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La protection d‘une marque renommée n’est pas acquise pour les produits et services pour lesquels le public pertinent ne fait pas d’association (produits et services non visés par les classes non visées à l’enregistrement). Il est donc possible, au grand dam des marques bénéficiant d’une certaine notoriété, de voir des tiers déposer le même signe verbal pour des produits et services non visés par leurs classes de dépôt.
En l’occurrence, il a été jugé que pour les produits et services de décoration, véhicules électriques, contrôle technique, machines-outils et art contemporain, le public concerné ne fera pas de lien avec la marque RICHARD MILLE renommée pour des produits d’horlogerie et instruments chronométriques de grand luxe.
Le directeur général de l’INPI, par la décision attaquée, a retenu que même si les signes en présence sont identiques et la marque antérieure intrinsèquement distinctive, dotée en outre d’un degré élevé de connaissance sur le marché pertinent, l’intensité de sa renommée n’apparaît pas telle que la marque contestée puisse évoquer la marque antérieure dans l’esprit du consommateur concerné compte tenu des grandes différences entre les produits et services suivants désignés par la marque contestée (instruments agricoles etc.).
L’atteinte à la marque renommée est constituée quand le public concerné par les produits ou services couverts par la marque établit un lien ou une association entre cette marque et le signe opposé et qu’il en résulte pour son titulaire un préjudice en raison de la dilution ou du ternissement de la marque ou encore en raison du profit indu que le déposant du signe critiqué est susceptible de tirer de la forte connaissance de la marque.
L’existence d’un lien ou d’une association avec la marque renommée doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent notamment:
— le degré de similitude entre les signes en conflit,
— la nature des produits ou services en cause y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné,
— l’intensité de la renommée de la marque antérieure,
— le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure,
— l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.
Dans la comparaison des produits ou services en cause, il y a lieu de tenir compte, en particulier, de la nature, la destination, l’utilisation ainsi que du caractère concurrent ou complémentaire de ces produits ou services.
Quant au public pertinent, l’absence de similitude (ou de chevauchement) entre les publics respectivement concernés par les signes en conflit peut être compensée par l’intensité de la renommée de la marque antérieure.
Selon les dispositions, applicables en l’espèce, de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 en vigueur au 11 décembre 2019 :
Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle.
L’article L.714-3 du même code précise : Est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711- 4.
Et l’article L.713-5 du même code prévoit :
L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
ARRÊT DU 11 FEVRIER 2022
Pôle 5 – Chambre 2 (n°26) Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/05616 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDLK4
Décision déférée à la Cour : décision du 22 décembre 2020 – Institut National de la Propriété Industrielle – Numéro : NL 20-0009 / CEF
DECLARANTE AU RECOURS Société TURLEN HOLDING, société de droit suisse, agissant en la personne de ses vice-président du conseil d’administration et directeur général, MM. G et M, domiciliés en cette qualité au siège social situé Rue du Jura 11 2345 LES BREULEUX SUISSE
Représentée par Me Sylvie BENOLIEL-CLAUX du Cabinet BENOLIEL AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque C 415
EN PRESENCE DE MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (INPI) 15, rue des Minimes CS 50001 92677 COURBEVOIE CEDEX
Représenté par Mme Caroline LE PELTIER, Chargée de Mission
APPELE EN CAUSE M. H Assigné à personne et n’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Brigitte CHOKRON, Présidente,
Mme Brigitte CHOKRON a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Brigitte CHOKRON, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole T
Le dossier a préalablement été transmis au Ministère Public, représenté par Mme Muriel FUSINA, Avocate Générale
ARRET : Réputé contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu la décision rendue le 22 décembre 2020 par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui, statuant sur la demande en nullité, formée par la société Turlen Holding SA (de droit suisse) pour atteinte à ses droits antérieurs sur les marques verbales internationales désignant l’Union européenne RICHARD MILLE n°732812 et n°1338089, à l’encontre de la marque verbale RICHARD MILLE n°194595661 déposée le 2 novembre 2019 par M. H, l’a déclarée partiellement justifiée en ce qu’elle porte sur les produits et services suivants :
‘Machines-outils ; moteurs (à l’exception des moteurs pour véhicules terrestres) ; accouplements et organes de transmission (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres) ; machines d’aspiration à usage industriel ; machines à travailler le bois ; manipulateurs industriels (machines) ; machines d’emballage ; pompes (machines) ; perceuses à main électriques ; tournevis électriques ; machines à trier pour l’industrie ; scies (machines) ; robots (machines) ; machines à imprimer ; foreuses ; élévateurs ; véhicules ; appareils de locomotion terrestres ; appareils de locomotion aériens ; appareils de locomotion maritimes ; amortisseurs de suspension pour véhicules ; carrosseries ; chaînes antidérapantes ; châssis de véhicules ; pare- chocs de véhicules ; stores (pare-soleil) conçus pour véhicules terrestres à moteur ; ceintures de sécurité pour sièges de véhicules ; véhicules électriques ; caravanes ; tracteurs ; vélomoteurs ; cycles ; cadres de cycles ; béquilles de cycles ; freins de cycles ; guidons de cycles; jantes de cycles ; pédales de cycles ; pneumatiques de cycles ; roues de cycles ; selles de cycles; poussettes ; chariots de manutention ; évaluations techniques concernant la conception (travaux d’ingénieurs) ; recherches scientifiques ; recherches techniques ; recherche et développement de nouveaux produits pour des tiers ; conduite d’études de projets techniques ; services de conception d’art graphique ; stylisme (esthétique industrielle) ; télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; communications par terminaux d’ordinateur; communications par réseaux de fibres optiques ; communications radiophoniques ; communications téléphoniques ; radiotéléphonie mobile ; fourniture d’accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux ; mise à disposition de forums en ligne ; fourniture d’accès à des bases de données ; services d’affichage électronique (télécommunications) ; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial ; location d’appareils de télécommunication ; émissions radiophoniques ; émissions télévisées ; services de téléconférences ; services de visioconférence ; services de messagerie électronique ; location de temps d’accès à des réseaux informatiques mondiaux ; conception d’ordinateurs pour des tiers; développement d’ordinateurs ; conception de logiciels ; développement de logiciels ; élaboration (conception) de logiciels ; installation de logiciels ; maintenance de logiciels ; mise à jour de logiciels ; location de logiciels ; programmation pour ordinateurs ; analyse de systèmes informatiques ; conception de systèmes informatiques ; services de conseillers en matière de conception et de développement de matériel informatique ; numérisation de documents ; logiciel-service (SaaS) ; informatique en nuage ; conseils en technologie de l’information ; hébergement de serveurs ; stockage électronique de données et a, en conséquence, déclaré partiellement nulle la marque RICHARD MILLE n°194595661 pour les produits et services précités.
Vu la déclaration de recours déposée le 19 mars 2021 par la société Turlen Holding qui demande à la cour, par réformation de la décision de nullité partielle sus-visée, de prononcer la nullité de la marque RICHARD MILLE n°19 4 595 661 pour l’intégralité des produits et services désignés.
Vu le mémoire de la requérante exposant les moyens au soutien du recours, remis au greffe le 21 juillet 2021.
Vu la signification par huissier de justice faite à M. H de la déclaration de recours suivant acte délivré à sa personne le 27 mai 2021 et du mémoire exposant les moyens au soutien du recours suivant acte remis à un tiers présent à son domicile le 27 juillet 2021.
Vu les observations écrites du directeur général de l’INPI reçues au greffe pour l’audience du 25 novembre 2021 et concluant au bien- fondé de la décision attaquée nonobstant les pièces nouvelles versées au débat par la requérante.
Le ministère public ayant été avisé.
SUR CE :
M. H ne s’est pas manifesté dans le cadre de la procédure devant le directeur général de l’INPI et ne s’est pas constitué devant la cour.
Il est statué à son égard par arrêt réputé contradictoire dès lors qu’il a été touché par l’acte de signification de la déclaration de recours qui lui a été remis en personne.
La demande en nullité formée par la société Turlen Holding concerne la marque RICHARD MILLE déposée le 2 novembre 2019 par M. H et porte sur l’intégralité des produits et services visés au dépôt à savoir :
classe 7 : Machines-outils ; moteurs (à l’exception des moteurs pour véhicules terrestres) ; accouplements et organes de transmission (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres) ; instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement ; distributeurs automatiques ; machines agricoles ; machines d’aspiration à usage industriel ; machines à travailler le bois ; manipulateurs industriels (machines) ; machines d’emballage ; pompes (machines) ; perceuses à main électriques ; tournevis électriques ; tondeuses (machines) ; bouldozeurs ; broyeurs (machines) ; centrifugeuses (machines) ; ascenseurs ; machines à coudre ; machines à tricoter; repasseuses ; lave-linge ; machines de cuisine électriques ; couteaux électriques ; machines à trier pour l’industrie ; scies (machines) ; robots (machines) ; machines à imprimer ; foreuses ; élévateurs ; classe 12 : Véhicules ; appareils de locomotion terrestres ; appareils de locomotion aériens ; appareils de locomotion maritimes ; amortisseurs de suspension pour véhicules ; carrosseries; chaînes antidérapantes ; châssis de véhicules ; pare-chocs de véhicules ; stores (pare-soleil) conçus pour véhicules terrestres à moteur ; ceintures de sécurité pour sièges de véhicules ; véhicules électriques ; caravanes ; tracteurs ; vélomoteurs ; cycles ; cadres de cycles ; béquilles de cycles ; freins de cycles ; guidons de cycles ; jantes de cycles ; pédales de cycles ; pneumatiques de cycles ; roues de cycles ; selles de cycles ; poussettes ; chariots de manutention ;
classe 38 : Télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; communications par terminaux d’ordinateurs ; communications par réseaux de fibres optique ; communications radiophoniques ; communications téléphoniques ; radiotéléphonie mobile ; fourniture d’accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux ; mise à disposition de forums en ligne ; fourniture d’accès à des bases de données ; services d’affichage électronique (télécommunications) ; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial; agences de presse ; agences d’informations (nouvelles) ; location d’appareils de télécommunication ; émissions radiophoniques ; émissions télévisées ; services de téléconférences ; services de
visioconférence ; services de messagerie électronique ; location de temps d’accès à des réseaux informatiques mondiaux ;
classe 42 : Evaluations techniques concernant la conception (travaux d’ingénieurs) ; recherches scientifiques ; recherches techniques ; conception d’ordinateurs pour des tiers ; développement d’ordinateurs ; conception de logiciels ; développement de logiciels ; recherche et développement de nouveaux produits pour des tiers ; conduite d’études de projets techniques ; architecture ; décoration intérieure ; élaboration (conception) de logiciels ; installation de logiciels ; maintenance de logiciels ; mise à jour de logiciels ; location de logiciels ; programmation pour ordinateurs ; analyse de systèmes informatiques ; conception de systèmes informatiques ; services de conseillers en matière de conception et de développement de matériel informatique ; numérisation de documents ; logiciel-service (SaaS) ; informatique en nuage ; conseils en technologie de l’information ; hébergement de serveurs ; contrôle technique de véhicules automobiles ; services de conception d’art graphique ; stylisme (esthétique industrielle); authentification d ‘œuvres d’art ; audits en matière d’énergie ; stockage électronique de données.
Dans le cadre de la procédure soumise au directeur général de l’INPI la société Turlen Holding invoquait deux motifs de nullité fondés sur les droits antérieurs suivants :
Un premier motif de nullité pour atteinte à la renommée de la marque verbale internationale RICHARD MILLE n°732812 déposée le 31 mars 2000 en désignant notamment la France et l’Union européenne, puis ayant fait l’objet d’une désignation postérieure le 14 février 2014 avec revendication d’ancienneté de la partie française de la marque, en ce qu’elle vise les métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes, joaillerie, bijouterie, pierres précieuses, horlogerie et instruments chronométriques en classe 14 ;
Un deuxième motif de nullité en présence d’un risque de confusion avec la marque verbale internationale RICHARD MILLE n°1338089 désignant l’Union européenne, enregistrée le 26 octobre 2016 sous priorité de la marque suisse n°692605 du 9 mai 2016 pour divers produits en classe 9.
Devant la cour, la société Turlen Holding fait valoir que c’est à tort que le directeur général de l’INPI, qui a justement reconnu la renommée de la marque RICHARD MILLE n°732812 pour les produits d’horlogerie et instruments chronométriques, a considéré que la marque RICHARD MILLE n°19 4595 661 doit être déclarée valide pour les instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement ; distributeurs automatiques ; machines agricoles ; tondeuses (machines) ; bouldozeurs ; broyeurs (machines) ; centrifugeuses (machines) ; ascenseurs ; machines à coudre ; machines à tricoter ;
repasseuses ; lave-linge ; machines de cuisine électriques ; couteaux électriques ; agences de presse ; agences d’informations (nouvelles) ; architecture ; décoration intérieure ; contrôle technique de véhicules automobiles ; authentification d’œuvres d’art ; audits en matière d’énergie . Cette décision procède, selon elle, d’une appréciation erronée du lien existant entre ces produits et services et les produits pour lesquels la marque RICHARD MILLE n°732812 est renommée.
Selon les dispositions, applicables en l’espèce, de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 en vigueur au 11 décembre 2019 :
Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle.
L’article L.714-3 du même code précise : Est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711- 4.
Et l’article L.713-5 du même code prévoit :
L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
Ainsi que le rappelle la requérante au visa des textes précités, l’atteinte à la marque renommée est constituée quand le public concerné par les produits ou services couverts par la marque établit un lien ou une association entre cette marque et le signe opposé et qu’il en résulte pour son titulaire un préjudice en raison de la dilution ou du ternissement de la marque ou encore en raison du profit indû que le déposant du signe critiqué est susceptible de tirer de la forte connaissance de la marque.
L’existence d’un lien ou d’une association avec la marque renommée doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent notamment:
— le degré de similitude entre les signes en conflit,
— la nature des produits ou services en cause y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné,
— l’intensité de la renommée de la marque antérieure,
— le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure,
— l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.
Dans la comparaison des produits ou services en cause, il y a lieu de tenir compte, en particulier, de la nature, la destination, l’utilisation ainsi que du caractère concurrent ou complémentaire de ces produits ou services.
Quant au public pertinent il est justement observé par la requérante que l’absence de similitude (ou de chevauchement) entre les publics respectivement concernés par les signes en conflit peut être compensée par l’intensité de la renommée de la marque antérieure.
En l’espèce, le directeur général de l’INPI, par la décision attaquée, a retenu que même si les signes sont identiques et la marque antérieure intrinsèquement distinctive, dotée en outre d’un degré élevé de connaissance sur le marché pertinent, l’intensité de sa renommée n’apparaît pas telle que la marque contestée puisse évoquer la marque antérieure dans l’esprit du consommateur concerné compte tenu des grandes différences entre les produits et services suivants désignés par la marque contestée : instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement ; distributeurs automatiques ; machines agricoles ; tondeuses (machines) ; bouldozeurs ; broyeurs (machines) ; centrifugeuses (machines) ; ascenseurs ; machines à coudre; machines à tricoter ; repasseuses ; lave-linge ; machines de cuisine électriques ; couteaux électriques ; agences de presse ; agences d’informations (nouvelles) ; architecture ; décoration intérieure ; contrôle technique de véhicules automobiles ; authentification d’œuvres d’art ; audits en matière d’énergie et les produits d’horlogerie et instruments chronométriques qui font la renommée de la marque antérieure.
La société Turlen Holding soutient à l’inverse que la renommée de sa marque est très large et s’étend bien au-delà du domaine de l’horlogerie et des instruments chronométriques compte tenu du nombre de partenariats conclus avec différentes personnalités appartenant à des secteurs très variés tels que :
— le sport : formule 1, tennis, cyclisme, danse, voile, football, équitation, rallye automobile, athlétisme, ski, golf, polo,
— le cinéma,
– l’art contemporain,
— la cuisine,
— la musique.
Elle ajoute que les importants investissements réalisés pour des campagnes de communication dans la presse et sur les réseaux sociaux autour de ces partenariats permettent à la marque RICHARD MILLE de toucher un très large public, qui s’étend au-delà du public concerné par les produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée, et qu’il est donc possible que le public concerné par les produits et services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée effectue un rapprochement entre les marques en conflit alors même qu’il serait tout à fait distinct du public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée.
Ceci posé, il importe de procéder à l’analyse des produits et services en cause.
Sur les services de contrôle technique de véhicules automobiles,
La requérante fait valoir que le contrôle technique de véhicules s’adresse à tous les propriétaires de véhicules automobiles y compris à ceux qui exploitent des écuries de formule 1 et souligne avoir investi dans ce secteur dans le cadre de partenariats avec Mac Laren et Ferrari qui ont contribué à étendre la renommée de sa marque. Elle ajoute qu’il y aurait une contradiction à admettre, avec le directeur général de l’INPI, que le public est en mesure d’établir un lien entre les marques pour tous les véhicules (y compris électriques) et à nier l’existence d’un lien pour les services de contrôle technique de véhicules automobiles.
Il demeure que le contrôle technique de véhicules automobiles qui est une mesure de sécurité routière obligatoire pour tous les propriétaires de véhicules automobiles est sans rapport avec les produits pour lesquels la marque antérieure est renommée. Quand bien même cette renommée serait désormais étendue à la formule 1, les publics concernés, à savoir le très large public des consommateurs moyens propriétaires d’un véhicule automobile d’une part, et le public restreint des amateurs de sports automobiles d’autre part, sont différents et peu susceptibles de se rencontrer, les uns se rendant chez le garagiste les autres fréquentant les circuits de course automobile.
En outre, le fait qu’un lien ait été reconnu avec tous les véhicules (y compris électriques) de la marque contestée ne suffit pas à justifier que ce lien soit étendu à tous les services en relation avec des véhicules automobiles.
Il s’ensuit que c’est à juste raison que le directeur général de l’INPI a retenu que le public concerné par les services de contrôle technique de véhicules automobiles de la marque seconde n’effectuera pas de lien entre cette marque et la marque antérieure invoquée, renommée pour les produits d’horlogerie et instruments chronométriques.
Sur les services d’authentification d’œuvres d’art,
La société requérante reproche au directeur général de l’INPI d’avoir conclu que les produits et services visés par les marques n’étaient pas susceptibles de se chevaucher. Elle se fonde sur les articles de presse versés au débat qui se font l’écho de ses partenariats dans le domaine de l’art. Elle souligne en particulier sa présence, depuis 2018, dans les foires d’art contemporain ‘Frieze London’ et ‘Frieze Masters’ qui rassemblent chaque année plus de 100.000 visiteurs, son parrainage, depuis 2016, de l’artiste de Street Art K et son soutien apporté, depuis 2019, au Palais de Tokyo à Paris qui accueille plus de 640.000 visiteurs par an. Elle observe que les services visés par la marque contestée s’adressent, comme les produits de la marque invoquée, à une clientèle fortunée et exigeante, férue d’esthétique et de culture et en déduit que, compte tenu des liens étroits entre la marque RICHARD MILLE et le monde des arts, le public des services d’authentification d’œuvres d’art de la marque postérieure aura nécessairement comme référence la marque antérieure RICHARD MILLE.
Force est toutefois de relever avec le directeur général de l’INPI que la requérante procède par des affirmations d’ordre général et s’il est montré qu’elle ‘sponsorise’ des manifestations et des établissements culturels il n’est pas pour autant établi que la renommée de sa marque s’est étendue à tout ce qui touche au domaine artistique et il n’apparaît pas, en particulier, que le public concerné par les services d’authentification d’œuvres d’art qui requièrent un haut niveau d’expertise dans la connaissance des arts, effectuera un lien avec la marque antérieure renommée pour les produits d’horlogerie et instruments chronométriques.
Sur les services d’architecture ; décoration intérieure,
La requérante reprend pour ces services, qui appartiennent à un domaine voisin de l’art, les mêmes arguments que ceux précédemment énoncés. Elle ajoute que la conception d’une montre nécessite des compétences techniques et un sens artistique et présente ainsi une proximité, tant au plan technique qu’au plan artistique, avec la conception des bâtiments et des intérieurs. Il en résulte selon elle un chevauchement croissant entre l’horlogerie et l’architecture rapporté par la presse qui souligne ‘les liens entre l’art de bâtir un édifice et celui de fabriquer un objet qui mesure le temps’. Elle
observe enfin que les bâtiments de prestigieuses marques horlogères ont été conçus par de célèbres architectes.
Force est toutefois de relever que l’activité des célèbres architectes n’est pas cantonnée aux bâtiments des prestigieuses marques horlogères mais se déploie dans toutes sortes de constructions, habitations, bureaux, usines, génie civil, bâtiments culturels, appartenant à des secteurs divers de l’activité économique et qu’il n’est pas montré que le public établira une association entre l’horlogerie et l’architecture. En outre, l’observation d’ordre général selon laquelle l’horlogerie et l’architecture requièrent à la fois des compétences techniques et un sens artistique ne suffit pas à les rapprocher dans l’esprit des publics concernés, s’agissant de compétences techniques très spécifiques et très différentes.
Sur les machines de cuisine électriques ; couteaux électriques, La requérante se prévaut des partenariats entre la marque et des chefs étoilés et de la campagne promotionnelle montrant le chef étoilé A D portant une montre RICHARD MILLE à son poignet.
Il demeure que les produits considérés ne sont pas réservés ni nécessairement associés à la haute gastronomie et aux chefs étoilés s’agissant de produits courants d’électro-ménager, présents dans les cuisines des ménages de consommateurs moyens. Le public concerné par ces produits ne fera donc pas de lien avec la marque RICHARD MILLE renommée pour des produits d’horlogerie et instruments chronométriques de grand luxe.
Sur les tondeuses (machines) ; centrifugeuses (machines) ; machines à tricoter; repasseuses; lave-linge ;
La société Turlen Holding soutient, s’agissant de ces produits, qu’ils s’adressent certes au grand public mais que celui-ci établira nécessairement un lien avec la marque antérieure compte tenu de l’intensité de sa renommée.
Il n’est pas davantage montré que le public de consommateurs moyens concerné par ces produits d’électroménager établira un lien avec la marque antérieure dont la renommée est associée à des produits d’horlogerie et instruments chronométriques de grand luxe dont il est rapporté dans la presse qu’ils atteignent des ‘prix stratosphériques’.
Sur les instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement ; distributeurs automatiques ; machines agricoles ; bouldozeurs ; broyeurs (machines) ; ascenseurs.
Concernant ces produits de la marque contestée la requérante admet qu’ils sont certes différents de ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée mais elle souligne qu’il s’agit dans les deux cas de produits conçus et développés par des ingénieurs de pointe, relevant d’une technologie complexe et de grande précision, et en constante évolution car reposant sur l’innovation. Elle ajoute que ces produits de la marque contestée s’adressent essentiellement à des professionnels et qu’un tel public opérera un rapprochement avec la marque première qui est connue pour être pionnière dans le domaine de l’horlogerie et réputée valoriser les nouvelles technologies et les matériaux innovants.
Les produits en présence sont cependant différents tant par leur nature que par leur fonction et par leur utilisation et sont destinés à des publics différents et le fait qu’ils soient les uns et les autres dotés d’éléments complexes et innovants ne suffit pas à les rapprocher dans l’esprit du public ce d’autant que beaucoup d’autres industries, relevant des domaines les plus variés ( médecine, aéronautique, télécommunications) font pareillement usage de technologies de pointe et de haute précision. Il s’ensuit que le public concerné par les produits précités de la marque contestée n’établira pas nécessairement un lien avec la marque antérieure quelle que soit l’intensité de sa renommée.
Sur les audits en matière d’énergie,
La requérante soutient que les marques horlogères sont soucieuses d’économies d’énergie et élaborent des piles longue durée et qu’en conséquence, les services précités peuvent tout à fait concerner les montres afin de déterminer comment optimiser l’énergie requise et améliorer l’efficacité énergétique.
Le directeur général de l’INPI a cependant retenu à juste raison que les services précités s’adressent à un public très large comprenant en particulier les propriétaires ou locataires de logements désireux de réduire leurs dépenses en matière d’énergie et qu’à supposer que les produits de la marque antérieure fassent l’objet de tels audits, ces services ne concerneront que le fabricant et non pas les consommateurs de sorte que les publics concernés apparaissent extrêmement éloignés.
Sur les machines à coudre, enfin, le fait que les bracelets des montres comportent des surpiqûres réalisées avec des machines à coudre est insuffisant à permettre de soutenir que le public concerné par ces produits effectuera un rapprochement avec la marque antérieure renommée pour les produits de l’horlogerie et les instruments chronométriques tant les produits en cause sont distincts tant par leur nature que par leur utilisation et leur destination.
Il découle en définitive des observations qui précèdent que les publics respectifs des produits et services précités ne pourront opérer un lien entre la marque contestée et la marque antérieure renommée. Le directeur général de l’INPI n’est donc pas critiquable pour avoir conclu que, pour ces produits et services de la marque contestée, l’atteinte à la renommée de la marque RICHARD MILLE n’est pas caractérisée.
La requérante invoque devant la cour un moyen nouveau tiré du dépôt frauduleux justifiant l’annulation de la marque pour l’intégralité des produits et services qu’elle désigne. Elle souligne que le déposant est coutumier des dépôts de dénominations identiques à des marques renommées, qu’il n’invoque en l’espèce aucun motif pour avoir choisi la dénomination RICHARD MILLE à titre de marque, qu’il n’a pas agi par hasard mais par volonté de nuire aux intérêts de tiers en détournant le droit des marques de sa finalité.
Il appartient cependant aux titulaires de marques qui s’estimeraient atteints dans leurs droits d’agir pour la défense de ces droits. En l’espèce, l’intention de nuire du déposant n’est pas démontrée et si la marque déposée est à juste titre contestée pour ceux des produits et services pour lesquels elle a été déclarée nulle par décision du directeur général de l’INPI, elle n’est pas critiquable, ainsi qu’il résulte des motifs qui précèdent, pour certains des produits et services qu’elle désigne et pour lesquels il n’est pas justifié d’une atteinte aux droits antérieurs de la société Turlen Holding.
Il s’ensuit que le recours formé par la société Turlen Holding à l’encontre de la décision du directeur général de l’INPI du 22 décembre 2020 est rejeté.
La requérante demande à la cour de condamner M. H à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile en tous les dépens incluant les frais d’huissier de justice afférents à la signification de la déclaration de recours et du mémoire au soutien du recours.
Cependant il n’y a pas lieu, en équité, à allouer à la requérante une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile en outre, ayant succombé au recours qui est rejeté, elle conservera la charge des dépens exposés pour la présente procédure.
PAR CES MOTIFS : Statuant par arrêt réputé contradictoire,
Rejette le recours de la société Turlen Holding,
Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que la société Turlen Holding conservera la charge de ses dépens.
Dit que le greffe procédera à la notification du présent arrêt par lettre recommandée avec accusé de réception aux parties ainsi qu’au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle.
La Greffière La Présidente