Les contrats conclus dans les années 80 avec les journalistes donnent lieu à l’application du droit applicable le jour de leur signature. La loi applicable au contrat de travail est celle du lieu d’exécution de l’obligation contractuelle pour les contrats de travail verbaux ou écrits conclus de 1981 à 1986.
Lieu d’exécution de l’obligation contractuelle
Il apparaît que la relation de travail entre TF1 et l’un de ses collaborateurs a débuté verbalement entre les parties en septembre 1981, le salarié étant embauché en qualité d’assistant du correspondant permanent et chef du bureau de la première chaîne de télévision française à New York.
Par la suite, le salarié a signé plusieurs contrats de travail, rédigés en français et signés au siège français de TF1.
Pour connaître de la loi applicable à cette relation de travail, avant l’entrée en vigueur le 1er avril 1991 de la convention de Rome du 19 juin 1980, celle-ci était choisie par les parties et à défaut de choix, elle relevait du lieu d’exécution de l’obligation contractuelle (situation correspondant aux contrats de 1981 à 1986).
La critique portée par le salarié sur les «’considérations juridiques générales et artificielles sur la convention de Rome’» ne peut être suivie par la cour, cette convention étant applicable en France depuis son entrée en vigueur dans notre République de sorte qu’à compter du 1er avril 1991 (en ce qui concerne le contrat de travail de 1997), la convention précise que le contrat est régi par la loi choisie par les parties et à défaut, il est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits et, en ce qui concerne le contrat individuel de travail, il est régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays ou, si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances, que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.
Engagements juridiques en dehors du dit siège social
Il résulte des éléments ci-dessus décrits qu’en 1981, il n’est pas justifié de choix de loi applicable de sorte que le salarié, ayant été embauché pour travailler à New-York, dépendant du bureau de TF1 dans cette capitale, son contrat de travail relevait de la loi américaine ; d’ailleurs, lorsqu’en décembre 1985 et alors que le salarié poursuivait son emploi à New-York, les parties ont mentionné expressément la loi applicable au contrat de travail, en indiquant qu’elle était celle en vigueur aux États-Unis et ont réitéré ce choix dans le contrat de travail du 08/08/1986, peu important que les contrats aient été rédigés en français depuis le siège social de la société alors qu’il n’apparaît pas que la société disposait d’une antenne bénéficiant de la personnalité juridique lui permettant de souscrire des engagements juridiques en dehors du dit siège social.
En outre, lorsque le salarié a été muté à Hong Kong, les parties ont rédigé un nouveau contrat de travail soumettant cette nouvelle relation à la loi du pays d’accueil du salarié et enfin, lors de la rédaction du dernier contrat écrit, au retour du salarié aux États-Unis, les parties ont encore fait choix de soumettre la relation de travail à la loi américaine.
Application de la loi américaine
En conséquence, la cour a jugé que la relation de travail entre le salarié et la SA TF1 était soumise à la loi américaine, suivant la volonté des parties, ce qu’elles ont appliqué durant toute la carrière du salarié auprès de la SA TF1, à l’exception de la période où celui-ci a été affecté à Hong Kong.
__________________________________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET DU 16 JUIN 2022
N° RG 20/01339 –��N° Portalis DBV3-V-B7E-T5PA
AFFAIRE :
S.A. TELEVISION FRANCAISE 1 (TF1)
C/
[T] [C]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2020 par le Conseil de Prud’hommes de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F 18/00519
LE SEIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. TELEVISION FRANCAISE 1 (TF1)
N° SIRET : 326 300 159
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Philippe ROZEC/Me Isabelle DAUZET de l’AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R045 – Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
APPELANTE
****************
Monsieur [T] [C]
né le 12 Mars 1951 à [Localité 6] (ETATS-UNIS)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Vincent TOLEDANO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0859 – Représentant : Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622
INTIME
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Mai 2022, Madame Hélène PRUDHOMME, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE
M. [T] [C] expose qu’il a été embauché verbalement par la société Télévision Française 1, ci-dessous dénommée SA TF1, en septembre 1981 en qualité d’assistant, par contrat à durée indéterminée. Il affirme qu’il a continué à travailler pour cet employeur, en Chine, au Maroc, à Jérusalem ou à Washington sans que ses droits ne soient respectés.
La SA TF1 indique que M. [C] a été embauché suivant des contrats de travail du 8 décembre 1983, puis du 31/12/1985, du 8/08/1986 prévoyant tous l’application de la loi américaine et exécutés aux USA. Le 30/07/1990, les parties signaient un nouveau contrat pour une durée de deux ans, M. [C] exerçant alors à Hong Kong. En dernier lieu, les parties signaient un contrat de travail le 03/03/1997 à effet du 01/03/1997 pour le bureau de Washington, en choisissant l’application de la loi américaine.
Le 29 août 2017, la société TF1 annonçait à M. [C] la disparition de son poste au bureau de Washington, la résiliation de son contrat dans le délai d’un mois et lui proposait une indemnité de départ de 85’000 euros, à condition de signer un protocole soumis au droit américain par lequel il renonçait à toute instance et action. M. [C] refusait ce procédé.
Le 18 avril 2018, M. [C] saisissait le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin de faire reconnaître qu’il avait fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’entreprise estimait que les parties s’étant obligées devant la loi américaine, seule la loi américaine s’appliquait devant les juridictions françaises.
Vu le jugement du 14 mai 2020 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui a’:
— Dit qu’il est compétent pour entendre le dossier des parties
— Dit que la loi française est applicable au contrat de travail
— Dit que le contrat de travail à durée indéterminée unissant les parties a commencé en 1981
— Prononcé la nullité du contrat de travail du 3 mars 1997
— Requalifié les relations entre les parties en contrat de travail à durée indéterminée soumis au droit français
— Dit que M. [C] exerçait la profession de journaliste reporter confirmé depuis septembre
1981
— Dit que le licenciement de M. [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
— Fixé la rémunération mensuelle moyenne brute de M. [C] à 6’500 euros ;
— Condamné la SA TF1 à verser à M. [C] les sommes de :
— 19’500 euros bruts au titre du préavis ;
— l’950 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
— 97’500 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
— Renvoyé, pour le surplus d’indemnité complémentaire de licenciement de 53’083 euros nets à la commission arbitrale des journalistes ;
— 130’000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
— 5’000 euros nets au titre du travail dissimulé ;
— 400’000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;
— 50’000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
— 2’500 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— Ordonné la remise des bulletins de paie conformes depuis le mois d’avril 2015, du certificat de travail et de l’attestation destinée à Pôle emploi ;
— Dit que la commission arbitrale des journalistes fixera l’indemnité de licenciement au-delà des quinze premières années ;
— Ordonné l’exécution provisoire au visa de l’article R 1454-28 du code du travail ;
— Débouté les parties du surplus de leurs demandes :
— Condamné la société SA TF1 à verser à Pôle emploi les allocations éventuellement perçues par M. [C] dans la limite de six mois ;
— Condamné la société SA TF1 aux entiers dépens.
Vu l’appel interjeté par la société TF1 le 3 juillet 2020
Vu les conclusions de l’appelante, la société TF1, notifiées le 20 septembre 2021 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
— Déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par la société TF1
— Juger que le droit français n’est pas applicable au contrat de travail de M. [C]
— Juger que la loi applicable est la loi américaine
— Rejeter l’intégralité des demandes formulées par M. [C] au titre de son appel incident
En conséquence :
— Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 14 mai 2020
— Débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
— Recevoir la société TF1 en sa demande additionnelle et condamner M. [C] à lui verser la somme de 5’000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
— Condamner M. [C] aux entiers dépens lesquels pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles en application de l’article 699 du code procédure civile.
Vu les écritures de l’intimé, M. [C], notifiées le 25 novembre 2021 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de’:
— Débouter la société TF1 de toutes ses demandes, fins et conclusions
— Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
— Dit que la loi française est applicable au contrat de travail
— Dit que le contrat de travail à durée indéterminée unissait les parties et a commencé en 1981 ;
— Prononcé la nullité du contrat de travail du 3 mars 1997 ;
— Requalifié les relations entre les parties en contrat de travail à durée indéterminée soumis au droit français ;
— Dit que M. [C] exerçait la profession de Journaliste Reporter Confirmé depuis septembre 1981 ;
— Dit que le licenciement de M. [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
— Fixé la rémunération mensuelle moyenne brute de M. [C] à 6’500 euros ;
— Condamné la SA TF1 à verser à M. [C] les sommes de :
— 19’500 euros bruts au titre du préavis
— 1’950 euros bruts au titre des congés payés y afférents
— 97’500 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
— Ordonné la remise des bulletins de paie conformes depuis le mois d’avril 2015, du certificat de travail et de l’attestation destinée à Pôle emploi ;
— Dit que la commission arbitrale des journalistes fixera l’indemnité de licenciement au-delà des quinze premières années ;
— Le réformer pour le surplus et statuant de nouveau :
— Condamner la société TF1 à verser à M. [C] les sommes de :
— 39’000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé
— 300’000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
— 800’000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination
— 200’000 euros au titre du préjudice moral
— 10’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
— Condamner la société TF1 aux entiers dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement à Maître Claire Ricard.
Vu l’ordonnance de clôture du 4 avril 2022.
SUR CE,
Sur la loi applicable à la relation de travail entre M. [C] et la SA TF1
M. [C] expose qu’il a été recruté verbalement, sans contrat écrit, en septembre 1981, par la SA TF1, en vue d’assister le correspondant du bureau de la première chaîne de télévision française à New York, M. [O] [D]. Il indique qu’il a poursuivi sa collaboration auprès de cet employeur sans interruption depuis cette date et par la suite, divers contrats à durée déterminée ont été soumis à sa signature ; il a fait l’objet de plusieurs mutations au sein de bureaux de la société à Jérusalem, Washington, Hong Kong et New York, son employeur prenant à sa charge ses frais de déménagement jusqu’au 29 août 2017 où il a reçu de son employeur, la SA TF1, la notification de la suppression de son poste à Washington et la résiliation de son contrat dans un délai d’un mois. Son employeur assumait le coût de son retour à [Localité 5] où il avait acquis et fixé son domicile. Il rappelle qu’il était de nationalité américaine et, en 2007, a acquis en sus la nationalité française. Il revendique l’application de la loi française à la relation de travail nouée depuis 1981 avec la SA TF1.
La SA TF1 revendique l’application de la loi américaine puisqu’elle a conclu avec un salarié de nationalité américaine un contrat pour une prestation de travail à l’étranger ; elle expose que les quatre premiers contrats de travail conclus avec M. [C] l’ont été avant le 1er avril 1991, date d’entrée en vigueur en France de la convention de Rome du 19 juin 1980, qui prévoit que la loi applicable est celle choisie par les parties et à défaut de choix, celle du lieu d’exécution de l’obligation contractuelle et pour le dernier contrat a été signé en 1997, la loi applicable selon la dite Convention est celle, à défaut de choix des parties, celle du lieu d’exécution du contrat à moins que le contrat ne présente des liens étroits avec un autre pays justifiant le rattachement à une autre loi que celle du lieu d’exécution du contrat et sur un faisceau d’indices justifiant le rattachement à un autre pays. Elle affirme que durant toute la période d’exécution du contrat de travail, la loi française n’a jamais été appliquée et M. [C] ne l’a d’ailleurs jamais revendiquée. Elle soutient que les revendications du salarié pour faire entrer la relation de travail dans la loi française sont insuffisantes. Elle reproche à M. [C] de ne pas justifier ni même invoquer une quelconque violation de la loi américaine en conséquence de quoi, la cour n’est saisie d’aucune prétention fondée sur la loi américaine dont la violation n’est nullement alléguée par le salarié.
Sur ce, il apparaît que la relation de travail a débuté verbalement entre les parties en septembre 1981, M. [C] étant embauché en qualité d’assistant du correspondant permanent et chef du bureau de la première chaîne de télévision française à New York, M. [O] [D] ; ce dernier a établi une attestation, pièce 26 du dossier du salarié, affirmant qu’en sa qualité de chef du bureau de la société française, il avait conduit le recrutement de M. [C] en qualité d’assistant de production et précise que M. [C] a poursuivi pendant 37 ans, et sous plusieurs latitudes, sa collaboration pour la SA TF1. Il précisait que’ «’à l’ouverture du bureau de Hong Kong, j’ai souhaité faire venir M. [C] auprès de moi devenu entre temps opérateur prise de vue et dont le nouveau contrat a été signé dans les mêmes conditions par les services de [Localité 5]’».
Cette société, à la suite de ce contrat de travail verbal, a effectivement signé avec M. [C] plusieurs contrats de travail, rédigés en français et signés à [Localité 5] pour les quatre premiers, que le salarié a produit personnellement devant le juge :
— contrat du 8/12/1983 pour un poste d’assistant pour exercer à New York, bureau de TF1, rémunéré mensuellement 2’500 dollars US’«’pren(ant) effet à compter du 01/01/1984 pour une durée d’un mois renouvelable par tacite reconduction. Il peut cesser à tout moment par la volonté de l’une ou l’autre partie sous réserve d’un préavis d’un mois’» avec mention, article 7 du contrat de travail, «’pour tout ce qui concerne les droits et obligations attachés à l’exercice de la profession de Assistant, il sera fait application des textes légaux et réglementaires en vigueur’»,
— contrat 31/12/1985 pour un poste d’assistant au bureau de TF1 à New York, avec un salaire mensuel de 2’650 dollars US prenant effet le 01/07/1985. «’Il est valable pour un mois renouvelable par tacite reconduction. Il peut cesser à tout moment par la volonté de l’une ou l’autre partie sous réserve d’un préavis d’un mois. En cas de faute grave par manquement aux obligations professionnelles et notamment celles énoncées aux articles 5 et 6, la rupture du contrat est immédiate sans que le contractant puisse prétendre à une quelconque indemnité’» avec mention, article 7 du contrat de travail, «’pour tout ce qui concerne les droits et obligations attachés à l’exercice de la profession d’Assistant, il sera fait application des textes légaux et réglementaires en vigueur aux États-Unis’»,
— contrat du 08/08/1986 pour un poste d’assistant au bureau de TF1 à New York, avec un salaire mensuel de 2’800 dollars US prenant effet le 01/07/1986. «’Il est valable pour un mois renouvelable par tacite reconduction. Il peut cesser à tout moment par la volonté de l’une ou l’autre partie sous réserve d’un préavis d’un mois. En cas de faute grave par manquement aux obligations professionnelles et notamment celles énoncées aux articles 6 et 7, la rupture du contrat est immédiate sans que le contractant puisse prétendre à une quelconque indemnité’»’avec mention, article 8 du contrat de travail, «’pour tout ce qui concerne les droits et obligations attachés à l’exercice de la profession d’Assistant, il sera fait application des textes légaux et réglementaires en vigueur aux États-Unis’»,
— contrat du 30/07/1990 pour un poste de cameraman et monteur au bureau de TF1 à Hong Kong, avec un salaire mensuel de 39’000 dollars HK prenant effet le 01/09/1990. «’Il est valable deux ans. En cas de faute grave par manquement aux obligations professionnelles et notamment celles énoncées aux articles 5 et 6, la rupture du contrat est immédiate sans que le contractant puisse prétendre à une quelconque indemnité’». avec mention, article 8 du contrat de travail, «’pour tout ce qui concerne les droits et obligations attachés à l’exercice de la profession de cameraman et monteur, il sera fait application des textes légaux et réglementaires en vigueur à Hong Kong’»,
— contrat du 03/03/1997 rédigé à Washington pour un poste de monteur au bureau de TF1 à Washington moyennant un salaire de 5’500 dollars US à compter du 01/03/1997. «’Il peut cesser à tout moment par la volonté de l’une ou l’autre partie sous réserve d’un préavis d’un mois. En cas de faute grave par manquement aux obligations professionnelles et notamment celles énoncées aux articles 6 et 7, la rupture du contrat est immédiate sans que le contractant puisse prétendre à une quelconque indemnité » avec mention, article 8 du contrat de travail, «’pour tout ce qui concerne les droits et obligations attachés à l’exercice de la profession de cameraman et monteur, il sera fait application des textes légaux et réglementaires en vigueur aux États-Unis’».
La SA TF1 verse les bulletins de salaire de M. [C] de l’année 2017 établis suivant la législation américaine, les cotisations sociales étant versées suivant les prélèvements en vigueur dans l’État de Washington DC ; aucun autre bulletin de salaire n’est versé pour le reste de la relation contractuelle. Il apparaît ainsi de ces pièces communiquées que M. [C] a été rémunéré en dollars, réglant ses cotisations sociales salariales aux USA suivant la loi de cet État.
La relation contractuelle de travail entre la SA TF1 et M. [C] n’est nullement remise en cause par l’employeur et celle-ci s’est déroulée en continue, de septembre 1981 à septembre 2017, pour différentes missions d’assistant, de cameraman-monteur, de monteur ou de journaliste, dans différents pays, sans que le salarié n’allègue être venu travailler en France ; il s’agissait donc d’une relation contractuelle internationale.
Le fait que, durant l’exercice professionnel :
— le salarié ait acquis, en sus de sa nationalité américaine, la nationalité française (précisément en 2007), ait fait l’acquisition d’un appartement à [Localité 5] où il a fixé son domicile après la rupture du contrat de travail (2017), prétende que son employeur n’ait pas correctement appliqué des dispositions de la loi américaine relative aux jours fériés ou aux heures supplémentaires alors qu’il ne demande aucune indemnité à ce titre, ait pu bénéficier de prestations du comité d’entreprise de la SA TF1 ou ait adhéré à un contrat de prévoyance proposé par son employeur ou encore ait obtenu de sa part un prêt personnel, se soit porté candidat au conseil de surveillance de TF1 Privatisation ou ait reçu comme de nombreux autres salariés les remerciements pour avoir participé au «’rachat de l’entreprise’», sans que ces remerciements ne soient d’ailleurs nominatifs (pièce 10 du salarié),
— la société ait recruté en 2005, pour le bureau de Washington, alors qu’il était déjà en poste, un autre collaborateur en la personne de M. [G] [Z] en qualité d’assistant producteur ce qui avait «’suscité des remous’» selon ses dires, ait pu régler ses frais de déménagements entre ses différents lieux d’affectation,
— le comité d’entreprise ait pris la charge financière de son séjour d’une semaine de vacances au Maroc avec sa famille en 1999,
ne sont que des éléments résultant de son embauche en qualité de salarié de la SA TF1 et sont inopérants pour décider de la soumission de la relation du travail au droit français ou à un droit étranger et alors que contrairement à ce qu’il prétend dans ses conclusions, il ne justifie pas qu’il était «’tenu de rendre compte de ses activités auprès des responsables de la société TF1 lors de réunions au siège à Boulogne-Billancourt (92)’».
Pour connaître de la loi applicable à cette relation de travail, avant l’entrée en vigueur le 1er avril 1991 de la convention de Rome du 19 juin 1980, celle-ci était choisie par les parties et à défaut de choix, elle relevait du lieu d’exécution de l’obligation contractuelle (situation correspondant aux contrats de 1981 à 1986). La critique portée par le salarié sur les «’considérations juridiques générales et artificielles sur la convention de Rome’», page 13 de ses écritures, ne peut être suivie par la cour, cette convention étant applicable en France depuis son entrée en vigueur dans notre République de sorte qu’à compter du 1er avril 1991 (en ce qui concerne le contrat de travail de 1997), la convention précise que le contrat est régi par la loi choisie par les parties et à défaut, il est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits et, en ce qui concerne le contrat individuel de travail, il est régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays ou, si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances, que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.
Il résulte des éléments ci-dessus décrits qu’en 1981, il n’est pas justifié de choix de loi applicable de sorte que M. [C], ayant été embauché pour travailler à New-York, dépendant du bureau de TF1 dans cette capitale, son contrat de travail relevait de la loi américaine ; d’ailleurs, lorsqu’en décembre 1985 et alors que M. [C] poursuivait son emploi à New-York, les parties ont mentionné expressément la loi applicable au contrat de travail, en indiquant qu’elle était celle en vigueur aux États-Unis et ont réitéré ce choix dans le contrat de travail du 08/08/1986, peu important que les contrats aient été rédigés en français depuis le siège social de la société à [Localité 5], alors qu’il n’apparaît pas que la société disposait d’une antenne bénéficiant de la personnalité juridique lui permettant de souscrire des engagements juridiques en dehors du dit siège social.
En outre, lorsque M. [C] a été muté à Hong Kong, les parties ont rédigé un nouveau contrat de travail soumettant cette nouvelle relation à la loi du pays d’accueil du salarié et enfin, lors de la rédaction du dernier contrat écrit, au retour de M. [C] aux États-Unis, les parties ont encore fait choix de soumettre la relation de travail à la loi américaine. En conséquence, la cour dit que la relation de travail entre M. [C] et la SA TF1 était soumise à la loi américaine, suivant la volonté des parties, ce qu’elles ont appliqué durant toute la carrière de M. [C] auprès de la SA TF1, à l’exception de la période où celui-ci a été affecté à Hong Kong et il convient de débouter M. [C] de l’intégralité de ses demandes relativement à l’application du droit du travail français.
Et alors que M. [C] ne présente aucune réclamation au titre de la loi américaine auprès de la juridiction sociale concernant sa relation de travail, il convient de le débouter de l’intégralité de ses demandes et d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de M. [C]’;
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la SA TF1 la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Dit que la loi américaine est applicable à la relation de travail ayant existé entre la SA TF1 et M. [T] [C] de septembre 1981 à septembre 2017 à l’exception de la période où celui-ci a été affecté à Hong Kong
Déboute M. [T] [C] de l’intégralité de ses demandes
Condamne M. [T] [C] aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles en application de l’article 699 du code procédure civile’;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SA TF1.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme’Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER
Le PRÉSIDENT