Retards répétés : le licenciement possible, affaire H&M

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Retards répétés : le licenciement possible, affaire H&M

Il est établi de ce qu’au vu des tâches effectuées par chaque équipe (H&M), du matin, du milieu de journée et du soir, les retards d’un salarié impactent, soit le traitement des marchandises et nécessitent une ouverture de la grille par le manager à chaque retard pour des raisons de sécurité, soit le décalage des temps de pause des équipes qui doivent suppléer une absence, soit un retard dans la fermeture du magasin.

Licenciement fondé

C’est en conséquence à juste titre que l’employeur a souligné dans la lettre de licenciement que le comportement désinvolte de la salariée quant au respect de ses temps de travail avait des conséquences sur l’organisation dans le magasin et portait préjudice à l’équipe.

Il se déduit de tout ce qui précède que les griefs énoncés constituent une cause réelle sérieuse de licenciement comme étant une mesure proportionnée aux retards répétés de la salariée.

Horaires précis rappelés par le règlement intérieur 

Il résultait du règlement intérieur, opposable à la salariée, que  i) les salariés sont tenus de d’être présents à leur poste de travail aux heures de début de l’horaire de travail qui leur est applicable ; ii) les retards et autres manquements à l’horaire de travail, qui n’auraient pas été préalablement autorisés, devront être justifiés ; iii) la durée de présence des employés est constatée par système de pointage et les responsables d’équipe ; iv) il est obligatoire de pointer lors de sa prise de poste, en fin de journée de travail ainsi qu’au départ et au retour de l’ensemble des pauses après être passé au vestiaire ; v) le non-respect de cette formalité pourra entraîner l’une des sanctions visées par le présent règlement intérieur ; vi) pour éviter de perturber l’organisation de l’établissement, tout salarié empêché de se présenter au travail doit prévenir ou faire prévenir la direction de l’établissement en précisant la cause et il en est de même pour tous les départs anticipés de son poste de travail.

Formalités de publication du règlement intérieur

Ledit règlement intérieur était parfaitement opposable à la salariée dès lors que, conformément aux dispositions des articles L. 1321-4 et R. 1321-2 du code du travail, il avait fait l’objet des formalités suivantes : i) la consultation du Comité d’entreprise et du Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) de l’époque sur la dernière modification du règlement intérieur ; ii) la notification du règlement intérieur à l’inspection du travail compétente (celle du siège social de l’entreprise H&M ; iii) la notification du règlement intérieur au conseil de prud’hommes de Paris, juridiction dont dépend le siège social de H&M ; iv) l’affichage du règlement intérieur dans les locaux sociaux de chaque magasin H&M et sur l’intranet de l’entreprise.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 07 AVRIL 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08135 –��N° Portalis 35L7-V-B7D-CAL6J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/06043

APPELANTE

Madame Z X

[…]

[…]

Représentée par Me B C, avocat au barreau de PARIS, toque : C2281

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/025884 du 27/06/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

SARL H&M D & E

[…]

[…]

Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, rédactrice

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame Z X a été engagée le 15 février 2016 par la SARL D et E (H&M), en qualité de vendeuse avec le statut employée, Niveau II, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Par avenant du 1er septembre 2017, les parties ont conclu un contrat à temps complet.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle relative aux maisons à succursales au détail d’habillement.

Par lettre recommandée en date du 8 mars 2018, la société H&M a convoqué Mme X à un entretien préalable fixé au 22 mars 2018 avant de lui notifier, le 18 avril 2018, son licenciement pour cause réelle et sérieuse .

Contestant cette mesure, la salariée a, par acte du 3 août 2018, saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de faire valoir ses droits.

Par jugement du 12 mars 2019, notifié aux parties par lettre du 17 avril 2019, le conseil de prud’hommes a :

– débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes et laissé les dépens à sa charge ;

– débouté la SARL H&M de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La salariée a obtenu le bénéfice de d’aide juridictionnelle totale par décision du 27 juin 2019 et a régulièrement interjeté appel le 17 juillet 2019.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 25 octobre 2021, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la Société H&M à lui verser les sommes de :

* 8 910 Euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 Euros à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– débouter la Société H&M de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner la Société H&M à verser à Me B C la somme de 3 000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;

– condamner la Société H&M aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 4 novembre 2021, la Société H&M demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme X de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner Mme X à lui verser la somme de 1. 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 novembre 2021 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 28 janvier 2021.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

SUR QUOI

I. Sur le licenciement

De l’article L 1232-1 du code du travail, il résulte que le licenciement pour cause personnelle doit être motivé par une cause réelle et sérieuse et, en vertu de l’article L. 1235-2, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction aux vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il estime utile, le doute subsistant après cette phase devant alors profiter au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement, n’incombe-t-elle pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige fait grief à la salariée de ne pas avoir respecté, malgré plusieurs rappels verbaux et écrits, son horaire de travail et la durée des pauses. Sont rappelées les dispositions de l’article 22 du Règlement Intérieur et que la durée de présence des employés est constatée par un système de pointage et par les responsables d’équipe.

Il est précisé les retards et dépassements des temps de pause suivants :

– 9 janvier 2018 : 18 minutes de retard,

– 10 février 2018 : 14 minutes de retard,

– 10 janvier 2018 : dépassement de pause,

– 2 février 2018 : dépassement de pause.

Par ailleurs, l’employeur souligne que ‘les retards et le non-respect des horaires portent préjudice à l’organisation du travail dans le magasin et à l’équipe’.

En premier lieu, au vu de ces éléments, il convient de constater que la lettre de licenciement énonce des motifs précis et matériellement vérifiables et de rejeter le moyen de Mme X fondé sur l’absence de motivation suffisante de la lettre de licenciement quant aux conséquences des retards sur l’organisation du travail.

Cette mention peut en effet être étayée et développée au cours du débat par des éléments de faits qui n’ont pas nécessairement à figurer dans la lettre de licenciement.

En deuxième lieu, il résulte des articles 22, 23 et 24 du dit règlement intérieur notamment que :

– les salariés sont tenus de d’être présents à leur poste de travail aux heures de début de l’horaire de travail qui leur est applicable,

– les retards et autres manquements à l’horaire de travail, qui n’auraient pas été préalablement autorisés, devront être justifiés,

– la durée de présence des employés est constatée par système de pointage et les responsables d’équipe,

– il est obligatoire de pointer lors de sa prise de poste, en fin de journée de travail ainsi qu’au départ et au retour de l’ensemble des pauses après être passé au vestiaire,

– le non-respect de cette formalité pourra entraîner l’une des sanctions visées par le présent règlement intérieur,

– pour éviter de perturber l’organisation de l’établissement, tout salarié empêché de se présenter au travail doit prévenir ou faire prévenir la direction de l’établissement en précisant la cause et il en est de même pour tous les départs anticipés de son poste de travail.

Le moyen développé par Mme X selon lequel la société ne justifierait pas des formalités de mise en oeuvre du règlement intérieur et que celui-ci lui serait donc inopposable n’est pas fondé dès lors que sont versés aux débats par l’intimée les justificatifs de :

– la consultation du Comité d’entreprise et du Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) de l’époque sur la dernière modification du règlement intérieur (pièce 16),

– la notification du règlement intérieur à l’inspection du travail compétente (celle du siège social de l’entreprise H&M ‘ pièce 17),

– la notification du règlement intérieur au conseil de prud’hommes de Paris, juridiction dont dépend le siège social de H&M (pièce 18),

– l’affichage du règlement intérieur dans les locaux sociaux de chaque magasin H&M et sur l’intranet de l’entreprise.

Il en résulte que l’ensemble de ces formalités est conforme aux dispositions des articles L. 1321-4 et R. 1321-2 du code du travail et que le règlement intérieur est en conséquence opposable à l’appelante.

En troisième lieu, s’agissant de la matérialité des faits, la Société H&M verse au débat :

– les bulletins de paie de Mme X dont la colonne de droite comporte les relevés de badgeage (pièce n° 9),

– les relevés de badgeage de la salariée (pièce 10),

– des plannings journaliers et hebdomadaires affichés en magasin faisant mention de ses horaires (pièce 11).

Si l’appelante fait valoir qu’il incombe à la société H&M de prouver en quoi le système de pointage serait fiable et infalsifiable, elle n’invoque aucun dysfonctionnement particulier quant au relevés qui lui sont opposés et ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la fiabilité du pointage mis en place.

La société H&M démontre quant à elle que la procédure de badgeage est appliquée via un logiciel (NAVIQUARTZ) qui a fait l’objet d’une déclaration régulière à la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL).

Par ailleurs, en réponse à l’attestation versée au débat par Mme X par laquelle Mme B. soutient que ‘les heures de pointage sont modifiables puisqu’à plusieurs reprisent les managers avaient l’habitude de faire’, l’employeur justifie de ce que le système, qui fonctionne à l’aide d’un badge individuel, permet certes des modifications ultérieures en cas de besoin par un manager du magasin (exemple : pointage à posteriori d’un salarié ayant oublié son badge) mais que les données sur la badgeuse sont tracées, ce qui permet donc de retrouver chacune d’entre elles.

Or, les feuilles d’heures de Mme X ne comportent aucune modification des horaires de pointage.

La matérialité des faits reprochés à la salariée est en conséquence établie.

En quatrième lieu, s’agissant du moyen de l’appelante tiré de ce que la société H&M ne justifierait pas du préjudice allégué dans la lettre de licenciement, l’employeur justifie qu’il procéde à la préparation en amont, soit 3 ou 4 semaines à l’avance, des plannings de travail hebdomadaire et journalier visant à organiser la présence des équipes dans les magasins et faciliter la réalisation des tâches inhérentes leur fonction.

Ainsi, il est établi de ce qu’au vu des tâches effectuées par chaque équipe, du matin, du milieu de journée et du soir, les retards d’un salarié impactent, soit le traitement des marchandises et nécessitent une ouverture de la grille par le manager à chaque retard pour des raisons de sécurité, soit le décalage des temps de pause des équipes qui doivent suppléer une absence, soit un retard dans la fermeture du magasin.

C’est en conséquence à juste titre que l’employeur a souligné dans la lettre de licenciement que le comportement désinvolte de la salariée quant au respect de ses temps de travail avait des conséquences sur l’organisation dans le magasin et portait préjudice à l’équipe.

Il se déduit de tout ce qui précède que les griefs énoncés constituent une cause réelle sérieuse de licenciement comme étant une mesure proportionnée aux agissements reprochés dès lors, au surplus, que Mme X avait déjà été sanctionnée pour les mêmes causes par deux avertissements les 29 mars 2017 et 19 mai 2017 et par une mise à pied disciplinaire le 14 août 2017, sanctions non contestées (pièces 3,4, 5).

Le jugement sera confirmé de ce chef et l’appelante déboutée de l’intégralité de ses demandes.

II- Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

En application de l’article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur, Mme X affirme ne pas avoir bénéficié d’un temps partiel thérapeutique conseillé par le médecin du travail.

Toutefois, il résulte des pièces du dossier (relevés de badgeage de Mme X pièce 10) que la société H&M a respecté l’aménagement du temps de travail préconisé par le médecin du travail le 26 mars 2018, qui indiquait que la salariée devait pouvoir bénéficier de trois demi-journées de repos par semaine pour réaliser des soins médicaux (pièce 13 du dossier de l’appelante).

S’agissant du mi-temps thérapeutique préconisé par le médecin du travail le 9 avril 2018, l’intimée justifie avoir immédiatement confirmé sa mise en place et que le médecin du travail devait prendre contact avec elle pour définir les modalités pratiques de cet aménagement (pièce 16 du dossier de Mme X) ; toutefois, cette mesure n’a pu prendre effet, la salariée ayant été placée en arrêt de travail le jour même et ce, jusqu’au 22 avril 2018, soit postérieurement à son licenciement notifié le 18 avril 2018 à la suite de l’entretien préalable du 22 mars précédent.

Il ressort de ce qui précède que l’appelante ne justifie d’aucune exécution déloyale du contrat de

Par confirmation du jugement, elle sera déboutée de la demande présentée à ce titre.

III- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement est également confirmé en ses dispositions concernant la charge des dépens de l’instance et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Ajoutant,

REJETTE l’ensemble des demandes ;

CONDAMNE Mme Z X aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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