Suppression d’enseigne publicitaire illicite : l’obligation d’agir du Préfet

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Suppression d’enseigne publicitaire illicite : l’obligation d’agir du Préfet

Même si les propriétaires des terrains où sont implantés des dispositifs publicitaires illicites n’ont pu être identifiés, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu’en application des dispositions de l’article L. 581-27 du code de l’environnement, le préfet exerce ses pouvoirs de police à l’encontre des personnes pour le compte desquelles ces dispositifs ont été installés. En s’abstenant de faire usage de ses pouvoirs, le préfet commet une illégalité fautive.

Enseigne ou préenseigne irrégulière

Pour rappel, aux termes de l’article L. 581-27 du code de l’environnement, dès la constatation d’une publicité, d’une enseigne ou d’une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l’infraction ou son amnistie, l’autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les cinq jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux.

Notification de l’interdiction à l’annonceur  

Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l’enseigne ou la préenseigne irrégulière. Si cette personne n’est pas connue, l’arrêté est notifié à la personne pour le compte de laquelle ces publicités, enseignes ou préenseignes ont été réalisées. 

Publicité hors agglomération

En dehors des lieux qualifiés d’agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, toute publicité est interdite (L. 581-7 du code de l’environnement). Elle est toutefois autorisée à l’intérieur de l’emprise des aéroports ainsi que des gares ferroviaires et routières et des équipements sportifs ayant une capacité d’accueil d’au moins 15 000 places.

La publicité peut également être autorisée par le règlement local de publicité de l’autorité administrative compétente à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération, dans le respect de la qualité de vie et du paysage et des critères, en particulier relatifs à la densité.

Sur l’emprise des aéroports et des gares ainsi que des équipements sportifs mentionnés aux articles L. 581-7 et L. 581-10, ces dispositifs sont interdits si les affiches qu’ils supportent :

-ne sont visibles que d’une autoroute ou d’une bretelle de raccordement à une autoroute ainsi que d’une route express ;

-ne sont visibles que d’une déviation ou voie publique située hors agglomération et hors de l’emprise des aéroports et des gares ferroviaires ainsi que des équipements sportifs concernés (article R. 581-31).

Dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants et dans celles de moins de 10 000 habitants faisant partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants, ainsi que sur l’emprise des aéroports et des gares ferroviaires et routières hors agglomération, les dispositifs publicitaires non lumineux scellés au sol ou installés directement sur le sol ne peuvent ni s’élever à plus de 6 mètres au-dessus du niveau du sol, ni avoir une surface supérieure à 12 mètres carrés (R. 581-32 du même code).

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Tribunal administratif de Bastia

1ère chambre, 15 juillet 2022

N° 2000011

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 janvier 2020, le 19 janvier 2021 et le 19 juillet 2021 et un mémoire récapitulatif, enregistré le 22 décembre 2021, l’association Paysages de France, représentée par Me Clement, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite de rejet de sa demande, dans l’hypothèse où, concernant le dispositif mentionné sur la fiche n° 2BCAL-22, le préfet de la Haute-Corse n’aurait pas pris l’arrêté de mise en demeure prescrit par l’article L. 581-27 du code de l’environnement ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Corse, s’agissant du dispositif correspondant à la fiche n° 2B-CAL-17, de mettre en œuvre, dans le délai de cinq jours suivant la notification du jugement, les mesures prévues aux articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l’environnement ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Corse, s’agissant du dispositif n° 2B-CAL-22, de prendre, dans le délai de cinq jours suivant la notification du jugement et après avoir fait constater l’infraction concernée, les mesures prévues à l’article L. 581-27 du code de l’environnement, et, à défaut pour le contrevenant de s’exécuter dans le délai de cinq jours à réception de l’arrêté prévu à cet article, de mettre en œuvre les dispositions des articles L. 581-30 et L. 581-31 du même code ;

4°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Corse, s’agissant des dispositifs N° 2B-CAL-03 et n° 2B-CAL-07, de mettre en œuvre, dans le délai de dix jours suivant la notification du jugement, les mesures prévues à l’article L. 581-29 du code de l’environnement ;

5°) d’assortir ces injonctions d’une astreinte de 350 euros par jour de retard ;

6°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

7°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 7 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— ses conclusions à fin d’annulation ne sont pas tardives, le préfet n’ayant pas accusé réception de sa demande du 28 avril 2016, en application de l’article L. 112-6 du code des relations entre le public et l’administration ; aucune connaissance acquise d’une décision implicite de rejet de cette demande ne peut lui être opposée, le préfet n’ayant cessé de laisser entendre qu’il n’excluait pas d’y faire droit et des circonstances particulières justifiant qu’un délai raisonnable ne s’applique ;

— ses conclusions indemnitaires ne sont pas tardives, le préfet n’ayant pas accusé réception de sa demande du 30 août 2019, en application de l’article L. 112-6 du code des relations entre le public et l’administration ;

— les dispositifs critiqués constituent des publicités, préenseignes et enseignes en application de l’article L. 581-3 du code de l’environnement ; les publicités et préenseignes mentionnées dans les fiches d’infraction n°s 2B- CAL-03 à 2B-CAL-12, dans les fiches d’infraction n°s 2B-CAL-18 à 2B-CAL-22 et dans la fiche d’infraction n° 2B-CAL-24 étaient installées hors agglomération, en méconnaissance des articles L. 581-7 et L. 581-10 du code de l’environnement, sans que le préfet puisse lui opposer une « dérogation aéroport » ; la publicité mentionnée dans la fiche d’infraction n° 2B-CAL-13 était scellée au sol et installée dans une agglomération de moins de 10 000 habitants, en violation de l’article R. 581-31 du code de l’environnement ; les enseignes scellées au sol mentionnées dans les fiches n°s 2B-CAL-15, 2B-CAL-16 (2 enseignes) et 2B-CAL-23 étaient d’une surface supérieure à celle autorisée par l’article R.581-65 du code de l’environnement ; l’enseigne mentionnée dans la fiche n° 2B-CAL-17 dépassait du mur qui la supportait, en méconnaissance de l’article R. 581-60 du code de l’environnement ; le préfet était tenu d’user de ses pouvoirs de police spéciale en application de l’article L. 581-27 du code de l’environnement qui est opposable aux enseignes, publicités et préenseignes ;

— le refus du préfet d’exercer ce pouvoir de police est entaché d’une illégalité fautive, la quasi-totalité des dispositifs relevés dans sa lettre du 28 avril 2016 étant toujours en place, lui causant, du fait de l’absence ou de la tardiveté de telles mesures, un préjudice moral.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 décembre 2020 et le 28 juin 2021, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— la requête est tardive, ayant été enregistrée environ 3 ans et 6 mois après la naissance d’une décision implicite de rejet de la demande de l’association Paysages de France ;

— les moyens soulevés par cette association ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Jan Martin, premier conseiller,

— et les conclusions de Mme Christine Castany, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L’association Paysages de France a, par lettre du 25 avril 2016 reçue le 28 avril suivant, demandé au préfet de la Haute-Corse de faire application des dispositions des articles L. 581-14-2 et L. 581-27 du code de l’environnement et de prendre des arrêtés de mise en demeure en vue de la suppression ou de la mise en conformité de plusieurs dispositifs de publicités, enseignes ou pré-enseignes installés irrégulièrement sur le territoire de la commune de Calvi. L’association Paysages de France demande au tribunal d’annuler la décision implicite de rejet de sa demande, née le 28 juin 2016 du silence gardé par le préfet, dans l’hypothèse où, concernant le dispositif mentionné sur la fiche n° 2BCAL-22, le préfet de la Haute-Corse n’aurait pas pris l’arrêté de mise en demeure prescrit par l’article L. 581-27 du code de l’environnement. Elle demande également au tribunal d’enjoindre au préfet d’édicter des arrêtés de mise en demeure de régulariser ou supprimer les dispositifs irréguliers. Enfin, à la suite de sa réclamation indemnitaire préalable du 30 août 2019, réceptionnée le 2 septembre 2020 et demeurée sans réponse, elle demande au tribunal de condamner l’Etat à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice moral résultant des fautes commises par le préfet.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l’article R. 421-2 du code de justice administrative : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l’autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l’intéressé dispose, pour former un recours, d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu’une décision explicite de rejet intervient avant l’expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. () ». Aux termes de l’article L. 112-3 du code des relations entre le public et l’administration : « Toute demande adressée à l’administration fait l’objet d’un accusé de réception. ». Aux termes de l’article R. 112-5 du même code :  » L’accusé de réception prévu par l’article L. 112-3 comporte les mentions suivantes : 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d’une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; 2° La désignation, l’adresse postale et, le cas échéant, électronique, ainsi que le numéro de téléphone du service chargé du dossier ; 3° Le cas échéant, les informations mentionnées à l’article L. 114-5, dans les conditions prévues par cet article. Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d’acceptation. Dans le premier cas, l’accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l’encontre de la décision. Dans le second cas, il mentionne la possibilité offerte au demandeur de se voir délivrer l’attestation prévue à l’article L. 232-3. « . Aux termes de l’article L. 112-6 du même code : » Les délais de recours ne sont pas opposables à l’auteur d’une demande lorsque l’accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. Le défaut de délivrance d’un accusé de réception n’emporte pas l’inopposabilité des délais de recours à l’encontre de l’auteur de la demande lorsqu’une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l’expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite. « . Il résulte de ces dispositions qu’en l’absence d’un accusé de réception comportant les mentions prévues par ces dernières dispositions, les délais de recours contentieux contre une décision implicite de rejet ne sont pas opposables à son destinataire.

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.

4. Les règles énoncées au point 3, relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d’une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d’une décision implicite de rejet née du silence gardé par l’administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu’il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d’une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu’il est établi, soit que l’intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d’une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l’administration, notamment à l’occasion d’un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s’il n’a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l’administration, dispose alors, pour saisir le juge, d’un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l’événement établissant qu’il a eu connaissance de la décision.

5. Aux termes de l’article L. 581-27 du code de l’environnement : « Dès la constatation d’une publicité, d’une enseigne ou d’une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l’infraction ou son amnistie, l’autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les cinq jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. / Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l’enseigne ou la préenseigne irrégulière. / Si cette personne n’est pas connue, l’arrêté est notifié à la personne pour le compte de laquelle ces publicités, enseignes ou préenseignes ont été réalisées. ».

6. Il est constant que la demande de l’association Paysages de France tendant à ce que le préfet de la Haute-Corse mette en œuvre ses pouvoirs de police sur le fondement des dispositions de l’article L. 581-27 du code de l’environnement, réceptionnée par ce dernier le 28 avril 2016, n’a pas fait l’objet de l’accusé de réception prévu à l’article R. 112-5 du code des relations entre le public et l’administration. Néanmoins, ainsi que le préfet le soutient, il résulte des échanges ultérieurs avec cette association, notamment de la lettre de cette dernière du 17 juillet 2018 qui indique que l’absence de réponse du préfet à sa demande du 22 novembre 2017 relative à la présence de 22 dispositifs installés irrégulièrement, est constitutive d’un refus implicite de donner suite à la totalité de ses demandes. Il s’ensuit qu’en mentionnant expressément une telle décision au cours de ses échanges avec l’administration, l’association requérante a nécessairement pris connaissance de cette décision au plus tard le 17 juillet 2018, si bien que la requête enregistrée le 6 janvier 2020 doit être regardée comme tardive en tant qu’elle comporte des conclusions à fin d’annulation. Par voie de conséquence, les conclusions de l’association Paysages de France aux fins d’injonction et d’astreinte doivent également être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Aux termes de l’article L. 581-7 du code de l’environnement : « En dehors des lieux qualifiés d’agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, toute publicité est interdite. Elle est toutefois autorisée à l’intérieur de l’emprise des aéroports ainsi que des gares ferroviaires et routières et des équipements sportifs ayant une capacité d’accueil d’au moins 15 000 places, selon des prescriptions fixées par décret en Conseil d’Etat. La publicité peut également être autorisée par le règlement local de publicité de l’autorité administrative compétente à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération, dans le respect de la qualité de vie et du paysage et des critères, en particulier relatifs à la densité, fixés par décret. ». L’article R. 581-31 de ce code dispose :  » () Sur l’emprise des aéroports et des gares ainsi que des équipements sportifs mentionnés aux articles L. 581-7 et L. 581-10, ces dispositifs sont interdits si les affiches qu’ils supportent : -ne sont visibles que d’une autoroute ou d’une bretelle de raccordement à une autoroute ainsi que d’une route express ; -ne sont visibles que d’une déviation ou voie publique située hors agglomération et hors de l’emprise des aéroports et des gares ferroviaires ainsi que des équipements sportifs concernés. « . Selon l’article R. 581-32 du même code : » Dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants et dans celles de moins de 10 000 habitants faisant partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants, ainsi que sur l’emprise des aéroports et des gares ferroviaires et routières hors agglomération, les dispositifs publicitaires non lumineux scellés au sol ou installés directement sur le sol ne peuvent ni s’élever à plus de 6 mètres au-dessus du niveau du sol, ni avoir une surface supérieure à 12 mètres carrés. « .

8. En premier lieu, il résulte de l’instruction que les dispositifs publicitaires, scellés au sol, mentionnés sur les fiches n° 2BCAL-22, 2BCAL-23 et 2BCAL-24 établies par l’association Paysages de France sont situés hors de l’agglomération de Calvi. Si, en défense, le préfet de la Haute-Corse se prévaut de ce que ces dispositifs s’implantent dans l’emprise de l’aéroport de Calvi, ils ne sont visibles que de la voie publique, au sens des dispositions de l’article R. 581-31 du code de l’environnement. En tout état de cause, le préfet ne conteste pas que la surface de ces panneaux est supérieure à 12 m2 au regard des dispositions de l’article R. 581-32 précité. Il suit de là que le préfet de la Haute-Corse, saisi d’une demande circonstanciée de l’association Paysages de France tendant à ce qu’il prenne « des arrêtés de mise en demeure en vue de la suppression ou de la mise en conformité des dispositifs publicitaires », fondée sur les dispositions de l’article L. 581-27 du code de l’environnement, était tenu, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, de faire usage des pouvoirs que lui confère cet article et notamment de faire constater les éventuelles infractions par des agents habilités à cette fin. En s’abstenant d’y pourvoir, le préfet a méconnu les obligations que lui imposent ces dispositions.

9. En deuxième lieu, s’agissant des dispositifs référencés sous les fiches n°s 2BCAL-03 et 2BCAL-07, la circonstance que les propriétaires des terrains où ils s’implantent n’ont pu être identifiés ne fait pas obstacle à ce qu’en application des dispositions de l’article L. 581-27 du code de l’environnement, le préfet exerce ses pouvoirs de police à l’encontre des personnes pour le compte desquelles ces dispositifs ont été installés. Dès lors, en s’abstenant de faire usage des pouvoirs précités, le préfet a également commis une illégalité fautive.

10. En troisième lieu, s’agissant des dispositifs correspondant aux fiches n°s 2BCAL-15, 2BCAL-16 et 2BCAL-17, la circonstance qu’ils correspondent à des enseignes ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de la Haute-Corse, saisi d’une demande circonstanciée de l’association Paysages de France sur le fondement de l’article L. 581-27 du code de l’environnement, soit tenu, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, de faire usage des pouvoirs que lui confère cet article et notamment de faire constater les éventuelles infractions par des agents habilités à cette fin. Dès lors, s’il résulte de l’instruction que par des arrêtés du 22 mars 2021, le préfet a mis en demeure les contrevenants de supprimer ces dispositifs, en tardant à le faire, il a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.

11. En quatrième lieu, il résulte de l’instruction, notamment des écritures en défense, qu’au 1er avril 2021, les 16 autres dispositifs contestés par l’association requérante à l’appui de sa demande du 25 avril 2016 ont été régularisés à l’initiative des services de l’Etat, dont deux en 2017, un en 2019, onze en 2020 et deux en 2021. Néanmoins, eu égard au retard du préfet à exercer ses pouvoirs de police, ce dernier doit être regardé comme ayant également commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.

12. Dès lors, le travail que suppose pour l’association la protection des intérêts mentionnés dans ses statuts est complexe et important et le nombre des infractions constatées sur le territoire de la commune de Calvi, la durée de leur persistance et la multiplicité des démarches qu’elle a dû accomplir pour tenter d’y faire mettre un terme ont pu être de nature à porter atteinte à sa crédibilité, remettre en cause ses efforts au plan national et au plan local et donc à entraver la réalisation de son objet social. Il s’ensuit que l’association requérante doit être regardée comme démontrant l’existence d’un préjudice moral direct, certain et personnel.

13. Eu égard au nombre des infractions relevées et à la durée de l’inertie des services de l’Etat, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l’association requérante en l’évaluant à une somme de 5 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’association Paysages de France et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L’État est condamné à verser à l’association Paysages de France une indemnité de 5 000 euros.

Article 2 : L’État versera à l’association Paysages de France une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l’association Paysages de France et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse ainsi que, à titre d’information, au maire de Calvi.

Délibéré après l’audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Thierry Vanhullebus, président ;

M. Jan Martin, premier conseiller ;

M. Hanafi Halil, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé

J. MARTIN

Le président,

Signé

T. VANHULLEBUS La greffière,

Signé

R. ALFONSI

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

R. ALFONSI


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