existe qu’une seule fréquence dans une zone donnée, il appartiendra à la commission d’imposer au bénéficiaire de l’autorisation des obligations destinées à assurer une expression libre et pluraliste des idées et des courants d’opinion ; que les mêmes obligations devront être prescrites dans le cas où l’existence de plusieurs fréquences, bien que relevant d’opérateurs différents, ne suffirait pas à garantir le pluralisme ; que toute autre interprétation qui conduirait à conférer à la commission un pouvoir discrétionnaire pour l’application des articles 28 à 31 de la loi, sans la soumettre au respect du cadre impérativement défini par les articles 1er et 3, serait contraire à la Constitution ;
23. Considérant au surplus, que, dans l’exercice de ses compétences, la Commission nationale de la communication et des libertés sera, à l’instar de toute autorité administrative, soumise à un contrôle de légalité qui pourra être mis en oeuvre tant par le Gouvernement, qui est responsable devant le Parlement de l’activité des administrations de l’État, que par toute personne qui y aurait intérêt ;
24. Considérant dès lors, que les articles 28 à 31 de la loi ne sont pas, par eux-mêmes, contraires à la Constitution ;
– Quant au contrôle des concentrations :
25. Considérant que, dans le domaine du contrôle des concentrations, la loi déférée confie, en son article 17, une mission générale de proposition et de surveillance à la Commission nationale de la communication et des libertés et, par ses articles 38, 39 et 41, règlemente la possibilité pour une même personne d’être titulaire de plusieurs autorisations relatives à un service de communication audiovisuelle ou d’exercer une influence prépondérante au sein d’une société titulaire d’une autorisation ;
26. Considérant que l’article 17 de la loi dispose : “La Commission nationale de la communication et des libertés adresse des recommandations au Gouvernement pour le développement de la concurrence dans les activités de communication audiovisuelle.- Elle est habilitée à saisir les autorités administratives ou judiciaires pour connaître des pratiques restrictives de la concurrence et des concentrations économiques. Ces mêmes autorités peuvent la saisir pour avis.” ;
27. Considérant que l’article 38 fait obligation à toute personne physique ou morale qui vient à détenir toute fraction supérieure ou égale à 20 pour cent du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service de communication audiovisuelle d’en informer la Commission nationale de la communication et des libertés dans le délai d’un mois à compter du franchissement de ces seuils ; que le non-respect de ces prescriptions est passible d’une amende de 6 000 F. à 120 000 F., comme le prévoit l’article 75 de la loi ;
28. Considérant que l’article 39 de la loi dispose : “Une même personne ne peut acquérir une participation ayant pour effet de porter, directement ou indirectement, sa part à plus de 25 pour cent du capital d’une société privée titulaire d’une autorisation relative à un service de télévision par voie hertzienne, dès lors que ce service dessert l’ensemble du territoire métropolitain de la France” ; que la méconnaissance de ces dispositions est, conformément à l’article 77 de la loi, passible d’une amende de 100 000 F. à un million de francs ;
29. Considérant que, selon le premier alinéa de l’article 41 de la loi, une personne qui dispose déjà d’un réseau de diffusion en modulation de fréquence desservant l’ensemble du territoire national ne peut devenir titulaire d’une ou plusieurs autorisations d’usage de fréquences pour la diffusion en modulation de fréquence de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre que dans la mesure où la population recensée dans les zones qu’elle dessert sur le fondement des nouvelles autorisations est inférieure ou égale à quinze millions d’habitants ; que le deuxième alinéa du même article dispose qu’une personne titulaire d’un service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dans une zone déterminée ne peut devenir titulaire d’une autorisation relative à un service de même nature diffusé en tout ou en partie dans la même zone ; que les limitations ainsi énoncées visent, comme il est précisé au troisième alinéa de l’article 41, aussi bien la personne titulaire de l’autorisation que celle qui contrôle, directement ou indirectement, le titulaire ; que ces diverses règles s’appliquent sous réserve des dispositions de la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977 relative au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes ; que le non-respect des prescriptions de l’article 41 est passible des sanctions administratives visées à l’article 42, et, le cas échéant, des sanctions pénales prévues à l’article 78 de la loi.
30. Considérant enfin, que les dispositions susanalysées sont destinées, comme cela ressort des abrogations prononcées par l’article 110 (2°) de la loi, à se substituer à la législation ayant pour objet de limiter les concentrations et d’assurer le respect du pluralisme dans le domaine de la communication et, en particulier, aux dispositions des articles 80 et 82 modifiés de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 ;
31. Considérant que l’article 39 de la loi n’interdit nullement à une même personne d’être titulaire d’une participation pouvant aller jusqu’à 25 pour cent du capital de plusieurs sociétés privées titulaires chacune d’entre elles d’une autorisation relative à un service de télévision par voie hertzienne desservant l’ensemble du territoire métropolitain ; que cet article n’édicte aucune limitation quant à la participation d’une même personne au capital de sociétés titulaires d’autorisations de service de télévision par voie hertzienne sur des parties du territoire ;
32. Considérant que ni l’article 39, ni aucune autre disposition de la loi n’édictent de limitation à l’octroi à une même personne d’autorisations concernant la radiotélévision par câble ;
33. Considérant que l’article 41 ne prend pas en compte, dans les limitations qu’il édicte, la situation des personnes titulaires d’autorisations de radiodiffusion sur les grandes ondes ; qu’il ne limite pas davantage la possibilité pour une même personne d’être titulaire simultanément, d’autorisations d’usage de fréquences pour la diffusion de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre, et d’autorisations pour l’exploitation de services de télévision diffusés par voie hertzienne ; qu’en ce qui concerne les services de télévision par voie hertzienne, le deuxième alinéa de l’article 41 se borne à prohiber le cumul par une même personne de deux autorisations dans une même zone géographique, sans faire obstacle à ce qu’une même personne puisse éventuellement se voir accorder, dans le même temps, une ou plusieurs autres autorisations permettant la desserte de l’ensemble du territoire, soit au titre d’un service national, soit par le biais d’un réseau de services locaux ;
34. Considérant que, si les dispositions de l’article 17 de la loi, de même que celles de l’article 41 permettent de lutter contre l’abus de position dominante dans le domaine de la communication, cette circonstance ne saurait, à elle seule, assurer le respect de l’objectif constitutionnel de pluralisme ;
35. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : “La loi fixe les règles concernant : … les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques” ; qu’en raison de l’insuffisance des règles énoncées par les articles 39 et 41 de la loi pour limiter les concentrations susceptibles de porter atteinte au pluralisme, le législateur a méconnu sa compétence au regard de l’article 34 de la Constitution ; qu’au demeurant, du fait des lacunes de la loi, risquent de se développer, en particulier dans une même zone géographique, des situations caractérisées par des concentrations, non seulement dans le domaine de l’audiovisuel, mais également au regard de l’ensemble des moyens de communication dont l’audiovisuel est une des composantes essentielles ;
36. Considérant qu’en l’état, les dispositions des articles 39 et 41 de la loi ne satisfont pas, à elles seules, à l’exigence constitutionnelle de préservation du pluralisme, ni dans le secteur de la communication audiovisuelle, ni dans celui de la communication en général ; que par suite, les articles 39 et 41 de la loi doivent être déclarés non conformes à la Constitution ; que, par voie de conséquence, doit être supprimée dans le texte de l’article 77 la mention de l’article 39 ;
37. Considérant en outre, que du fait des insuffisances des dispositions de la loi relatives au contrôle des concentrations, la Commission nationale de la communication et des libertés ne serait pas à même, dans l’exercice des compétences qu’elle tient des articles 28 à 31 de la loi, de faire pleinement droit à l’exigence constitutionnelle de limitation des concentrations afin d’assurer le respect du pluralisme ; qu’il suit de là, que les articles 28 à 31 de la loi doivent être regardés comme inséparables des articles 39 et 41 qui ne sont pas conformes à la Constitution ; que sont également inséparables de ces articles, dans le texte de l’article 10, la mention de l’article 31, dans le texte des articles 70 et 71, la mention des articles 30 et 31, dans le texte de l’article 90-III et dans celui de l’article 94, la référence aux articles 29 et 30 ; qu’enfin, compte tenu de ce qui précède, le deuxième alinéa de l’article 105 de la loi, qui se réfère aux articles 29 et 30 pour fixer la durée de validité d’autorisations précédemment délivrées ne peut être maintenu ;
– SUR LE TRANSFERT AU SECTEUR PRIVE DE LA SOCIETE NATIONALE DE PROGRAMME “TELEVISION FRANCAISE 1” :
38. Considérant que le titre IV de la loi, intitulé “De la cession de la société nationale de programme “Télévision française 1″”, prévoit le transfert au secteur privé du capital de cette société ; que, selon les auteurs de la saisine, ce transfert est critiquable à un quadruple point de vue ; qu’en effet, la privatisation de la chaîne de télévision nationale par voie hertzienne T.F.1. ne peut se faire que dans le cadre du régime de la concession de service public ; que la cession de 50 pour cent du capital de la société d’État à un groupe unique d’acquéreurs est contraire aux exigences du pluralisme ; qu’elle contredit également les principes constitutionnels relatifs à la concurrence ; qu’enfin, les conditions de la vente sont contraires au principe d’égalité ;
. En ce qui concerne la non-application du régime de la concession de service public :
39. Considérant que, ainsi qu’il a été dit précédemment, il est loisible au législateur de soumettre le secteur privé de la communication audiovisuelle à un régime d’autorisation administrative ; que, de même, le législateur pouvait soumettre la société nationale de programme “Télévision française 1”, une fois transférée du secteur public au secteur privé, à un régime d’autorisation administrative, sans être tenu d’avoir recours à un régime de concession de service public ;
. En ce qui concerne la situation, au regard du pluralisme, de la société T.F.1. :
40. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent qu’est contraire aux exigences du pluralisme l’acquisition de T.F.1., première chaîne française de télévision, par un unique groupe d’acquéreurs ; qu’en effet, avec la loi adoptée, ce serait 40 pour cent de l’audience actuelle de la télévision qui d’un seul coup se trouverait entre les mains d’un unique groupe de repreneurs ; que la seule solution constitutionnellemen