Avis n° 2021-07 du 22 mars 2021 du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur le projet de loi organique relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique et le projet de loi relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique

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Avis n° 2021-07 du 22 mars 2021 du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur le projet de loi organique relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique et le projet de loi relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel,

Vu la

loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986

modifiée relative à la liberté de communication, notamment son article 9 ;

Vu la saisine pour avis, le 10 mars 2021, par le Gouvernement, d’une part, d’un projet de loi organique relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique et, d’autre part, d’un projet de loi relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique ;

Article

Après en avoir délibéré,

Emet l’avis suivant :

Le projet de loi organique n’appelle pas d’observation de sa part.

Le projet de loi relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique, qui fait suite à l’ordonnance du 21 décembre 2020 portant transposition de la nouvelle directive « services de médias audiovisuels » (SMA), poursuit la nécessaire adaptation de la loi du 30 septembre 1986 aux évolutions profondes du secteur de la communication audiovisuelle et numérique. Il renforce les droits des auteurs et la protection des droits de propriété intellectuelle sur internet. Il réunit le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) dans un régulateur unique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), compétente sur l’ensemble de la chaîne de création. Le Conseil émet un avis favorable à ce projet de loi et formule les remarques qui suivent, dont certaines sont reprises de son avis rendu le 8 novembre 2019 sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique.

I. – Principales observations sur le projet de loi

1° Création de l’ARCOM

1. Le Conseil approuve l’inscription dans le projet de loi de la fusion du CSA et de l’HADOPI au sein de l’ARCOM. Combinée aux nouvelles prérogatives en matière de lutte contre le piratage confiées à cette autorité unique, cette réforme contribuera à donner un nouvel élan à la politique de protection des droits de propriété intellectuelle sur internet et à la promotion de l’offre légale, qui seront au cœur des missions de la nouvelle autorité. Elle répond ainsi aux attentes exprimées par nombre d’acteurs engagés en faveur de la création audiovisuelle, cinématographique et musicale, en particulier les sociétés d’auteurs, mais aussi par toutes les victimes du piratage des évènements sportifs.

Dans cette perspective, le CSA et l’HADOPI travaillent depuis de nombreux mois au rapprochement des deux autorités dans le cadre de la mission de préfiguration lancée en janvier 2020. Le CSA sera particulièrement attentif, dans la poursuite de ces travaux, à concevoir, avec l’HADOPI, une organisation à même de valoriser les expertises de l’ensemble des collaborateurs des deux institutions et de favoriser les synergies entre leurs équipes.

2. Plus généralement, le Conseil souligne que cette fusion s’inscrit dans un mouvement de développement de l’inter-régulation avec les différentes autorités indépendantes qui œuvrent sur des questions d’intérêt commun (ARCEP, CNIL, ADLC, etc.). Cette coopération est essentielle afin d’assurer la cohérence d’ensemble de la régulation des acteurs numériques.

3. S’il approuve cette réforme, le Conseil souhaite attirer sans attendre l’attention du Gouvernement sur ses conséquences, tant sur la situation budgétaire du CSA que sur celle de la future autorité fusionnée.

Depuis plusieurs années, le CSA a vu ses moyens diminuer alors que ses missions n’ont cessé de s’étendre de manière significative, tout comme ses besoins en investissements informatiques. Pour répondre à cette tension croissante, il a réduit fortement ses dépenses de fonctionnement courant afin d’être en mesure de maintenir ses équilibres financiers. Or, les dépenses liées à la préfiguration de l’ARCOM, estimées à environ 1,5 M€, devront être prises en charge par le CSA et l’HADOPI faute d’abondement budgétaire correspondant. Pour la même raison, le CSA devra financer en 2021, sur ses réserves, les six emplois supplémentaires qu’il a été autorisé à créer et qui sont rendus indispensables pour exercer ses nouvelles compétences en matière de régulation des plateformes en ligne. Enfin, si le projet de loi devait être adopté en l’état, l’ARCOM serait confrontée en 2022 à une hausse ponctuelle de la masse salariale affectée à son collège en raison de la présence temporaire de neuf membres permanents.

Conscient des efforts demandés à l’ensemble de la sphère publique, le Conseil tient à souligner toutefois la nécessité que le premier budget de l’ARCOM soit à la hauteur de ces enjeux. D’une manière générale, la nouvelle autorité ne pourra exercer pleinement les missions qu’il est envisagé de lui confier sans que lui soient allouées les ressources financières correspondantes.

2° Composition du collège de l’ARCOM

1. Le Conseil relève que le projet de loi ne reprend pas les dispositions qui figuraient dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique relatives à la désignation de membres croisés entre les collèges respectifs de l’ARCOM et de l’ARCEP – dispositions qui étaient complétées par l’instauration d’un mécanisme de règlement de différends commun aux deux autorités. Il considère que cet abandon est justifié, dans la mesure où le CSA et l’ARCEP ont développé de manière volontaire et effective des coopérations concrètes dans le cadre d’une convention signée entre les deux autorités le 2 mars 2020. Elles ont ainsi créé un « pôle numérique commun », adopté un programme d’études conjoint et réuni leurs deux collèges en réunion plénière. De même, répondant à la demande du Gouvernement, elles ont mis en place une plateforme internet destinée aux familles consacrée à la protection des mineurs contre la pornographie en ligne.

2. Le Conseil a pris connaissance de la nouvelle composition du collège de l’ARCOM telle qu’elle est envisagée par le projet de loi. L’article 5 prévoit en particulier la désignation, respectivement par le vice-président du Conseil d’Etat et le premier président de la Cour de cassation, d’un membre de chacune de leur haute juridiction. Ces deux membres auraient en particulier pour mission de mettre en œuvre, l’un en tant que titulaire, l’autre en tant que suppléant, la compétence de réponse graduée actuellement exercée par les membres de la commission de la protection des droits de l’HADOPI.

En premier lieu, le Conseil relève que les membres de l’actuelle commission de protection des droits de l’HADOPI n’exercent pas leur mission de manière permanente. Par ailleurs, il note que le Gouvernement n’a pas considéré nécessaire, au plan juridique, de maintenir l’existence de cette commission au sein de l’autorité fusionnée. Dans ce contexte, il s’interroge sur la nécessité de nommer à titre permanent deux membres de ces hautes juridictions au sein du collège de l’ARCOM pour mettre en œuvre la compétence de réponse graduée.

En second lieu, le Conseil observe que la rédaction actuelle de la loi de 1986 dispose que les autorités de nomination doivent désigner des personnalités en raison « de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel ou des communications électroniques ». Cette rédaction autorise déjà la désignation par les autorités de nomination de membres des hautes juridictions au sein du collège. Telle est d’ailleurs la situation actuelle, le collège comprenant aujourd’hui un membre issu du Conseil d’Etat et l’institution étant présidée par un magistrat de la Cour des comptes.

En troisième lieu, le Conseil a bien noté et se réjouit qu’à l’exception de la période transitoire prévue à l’article 20 du projet de loi, le nombre de membres du collège serait maintenu à sept. Il souligne que cet effectif, fixé par le législateur, a fait à l’expérience la preuve de son efficacité et qu’il permet d’assurer dans de bonnes conditions le fonctionnement de l’institution. Il répond également à la volonté du Parlement de rationaliser le fonctionnement et le coût budgétaire des autorités administratives et publiques indépendantes, avec en particulier la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

Enfin, le Conseil tient à souligner l’importance qui s’attache à préserver la diversité des profils au sein du collège et le bon équilibre entre les experts économiques, juridiques ou techniques, et les professionnels issus des domaines de la communication, notamment du secteur audiovisuel ou des communications électroniques. Cette diversité contribue à éclairer utilement ses décisions.

3. Par ailleurs, le Conseil relève que le texte, tel qu’il est rédigé, ne permet pas de savoir lequel des deux membres nommés respectivement par le vice-président du Conseil d’Etat et le premier président de la Cour de cassation exerce les fonctions de « titulaire » et lequel d’entre eux exerce les fonctions de « suppléant ». Le Conseil en déduit que cette répartition relèverait de l’organisation interne de l’autorité. Il demande toutefois que ce point soit précisé.

Le Conseil constate que ces deux membres exercent cette compétence de réponse graduée indépendamment de leur participation au collège du CSA, dont ils sont par ailleurs membres à part entière.

4. Enfin, sur un plan légistique, le Conseil relève que l’article 6 du projet de loi supprime la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 5 de la loi du 30 septembre 1986, le renvoi au « cinquième alinéa » étant devenu obsolète par le jeu de modifications législatives successives. Il propose, plutôt que de supprimer cette disposition, de corriger le renvoi aux dispositions en remplaçant les mots « cinquième alinéa » par «

dernier alinéa de l’article 9 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017

portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes » afin de permettre à l’ARCOM, en cohérence avec la loi précitée du 20 janvier 2017, d’interrompre le versement de la rémunération d’un ancien membre s’il méconnait le secret des délibérations ou l’obligation de discrétion professionnelle pour tous les « faits, informations ou documents » dont il a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, ou s’il a été pénalement condamné pour atteinte au secret professionnel.

3° Lutte contre le piratage

1. Le Conseil accueille favorablement la volonté du Gouvernement d’adapter et moderniser les outils de lutte contre le piratage, notamment en matière de piratage sportif. La protection des titulaires de droits de propriété intellectuelle à l’ère numérique est un enjeu essentiel qui s’est notamment traduit par la révision du droit européen à l’occasion de l’adoption de la directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019. Sur ces questions, le Conseil renvoie aux observations formulées par l’HADOPI.

2. En complément, le Conseil recommande que la loi précise que les décisions de l’ARCOM dans ces matières relèvent de la compétence de la cour d’appel de Paris, dans un souci de bonne administration de la justice et compte tenu de la spécialisation de l’ordre judiciaire dans le domaine de la propriété intellectuelle.

3. Il relève par ailleurs que l’article 2 du projet de loi modifie l’

article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle

pour étendre le droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle à la radiodiffusion de leurs programmes. Il se réjouit de cette modification et propose que l’article L. 216-1 soit complété afin de conférer aux entreprises de communication audiovisuelle un droit voisin du droit d’auteur sur les podcasts natifs qu’elles produisent. Il peut en effet être compris des dispositions en vigueur qu’elles ne s’appliquent qu’aux programmes diffusés sur des services de télévision et de radio ou mis à disposition sur des services de médias audiovisuels à la demande et n’incluent pas les podcast qui n’ont pas été diffusés à l’antenne d’un service de radio.

4° Pouvoirs de l’instance de régulation

4.1. – Procédure de conciliation, des enquêtes et des études

1. Le Conseil approuve le renforcement de son pouvoir de recueil d’informations et d’enquêtes, qui lui confère des outils proches de ceux dont disposent les principales autorités administratives et publiques indépendantes, tout en prenant en compte les spécificités de la liberté de communication.

Il en est ainsi du pouvoir de recueil d’informations de l’ARCOM. En vertu de l’article 9 du projet de loi, l’autorité pourra demander à un périmètre d’opérateurs élargi « toutes les informations nécessaires à l’élaboration de ses avis et décisions ». Elle pourra également demander des informations aux autorités administratives pour la réalisation d’études, faculté que le Conseil souhaiterait voir étendue à l’ensemble des personnes mentionnées au troisième alinéa du 1° de l’article 19.

En outre, ce même article crée un pouvoir d’enquêtes menées par des agents de l’ARCOM habilités à cet effet, dont est dépourvu le CSA. Le Conseil suggère à cet égard que seules les auditions réalisées dans le cadre de ces enquêtes donnent lieu à procès-verbal.

Enfin, l’article 11 consacre le principe d’une libre communication réciproque d’informations entre l’ARCOM et l’Autorité de la concurrence, sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle.

2. Le Conseil approuve la réforme de la procédure de conciliation prévue à l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui en étend le champ à l’ensemble des opérateurs régulés par l’ARCOM.

3. Afin d’asseoir davantage la capacité de l’ARCOM à réguler les plateformes en ligne et, pour ce faire, à recueillir auprès d’elles les jeux de données lui permettant de mener des études à grande échelle, le Conseil considère que l’article 3-1 de la loi de 1986 devrait également être complété afin de prévoir que l’élaboration d’études sur les plateformes en ligne relatives au pluralisme de l’information, à la cohésion sociale, à la santé, à la lutte contre les discriminations, la manipulation de l’information et les contenus haineux en ligne entre bien dans son champ de compétence.

4. Le Conseil estime également opportun qu’à l’instar de la proposition formulée dans le rapport remis par la mission « Régulation des réseaux sociaux » au secrétaire d’Etat en charge du numérique le 10 mai 2019, il soit confié à l’ARCOM, dans le respect du droit de la protection des données personnelles, un rôle de tiers de confiance entre le monde de la recherche académique et les plateformes, afin d’alimenter les travaux des chercheurs et, le cas échéant, de donner la possibilité à l’autorité de mener des études en partenariat avec ces derniers.

4.2. – Caducité des mises en demeure

L’article 14 du projet de loi modifie l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 pour consacrer un principe de caducité des mises en demeure prononcées par l’ARCOM selon les modalités suivantes : « Une mise en demeure qui n’a donné lieu à aucun début de procédure de sanction durant un délai de cinq ans est réputée caduque. ».

Le Conseil approuve l’instauration d’un tel principe. Il relève néanmoins que la rédaction retenue conduirait à vider cette mesure d’une partie de sa portée pratique. Le Conseil estime donc préférable de retenir comme critère de réactivation du délai de caducité la décision de sanction prononcée par l’ARCOM plutôt que l’engagement de la procédure de sanction. En effet, il n’est pas exclu que, même après l’engagement d’une procédure, le régulateur considère qu’il n’y pas lieu de prononcer de sanction au regard des circonstances de l’espèce. Dans de tels cas, il n’apparait pas nécessaire que la mise en demeure soit maintenue plus longtemps qu’il était initialement prévu dans l’ordonnancement juridique.

Le Conseil propose donc que le 2° de l’article 14 du projet de loi soit formulé en ces termes : « Le premier alinéa du 3° de l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 est ainsi rédigé : « 3° Le rapporteur décide si les faits dont il a connaissance justifient l’engagement d’une procédure de sanction. Une mise en demeure qui n’a donné lieu à aucune sanction prononcée dans les conditions décrites au présent article durant un délai de cinq ans à compter de son adoption est réputée caduque. L’engagement d’une procédure de sanction suspend ce délai jusqu’à la date à laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel statue sur les faits en cause » ».

Si toutefois le Gouvernement devait maintenir l’engagement de la procédure de sanction comme critère de réactivation du délai de caducité, le Conseil propose, dans un souci de clarté de la disposition en cause, que les termes « notification des griefs » soient substitués à celui de « début ».

Il conviendrait enfin de prévoir une disposition transitoire précisant que : « Cette caducité ne s’applique pas aux procédures pour lesquelles le rapporteur a déjà notifié les griefs à la date de la publication de la présente loi ».

4.3. – Pouvoir de sanction

1. Les articles 12 et 16 du projet de loi complètent les articles 42-1 et 48-2 de la loi du 30 septembre 1986 pour ouvrir la possibilité d’engager une procédure de sanction à l’encontre d’un éditeur ne respectant pas ses obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique, sans que cet opérateur ait fait l’objet d’une mise en demeure préalable pour le même type de manquement.

Le Conseil approuve pleinement cette disposition qui renforcera l’efficacité de sa régulation. Essentiel à la diversité culturelle et au développement de la filière de la création et de la production audiovisuelle et cinématographique, ce volet de la régulation des médias audiovisuels a été récemment renforcé avec la transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 dite « services de médias audiovisuels » (SMA), qui élargit le champ des opérateurs soumis à cette obligation à l’ensemble des services qui ciblent le territoire français, en particulier les grandes plateformes internationales de vidéo à la demande. En outre, une telle exigence de mise en demeure préalable ne se justifie pas en présence de manquements à des obligations déterminées, de nature objective et purement financière, qui impliquent des appréciations quantitatives.

2. L’article 13 du projet de loi prévoit quant à lui que le montant maximal d’une sanction financière prononcée contre un éditeur en matière d’obligations de contribution au développement de la production audiovisuelle et cinématographique peut être porté jusqu’à deux fois le montant de l’obligation que cet éditeur doit consacrer annuellement à la production et trois fois ce montant en cas de récidive. Une telle modification, qui permettra à l’ARCOM de fixer le montant de la sanction en proportion de celui de l’obligation financière, en garantira l’effet dissuasif.

Sur un plan légistique, le Conseil constate que, dans le même temps, l’article 15 du projet de loi supprime la deuxième phrase du V de l’article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoit également, en ce qui concerne les obligations de contribution au développement de la production des éditeurs qui visent le territoire français sans y être établis, qu’« en cas de manquement à l’obligation de contribution à la production, le montant maximal de cette sanction ne peut excéder deux fois le montant de l’obligation qui doit être annuellement consacrée à la production et trois fois en cas de récidive ».

Cette suppression entend sans doute assurer la cohérence de la loi du 30 septembre 1986 en rassemblant à l’article 42-2 de ce texte les dispositions relatives au montant maximal des sanctions pécuniaires que l’ARCOM peut prononcer. Une telle démarche appelle alors l’ajout, à l’article 13 du projet de loi, de la référence aux dispositions du II de l’article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 afin que les dispositions relatives au plafond des sanctions pécuniaires en matière de contribution à la production, telles qu’issues du projet de loi, soient applicables aux éditeurs établis hors de France et visant le territoire français.

4.4. – Rapporteur indépendant

L’article 14 du projet de loi complète le 1° de l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 relatif aux procédures de sanction afin que le rapporteur chargé de l’engagement des poursuites et de l’instruction préalable puisse être assisté par un ou plusieurs adjoints. Le Conseil approuve une telle disposition. Il apparaît en effet que la charge du rapporteur indépendant, qui est d’ores et déjà élevée, est susceptible d’évoluer encore au vu, en particulier, de l’extension significative des missions qui seront confiées à l’ARCOM. Cette proposition permettra de réduire les délais d’instruction des procédures de sanction.

5° Protection des catalogues

Le Conseil a pris connaissance de l’article 17 du projet de loi qui vise à assurer la protection des catalogues audiovisuels remarquables, sous l’égide du ministère de la culture. Il souscrit au principe de ce dispositif, compte tenu des conséquences de l’internationalisation et de la concentration croissantes du secteur audiovisuel.

II. – Remarques générales sur la régulation de la communication audiovisuelle et numérique

Au-delà de ces observations, le Conseil souhaite saisir l’occasion de cet avis pour appeler à nouveau l’attention du Gouvernement sur un certain nombre de modifications supplémentaires qu’il lui semble essentiel d’apporter, à court ou moyen termes, à la loi du 30 septembre 1986. Les transformations profondes de l’environnement audiovisuel et numérique rendent en effet ces évolutions hautement souhaitables.

1° Modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT)

Le Conseil tient d’abord à souligner toute l’importance de la modernisation de la plateforme hertzienne terrestre afin de renforcer l’attractivité de ce moyen de réception de la télévision largement accessible, gratuit, simple d’utilisation et qui joue un rôle central dans l’écosystème culturel.

A cet égard, il estime que le projet de loi dont il est saisi pourrait reprendre certaines des dispositions du projet relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ou s’en inspirer directement. Il en est ainsi de :

1. la disposition qui donne la faculté à l’autorité de régulation d’autoriser, à titre expérimental, la diffusion en ultra-haute définition de programmes de services de télévision déjà autorisés. Il s’agit là d’alléger les contraintes d’affectation de la ressource spectrale afin de favoriser une meilleure expérience de télévision en matière de qualité d’image. Ce cadre devrait être suffisamment souple pour s’adapter au rythme d’évolution du marché et des usages. Le Conseil estime que serait approprié un dispositif prévoyant, d’une part, une autorisation expérimentale délivrée pour une période de cinq ans et, d’autre part, la possibilité pour l’ARCOM de l’abroger lorsqu’il sera procédé au passage généralisé de la TNT vers les nouvelles normes de diffusion. Le cas échéant, il conviendrait également que l’ARCOM bénéficie de la capacité de renouveler une fois pour une durée de deux ans une telle autorisation ;

2. la disposition étendant le droit de priorité dont bénéficient les éditeurs de services déjà autorisés pour l’octroi des autorisations en haute définition à l’octroi d’autorisations en ultra-haute définition ;

3. la disposition consistant à étendre les obligations de reprise des chaînes publiques auxquelles sont soumis les distributeurs de services à la diffusion de ces chaînes en ultra-haute définition ;

4. la disposition créant un label « Prêt pour la TNT en ultra haute définition ». Au vu de l’appétence toujours plus marquée du public comme des acteurs pour les fonctionnalités d’interactivité, le Conseil estime utile que ce label porte non seulement sur l’amélioration du format d’image et de son, mais encore sur les éléments relatifs aux services interactifs qui sont mis en œuvre sur la TNT grâce à la norme HbbTV ;

5. l’obligation progressive de compatibilité des téléviseurs et adaptateurs TNT avec les normes de l’ultra haute définition. Afin d’accompagner au mieux le développement de cette qualité d’image tout en prenant en compte la disponibilité effective de l’offre auprès du public, cette obligation pourrait entrer en vigueur dans un délai variant selon le type d’équipements, calculé à compter de la date de diffusion de programmes de télévision en ultra-haute définition auprès d’au moins 20 % de la population française. Le délai de l’obligation, qui concerne non pas des technologies nouvelles mais des technologies déjà intégrées par certains constructeurs à leurs équipements, pourrait être de douze mois à compter de cette date pour les écrans de plus de 100 cm de diagonale et de dix-huit mois pour l’ensemble des autres équipements.

6. les dispositions prévoyant explicitement, à l’article 30-1 de la loi de 1986, que l’autorisation accordée à un éditeur lui permet de diffuser ses programmes alternativement selon plusieurs formats. En effet, malgré la mise en œuvre de normes de diffusion et de codage plus performantes, il paraît difficile, même à terme, de permettre la diffusion simultanée de l’ensemble des chaînes de la TNT en ultra-haute définition. En réponse à la consultation publique menée par le Conseil en 2017, des éditeurs avaient ainsi indiqué souhaiter disposer d’une autorisation leur permettant, de manière plus flexible qu’actuellement, de pouvoir offrir alternativement de l’ultra-haute définition ou de la haute définition améliorée aux téléspectateurs, en fonction notamment de la disponibilité de contenus produits selon ces standards.

2° Radio et audio numérique

1. Concernant les mentions légales, le Conseil estime utile que le projet de loi reprenne les termes du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique en ce qui concerne les précisions à apporter à l’article L. 121-3 du code de la consommation relatif aux pratiques commerciales trompeuses. La mention explicite de la radio comme un moyen de communication contraint par des limites d’espace et de temps dont il convient de tenir compte pour apprécier si des informations ont été correctement fournies aux consommateurs va en effet dans le sens d’une meilleure sécurité des éditeurs de services de radio au vu des contraintes objectives auxquelles ils sont soumis.

2. Eu égard à l’objectif de diversité musicale et de promotion de la chanson d’expression française, le Conseil souligne que, tandis que les radios doivent respecter des obligations en matière de diffusion de chansons d’expression française, les services à destination du public français proposant d’écouter de la musique à la demande en ligne ne sont assujettis à aucune obligation en la matière. Or, comme le soulignent, à juste titre, certains professionnels et en particulier les radios, la concurrence croissante entre ces services de musique en ligne et les services de radio rend de plus en plus prégnant le déséquilibre entre ces deux types d’acteurs.

Le Conseil considère qu’il est aujourd’hui légitime que les pouvoirs publics mettent en place des outils permettant d’assurer que la diversité culturelle soit garantie sur les services de musique en ligne à la demande. Dans cette perspective, il pourrait être prévu que ces services soient tenus de transmettre des données de consommation à l’autorité de régulation afin que cette dernière dispose d’éléments fiables et transparents, indispensables pour fonder une régulation efficace. Il pourrait de même être prévu que l’ARCOM, au vu de ces éléments, adopte des recommandations et encourage ces acteurs à adopter des mesures permettant une exposition effective de la chanson francophone.

3° Règles sectorielles limitant la concentration

Le Conseil rappelle à nouveau que le dispositif anti-concentration prévu à l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 est ancien et qu’il se révèle obsolète dans plusieurs de ses composantes, face notamment aux évolutions démographiques, économiques et technologiques du secteur. L’Autorité de la concurrence le relevait dans son avis remis à la commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale le 21 février 2019. Le Conseil renouvelle sa suggestion que le Gouvernement confie à des experts une mission de réflexion sur l’évolution de ce dispositif.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.

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Fait à Paris, le 22 mars 2021.

Pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel :

Le président,

R.-O. Maistre

Extrait du Journal officiel électronique authentifié

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