Décision 2004-490 DC – 12 février 2004 – Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française – Non conformité partielle – réserve – déclassement organique

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Décision 2004-490 DC – 12 février 2004 – Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française – Non conformité partielle – réserve – déclassement organique

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 janvier 2004 par le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 46 et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 modifiée portant statut du territoire de la Polynésie française ;

Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 modifiée portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi organique n° 2003-705 du 1er août 2003 relative au référendum local ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-482 DC du 30 juillet 2003 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la loi organique transmise au Conseil constitutionnel comporte 198 articles divisés en sept titres ;

– SUR LA PROCÉDURE D’ADOPTION DE LA LOI :

2. Considérant que la loi organique transmise au Conseil constitutionnel a été prise dans le respect de la procédure prévue par les articles 46 et 74 de la Constitution ;

– SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE ET L’ÉTENDUE DU CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL :

3. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 72-3 de la Constitution :  » La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité  » ;

4. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 74 de la Constitution :  » Les collectivités d’outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République  » ;

5. Considérant que les deuxième à sixième alinéas de l’article 74 précisent :  » Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe : – les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ; – les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l’État ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ; – les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ; – les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d’ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence  » ;

6. Considérant que les septième à onzième alinéas de l’article 74 ajoutent :  » La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles : – le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu’elle exerce dans le domaine de la loi ; – l’assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ; – des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ; – la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques  » ;

7. Considérant qu’aux termes du douzième alinéa de l’article 74 :  » Les autres modalités de l’organisation particulière des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante  » ;

8. Considérant, en premier lieu, que rien ne s’oppose, sous réserve des prescriptions des articles 7, 16 et 89 de la Constitution, à ce que le pouvoir constituant introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans les cas qu’elles visent, dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle ; que, toutefois, la mise en oeuvre de telles dérogations ne saurait intervenir que dans la mesure strictement nécessaire à l’application du statut d’autonomie ; qu’il en est ainsi des dispositions édictées en faveur de la population locale en vertu du dixième alinéa de l’article 74 de la Constitution ;

9. Considérant, en second lieu, qu’en raison du changement des circonstances de droit résultant de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, d’où sont issues les dispositions précitées, il y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de procéder à l’examen de l’ensemble des dispositions de la loi organique, alors même que certaines d’entre elles ont une rédaction ou un contenu analogue aux dispositions antérieurement déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 84-177 DC du 30 août 1984 relative à la loi du 6 septembre 1984 susvisée portant statut du territoire de Polynésie française et sa décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 relative à la loi organique du 12 avril 1996 susvisée portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

– SUR LE DOMAINE DE LA LOI ORGANIQUE :

10. Considérant qu’en vertu des dispositions précitées, ont un caractère organique les conditions dans lesquelles les lois et règlements sont applicables en Polynésie française, les compétences de cette collectivité, les attributions ainsi que les règles d’organisation et de fonctionnement de ses institutions propres, le régime électoral de son assemblée délibérante, les conditions de consultation de ses institutions sur les projets et propositions de loi, projets d’ordonnance ou de décrets comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux conclus dans des matières relevant de sa compétence, le contrôle juridictionnel spécifique du Conseil d’État sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante, les conditions dans lesquelles celle-ci peut modifier une loi intervenue postérieurement à l’entrée en vigueur du statut d’autonomie de la Polynésie française dans un domaine de la compétence de celle-ci, les mesures justifiées par les nécessités locales en faveur de sa population dans le domaine de l’emploi, de l’exercice des professions et de la protection du patrimoine foncier, enfin, les conditions dans lesquelles la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice de compétences conservées par ce dernier ;

11. Considérant qu’ont également un caractère organique les matières indissociables de celles mentionnées ci-dessus et notamment, s’agissant du fonctionnement des institutions de la Polynésie française, les règles fixant le régime de leurs actes et les modalités selon lesquelles s’exerce le contrôle de l’État sur ces institutions ;

12. Considérant que les autres modalités de l’organisation particulière de la Polynésie française sont, en vertu du douzième alinéa de l’article 74 de la Constitution, étrangères au domaine de la loi organique ;

– SUR LE TITRE IER RELATIF À L’AUTONOMIE :

13. Considérant que l’article 1er de la loi organique, après avoir précisé la configuration territoriale de la Polynésie française, énonce les principes généraux applicables à la Polynésie française, collectivité d’outre-mer dont l’autonomie est régie par l’article 74 de la Constitution ; que, s’il désigne cette dernière comme  » pays d’outre-mer « , cette dénomination n’emporte aucun effet de droit ; que, dans ces conditions, l’article 1er n’est pas contraire à la Constitution ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que, si députés et sénateurs sont élus au suffrage universel, direct pour les premiers, indirect pour les seconds, chacun d’eux représente au Parlement la Nation tout entière et non la population de sa circonscription d’élection ; que l’article 4 de la loi organique doit dès lors être entendu comme se bornant à rappeler que, comme l’a déjà prévu le législateur organique, des élections législatives et sénatoriales se tiennent en Polynésie française ; que, sous cette réserve, il n’est pas contraire à la Constitution ;

15. Considérant, en troisième lieu, que l’article 6 de la loi organique est relatif à la libre administration des communes de Polynésie française, lesquelles ne sont pas, au sens de l’article 74 de la Constitution, des institutions de la collectivité d’outre-mer que constitue la Polynésie française ; qu’il a ainsi valeur de loi ordinaire ; qu’il n’est pas contraire à la Constitution ;

16. Considérant que les autres dispositions du titre Ier n’appellent aucune remarque de constitutionnalité ;

– SUR LE TITRE II RELATIF À L’APPLICATION DES LOIS ET RÈGLEMENTS EN POLYNÉSIE FRANÇAISE :

17. Considérant que les articles 7 à 12 mettent en oeuvre les dispositions des troisième, sixième et neuvième alinéas précités de l’article 74 de la Constitution ;

18. Considérant que l’article 7 de la loi organique pose le principe selon lequel  » dans les matières qui relèvent de la compétence de l’État, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin  » ; qu’il énumère les dispositions législatives et réglementaires qui, par exception à ce principe, sont applicables de plein droit en Polynésie française ; que, toutefois, cette énumération ne saurait être entendue comme excluant les autres textes qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l’ensemble du territoire de la République ; que, sous cette réserve, l’article 7 n’est pas contraire à la Constitution ;

19. Considérant que l’article 9 délimite le domaine des actes soumis à la consultation obligatoire des institutions de la Polynésie française ; que, si, en vertu de son sixième alinéa, la commission permanente peut, en dehors des sessions de l’assemblée de la Polynésie française, émettre des avis sur les projets et les propositions de loi introduisant, modifiant ou abrogeant des dispositions particulières à la Polynésie française, c’est à la double condition que la commission y ait été habilitée par l’assemblée et que les textes en cause ne portent pas sur des questions réservées par la Constitution à la loi organique statutaire ;

20. Considérant que, si l’avant-dernier alinéa de l’article 9 dispose que  » les consultations… doivent intervenir, au plus tard, avant l’adoption du projet de loi ou de la proposition de loi en première lecture par la première assemblée saisie « , c’est sous réserve du respect des prescriptions de l’article 39 de la Constitution en ce qui concerne les projets de loi qui, dès l’origine, comportent des dispositions relatives à l’organisation particulière de la Polynésie française ; qu’en ce cas, les avis devront avoir été rendus de façon implicite ou expresse avant l’avis du Conseil d’État ;

21. Considérant que, dans les conditions et sous les réserves d’interprétation énoncées ci-dessus, l’article 9 n’est pas contraire à la Constitution ;

22. Considérant que sont conformes à la Constitution les autres dispositions du titre II, notamment celles qui définissent la procédure par laquelle le Conseil constitutionnel constate qu’une loi est intervenue dans des matières ressortissant à la compétence de la Polynésie française après l’entrée en vigueur du présent statut ;

– SUR LE TITRE III RELATIF AUX COMPÉTENCES :

23. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution :  » Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon  » ; que le quatrième alinéa de l’article 74 de la Constitution dispose que le statut d’une collectivité d’outre-mer fixe  » les compétences de cette collectivité  » et que,  » sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l’État ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique  » ; que les matières énumérées au quatrième alinéa de l’article 73 concernent  » la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral  » ;

. En ce qui concerne la compétence de principe de la Polynésie française :

24. Considérant que, si l’article 13 de la loi organique dispose que  » les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l’État par l’article 14, sous réserve des compétences attribuées aux communes ou exercées par elles en application de la présente loi organique « , c’est, comme le rappelle l’article 43 de la même loi organique, sans préjudice des attributions qui sont réservées aux communes par les lois et règlements en vigueur ; que, sous cette réserve, l’article 13 n’est pas contraire à la Constitution ;

. En ce qui concerne les compétences de l’État :

25. Considérant que l’article 14 de la loi organique énumère les matières de la compétence de l’État ; qu’elles comprennent toutes celles mentionnées au quatrième alinéa de l’article 73 de la Constitution ; que, si le 4° de l’article 14 excepte de la compétence de l’État les  » hydrocarbures liquides et gazeux « , c’est sans préjudice des prérogatives de l’État en matière de sécurité et de défense, ainsi que le précise le 3° de l’article 27 de la loi organique ;

. En ce qui concerne les compétences particulières de la Polynésie française :

– Quant aux compétences en matière internationale :

26. Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la Constitution :  » Le Président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui  » ; que l’article 52 de la Constitution dispose :  » Le Président de la République négocie et ratifie les traités. – Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international non soumis à ratification  » ; que le premier alinéa de l’article 53 précise :  » Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi  » ;

27. Considérant que l’article 15 de la loi organique permet à la Polynésie française de  » disposer de représentations auprès de tout État ainsi que l’une de ses entités territoriales ou territoire reconnu par la République française ou de tout organisme international dont cette dernière est membre ou tout organisme international du Pacifique  » ; que, toutefois, cette faculté, qui n’appartenait pas jusqu’à présent à la Polynésie française, ne saurait, sans empiéter sur une matière de la compétence exclusive de l’État, conférer à ces représentations un caractère diplomatique ; que, sous cette réserve, l’article 15 n’est pas contraire à la Constitution ;

28. Considérant que l’article 16 de la loi organique donne compétence au président de la Polynésie française pour négocier et signer des actes qualifiés d’ » arrangements administratifs « , dans le respect des accords internationaux, avec les administrations de tout État ou territoire du Pacifique, en vue de favoriser le développement économique, social et culturel de la Polynésie française ; que sont ainsi visés des accords de portée limitée ou de nature technique rendus nécessaires par la mise en oeuvre d’autres accords internationaux ; que l’article 16, qui confirme une compétence déjà accordée au territoire de la Polynésie française par l’article 41 de la loi organique du 12 avril 1996 susvisée, soumet la négociation, la signature, la ratification ou l’approbation de ces accords aux règles de procédure fixées par l’article 39 de la présente loi organique ou par les dispositions constitutionnelles précitées rappelées par cet article ; que, dans ces conditions, il n’est pas contraire à la Constitution ;

29. Considérant que, faute d’être soumise à l’autorisation de l’assemblée de la Polynésie française, la faculté, accordée au président de la Polynésie française par l’article 17 de la loi organique, de  » négocier et de signer des conventions de coopération décentralisée  » au nom de la Polynésie française ne saurait porter sur une matière ressortissant à la compétence de ladite assemblée sans méconnaître les prérogatives reconnues aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales par le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, aux termes duquel  » ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus  » ; que, dès lors, les conventions de coopération décentralisées auxquelles s’applique l’article 17 ne sauraient porter, sauf vote conforme de l’assemblée délibérante, que sur les matières ressortissant à la compétence d’attribution du conseil des ministres de la Polynésie française ; que, sous cette réserve, l’article 17 est conforme à la Constitution ;

– Quant aux compétences de la Polynésie française lui permettant de prendre des mesures particulières en faveur de sa population :

30. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la Constitution :  » La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée  » ; que, conformément au premier alinéa de l’article 72-3 de la Constitution,  » la République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité  » ; qu’en vertu du dixième alinéa de l’article 74 de la Constitution, la loi organique peut déterminer, pour les collectivités d’outre-mer qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles  » des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier  » ;

31. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la population en faveur de laquelle des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ne peut être définie que comme regroupant les personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence dans la collectivité d’outre-mer concernée ;

32. Considérant que l’article 18 de la loi organique détermine les conditions que doit respecter la Polynésie française si elle envisage de prendre des mesures favorisant l’accès à une activité professionnelle salariée ou non salariée  » au bénéfice des personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence sur son territoire ou des personnes justifiant d’une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec ces dernières  » ; qu’il prévoit notamment que  » les mesures prises en application du présent article doivent, pour chaque type d’activité professionnelle et chaque secteur d’activité, être justifiées par des critères objectifs en relation directe avec les nécessités du soutien ou de la promotion de l’emploi local  » ; que, dans ces conditions, l’article 18 n’est pas contraire à la Constitution ;

33. Considérant que le premier alinéa de l’article 19 de la loi organique ouvre la possibilité à la Polynésie française de mettre en place un régime de déclaration des transferts de propriétés foncières entre vifs, à l’exception des donations en ligne directe ou collatérale jusqu’au quatrième degré ; que son deuxième alinéa prévoit en outre un droit de préemption, qui peut être exercé par le conseil des ministres de la Polynésie française dans les deux mois de la déclaration,  » dans le but de préserver l’appartenance de la propriété foncière au patrimoine culturel de la population de la Polynésie française et l’identité de celle-ci, et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels  » ; que ses troisième à neuvième alinéas exceptent de ces dispositions les transferts réalisés au profit de certaines personnes ;

34. Considérant que, si l’article 19 a pu exclure de la procédure de déclaration les transferts de propriété au profit de personnes  » justifiant d’une durée suffisante de résidence en Polynésie française  » ou  » justifiant d’une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec une personne  » justifiant d’une telle durée de résidence, il n’a pu, sans méconnaître la notion de population au sens des articles 72-3 et 74 de la Constitution, étendre cette exclusion aux  » personnes de nationalité française  »  » nées en Polynésie française  » ou  » dont l’un des parents est né en Polynésie française  » ;

35. Considérant qu’il s’ensuit que les quatrième, sixième et septième alinéas de l’article 19 de la loi organique sont contraires à la Constitution ;

– Quant aux compétences en matière répressive :

36. Considérant que l’article 20 de la loi organique permet à la Polynésie française d’assortir les infractions aux actes de son assemblée  » de peines d’amende, y compris des amendes forfaitaires dans le cadre défini par le code de procédure pénale, respectant la classification des contraventions et délits et n’excédant pas le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements applicables en matière pénale « , ainsi que  » de peines complémentaires prévues pour les infractions de même nature par les lois et règlements applicables en matière pénale  » ; qu’il l’autorise, en outre, à  » instituer des sanctions administratives, notamment en matière fiscale, douanière ou économique  » ;

37. Considérant que l’article 21 de la loi organique permet à la Polynésie française d’assortir les infractions aux mêmes actes  » de peines d’emprisonnement n’excédant pas la peine maximum prévue par les lois nationales pour les infractions de même nature, sous réserve d’une homologation préalable de sa délibération par la loi  » ;

38. Considérant que l’article 22 de la loi organique habilite la Polynésie française à  » édicter des contraventions de grande voirie pour réprimer les atteintes au domaine public qui lui est affecté « , étant précisé que  » ces contraventions ne peuvent excéder le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements applicables en matière de grande voirie  » ;

39. Considérant que ces compétences, à l’exception des sanctions administratives, portent sur des matières dont le quatrième alinéa de l’article 74 interdit le transfert lorsque cette compétence n’était pas déjà exercée par la collectivité d’outre-mer ; qu’en l’espèce, elles étaient déjà exercées par la Polynésie française en vertu des articles 31, 62 et 63 de la loi organique du 12 avril 1996 susvisée ; qu’elles n’affectent pas les conditions essentielles d’exercice des libertés publiques du fait du renvoi qui est opéré aux limites fixées par la législation analogue applicable en métropole et, s’agissant des dispositions fixant des peines d’emprisonnement, de l’homologation préalable par le législateur de telles dispositions ; que, par suite, les articles 20 à 22 ne portent pas atteinte à l’égalité devant la loi pénale et sont conformes à la Constitution ;

– Quant aux autres compétences particulières de la Polynésie française :

40. Considérant que les articles 23 à 29 de la loi organique n’appellent aucune critique de constitutionnalité ;

41. Considérant que l’article 30 de la loi organique permet à la Polynésie française de  » participer au capital des sociétés privées gérant un service public ou d’intérêt général « , ainsi que,  » pour des motifs d’intérêt général, participer au capital de sociétés commerciales  » ; que ces participations devront être autorisées par le conseil des ministres, en application du 24° de son article 91, dans la limite des dotations budgétaires votées par l’assemblée de la Polynésie française ; qu’il est également prévu qu’elles  » feront l’objet d’un rapport annuel annexé au compte administratif de la Polynésie française examiné annuellement  » ; qu’ainsi, en dehors des recours qui pourront toujours être exercés selon le droit commun, l’assemblée de la Polynésie française pourra vérifier l’existence du caractère d’intérêt général ayant motivé la prise de participation ainsi que ses effets sur la concurrence ; que, dans ces conditions, l’article 30 n’est pas contraire à la Constitution ;

. En ce qui concerne la participation de la Polynésie française à l’exercice des compétences de l’État :

42. Considérant qu’en vertu du onzième alinéa de l’article 74 de la Constitution, la loi organique peut déterminer, pour les collectivités d’outre-mer qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles  » la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques  » ;

43. Considérant que l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame :  » Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution  » ; qu’aux termes de l’article 3 de la Constitution :  » La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. – Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice… » ; que l’article 34 dispose en son premier alinéa que :  » La loi est votée par le Parlement  » ; que l’article 21 confie le pouvoir réglementaire au Premier ministre, sous réserve des dispositions de l’article 13 ;

44. Considérant en outre que le quatrième alinéa de l’article 74 fixe, par renvoi au quatrième alinéa de l’article 73, les compétences qui ne peuvent être transférées à la collectivité d’outre-mer, à l’exception de celles déjà exercées par elle ;

45. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que la possibilité donnée à une collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie d’édicter des normes dans un domaine qui, en vertu de dispositions constitutionnelles ou statutaires, demeure dans les attributions de l’État, ne peut résulter que de l’accord préalable de l’autorité de l’État qui exerce normalement cette compétence ; qu’à défaut de cet accord préalable, les normes édictées par la collectivité pourraient produire des effets de droit jusqu’à ce que l’autorité compétente de l’État s’y oppose dans le cadre de son contrôle ;

46. Considérant qu’aux termes de l’article 31 de la loi organique :  » Les institutions de la Polynésie française sont habilitées, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques, sous le contrôle de l’État, à participer à l’exercice des compétences qu’il conserve dans le domaine législatif et réglementaire en application de l’article 14 : – 1° État et capacité des personnes, autorité parentale, régimes matrimoniaux, successions et libéralités ; – 2° Recherche et constatation des infractions ; dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard ; – 3° Entrée et séjour des étrangers, à l’exception de l’exercice du droit d’asile, de l’éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l’Union européenne ; – 4° Communication audiovisuelle ; – 5° Services financiers des établissements postaux  » ;

47. Considérant que le I de l’article 32 de la loi organique fixe la procédure d’adoption des actes dénommés  » lois du pays  » dans les matières législatives mentionnées à l’article 31 et relevant de la compétence de l’État ; qu’il prévoit que le projet ou la proposition d’acte est transmis au ministre chargé de l’outre-mer, qui propose au Premier ministre  » un projet de décret tendant soit à l’approbation totale ou partielle du texte, soit au refus d’approbation  » ; qu’en cas d’approbation,  » le projet ou la proposition d’acte ne peut être adopté par l’assemblée de la Polynésie française que dans les mêmes termes  » ; qu’enfin, le dernier alinéa prévoit que les décrets d’approbation  » deviennent caducs s’ils n’ont pas été ratifiés par la loi dans les dix-huit mois de leur signature  » ;

48. Considérant que ces dispositions permettraient à l’assemblée de la Polynésie française d’édicter, sans y avoir été préalablement autorisée par le Parlement, des normes relevant de la compétence législative de l’État ; que l’intervention d’un simple décret ne saurait permettre à cette collectivité de modifier, pour une durée pouvant aller jusqu’à dix huit-mois, des dispositions qui restent de la compétence de l’État et qui, pour la plupart, touchent à la souveraineté de celui-ci ou à l’exercice des libertés publiques ; que doivent dès lors être déclarés contraires à la Constitution, au dernier alinéa du I de l’article 32 de la loi organique, les mots :  » dans les dix-huit mois de leur signature  » ;

49. Considérant que le surplus du dernier alinéa du I de l’article 32 selon lequel  » les décrets mentionnés au deuxième alinéa du I deviennent caducs s’ils n’ont pas été ratifiés par la loi  » doit s’entendre comme interdisant l’entrée en vigueur de l’acte dénommé  » loi du pays « , intervenant dans le domaine législatif de l’État, tant que le décret d’approbation totale ou partielle n’a pas été ratifié par le Parlement ; que, sous cette réserve, le surplus du I de l’article 32 de la loi organique n’est pas contraire à la Constitution ;

50. Considérant que le II de l’article 32 de la loi organique fixe la procédure d’adoption des arrêtés du conseil des ministres de la Polynésie française dans les matières réglementaires mentionnées à l’article 31 et relevant de la compétence de l’État ; qu’il subordonne l’entrée en vigueur de ces arrêtés à l’intervention préalable d’un décret d’approbation ; que, dans ces conditions, le II de l’article 32 est conforme à la Constitution ;

51. Considérant que l’article 33 de la loi organique envisage l’hypothèse dans laquelle le gouvernement de la Polynésie française serait compétent pour la délivrance des titres de séjour des étrangers ; qu’il prévoit, en pareil cas, que le haut-commissaire de la République pourrait s’opposer à cette délivrance ; que cette disposition doit être interprétée à la lumière du IV de l’article 32 qui dispose, de façon générale, que les décisions individuelles prises dans le cadre de la participation de la Polynésie française aux compétences de l’État sont soumises au contrôle hiérarchique du haut-commissaire de la République ; qu’un tel pouvoir hiérarchique s’exercerait tant sur la délivrance d’un titre de séjour que sur le refus de délivrance ; que, sous cette réserve, l’article 33 n’est pas contraire à la Constitution ;

52. Considérant que si, en vertu du premier alinéa de l’article 35 de la loi organique, les actes prévus à l’article 140, dénommés  » lois du pays « , peuvent comporter des dispositions permettant aux agents et fonctionnaires assermentés de la Polynésie française de rechercher et de constater les infractions auxdits actes, c’est  » dans les mêmes limites et conditions  » que celles fixées par la législation analogue applicable en métropole à la matière considérée et notamment sous le contrôle de l’autorité judiciaire ; qu’en raison de ce renvoi, ces dispositions n’affectent pas les conditions essentielles d’exercice des libertés publiques et concilient l’obligation de réserver à l’État la procédure pénale, qui résulte des articles 73 et 74 de la Constitution, avec la nécessité de doter la Polynésie française du pouvoir d’édicter celles des règles de procédure pénale qui sont le prolongement nécessaire de l’exercice de ses compétences ;


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