Tribunal de grande instance de Paris, CT0087, du 8 juin 2006

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Tribunal de grande instance de Paris, CT0087, du 8 juin 2006

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 04/18121 No MINUTE : Assignation du : 16 Novembre 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 08 Juin 2006

DEMANDERESSES S.A. CAE PARTICIPATIONS 21 rue du Chemin Blanc 91160 CHAMPLAN S.A.S CAE DATA 21 rue du Chemin Blanc 91160 CHAMPLAN représentées par Me Isabelle RENARD de la SCP AUGUST & DEBOUZY, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P 438 DÉFENDERESSE S.A.S EQUIPEMENTS AUDIOVISUELS ET SYSTEME EAVS 5 route de l’Ouest 94380 BONNEUIL SUR MARNE représentée par Me Claude OHANA, avocat au barreau de CRETEIL, vestiaire PC 275 COMPOSITION DU TRIBUNAL Véronique RENARD, Vice-Président Michèle PICARD, Vice-Président, signataire de la décision Monique CHAULET, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l’audience du 31 Mars 2006 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort I- RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE : La société CAE PARTICIPATIONS est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de câbles et de systèmes de câblage. Elle exploite une partie de son activité par l’intermédiaire de sa filiale CAE DATA dont elle détient 100% du capital. L’activité de CAE DATA est plus spécialement dédiée à l’industrie du son et de l’image. La société EQUIPEMENTS AUDIOVISUELS ET SYSTEMES ( ci-après EAVS)a été créée en juin 2003 par un ancien collaborateur de la société CAE DATA, Monsieur Christophe X… Y… activité principale est la vente de matériels audiovisuels et informatiques. La société CAE PARTICIPATIONS est titulaire des marques suivantes, lesquelles sont exploitées par la société CAE DATA : – S2CEB no 97670035 déposée le 24 mars 1997 pour désigner les produits et services des classes 6, 8 et 9 et notamment les câbles, – VCB 100 no97670037 déposée le 24 mars 1997 pour désigner les produits

et services des classes 8 et 9 et notamment les câbles, – VCB 75 no97670036 déposée le 24 mars 1997 pour désigner les produits et services des classes 8 et 9 et notamment les câbles. Outre ces marques la société CAE DATA exploite de nombreuses références telles DIGI, PW75, 4VCB100, 4VCB75, 5VCB100 et 5VCB75. Dans le courant du mois d’octobre 2004 les demanderesses ont appris que la société EAVS proposait à la vente sur son site internet « www.eavs.fr » des câbles utilisant ses marques et ses références. Elles ont fait établir le 22 octobre 2004 un constat par Maître Legrain, huissier. La société CAE PARTICIPATIONS ayant été également informée que la société EAVS serait exposante du 3 au 5 novembre 2004 au salon SATIS, autorisée par ordonnance de Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Paris du 29 octobre 2004, elle faisait effectuer une saisie contrefaçon sur le stand d’EAVS afin de faire constater l’utilisation de ses marques. Les sociétés CAE PARTICIPATIONS et CAE DATA ont fait assigner la société EAVS par acte d’huissier délivré le 16 novembre 2004.Dans leurs dernières conclusions signifiées le 16 mars 2006 elles demandent au tribunal de juger que la reproduction par EAVS de leurs marques sans leur autorisation constitue une contrefaçon vis à vis de la société CAE PARTICIPATIONS, de juger que la reproduction de ces marques constitue des actes de concurrence déloyale vis à vis de la société CAE DATA, de constater que les signes suivants, DIGI, PW75, 4VCB100, 4VCB75, 5VCB100 et 5VCB75, remplissent les conditions de protection de marques d’usage et de dire que la reproduction de ces signes constitue des actes de concurrence déloyale vis à vis de la société CAE DATA qui les exploite, en conséquence de condamner la société EAVS à leur payer une somme de 100.000 euros en réparation de leurs préjudices toutes causes confondues, de la condamner à cesser immédiatement les actes de contrefaçon sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée

à compter de la signification du jugement, de la condamner à cesser immédiatement l’usage, la représentation ou la reproduction des marques d’usage suivantes DIGI, PW75, 4VCB100, 4VCB75, 5VCB100 et 5VCB75 , sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement, d’ordonner la publication de la décision dans au moins cinq journaux ou périodiques aux frais de la défenderesse dans la limite de la somme de 10.000 euros par publication et de la condamner au paiement à chacune de la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société EAVS a signifié ses dernières conclusions le 16 mars 2006. Elle demande au tribunal de débouter les demanderesses de l’ensemble de leurs prétentions, de constater que la présente procédure a un caractère abusif, de constater que la société CAE DATA s’est rendue coupable de refus de vente, en conséquence de condamner les sociétés CAE PARTICIPATIONS et CAE DATA in solidum au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, de condamner la société CAE DATA au paiement de la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts pour refus de vente et en tout état de cause de condamner les défenderesses in solidum au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. II- SUR CE :

* Sur la contrefaçon des marques : La société CAE PARTICIPATIONS soutient que la société EAVS a reproduit ses marques pour désigner des produits identiques sans son autorisation et ce, alors qu’elle ne vend pas les produits CAE mais des produits similaires. La société EAVS fait valoir que les câbles qu’elle vend et qui portent les marques litigieuses sont des produits de la société CAE qu’elle a acquis soit auprès de la société CAE DATA soit auprès de la société LINEAR TECHNOLOGIE, qui est distributeur de la société CAE DATA. Elle explique s’être fournie auprès de la société CAE DATA jusqu’au mois

d’octobre 2003, date à laquelle les tarifs de cette dernière ont augmenté de façon exorbitante. C’est pourquoi elle s’est ensuite mise en contact avec l’un des clients de la société CAE DATA, la société LINEAR TECHNOLOGIE, qui lui a octroyé des conditions financières plus avantageuses que celles de la société CAE. Aux termes des dispositions de l’article L.713-4 du Code de la propriété intellectuelle « Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économiques européenne ou de l’Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.. (…) » La société EAVS produit des factures d’achat de câbles de la gamme de produits S2CEB et portant les marques VCB 100 et VCB 75 ainsi que le signe PW 75 émanant de la société CAE jusqu’en septembre 2003 puis émanant de la société LINEAR TECHNOLOGIE jusqu’en février 2005. Elle établit ainsi avoir acquis régulièrement les produits revêtus de ces marques litigieuses auprès de la société CAE DATA elle même ou auprès d’un revendeur les ayant régulièrement acquis. Aucune pièce n’est produite qui démontrerait qu’elle vendrait des produits n’émanant pas de la société CAE mais qui en porteraient la marque. Il convient en conséquence de débouter les sociétés CAE de leur demande de contrefaçon sur les marques S2CEB, VCB 100 et VCB 75.

* Sur la concurrence déloyale : La société CAE, reproche à la société EAVS des pratiques de marques d’appel, soit d’utiliser ses marques pour attirer les clients alors qu’elle n’a acquis que de très faibles quantités des produits revêtus de la marqueVCB100 et une seule fois en 2003 des produits revêtus de la marque VCB 75. Ainsi, selon la société CAE, elle profite de la notoriété de ses marques mais en vendant ses propres produits. A l’appui de ce grief la société CAE produit une attestation de Monsieur Z…, sur laquelle ne figurent

pas les mentions de l’article 202 du nouveau Code de procédure civile et notamment ses liens avec elle. Toutefois, bien que ne répondant pas aux règles de forme que les attestations doivent revêtir, cette attestation sera néanmoins retenue comme élément de preuve. Monsieur Z… indique avoir contacté Monsieur X… le 22 octobre 2004 pour lui acheter des câbles VCB 100. Ce dernier lui aurait répondu qu’il n’en avait pas mais qu’il avait un câble équivalent. En l’espèce, le tribunal note que la société EAVS n’a presque jamais acquis de produits VCB 75 sinon en août 2003 soit bien avant les procès verbaux dressés par huissier. Elle n’a par ailleurs pas acquis de grandes quantités de produits revêtus de la marque VCB 100. Cependant, il y a lieu de relever que la société EAVS est spécialisée dans la distribution de matériels audiovisuels et non pas uniquement dans la vente de câbles qui ne représente qu’une partie de son activité. La société EAVS expose d’ailleurs qu’elle ne dispose pas de stock et qu’elle n’achète certains de ces produits que lorsqu’elle reçoit une commande. Il ressort par ailleurs des factures produites que la société EAVS avait acquis des câbles VCB 100 le 30 septembre 2004 auprès de la société LINEAR TECHNOLOGIE, soit peu de temps avant la demande de Monsieur Z… A… de ces éléments montre que la société EAVS, dont l’activité principale n’est pas la vente de câbles, n’avait plus en stock certains câbles qu’elle proposait néanmoins sur son site internet. Cette pratique n’est pas en soi fautive dès lors qu’il est établi que la société EAVS pouvait se réapprovisionner dans ces produits auprès d’un revendeur agréé, ce qu’elle faisait régulièrement. Il convient en conséquence de rejeter la demande sur ce point. La société CAE DATA fait encore valoir que la reproduction par EAVS des marques dont la société CAE PARTICIPATION est titulaire constitue des actes de concurrence déloyale à son égard. Le tribunal n’ayant pas relevé d’actes de

contrefaçon à l’égard de la société CAE PARTICIPATIONS, la demande de la société CAE DATA, fondée sur les mêmes faits, sera rejetée. La société CAE DATA fait enfin valoir que la reproduction de ses marques d’usage, soit les signes DIGI, PW75, 4VCB100, 4VCB75, 5VCB100 et 5VCB75 constitue des actes de concurrence déloyale. La reproduction de ces signes n’est pas contestée par la société EAVS qui soutient cependant que les demanderesses ne sont pas propriétaires de ces signes, que le signe « DIGI » n’est pas distinctif, que le signe « PW 75 » n’a été apposé que sur des produits de la société CAE de même que les signes 4VCB100, 4VCB75, 5VCB100 et 5VCB75 qui font partie de la même gamme que les produits VCB 75 et VCB 100. Le signe Le signe « DIGI » est une abréviation du mot « digital », traduction anglaise du terme « numérique ». Il n’est utilisé par la société CAE pour désigner les câbles numériques que depuis le mois d’octobre 2003, soit très récemment et alors que la société EAVS existait déjà. Il n’est, de plus, manifestement pas susceptible de protection puisqu’il décrit l’une des qualités du produit qu’il désigne. La société EAVS ne s’est donc pas rendue coupable d’actes de concurrence déloyale en faisant usage de ce signe. Pour ce qui concerne les autres signes PW 75, 4VCB100, 4VCB75, 5VCB100 et 5VCB75, outre le fait qu’ils ne sont pas protégés à titre de marques, aucune pièce n’est communiquée qui montre qu’ils sont utilisés par la société EAVS pour désigner des produits identiques d’une autre provenance. Les actes de concurrence déloyale ne sont donc pas établis en l’espèce et il convient en conséquence de débouter la société CAE de cette demande.

* Sur la demande reconventionnelle : La société EAVS fait valoir que la société CAE a commis des actes de concurrence déloyale à son encontre en lui ayant appliqué une hausse de ses tarifs anormalement importante. La société CAE ne conteste pas avoir augmenté ses prix mais explique qu’elle a aligné les tarifs proposés à la société EAVS

sur ses autres clients dès lors qu’elle s’est rendu compte que cette dernière devenait un distributeur de câbles à part entière. Le tribunal constate que les prix de certains câbles proposés à la société EAVS ont subi des augmentations allant jusqu’à 31% entre le mois de septembre 2003 et le mois d’octobre 2003. Cependant, il ressort d’un tableau comparatif produit par la société CAE DATA que la société EAVS, bien que ne figurant qu’en 124ème place des clients par les quantités achetées bénéficie néanmoins de tarifs équivalents et parfois même plus intéressants que ceux appliqués à sept des dix premiers clients de l’entreprise. Ainsi, le câble VCB 100 est vendu 0,396 euros le mètre à EAVS, 0, 440 euros au client no3, 0,660 euros au client no6, 0,457 euros au client no 10. Le seul client bénéficiant d’un tarif plus bas est le client no1 à 0, 316 euros. Ces éléments montrent que la société EAVS n’est victime d’aucune discrimination de la part de la société CAE DATA. Il convient en conséquence de la débouter de sa demande.

* Sur la procédure abusive : La société EAVS reproche aux demanderesses d’avoir abusivement intenté cette procédure et notamment d’avoir diligenté une saisie contrefaçon pendant un salon professionnel où tous les acteurs importants du secteur étaient présents dans un but vexatoire. Le tribunal note que les sociétés CAE n’avaient aucun élément sérieux leur permettant de supposer l’existence d’une contrefaçon de la part de la société EAVS sinon l’attestation de Monsieur Z… mais qui se rapportait aux pratiques de marques d’appel et non de contrefaçon. De plus le choix du lieu de la saisie contrefaçon, un salon professionnel où l’ensemble des acteurs du secteur d’activité sont présents et deviennent donc témoins de la suspicion régnant sur la société, ne peut qu’avoir pour objet de la déconsidérer. Ces éléments sont constitutifs d’abus de la part des sociétés CAE qui seront condamnées à verser à la société

EAVS la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi..

* Sur les autres demandes : Il n’y a pas lieu en l’espèce d’ordonner l’exécution provisoire. Les sociétés CAE PARTICIPATIONS et CAE DATA sollicitent le paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société EAVS sollicite le paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune d’elles les sommes exposées et non comprises dépens. Les demandes seront en conséquence rejetée. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, Statuant en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire, Déboute la société CAE PARTICIPATIONS et la société CAE DATA de leurs demandes, Déboute la société EAVS de sa demande fondée sur un refus de vente, Condamne solidairement les sociétés CAE PARTICIPATIONS et CAE DATA à payer à la société EAVS la somme de 5.000 euros pour procédure abusive, Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement, Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société CAE PARTICIPATIONS et la société CAE DATA aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Fait à PARIS le 8 juin 2006 . LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT


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