Tribunal de grande instance de Paris, CT0087, du 3 mai 2006

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Tribunal de grande instance de Paris, CT0087, du 3 mai 2006

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 06/01904 No MINUTE : Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 17 Mai 2006

DEMANDEURS S.A. LIBRAIRIE ARTHEME FAYARD 13 rue du Montparnasse 75006 PARIS représentée par Me Nicolas BRAULT et Me Florence WATRIN – WATRIN BRAULT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire J46 Monsieur Thomas X… … par Me Nicolas BRAULT et Me Florence WATRIN – WATRIN BRAULT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire J46 Monsieur Y… Z… … par Me Nicolas BRAULT et Me Florence WATRIN – WATRIN BRAULT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire J46 Madame Becky Z… … par Me Nicolas BRAULT et Me Florence WATRIN – WATRIN BRAULT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire J46 DÉFENDERESSE S.A.R.L. LES FILMS DE LA SUANE 44 avenue George V 75008 PARIS Représentée par la SCP BARTFELD – BENHAIM – CAYOL – ISTRIA B.B.C.T, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P 260 COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Marie-Claude APELLE, Vice-Présidente Marie COURBOULAY,

Vice-Présidente Carole CHEGARAY, Juge COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU PRONONCÉ Marie-Claude APELLE, Vice Présidente Emmanuelle LEBEE, Vice Présidente Françoise ALBOU-DUPOTY, Juge GREFFIER LORS DES DEBATS ET DU PRONONCE Léoncia BELLON

DEBATS A l’audience du 29 Mars 2006 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

Se prévalant d’un contrat de cession de droit d’adaptation et intervient avant, – 250.000 US (deux cent cinquante mille dollars) au premier jour du tournage et au plus tard le juin 2005. La société Les Films de la Suane a versé à la société Librairie Arthème Fayard les deux premières échéances du minimum garanti, soit 75.000 dollars le 25 juin 2001, après signature des parties, et 100.000 dollars le 7mai 2002, à l’achèvement de la première version du scénario. Elle n’a pas versé les échéances suivantes et une mise en demeure que lui a adressée la librairie Arthème Fayard est demeurée vaine, le producteur considérant que les échéances fixées au contrat, étant subordonnées à la survenue d’événements qui ne se sont pas réalisés,

les sommes correspondantes ne sont pas dues. La Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z… exposent que M. A…, dirigeant des Films de la Suane aurait, au cours d’une réunion le 5 octobre 2005, offert de payer les échéances contractuelles, outre une somme additionnelle au 31 mars 2006, mais qu’aucune de ces annonces n’a été suivie d’effet. C’est avec la même manière de procéder que la société productrice, qui, dans le cadre de la procédure de référé devant le président de ce tribunal, s’était engagée à transmettre à ses contradicteurs l’ensemble des pièces justifiant de ses diligences pour conduire à la production du film et à tenter une médiation, a préféré assigner ses cocontractants au fond pour solliciter la prorogation du contrat et des dommages-intérêts. En droit, s’agissant du minimum garanti, la Librairie Arthème Fayard fait valoir, en premier lieu, que la totalité du minimum stipulé à l’article 4-1 du contrat lui est due, la dernière échéance ayant été fixée au 30 juin 2005 par l’article

5-1 du même acte. Elle à l’article 4-1 du contrat lui est due, la dernière échéance ayant été fixée au 30 juin 2005 par l’article 5-1 du même acte. Elle explique que, dans l’intention des parties, le minimum garanti a été fixé en fonction des espérances de recettes du film aux États-Unis. Le d’exploitation cinématographique du livre intitulé La justice jusqu’à l’absurde : Y… et Becky Z…, la société Librairie Arthème Fayard, éditeur de l’ouvrage, M.Thomas X…, son auteur, M. Y… Z… et Mme Becky Z… ont, suivant acte d’huissier de justice du 2 février 2006, assigné à jour fixe devant ce tribunal la société Les Films de la Suane aux fins de la voir condamner à payer : à la Librairie Fayard la contre-valeur en euros de la somme de 525.000 dollars américains, représentant le solde du minimum garanti à l’éditeur ; à la Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme

Z…, respectivement, les sommes de 150.000, 210.000 et 390.000 euros en réparation de leur préjudice matériel et de carrière ; à M. Y… Z…, Mme Becky Z… et M. Thomas X…, respectivement, les sommes de 75.000, 50.000 et 50.000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la neutralisation de leurs droits et de la non-divulgation pendant cinq ans par la société Les Films de la Suane de l’histoire vraie de l’erreur judiciaire dont a été victime M. Z… B… exploits d’huissiers de justice en date des 31 janvier, 1er et 2 février 2006, la société Les Films de la Suane a assigné devant ce tribunal la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z… aux fins de voir dire que ses obligations du producteur s’analysent en une obligation de moyens, et

non de résultat ; constater qu’elle a accompli toutes les diligences imposées par le contrat et les usages de la profession ; dire que les échéances de paiement du minimum garanti étaient toutes liées à la survenue d’événements ou à l’achèvement de tâches eux-mêmes déterminés par le contrat ; constater que, de la commune intention des parties, le dernier paiement des 250.000 dollars était lui-même nécessairement lié à l’accomplissement des étapes précédentes et, par suite, au début du tournage du film ; dire en conséquence que la mise en demeure visant minimum garanti représente la partie incompressible du prix de cession des droits d’auteur, en contrepartie duquel l’éditeur se voit concéder à titre exclusif le droit de faire écrire une adaptation du livre, puis de faire réaliser et d’exploiter le film qui en est tiré. Il constitue simultanément la contrepartie de l’immobilisation des droits concédés au producteur pendant une période de cinq ans, en application de l’article 3.2 de la convention. Les parties n’ont fait que suivre les usages professionnels et la jurisprudence, qui considèrent que le minimum garanti constitue le prix que reçoit le

titulaire des droits pour l’indisponibilité de ceux-ci pendant une longue période. Son paiement était indépendant du calendrier de production du film, expirant le 20 mai 2006, et devait être payé au plus tard le 30 juin 2005, conformément aux articles 4-1 et 5-1 du contrat. S’agissant de la demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, les Films de la Suane n’ayant pas déféré à la mise en demeure qui lui a été adressée le 25 juillet 2005 par l’éditeur Fayard de payer le solde du minimum garanti, la clause résolutoire fixée stipulée à l’article 5.3 du contrat est acquise. S’agissant de la responsabilité civile, le producteur, dont il n’est pas contesté qu’il n’a qu’une obligation de moyens, a manqué à cette obligation en délaissant la production du film, en particulier en cessant tout investissement depuis février 2003, stérilisant fautivement les possibilités d’exploitation filmographique du livre. Il en est découlé pour les cocontractants des films de la Suane une perte de chance de percevoir les recettes additionnelles générées par un long métrage. La même inertie fautive a créé un préjudice moral à l’auteur ainsi qu’à M. et Mme Z…, en

privant M. X… de la chance de voir réaliser un film à partir de son livre, et M. et Mme Z… de celle de voir exposer au cinéma l’histoire dramatique dont ils ont été victimes. Ces préjudices moraux doivent être réparés par la clause résolutoire que la Librairie Arthème Fayard lui a adressée en date du 25 juillet 2005 était mal fondée et fautive ; constater que, par leur comportement fautif, caractérisé par les procédures, extra-judiciaire et judiciaire dont ils ont pris l’initiative, la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z… ont empêché leur cocontractant de bénéficier de la durée complète du contrat de cession de droits permettant au producteur d’achever la production du film avant l’échéance contractuelle fixée au 21 mai 2006 ; à titre principal,

dire que la durée du contrat de cession de droits d’adaptation cinématographique, fixée à cinq ans à compter de sa signature, doit être prorogée d’une année supplémentaire pour s’achever le 21 mai 2007; subsidiairement, dans l’hypothèse où le tribunal estimerait ne pas pouvoir proroger la durée du contrat, condamner la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z…, solidairement, à lui rembourser la totalité des sommes qu’elle a exposées dans le cadre de l’exécution du contrat, soit 450.000 euros ; les condamner solidairement à lui payer la somme de 300.000 euros en réparation de son préjudice complémentaire. Ces deux procédures ont été enrôlées sous les numéros 06/01904 et 06/02257. À l’audience du 25 mars 2006, ce tribunal a ordonné la jonction de ces deux procédures. Il convient de rappeler que le juge des référés de ce tribunal, par ordonnance en date du 8 décembre 2005, s’est déclaré incompétent, à raison de l’existence de difficultés sérieuses, pour connaître des demandes de la société Librairie Arthème Fayard tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat et à voir condamner la société

Les Films de la Suane à payer une provision correspondant à la contre-valeur en euros de la somme de 525.000 dollars américains. Il a renvoyé les parties à la médiation qu’elles se sont engagées à mettre en place et donné acte à la société les l’allocation, à titre de dommages-intérêts, des sommes de 50.000 euros pour M. X…, de 75.000 euros pour M. Z… et de 50.000 euros pour Mme Z…. S’agissant des demandes de la société Les Films de la Suane, la société Librairie Arthéme Fayard, M. X…, M. et Mme Z… font valoir, en ce qui concerne les dommages-intérêts, que le préjudice du fait du producteur a pour seule cause son inertie fautive et, pour ce qui est de la demande de prorogation du contrat, que le juge ne peut prolonger la date d’expiration d’un contrat qui résulte de l’accord de volontés des parties. Aux termes de ses écritures signifiées le 28 mars 2006, la société Les Films de la Suane demande au Tribunal de dire que ses obligations de producteur, aux termes du contrat de cession des

droits d’adaptation cinématographique du 21 mai 2001 s’analysent en une obligation de moyens et non en une obligation de résultat ; constater qu’elle a accompli toutes les diligences conformes aux usages de la profession ; dire que les paiements du minimum garanti étaient tous liés à la survenance d’événements ou à l’achèvement de tâches eux-mêmes déterminés par le contrat ; constater que, de la commune intention des parties, le dernier paiement des 250.000 dollars était lui-même nécessairement lié à l’accomplissement des étapes précédentes et, en conséquence, au début du tournage du film ; dire en conséquence que la mise en demeure du 25 juillet 2005 était mal fondée et fautive ; débouter la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z… de l’ensemble de leurs demandes ; dire que, par leur comportement abusif, la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z… ont empêché les Films de la Suane de

bénéficier de la durée complète du contrat de cession de droits permettant aux films de la Suane d’achever la production du film avant l’échéance contractuelle fixée au 21 mai 2006 ; à titre principal, dire que la Films de la Suane de son engagement de communiquer l’ensemble des pièces justifiant de ses diligences pour conduire la production du film. Aux termes de leurs écritures récapitulatives signifiées le 29 mars 2006, la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z… demandent au tribunal de condamner la société Les Films de la Suane à payer : à la société Librairie Arthème Fayard, au titre du solde impayé du minimum garanti à l’éditeur par le contrat de cession des droits, la contre-valeur en euros de la somme de 525.000 dollars américains, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 25 juillet 2005 ; à M. Y… Z…, Mme Becky Z… et M. Thomas

X…, respectivement, les sommes de 75.000, 50.000 et 50.000 euros en réparation des préjudices moraux subis du fait de l’inertie fautive du producteur, qui a déterminé la neutralisation de leurs droits et la non-divulgation au cinéma, pendant cinq ans, de l’histoire vraie de l’erreur judiciaire dont ont été victimes M. et Mme Z… ; à la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Z…, respectivement, les sommes de 150.000, 210.000 et 390.000 euros en réparation de leur préjudice matériel et de carrière ; à chacun des demandeurs la somme de 10.000 euros, en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ils demandent également au tribunal de débouter la société Les Films de la Suane de l’ensemble de ses demandes, d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir et de condamner la société Les Films de la Suane aux dépens. Au soutien de leurs demandes, ils font valoir les moyens, arguments et faits suivants :

M. X… est l’auteur d’un ouvrage

intitulé La justice jusqu’à l’absurde. Y… et Becky Z…, publié par la Librairie Arthème Fayard en mai 2001. Ce livre retrace la vie, les épreuves et les combats de M. Y… Z… et de Mme Becky Z…, devenue son épouse. En 1973, M. Z… a été durée du contrat de cession de droits d’adaptation cinématographique, fixée à cinq ans à compter de sa signature, doit être prorogée d’une année supplémentaire pour s’achever en conséquence le 21 mai 2007 ; subsidiairement, dans l’hypothèse où le tribunal estimerait ne pas pouvoir proroger ainsi la durée du contrat, condamner la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z…, solidairement, à rembourser la totalité des sommes qu’elle a exposées dans le cadre de l’exécution

du contrat, soit 410.000 euros ; les condamner solidairement à lui payer la somme de 300.000 euros en réparation de son préjudice complémentaire ; les condamner à lui payer la somme de 30.000 euros en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ; condamner la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z…, solidairement, aux dépens. La société productrice rappelle d’abord que l’ouvrage édité par la Librairie Arthème Fayard a été un échec ù 2.300 exemplaires vendus entre le 24 avril 2001 et le 30 novembre 2005, générant un chiffre de ventes de 34.500 euros et des droits d’auteur d’auteur à hauteur de 9.130 euros. Ces chiffres, lorsqu’ils sont rapprochés du montant du minimum garanti de la redevance proportionnelle figurant au contrat ù 700.000 dollars ù montrent à l’évidence le caractère aléatoire que le contrat présentait pour toutes les parties. Il est nécessaire de ne pas perdre de vue que le degré des difficultés rencontrées par un

ducteur pour réaliser un film n’est pas le même lorsqu’il s’agit d’un best-seller ou qu’au contraire le livre a été un échec en librairie. La société productrice expose ensuite qu’après avoir commencé les démarches en vue d’une production française, en s’adressant à des scénaristes français, elle en est venue à la conclusion que l’histoire de M. et Mme Z…, citoyens américains, condamné en 1973 par des juridictions de l’État d’Alabama, aux États-Unis, à trois peines de prison à perpétuité pour trois meurtres qui lui était reprochés, commis à une époque où il était mineur et qu’il niait. Après de très longues procédures, il a été finalement reconnu innocent par un tribunal de Mobile (Alabama)en 1997, après vingt-cinq ans de détention. Mais, il a été immédiatement condamné à une nouvelle peine de prison à perpétuité pour s’être évadé à trois reprises, sans violence, d’une détention pourtant reconnue injuste. Grâce à la poursuite de son combat judiciaire, M. Z… a finalement obtenu sa libération le 15 février 2001, après vingt-huit années d’incarcération. Aux termes

d’un contrat sous seings privés en date du 27 mars 2001, M.Lemaire a signé avec la Librairie Arthème Fayard un contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle de son livre. B… contrat en date du 21 mai 2001, la Librairie Arthème Fayard a cédé à la société Les Films de la Suane les droits d’adaptation et d’exploitation du livre. Ce contrat a été également signé par M. X…, M. et Mme Z…, afin qu’ils en approuvent les termes. Les parties ont stipulé, à l’article 4-1 du contrat, une clause de minimum garanti , qui prévoit que le producteur versera à l’éditeur une somme de 700.000 dollars américains, qui sera payée selon les modalités de versement définie à l’article 5-1 ci-après. Aux termes de l’article 5-1, les parties avaient convenu du règlement du minimum garanti en fonction de l’échéancier suivant : … -75.000 US (soixante quinze mille dollars)à la signature des présentes, – 100.000 US (cent mille dollars à l’achèvement de la première version du scénario, – 100.000 US (cent mille dollars) à la remise du scénario définitif, – 100.000 US (cent mille dollars) à la

signature par le producteur du contrat avec le réalisateur, – 75.000 US (soixante quinze mille dollars) au choix du casting des rôles principaux ou à la signature du contrat avec le réalisateur si elle dont l’histoire tragique s’était déroulée aux États-Unis, dans le système procédural américain, ne pouvait intéresser qu’un public américain et qu’elle devait se tourner vers une production américaine. La société productrice souligne qu’elle a accompli toutes les diligences imposées par le contrat et les usages professionnels. En particulier, elle a fait écrire deux scénarios français, confié conformément au contrat à M. et Mme Z… une mission de consultants pour lequel elle les a réglés intégralement, puis, à partir de 2003, compte tenu qu’un scénario français apparaissait impraticable, elle a sollicité des professionnels américains : un scénariste, des agences spécialisées dans la recherche de scénaristes, pour enfin s’adresser à une agence importante, U.T.A., représentant d’une professionnelle très connue, Mme Kim C…, qui a finalement été retenue comme scénariste La société productrice indique avoir exposé

la somme de 410.738 euros dans les démarches et travaux ci-dessus exposés, ce qui établit le sérieux et l’importance des moyens qu’elle a mis en .uvre. ;Qui plus est, les Éditions Fayard, en adressant une mise en demeure visant la clause résolutoire, puis en engageant une procédure de référé, ont insécurisé totalement le cadre juridique de l’opération et ont empêché le producteur de mener à bien sa mission. En droit, le producteur rappelle d’abord que le contrat s’analyse en un contrat aléatoire, au titre duquel le producteur supporte une obligation de moyens, et non de résultat. S’agissant de l’interprétation des clauses relatives à la rémunération de ses cocontractants, la société Les Films de la Suane souligne d’abord qu’il existe une difficulté tenant à la conciliation des articles 3-2 et 5-2 du contrat. En effet, l’article 3-2 laisse au producteur une période de cinq ans, expirant le 21 mai 2006, pour réaliser le film, alors que l’article 5-2 fixe la dernière échéance de paiement de la somme de 250.000 dollars au premier jour du tournage, et au plus tard le 30 juin 2005,

soit un an avant l’expiration de la durée dont dispose le producteur pour réaliser le film. Une seconde difficulté tient à l’échéancier de paiement du minimum garanti de 700.000 dollars, défini à l’article 5-2. En effet, toutes les échéances de paiement du minimum garanti sont exclusivement liées à l’accomplissement d’une étape dans le processus de production (écriture du scénario, mise en place d’un réalisateur, etc.), à l’exception de la dernière : cette échéance est liée tout à la fois à un événement, le premier jour du tournage, et à une date, le 30 juin 2005, qui est incohérente par rapport au calendrier des échéances précédentes. Il est donc nécessaire d’interpréter les clauses contractuelles en faisant application des prescriptions de l’article 1157 du Code civil : Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet que dans le sens avec lequel elle n’en pourrait produire aucun . Il s’ensuit que le seul sens de cette disposition contractuelle qui soit conforme à l’obligation de moyens du producteur, aux usages de la profession et au sens même du contrat est de maintenir le lien nécessaire entre les paiements à effectuer et l’accomplissement et l’achèvement des

différentes tâches énoncées au contrat. Au 25 juillet 2005, la somme de 250.000 dollars ne pouvait être exigible, alors que le contrat avec le réalisateur n’était pas passé, les rôles principaux n’étaient pas attribués et que le tournage n’avait pas débuté. Une interprétation contraire constituerait une dénaturation du contrat. S’agissant de ses demandes indemnitaires, la société les films de la Suane expose que la société Librairie Arthème Fayard, M. Thomas X…, M. et Mme Y… et Becky Z… ont commis une faute engageant leur responsabilité civile en se prévalant abusivement d’une clause résolutoire un an avant l’échéance du contrat. En insécurisant totalement le cadre juridique, ils ont placé leur cocontractant dans l’impossibilité de poursuivre ses diligences et de bénéficier du contrat jusqu’à son terme. En particulier, alors qu’elle avait recruté une scénariste américaine, elle s’est trouvée contrainte de suspendre ses diligences en raison du risque que les démarches de ses cocontractants faisaient peser. Le tribunal se

rapporte aux écritures des parties pour le détail plus ample de leurs moyens et arguments. SUR CE 1.- Sur la demande la société Librairie Arthème Fayard tendant à voir condamner la société les Films de la Suane à lui payer la contre-valeur de 525.000 dollars américains au titre du minimum garanti : Attendu que le débat porte d’abord sur la nature de la clause de minimum garanti prévue au contrat ; Que la Librairie Fayard soutient que les parties ont convenu d’une somme fixe, détachée de tout rapport avec les recettes générées par le film, tandis que le producteur considère que ce minimum entretient, dans son principe, une relation essentielle avec les recettes générées par le film projeté; Que la première interprétation conduit logiquement à considérer que les différentes échéances du minimum garanti doivent être payées en tout état de cause à la date indiquée au contrat comme étant celle de la dernière échéance, indépendamment de la réalisation effective des étapes du processus de production, alors que la version inverse conduit à subordonner tout paiement à la réalisation effective d’une des étapes de l’opération de production, puisque chacune de ces étapes conditionne l’achèvement du film et

donc la possibilité de générer des recettes étant évidemment incontesté que l’éditeur du livre conserve les paiements faits par le producteur si l’opération s’arrête en cours; Attendu que les parties, en définissant, au sous-article 4-1 du contrat, le minimum garanti comme un à valoir minimum garanti sur le produit des pourcentages prévus aux paragraphes ci-dessous ont établi un principe de relation ( à valoir … sur… le produit des pourcentages prévus aux paragraphes ci-dessous ) avec les recettes ( le produit des pourcentages… ; que, de plus, elles ont expressément fait référence aux articles suivants (4.2 et 4.3), qui définissent une rémunération proportionnelle aux recettes ; Attendu que les dispositions du sous-article 4.1 sont intégrées dans un article 4 intitulé rémunération , qui définit les principes généraux de la rémunération de l’éditeur ; Attendu que les deux cocontractants ont convenu d’un principe général de rémunération de l’éditeur à l’article 4.2 (A/1) :

Conformément aux dispositions de l’article L. 132-25 du Code la propriété intellectuelle, la rémunération de l’éditeur sera constituée par un pourcentage, avant amortissement du film, de : 1%

(un pour cent), sur le prix payé par le public au guichet des salles de spectacles cinématographiques assujetties à l’obligation d’établir un bordereau de recettes, sous la seule déduction de la T.V.A. et de la T.S.A. Ce pourcentage sera porté à 2% (deux pour cent) de ces mêmes recettes après amortissement du coût du film tel que défini à l’annexe 2 du présent contrat ; Que l’ analyse du minimum garanti comme un élément de rémunération conditionnel et proportionnel dans son principe est confortée par cette précision apportée par les parties : Le PRODUCTEUR se remboursera du montant de ce minimum garanti sur les sommes revenant à l’ÉDITEUR par le jeu des pourcentages prévu à l’article 4-2 ; Attendu que les dispositions de l’article 5-1 ne contredisent pas cette analyse; Que cet article, placé par les parties après celui définissant les principes généraux de rémunération, a été conçu, au niveau de son intitulé Reddition des comptes-Paiements ,comme une détermination des modalités d’exécution de l’article précédent ; Que les dispositions, loin d’être contradictoires avec le principe d’une rémunération proportionnelle aux recettes, précise au contraire, dans un système

contractuel où l’aléa et la proportionnalité sont fondamentaux, les prestations objectives du producteur qui l’obligeront à des paiements au profit de l’éditeur, qui resteront définitivement acquis à celui-ci ; Que, contrairement à ce que soutient l’éditeur, l’expression  » purchase price », utilisée dans le courrier en anglais à en tête de la librairie Arthème Fayard en date du 2 mars 2001 signée par les représentants de l’éditeur et du producteur, n’établit aucunement que les parties aient convenu d’un minimum garanti définitif et immuable dans son montant; Qu’en effet, si  » purchase price » signifie incontestablement prix d’achat ou  » prix d’acquisition », il n’a pas le sens d’ « invariable », de  » définitif » ou d’ « immuable »dans le texte anglais, toutes les échéances sont subordonnées à la réalisation de stades de la production du film et à la différence du contrat définitif en français, sans référence à une date pour le paiement du dernier versement au profit de l’éditeur ; que l’argument de l’éditeur est ainsi dépourvu de pertinence ; Attendu que les principes gouvernant le minimum garanti n’ont donc pas été conçus par les parties comme

autonomes par rapport au principe général de rémunération, mais au contraire comme s’intégrant dans ce système qui établit une relation de proportionnalité entre la rémunération de l’éditeur et les recettes générées par le film ; Qu’il convient d’observer que la stipulation de l’acquisition définitive à l’éditeur des paiements faits par le producteur comme celle de l’acquisition du minimum garanti en cas de sortie du film quel que soit le montant des recettes ne contredisent pas cette analyse, dès lors que ces clauses sont, au contraire, des mécanismes du contrat aléatoire, dans lequel il est d’usage qu’un cocontractant conserve les paiements liés à la réalisation d’une prestation dépendant de l’autre partie – dans le contrat en cause, les diligences du producteur qui vont de l’achèvement de la première version du scénario au début du tournage ; Attendu qu’il résulte ainsi des termes précis de chaque clause comme de l’économie globale du contrat que les parties ont convenu d’une rémunération de l’éditeur proportionnelle aux recettes; qu’en l’espèce le minimum garanti ne s’analyse pas en un prix immuable et définitif d’achat des droits d’adaptation et d’exploitation

cinématographiques, ni en une indemnisation de l’indisponibilité des droits de l’éditeur pendant la durée de réservation (cinq ans), mais, d’une part, en une modalité de calcul de la rémunération de l’éditeur, en vertu de laquelle, dans l’hypothèse où l’opération peut être poursuivie jusqu’au tournage, le cédant est assuré de percevoir, quelque soit l’importance des recettes, une somme minimale, d’autre part, en la détermination d’éléments objectifs constitués par des actions du producteur qui génèrent des droits à paiement de l’éditeur; Attendu qu’il n’est pas contesté que les deux événements constitués par la signature du contrat et l’achèvement de la première version du scénario se sont produits et que les paiements correspondants (soixante quinze mille et cent mille dollars) ont été effectués, et que les événements suivants (à la signature par le producteur du contrat avec le réalisateur, au choix du casting des rôles principaux ou à la signature du contrat avec le réalisateur si elle intervient avant, au premier jour du tournage ) ne se sont pas réalisés ; Attendu qu’il existe une difficulté d’interprétation s’agissant de la disposition relative au paiement de la dernière

fraction du minimum garanti, les parties ayant convenu que seraient payés 250.000 US (deux cent cinquante mille dollars) au premier jour du tournage et au plus tard le 30 juin 2005 ; Attendu que les parties proposent différentes techniques d’interprétation ; qu’en particulier la société Les Films de la Suane fait valoir qu’il y a lieu d’appliquer l’article 1157 du Code civil, qui dispose que lorsque qu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet que dans le sens avec lequel elle n’en pourrait produire aucun ; Mais attendu que la conjonction de coordination et indique une adjonction, qui peut avoir valeur d’addition, de comparaison ou d’opposition (Larousse de la langue française, édition 1979),  » sert à indiquer une addition, une liaison, un rapprochement … ( Paul Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française Paris 1970) et ne peut avoir le sens de la conjonction de coordination ou, qui indique une alternative, une équivalence ou une approximation (id., T. II; dans le même sens Littré et Robert); Qu’ainsi, le tribunal, qui doit faire application des articles

1156,1158,1159 et 1161 du Code Civil, ne se trouve pas en présence d’une disposition pouvant avoir deux sens possibles, mais d’une disposition certes incorrecte d’un point de vue syntaxique, mais dont le sens est incontestable, compte tenu en premier lieu de l’économie générale du contrat, en second lieu des deux courriers des 27 février et 2 mars 2001 signés par les représentants des parties et ayant valeur contractuelle, qui ne prévoyaient que le fait matériel du début du tournage sans mention de date et des usages professionnels ;que les parties ont évidemment entendu que chaque paiement d’une fraction du minimum garanti soit subordonné à la réalisation objective d’une phase de l’opération; qu’ainsi le dernier paiement n’était exigible qu’au premier jour du tournage, les parties ayant simplement indiqué une date prévisionnelle du début de cette opération dans l’hypothèse où les évements précédents se seraient produits, ce qui n’a pas été le cas; qu’une interprétation contraire constituerait une dénaturation du texte du contrat , de son économie globale comme de l’intention évidente des parties ; Attendu qu’il s’ensuit que le solde du minimum garanti n’a pu devenir exigible et

que la société Librairie Arthème Fayard doit être déboutée de sa demande ; 2.- Sur les actions en responsabilité de la Librairie Arthème Fayard, de M. X… et de M. et Mme Z… à l’encontre de la société Les Films de la Suane : Attendu que les pièces produites aux débats démontrent que la société productrice a, dans le cadre du contrat aléatoire qui la liait à ses cocontractants, dans lequel il est constant qu’elle supportait une obligation de moyens, effectué les diligences, dans leur nature, leur qualité et dans leur temps, requises par ses obligations contractuelles et les usages de la profession ; Attendu que le défaut de réalisation du film n’est pas imputable à sa défaillance, mais aux aléas généraux de la production cinématographique, à l’échec évident du livre quelqu’ait pu être sa qualité, à la difficulté, évidemment connue de l’éditeur et de l’auteur aussi bien que du producteur, d’intéresser un public français à une erreur judiciaire commise aux Etats-Unis aussi bien que le public américain, d’ailleurs abondamment fourni en productions de ce type, à une erreur judiciaire imputée au système américain par

un auteur français ù qui plus est, en un temps où les relations entre les deux pays étaient notoirement médiocres ; français ù qui plus est, en un temps où les relations entre les deux pays étaient notoirement médiocres ; Attendu que la société Les Films de la Suane n’a commis donc aucune faute ayant pu causer


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