Cour d’appel d’Orléans, CT0028, du 13 mars 2006

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Cour d’appel d’Orléans, CT0028, du 13 mars 2006

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

DOSSIER N 2005/00494 ARRÊT DU 13 MARS 2006 YR – No 2006/00215 COUR D’APPEL D’ORLEANS Prononcé publiquement le LUNDI 13 MARS 2006, par la 2ème Chambre des Appels Correctionnels, section 1 . Sur appel d’un jugement du Tribunal correctionnel de BLOIS du 08 MARS 2005. PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : X… Y… Serge Né le 01 Août 1937 à VALLIERES LES GRANDES, LOIR ET CHER (041) Fils de X… Serge et de CASSIN Odette Retraité Marié De nationalité française Jamais condamné Demeurant 12 Rue de la Carte – 41400 VALLIERES LES GRANDES Prévenu, appelant, intimé, Comparant, Assisté de Maître AUDEVAL Sandrine, avocat au barreau de BLOIS LE MINISTERE PUBLIC Appelant Z… Gérard Maire, Mairie – 41400 VALLIERES LES GRANDES Partie civile, intimé, Comparant, Assisté de Maître OSTY Jean Claude, avocat au barreau de BLOIS COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré, Président

:

:

Monsieur A…,

Madame B…, lors du prononcé de l’arrêt, Président

:

Monsieur ROUSSEL, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Conseillers

:

Monsieur A…, Madame B…, GREFFIER : lors des débats et au prononcé del’arrêt, Madame C…. MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats par Madame D…, Avocat Général. représenté au prononcé de l’arrêt par Monsieur E…, Avocat Général. RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Le Tribunal correctionnel de BLOIS, par jugement contradictoire SUR L’ACTION PUBLIQUE : – a déclaré X… Y… Serge coupable d’INJURE PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER F… PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN AUDIOVISUEL, du 17/11/2004 au 19/11/2004, à VALLIERES LES GRANDES (41), NATINF 000376, infraction prévue par les articles 33 AL.2, 29 AL.2, 42 de la Loi 29/07/1881 et réprimée par l’article 33 AL.2 de la Loi DU 29/07/1881 et, en application de ces articles, a condamné X… Y… Serge à – 600 Euros d’amende, SUR L’ACTION CIVILE : – a reçu Gérard Z… en sa constitution de partie, – a déclaré Y… X… responsable du préjudice subi par Gérard Z…, – a condamné Y… X… à payer à Gérard Z… la somme de 1 euro au titre de son préjudice moral, – a débouté Gérard Z… de sa demande de parution du dispositif de la décision dans la NOUVELLE REPUBLIQUE DU CENTRE-OUEST – a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire, – a condamné Y… X… à verser à Gérard Z… la somme de 1.000 Euros en application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale, – a ordonné la restitution à Gérard Z… de sa consignation en date du 12 Février 2004, – a condamné le prévenu au coût de l’action civile. LES APPELS : Appel a été interjeté par :

Monsieur X… Y…, le 16 Mars 2005, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles M. le Procureur de la République, le 16 Mars 2005 contre Monsieur X… Y… F… arrêt en date du 19 SEPTEMBRE 2005 la Cour d’Appel de céans : – a ordonné un supplément d’information, – a désigné M. ROUSSEL, Président de cette Chambre pour y procéder, – a renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience du 28 Novembre 2005. F… arrêt en date du 28 NOVEMBRE 2005 la Cour d’Appel de céans : – a ordonné le

renvoi de l’affaire à l’audience publique du 6 Février 2006. DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l’audience publique du 6 FEVRIER 2006 Ont été entendus : Monsieur ROUSSEL, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, en son rapport. X… Y… en ses explications. Maître OSTY Jean Claude, Avocat de la partie civile Gérard Z… en sa plaidoirie à l’appui des conclusions déposées sur le bureau de la Cour. Le Ministère Public en ses réquisitions. Maître AUDEVAL Sandrine, Avocat du prévenu Y… X… en sa plaidoirie à l’appui des conclusions déposées sur le bureau de la Cour. X… Y… à nouveau a eu la parole en dernier. Le Président a ensuite déclaré que l’arrêt serait prononcé le 13 MARS 2006. DÉCISION : M. Gérard Z… , maire de VALLIERES les GRANDES, a déposé plainte avec constitution de partie civile contre l’auteur de la diffusion d’un tract relatif au fonctionnement de l’association foncière de cette commune contenant le passage suivant : quant à la comptabilité, elle a été longtemps invisible et opaque, une telle situation cache certainement des dépenses qui ne doivent pas être connues et suspectes, et ceci avec la complicité de notre édile . Au cours de son interrogatoire par le juge d’instruction, M. Y… X… a indiqué que le mot édile visait plus particulièrement M. Z…, membre de droit de l’association foncière, en sa qualité de maire. Selon les éléments recueillis par l’enquête effectuée sur commission rogatoire , des personnes n’appartenant pas à l’association avaient eu accès au tract incriminé, tel étant le cas de M. Jean-Paul G…, entrepreneur de travaux agricoles, qui a reçu ce tract dans sa boîte à lettres, de M. Stany H…, qui s’est vu remettre un tract par M. Y… X… lui-même et qui a reçu un second exemplaire de ce tract dans sa boîte à lettres et de M. Jacky I…, qui a également affirmé qu’il avait reçu un tract dans sa boîte à lettres. A l’audience du 19 septembre 2005, le

prévenu a produit devant la cour une liste dont il a affirmé qu’elle contenait l’ensemble des noms des personnes qui avaient la qualité de membres de l’association foncière , parmi lesquelles MM. G…, X… et I… Sur la base de ce document, son avocat a fait valoir que l’élément de publicité contenu dans l’incrimination légale de diffamation publique faisait défaut. La Cour a ordonné un supplément d’information. Il en résulte que MM. G…, X… et I… sont membres de l’association. F… ailleurs,Mme Patricia J…, entendue sur commission rogatoire a déclaré que le document produit par le prévenu à l’audience de la cour était un document sincère. Elle a également produit l’arrêté préfectoral du 5 juin 1979 instituant et constituant une association foncière dans la commune de VALLIERES les GRANDES dont l’article 2 dispose que celle-ci comprend tous les propriétaires des parcelles remembrées. Dans ses conclusions le conseil de la partie civile fait valoir que les membres d’une association foncière, en ce qu’ils n’ont pas le libre choix de leur adhésion à cette dernière, ne sont pas liés par une communauté d’intérêts ; que les multiples exemples tirés de la jurisprudence montrent bien que la notion de communauté d’intérêts est indispensable pour caractériser les groupements dont l’existence ou l’inexistence est recherchée pour apprécier le caractère public ou non public d’une diffamation ; que l’association foncière est , en réalité, un organisme public créé par une décision préfectorale, percevant des taxes et réunissant des personnes qui ont la qualité de membres à raison seulement de leur qualité de contribuables ; que la partie civile a été visée en sa qualité de maire et non de président de l’association ; que le tract a été diffusé à M. Z… qui n’est pas membre de l’association foncière ; que la diffusion d’un écrit non confidentiel à divers destinataires qui ne constituent pas entre eux un groupement de personnes liées par une communauté d’intérêts,

caractérise la publicité prévue par l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 ; que tel est le cas en l’espèce ; que, subsidiairement, les faits constituent l’infraction prévue et réprimée par l’article R. 621-1 du code pénal. Il sollicite la confirmation de la décision entreprise, subsidiairement la requalification des faits en contravention de diffamation non publique, la confirmation des dispositions civiles du jugement et la condamnation de M. X… à lui payer une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale. Le prévenu fait valoir que M. Z… a été visé dans le tract en qualité de président de l’association foncière ; que l’intéressé est membre de cette association à titre personnel, en qualité de propriétaire et en qualité de maire représentant les intérêts de la commune qui est elle-même propriétaire ; que la critique contenue dans le tract n’a jamais visé le maire en tant que tel; que des dépenses ont été engagées par l’association, notamment en matière de création de fossés, qui auraient pu être évitées si les propriétaires avaient été vraiment consultés; que le tract incriminé n’a pas reçu de publicité ayant été diffusé seulement aux membres de l’association foncière ; que son contenu avait seulement pour objet de défendre les intérêts généraux du syndicat, personne publique et qu’il n’y a pas eu d’animosité personnelle sans lien avec le sujet ou l’objet du débat. SUR CE, LA COUR, Les deux phrases, qui sont le support de la poursuite et qui sont visées dans la prévention, telle qu’elle résulte de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d’instruction le 29 novembre 2004, sont insérées dans un document d’une page portant précisément pour titre :

qu’a-t-on fait et que fait-on de notre argent à l’association foncière de Vallières les Grandes . Ce tract expose qu’à la suite d’un remembrement un certain nombre d’agriculteurs ont demandé la

création d’une association foncière pour faire des travaux pour l’irrigation et le drainage ; qu’une association fut donc créée à cet effet et que les travaux ont été exécutés. Il critique ensuite les travaux coûteux entrepris par cette association, notamment les travaux exécutés pour le compte d’un certain M. K… qui n’avait rien demandé , affirme que l’association aurait dû être créée entre les seuls propriétaires intéressés aux travaux , alors que tous les propriétaires ont été uniformément taxés, et que 200 personnes ont payé les travaux bénéficiant à 15 . C’est dans ce contexte que surgit la seconde phrase visée par la prévention quant à la comptabilité elle a été longtemps invisible et opaque, une telle situation cache certainement des dépenses qui ne doivent pas être connues et suspectes et ceci avec la complicité de notre édile . Le tract s’achève sur une double observation du rédacteur, la première étant relative au droit de l’assemblée générale d’accéder , chaque année, aux comptes de l’association et la seconde sur la proclamation d’un principe général selon lequel une taxe ne peut être réclamée que si elle correspond à un service . *** Quant à la publicité, ainsi que la cour a déjà eu l’occasion de le relever dans son arrêt précédent, la diffusion d’un écrit aux seuls membres d’un groupement de personnes liées par une communauté d’intérêts ne constitue pas une distribution publique au sens de l’ article 23 de la loi du 29 juillet 1881. Le tract incriminé a été distribué à des personnes ayant toutes la qualité de membre de l’association foncière de Vallières les Grandes. En particulier, le maire en sa qualité de représentant de la commune, elle-même membre de l’association foncière, ainsi qu’en sa qualité de membre de droit de cette association, ne peut soutenir, ainsi qu’il le fait, qu’il n’appartenait pas à ce groupement. Réunis dans un association, à laquelle était assigné un objet répondant à l’intérêt commun des

membres la composant, cet intérêt consistant pour ses membres, ayant tous la qualité de propriétaire foncier , à créer et à utiliser collectivement des infrastructures destinées à desservir ou à exploiter leurs propriétés , les membres de l’association foncière étaient indiscutablement liées par une communauté d’intérêts. La circonstance que la réunion des membres de cette association ait procédé de la volonté de l’autorité publique, ne lui ôte pas le caractère d’un groupement de personnes liées par une communauté d’intérêts. Il en découle que l’élément de publicité fait défaut. Resituées dans le contexte d’une critique portant sur le bien-fondé d’une taxe prélevée par l’association sur les propriétaires concernés, sur l’exagération des dépenses effectuées par cette structure et sur la difficulté d’avoir accès aux comptes de cette association, les phrases incriminées ont eu pour objet de renforcer le sens général du texte , celui-ci étant d’élever une opposition à des choix jugés inadaptés et dispendieux.on, les phrases incriminées ont eu pour objet de renforcer le sens général du texte , celui-ci étant d’élever une opposition à des choix jugés inadaptés et dispendieux. Certes, c’est sans délicatesse que le prévenu a stigmatisé une comptabilité opaque ou encore des dépenses qui ne doivent pas être connues et suspectes, et ceci avec la complicité de notre édile mais ces mots , qui ne révèlent pas d’animosité personnelle contre la partie civile , constituent seulement le point d’apogée d’une critique portant sur la politique de l’association, dans laquelle M. Z…, partie prenante, apparaît comme gagné à la cause de certains membres. Ainsi, en dépit d’une rédaction quelque peu débridée et péremptoire, le prévenu n’a pas excédé son droit à critiquer librement le fonctionnement d’une institution présentant un caractère parapublic. L’infraction n’est donc pas constituée. C’est donc à tort que le tribunal a statué ainsi qu’il l’a fait. Les

demandes civiles seront rejetées, mais la consignation sera restituée à la partie civile, ainsi qu’en a décidé le tribunal. F… CES MOTIFS La Cour statuant publiquement contradictoirement INFIRMANT le jugement entrepris, RENVOIE Y… X… des fins de la poursuite, REJETTE les demandes civiles, mais confirme le jugement en ce qu’il a ordonné la restitution de la consignation versée par la partie civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT Josette C…

Yves ROUSSEL


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