Création de personnage de clip par un artiste : toujours contractualiser
Création de personnage de clip par un artiste : toujours contractualiser
Ce point juridique est utile ?

L’auteur, compositeur, arrangeur, orchestrateur et réalisateur Prince AK, a l’origine de la création du personnage chanteur « Baby Lilly » a obtenu le transfert à son profit de la marque du même nom déposée par son producteur, le label Heben Music.

Selon les dispositions de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

En l’espèce, le dépôt frauduleux des marques Baby Lilly était caractérisé, la société Heben Music ayant en toute connaissance de cause et de façon déloyale privé l’artiste de la possibilité d’exploiter paisiblement la dénomination Baby Lilly alors même qu’il en avait été convenu selon les dispositions contractuelles arrêtées entre les parties et, en particulier, selon le contrat de production exécutive.

En s’appropriant la dénomination Baby Lilly, la société Heben Music s’assurait l’exclusivité de son utilisation pour les titres de son choix tout en étant libre de l’écarter pour les titres proposés par l’artiste qui se trouvait de la sorte empêché de diffuser, avec un autre producteur, les nouvelles oeuvres qu’il aurait écrites autour du personnage en question.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 25 MARS 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/15907 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTCJ

sur second renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 4 novembre 2020 (pourvoi n°H 18-18.455), d’un arrêt du pôle 5 chambre 2 de la Cour d’appel de PARIS rendu le 30 mars 2018 (RG n°17/04929) suite au premier renvoi après cassation par arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation du 11 janvier 2017 (pourvoi n°E 15-15.750) et rectifié par un arrêt du pôle 5 chambre 2 de la Cour d’appel de PARIS rendu le 29 juin 2018 (RG n°18/09424), sur appel d’un jugement de la 3ème chambre 2ème section du Tribunal de grande instance de PARIS du 15 juin 2012 (RG n°09/00184)

DEMANDEUR A LA SAISINE

M. B Z

Né le […] à […]

De nationalité française

Exerçant la profession d’auteur-compositeur-interprète

Demeurant 5, rue Benoît Malon – 94500 CHAMPIGNY-SUR-MARNE

Représenté par Me Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS, toque E 974

DEFENDERESSE A LA SAISINE

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS, représentée par Me Bertrand A, prise en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.S. HEBEN MUSIC

[…]

[…]

Assignée à personne habilitée et n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 3 février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme D E, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport Mme D E a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme D E, Présidente

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Mme Deborah BOHÉE, Conseillère, désignée en remplacement de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, empêchée

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Réputé contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme D E, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 15 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

– dit n’y avoir lieu à rejet de l’attestation de M. X du 16 décembre 2008,

– rejeté l’intégralité des demandes de M. B Z,

– déclaré irrecevable la demande reconventionnelle concernant la marque F Billy n°3 689 356,

– déclaré nul l’enregistrement par M. B Z de la marque française F G n°3 761 946 pour l’ensemble des produits et services qu’elle désigne en classes 9 et 41,

– dit que le jugement sera transmis a’ l’initiative de la partie la plus diligente au directeur général de l’INPI, aux fins d’inscription au registre national des marques,

– rejeté le surplus des demandes reconventionnelles,

– condamné M. B Z a’ payer a’ la société Heben Music et à Me Y et Me A e’s qualités la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu l’appel de ce jugement interjeté par M. Z le 23 août 2012.

Vu l’arrêt contradictoire rendu par la cour d’appel de Paris le 27 janvier 2015 qui a :

– dit n’y avoir lieu à rejeter des débats les pièces n°29 et 67 de l’intimé et à modifier l’intitulé de sa pièce 30,

– confirmé le jugement et y ajoutant,

– rejeté toute autre demande de M. Z,

– condamné M. Z à payer à la société Heben Music la somme de 8. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) le 11 janvier 2017 qui, saisie sur pourvoi de M. Z, a cassé et annulé l’arrêt précité mais seulement en ce qu’il rejette les demandes de M. Z fondées sur le dépôt frauduleux et le caractère trompeur des marques F G française n°3 432 222 et internationale n°92090, ainsi que la demande de transfert à son profit de ces marques déposées par la société Heben Music, déclaré nul l’enregistrement par M. Z de la marque F G n°3 761 946 pour l’ensemble des produits et services qu’elle désigne en classes 9 et 41 et dit que la décision sera transmise à l’initiative de la partie la plus diligente au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, aux fins d’inscription au registre national des marques, et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu l’arrêt rendu le 30 mars 2018, tel que rectifié le 29 juin 2018, par la cour d’appel de Paris qui, statuant dans les limites de l’arrêt de cassation du 11 janvier 2017, a :

– donné acte à Me A ès qualités de mandataire liquidateur de la société Heben Music de ce qu’il reprend au nom et dans l’intérêt de l’ensemble des créanciers de la procédure collective de la société Heben Music, les demandes formulées par la société Heben Music dans sesécritures du 23 janvier 2003, aux fins de solliciter la confirmation du jugement entrepris et le débouté de l’ensemble des demandes de M. Z, outre la reprise des demandes reconventionnelles quiétaient formées dans l’intérêt de la société Heben Music,

– infirmé le jugement du 15 juin 2012 en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes de M. Z et l’a condamné à payer la somme de 8. 000 euros à la société Heben Music au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

– déclaré M. Z recevable en sa demande en revendication des marques F G n°06 3 432 222 et n°920900,

– débouté M. Z de sa demande en revendication des marques F G n°06 3 432 222 et n°920 900,

– débouté M. Z de sa demande de dommages-intérêts,

– déclaré Me A ès qualités irrecevable en sa demande d’annulation de la marque française F G n°3 761 946 déposée 25 août 2010 par M. Z en classes 9 et 41,

– condamné Me A ès qualités à payer à M. Z la somme de 15. 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Me A ès qualités aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) le 4 novembre 2020 qui, saisie sur pourvoi de M. Z, a cassé et annulé l’arrêt précité mais seulement en ce qu’il déboute M. Z de sa demande de revendication des marques F G n°06 3 432 222 et n°920 900 ainsi que de sa demande de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 30 mars 2018, tel que rectifié le 29 juin 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris, remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.

Vu la déclaration de saisine par M. Z de la présente cour de renvoi remise au greffe le 4 novembre 2020 et signifiée par huissier de justice, avec l’avis de fixation de l’affaire à bref délai suite à renvoi après cassation du 25 mars 2021, à la société MJS Partners prise en la personne de Me A ès qualités de mandataire liquidateur de la société Heben Music (SAS) suivant acte remis à l’Etude le 1er avril 2021.

Vu les dernières conclusions de M. Z, remises au greffe le 20 mai 2021 et signifiées par huissier de justice à la société MJS Partners prise en la personne de Me A ès qualités de mandataire liquidateur de la société Heben Music (SAS) suivant acte remis à personne se déclarant habilitée à le recevoir, le 2 juin 2021, demandant à la cour d’infirmer le jugement déféré du 15 juin 2012 en ce qu’il a rejeté la demande de M. Z de transfert des marques déposées frauduleusement par la société Heben Music et de l’infirmer également en ce qu’il a rejeté la demande de M. Z de dommages- intérêts au titre du dépôt trompeur et frauduleux des marques.

Statuant à nouveau,

– ordonner le transfert de propriété de la marque française F G n°06/3432222, enregistrée le 1er juin 2006 pour les classes 3, 9, 11, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 26, 28, 34, 38 et 41, et de la marque internationale F G n°920900, enregistrée le 27 novembre 2006 pour les classes 9, 16 et 38, au profit de M. Z,

– ordonner la transcription du transfert de propriété de la marque française F G n°3432222 et de la marque internationale F G n°920900 sur les registres de l’INPI et de l’OMPI, aux frais de Me A ès qualités de mandataire liquidateur de la société Heben Music,

– inscrire la créance de M. Z au passif de la liquidation de la société Heben Music à un montant de 50.000 euros de dommages-intérêts,

– constater et inscrire la créance de M. Z au passif de la société Heben Music à un montant de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire que les entiers dépens de la présente instance seront inscrits au passif de la liquidation de la société Heben Music au profit de M. Z.

Vu l’ordonnance de clôture du 25 novembre 2021.

SUR CE, LA COUR :

En l’absence de constitution d’avocat de la partie défenderesse à la saisine, le présent arrêt, compte tenu des modalités précédemment précisées de signification des actes de la procédure, sera réputé contradictoire.

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure aux décisions ci-dessus visées et aux uniques conclusions de M. Z devant la présente cour de renvoi.

Il suffit de rappeler que M. Z, connu sous le pseudonyme de Prince AK, se présentant comme auteur,compositeur, arrangeur, orchestrateur et réalisateur, a écrit les paroles, avec M. X pour la musique, de la chanson intitulée ‘Allo Papy’ mettant en scène un personnage numérique représentant un F chanteur et, avec MM. X et Clavaud pour la musique, de la chanson intitulée ‘A l’école’, mettant en scène ce même personnage dénommé F G.

La société Heben Music a commercialisé à compter du 26 mars 2006 un disque format single intitulé ‘Allo Papy F G’ comprenant les deux titres. La pochette du disque mentionnait M. Z, sous son pseudonyme, comme co-auteur et réalisateur des chansons.

La société Heben Music ayant déposé le 1er juin 2006 la marque verbale française n°06 3 432 222 F G pour désigner différents produits et services des classes 3, 9, 11, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 26, 28, 34, 38 et 41 et, le 27 novembre 2006, la marque verbale internationale F G n°920900 pour les classes 9, 16 et 38, M. Z l’a assignée, sur le fondement des articles L. 712-6 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, pour dépôt frauduleux et trompeur, en demandant, notamment, le transfert à son profit de la propriété des deux marques et le paiement de dommages-intérêts.

Une procédure collective a été ouverte à l’égard de la société Heben Music par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 22 septembre 2011.

Le jugement déféré, rendu par le tribunal de grande instance de Paris (désormais dénommé tribunal judiciaire) le 15 juin 2012, a, entre autres dispositions, débouté M. Z de ses demandes.

La cour d’appel de Paris, par arrêt sur renvoi après cassation du 30 mars 2018 rectifié le 29 juin 2018 a déclaré M. Z recevable en sa demande en revendication des marques F G n°06 3 432 222 et n°920900 mais l’en a débouté ainsi que de sa demande de dommages-intérêts.

Cet arrêt a été cassé et annulé par arrêt, sus-visé, de la Cour de cassation du 4 novembre 2020 en ce qu’il a débouté M. Z de sa demande de revendication des marques F G n° 06 3 432 222 et n° 920 900 ainsi que de sa demande de dommages-intérêts.

Il appartient en conséquence à la présente cour de renvoi de statuer sur les deux seuls chefs de l’arrêt qui sont atteints par la cassation. L’arrêt partiellement cassé du 30 mars 2018 tel que rectifié le 29 juin 2018, est en effet irrévocable en ce qu’il a déclaré M. Z recevable en sa demande en revendication des marques F G n° 06 3 432 222 et n° 920 900, la cassation n’ayant atteint que la disposition de l’arrêt le déboutant de ladite demande.

Sur la revendication par M. Z des marques F G n° 06 3 432 222 et n°920 900,

Pour casser l’arrêt du 30 mars 2018 tel que rectifié le 29 juin 2018, la Cour de cassation a retenu, au visa des articles L. 711-3, b) du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 13 novembre 2019, L. 712-6, alinéa 1er, et L. 714-3 du même code, les motifs suivants :

Si, selon les premier et troisième textes susvisés, une marque constituée d’un signe de nature à tromper le public ne peut pas être enregistrée et, si elle l’a été, doit en principe être annulée, une telle marque peut néanmoins, en application du deuxième, donner lieu à revendication dans l’hypothèse où le transfert de sa propriété ferait disparaître son caractère déceptif.

Pour rejeter la demande de M. Z en revendication des marques française et internationale ‘F G’ pour dépôt frauduleux par la société Heben Music, l’arrêt, après avoir relevé que M. Z soutenait que le dépôt de ces marques avait pour but de tromper le public sur la provenance des enregistrements et de faire croire qu’il n’existait pas d’artiste réel ayant interprété ces oeuvres, énonce qu’il ne peut revendiquer à son profit des marques dont il allègue le caractère trompeur.

En statuant ainsi, sans vérifier si le transfert des marques litigieuses à M. Z, qui ne concluait à leur caractère trompeur que dans la seule mesure où elles avaient été déposées par la société Heben Music, ne ferait pas disparaître leur éventuel caractère déceptif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Dans ses conclusions devant la présente cour de renvoi, M. Z expose que s’il a invoqué le caractère trompeur de la marque, ce n’est pas parce que le signe ‘F G’ serait trompeur en lui-même et donc intrinsèquement insusceptible de constituer une marque. Il précise que c’est dans la mesure où elle a été déposée et exploitée par la société Heben Music que la marque trompe le public sur la paternité du personnage F G, créé et baptisé par M. Z, en laissant croire que ce dernier aurait aussi écrit et réalisé les autres titres diffusés sous cette marque par la société Heben Music ; à l’inverse, si les marques sont transférées à son profit par le jeu de la revendication, elles cesseront d’être trompeuses puisque seuls pourront alors être exploités sous l’appellation F G des produits réalisés par M. Z lui-même ou avec son accord; ainsi, dès lors que M. Z est à l’origine du personnage, de sa dénomination et de ses principales caractéristiques, la marque assurera sa fonction essentielle de garantie de la provenance des produits qu’elle sert à identifier.

Il importe de rappeler que, selon les dispositions de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

En l’espèce, dans son arrêt du 30 mars 2018, rectifié le 29 juin 2018, la cour d’appel de Paris a irrévocablement jugé, pour déclarer M. Z recevable en sa demande de revendication, que le dépôt frauduleux des marques F G n°06 3 432 222 et n°920 900 est caractérisé, la société Heben Music ayant en toute connaissance de cause et de façon déloyale privé M. Z de la possibilité d’exploiter paisiblement la dénomination F G alors même qu’il en avait été convenu selon les dispositions contractuelles arrêtées entre les parties et, en particulier, selon le contrat de production exécutive en date du 15 février 2007. La cour a relevé à cet égard qu’en s’appropriant la dénomination F G, la société Heben Music s’assurait l’exclusivité de son utilisation pour les titres de son choix tout en étant libre de l’écarter pour les titres proposés par M. Z qui se trouvait de la sorte empêché de diffuser, avec un autre producteur, les nouvelles oeuvres qu’il aurait écrites autour du personnage F G (page 10 de l’arrêt).

Aux termes du contrat de production exécutive du 15 février 2007, évoqué dans l’arrêt du 30 mars 2018 rectifié le 29 juin 2018, la société Heben Music, prenant l’initiative de réaliser divers enregistrements commercialisés sous forme phonographique et vidéographique sous la dénomination ‘F G’, a confié à la société Five Music, représentée par M. Z, ‘le producteur exécutif’, la production exécutive et la réalisation artistique de ces enregistrements. Il est précisé au contrat que ‘le producteur exécutif’ s’est d’ores et déjà vu confier la production exécutive et la réalisation artistique des enregistrements suivants commercialisés au cours du mois de décembre 2006 : H I J, Mon beau sapin, Vive le vent, Bonne année. Il est en outre expressément stipulé au contrat que ‘la réalisation artistique des enregistrements est confiée au producteur exécutif sous la condition impulsive, essentielle et déterminante que M. B Z intervienne personnellement au nom et pour le compte de la société (la société Heben Music) pour assurer la réalisation artistique des enregistrements’.

Ceci posé, il découle de l’article L. 712-6 précité que la victime d’un dépôt frauduleux est en droit de revendiquer le transfert, à son profit, de la marque frauduleusement déposée.

M. Z ne saurait se voir refuser le transfert, revendiqué, des marques F G n°06 3 432 222 et n° 920 900, déposées en fraude de ses droits par la société Heben Music, motif pris de ce qu’il qualifie ces marques de trompeuses. Le caractère trompeur des dites marques n’est ici invoqué que dans la mesure où ces marques ont été déposées par la société Heben Music et confèrent à celle-ci le droit exclusif d’exploiter la dénomination F G donnant ainsi à croire au public que les enregistrements et en particulier les phonogrammes et vidéogrammes commercialisés sous cette dénomination procèdent, tels les enregistrements des titres ‘Allo Papy’ et ‘A l’école’ ou encore, tels les quatre titres évoqués dans le contrat de production exécutive du 15 février 2007, de la réalisation artistique de M. Z.

Le transfert, au profit de M. Z, des marques F G n°06 3 432 222 et n°920 900, déposées par la société Heben Music en fraude de ses droits, est ainsi de nature à faire disparaître le caractère trompeur que leur dépôt, par la société Heben Music, conférait aux dites marques dès lors que, par l’effet du transfert, seul M. Z disposera du droit d’utiliser la dénomination F G ou d’autoriser une telle utilisation pour les créations de son choix. En conséquence, un lien de rattachement, exempt de tout caractère trompeur, pourra être effectué par le public, entre les produits commercialisés sous la dénomination F G et M. Z.

La demande, bien fondée, de M. Z en revendication de la propriété des marques F G n°06 3 432 222 et n° 920 900 frauduleusement déposées par la société Heben Music doit être ainsi acceptée dans les termes du dispositif de l’arrêt énoncé ci-après. Le jugement déféré est infirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts,

Pour censurer l’arrêt du 30 mars 2018 rectifié le 29 juin 2018 en ce qu’il a débouté M. Z de sa demande de dommages-intérêts, la Cour de cassation a relevé, au visa de l’article 1382, devenu 1240, du code civil, que pour rejeter cette demande, formée en réparation du préjudice subi du fait du dépôt des marques, l’arrêt, après avoir estimé que M. Z n’avait aucune exclusivité sur la dénomination ‘F G’ et que, dès lors, des écrits autres que les siens pouvaient être produits sous cette dénomination, retient qu’il ne caractérise pas le préjudice qu’il aurait subi du fait de l’utilisation des marques litigieuses par la société Heben Music et a retenu qu’ En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que, ainsi que le soutenait M. Z, la société Heben Music l’avait, en toute connaissance de cause et de façon déloyale, privé de la possibilité d’exploiter paisiblement la dénomination ‘F G’, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

M. Z rappelle, au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour le montant de 50.000 euros, qu’il avait vocation, selon les accords convenus avec la société Heben Music, à créer tous les titres de la collection ‘F G’ mettant en scène le F chanteur virtuel prénommé F G. Il expose que les dépôts frauduleux par lesquels la société Heben Music s’est appropriée un droit exclusif sur la dénomination F G l’ont évincé du contrat et ne lui ont pas permis de bénéficier des retombées économiques générées par la première série de chansons divulguées sous le nom de F G, qui a connu un succès considérable auprès du jeune public, pas plus qu’ils ne lui ont permis d’exploiter par lui-même ou avec un autre producteur le signe F G sous lequel est identifié le personnage mis en scène dans ces chansons.

Il n’est cependant produit aucune pièce justifiant du succès allégué des premiers titres commercialisés sous la dénomination F G. Il est néanmoins patent que le dépôt frauduleux par la société Heben Music des marques F G n°06 3 432 222 et n°920 900, a privé M. Z de la possibilité d’exploiter paisiblement la dénomination ‘F G et lui a ainsi causé un préjudice certain, en lien direct avec la fraude, ouvrant droit à réparation.

Au regard des circonstances de la cause et des éléments d’appréciation soumis à la cour, le préjudice de M. Z sera fixé à la somme de 10.000 euros. La créance de dommages-intérêts de M. Z, telle que fixée, sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Heben Music.

Sur les autres demandes,

L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 mars 2018 rectifié le 29 juin 2018 est irrévocable en ce qu’il a, par des dispositions non atteintes par la cassation, infirmé le jugement du 15 juin 2012 qui condamne M. Z à payer à la société Heben Music la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau, a condamné Me A ès qualités à payer à M. Z la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des entiers dépens de première instance et d’appel.

Au regard de ces éléments, il n’est pas inéquitable de laisser à M. Z la charge des des frais irrépétibles exposés à l’occasion de la présente instance sur renvoi après cassation.

La société MJS prise en la personne de Me A, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Heben Music, partie perdante, est en revanche condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de l’arrêt de cassation du 4 novembre 2020,

Infirme le jugement du 15 juin 2012 en ce qu’il a rejeté la demande de M. Z en revendication des marques F G française n°06 3 432 222 et internationale n°920 900,

Statuant à nouveau,

Ordonne le transfert à M. Z de la propriété des marques F G française n°06 3 432 222 et internationale n° 920 900 déposées en fraude de ses droits par la société Heben Music,

Ordonne la transcription du transfert de propriété des marques F G française n°06 3 432 222 et internationale n°920 900 sur les registres de l’INPI et de l’OMPI par la partie la plus diligente,

Fixe à 10.000 euros la créance de dommages-intérêts de M. Z,

Dis que cette créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Heben Music,

Rejette le surplus des demandes de M. Z,

Condamne la société MJS, prise en la personne de Me A, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Heben Music, aux dépens de la présente instance sur renvoi après cassation.

La greffière La présidente


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