Dénomination d’un Festival : le dépôt frauduleux sanctionné
Dénomination d’un Festival : le dépôt frauduleux sanctionné
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Le dépôt, par le salarié d’une association en charge de l’organisation d’un Festival, de la dénomination dudit Festival à titre de marque, est constitutif de fraude.

L’article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la date de l’enregistrement litigieux, dispose que si un enregistrement (de marque) a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.’

Ainsi, un dépôt de marque est frauduleux lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité, la fraude étant caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine, mais pour priver des concurrents du déposant ou tout opérateur d’un même secteur d’un signe nécessaire à leur activité.

Le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 JUILLET 2021

N° RG 19/00092 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PNYX

M. C X

C/

Association ARTS ATTACK !

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, rapporteur

GREFFIER :

Madame F G H, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 Mai 2021

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 06 Juillet 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur C X

[…]

[…]

Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Pierre LAUTIER, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Association ARTS ATTACK ! association déclarée à la préfecture du Calvados le 28 mai 1997, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège,

LE CARGÖ, 9, cour Caffarelli

[…]

Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Pascal REYNAUD, plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG

FAITS ET PROCEDURE

Le 28 mai 1997 étaient déposés à la préfecture du Calvados les statuts de l’association ‘ARTATTACK’, association ayant pour objet la promotion et la diffusion des musiques actuelles ainsi que la production de manifestations artistiques.

Le nom de cette association devait être modifié à deux reprises, d’abord le 13 juin 2001 pour devenir ‘ARTSATTACK’, puis le 19 février 2008 pour devenir ‘ARTS ATTACK !’.

En 1999 et 2000 avaient lieu à Hérouville-Saint Clair (14) les deux premières éditions d’un festival de musique électronique baptisé ‘nördik impakt’, ce festival étant alors organisé dans le cadre d’une autre association, ‘Appel d’Air’, dont M. C X était alors salarié.

Le 28 mars 2001, l’association ‘Appel d’Air’ procédait au licenciement de M. X pour motif économique.

Le 4 octobre 2001, M. X déposait auprès de l’INPI, en son propre nom, la marque ‘Nördik Impakt’ sous le n° 3125070.

Quelques semaines plus tard se tenait la troisième édition du festival du même nom, désormais organisé dans le cadre de l’association ARTSATTACK, et ce sous la direction de M. X qui, en 2004, allait être embauché par elle.

Depuis cette époque et chaque année, l’association ARTSATTACK (devenue ARTS ATTACKS! en 2008) devait organiser le festival ‘Nördik Impakt’, l’association étant devenue en outre, en 2005, délégataire de service public de la ville de Caen pour l’exploitation d’une salle municipale de musiques actuelles, le ‘Cargö’.

Le 9 juillet 2010, M. X, qui entre-temps avait accédé au poste de directeur de l’association,

déposait, toujours sous son propre nom, les marques ‘ARTSATTACK’ (n° 3752568) et ‘ART’S ATTACK !’ (n° 3752591).

En 2012, l’association ARTS ATTACK ! obtenait le renouvellement de sa délégation de service public, tant pour exploiter le ‘Cargö’ que pour organiser le festival annuel ‘Nördik Impakt’.

Le 29 janvier 2015, l’association procédait au licenciement de M. X.

Le 1er avril 2015, dénonçant le dépôt frauduleux des trois marques (‘Nördik Impakt’ n° 3125070, ‘ARTSATTACK’ n° 3752568 et ‘ART’S ATTACK !’ n° 3752591, l’association mettait en demeure son ancien salarié de les lui rétrocéder.

M. X refusait d’accéder à cette demande.

Le 8 avril 2015, l’association déposait ses propres marques : ‘ARTS ATTACK !’ n° 154171888, et ‘NÖRDIK IMPAKT’ n° 154171894.

M. X la faisait alors assigner devant le tribunal de grande instance de Rennes pour contrefaçon de ses propres marques antérieures.

Réciproquement, l’association faisait assigner M. X devant la même juridiction pour obtenir, à titre principal le transfert des marques litigieuses, à titre subsidiaire leur déchéance pour non-usage.

Par jugement du 5 novembre 2018, le tribunal, après jonction des instances :

— déboutait M. X de l’ensemble de ses demandes ;

— faisait droit à la revendication par l’association ARTS ATTACK ! sur les marques ‘ARTSATTACK’ n° 3752568 et ‘ART’S ATTACK !’ n° 3752591 déposées le 9 juillet 2010, de même que sur la marque ‘Nördik Impakt’ n° 3125070 déposée le 4 octobre 2001 ;

— ordonnait le transfert desdites marques au profit de l’association ARTS ATTACK ! ;

— déclarait régulières les demandes d’enregistrement par l’association ARTS ATTACK ! des marques n° 154171894 du nom du festival ‘NÖRDIK IMPAKT’ et n° 154171888 pour la dénomination ‘ARTS ATTACK !’ ;

— condamnait M. X à payer à l’association ARTS ATTACK ! :

* la somme de 1.000 ‘ à titre de dommages-intérêts,

* la somme de 4.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— disait n’y avoir lieu à ordonner la cessation par M. X de l’usage des marques – cet usage n’étant pas établi ;

— disait n’y avoir lieu à ordonner la publication de la décision aux frais de M. X ;

— ordonnait l’exécution provisoire de la décision ;

— condamnait M. X aux dépens et accordait à Me François-Xavier Y, avocat de l’association, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 janvier 2019, M. X E appel de cette

décision.

L’appelant notifiait ses dernières conclusions le 17 mai 2021, l’intimée les siennes le 10 mai 2021.

La clôture intervenait par ordonnance du 20 mai 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. X demande à la cour de’ :

Vu les articles L 713-1, L 713-2, L 713-3, L 716-14 du code de propriété intellectuelle,

Vu l’article 1104 du code civil,

Vu les articles 770, 771-5 et 700 du code de procédure civile,

— dire l’appel recevable et fondé ;

— infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

A titre principal,

— constater que les marques ‘NÖRDIK IMPAKT’ et ‘ART’S ATTACK !’ bénéficient de la protection du droit des marques ;

— constater qu’elles sont la propriété de M. X suite aux dépôts effectués à l’INPI ;

— constater que l’association est contrevenue au principe de l’estoppel ;

— constater que l’association ART’S ATTACK ! s’est rendue coupable de dépôts frauduleux ;

— annuler la demande d’enregistrement de la marque «NÖRDIK IMPAKT» n° 4171894 et de la marque «ARTS ATTACK !» n° 4171888 ;

— constater que l’association s’est livrée à une contrefaçon par usage des marques «NÖRDIK IMPAKT» et «ART’S ATTACK !» de M. X ;

Par conséquent,

— condamner l’association ART’S ATTACK ! à verser à M. X la somme de 70.000 ‘ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi par ce dernier ;

— condamner l’association ART’S ATTACK ! à verser à M. X la somme de 20.000 ‘ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par ce dernier ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la qualification de contrefaçon ne devait pas être retenue,

— condamner l’association ART’S ATTACK ! à verser à M. X la somme de 70.000 ‘ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi par ce dernier ;

— condamner l’association ART’S ATTACK ! à verser à M. X la somme de 20.000 ‘ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par ce dernier ;

En tout état de cause,

— prononcer l’interdiction pour l’association ARTS ATTACK ! d’exploiter ces marques, sous quelque support que ce soit, à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 1.000 ‘ par infraction constatée après ce délai ;

— enjoindre l’association ARTS ATTACK ! à publier à ses frais la décision à intervenir dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, dans un quotidien de la Presse Locale tel que Ouest France et dans un journal spécialisé de la presse de musique électronique, et ce à hauteur de 3.000 ‘ par publication ;

— accompagner ladite injonction d’une astreinte de 500 ‘ par jour de retard passé ce délai ;

— rejeter toutes prétentions contraires aux présentes comme non recevables, en tout cas non fondées ;

— condamner l’association ARTS ATTACK ! à verser à M. X la somme de 7.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et débours et aux dépens de première instance et d’appel, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Au contraire, l’association ARTS ATTACKS ! demande à la cour de :

Vu le livre premier du code de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur,

Vu les articles L 712-4, L.712-6 et l’article L 714-5 du même code,

Vu la loi du 19 juillet 1901 sur le contrat d’association,

À titre principal, confirmer le jugement en ce qu’il a :

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes,

— fait droit à la revendication par l’association sur les marques ‘ARTSATTACK’ n° 3752568 et ‘ART’S ATTACK !’ n° 3752591 déposées le 9 juillet 2010 et ‘ NÖRDIK IMPAKT’ n° 3125070 ;

— ordonné le transfert desdites marques au profit de l’association ARTS ATTACK !;

— déclaré régulière la demande d’enregistrement n° 154171894 du nom du festival ‘NÖRDIK IMPAKT’ à titre de marque et la demande d’enregistrement n° 154171888 pour la dénomination ‘ARTS ATTACK !’ à titre de marque par l’association du même nom ;

— condamné M. X à payer à l’association la somme de 1.000 ‘ à titre de dommages-intérêts ;

À titre subsidiaire,

— constater que la marque ‘NÖRDIK IMPAKT’ n° 3125070 n’a pas été exploitée, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ;

— constater que les marques ‘ARTSATTACK’ n° 3752568 et ‘ART’S ATTACK !’ n° 3752591 n’ont pas été exploitées, pour les produits et services visés dans les enregistrements, pendant une période ininterrompue de cinq ans ;

— prononcer la déchéance des droits de M. X sur la marque ‘NÖRDIK IMPAKT’ n° 3125070 à compter du 5 octobre 2006 ;

— prononcer la déchéance des droits de M. X sur les marques ‘ARTSATTACK’ n° 3752568 et

‘ART’S ATTACK !’ n° 3752591 ;

À titre infiniment subsidiaire,

— constater l’absence de faits distincts fondés sur le parasitisme et la concurrence déloyale ;

— constater l’absence de préjudice de M. X concernant la contrefaçon de ses marques et des faits de concurrence déloyale ;

En toutes hypothèses,

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— dire que la décision sera transmise par les soins du greffe à l’INPI aux fins d’inscription au registre national des marques;

— condamner M. X à payer à l’association ARTS ATTACK ! la somme de 10.000 ‘ par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

— condamner M. X aux dépens et dire que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et accorder à Me Y le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le dépôt frauduleux par M. X, en date du 4 octobre 2001, de la marque ‘Nördik Impakt’ n° 3125070 :

L’article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la date de l’enregistrement litigieux, dispose :

‘Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.’

Ainsi, un dépôt de marque est frauduleux lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité, la fraude étant caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine, mais pour priver des concurrents du déposant ou tout opérateur d’un même secteur d’un signe nécessaire à leur activité.

Le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue.

En l’espèce, il résulte des pièces du dossier :

— que le signe verbal ‘Nördik Impakt’ a été utilisé dès l’année 1999, et ce dans la perspective de la première édition annuelle du festival de musique électronique du même nom qui s’est tenue à

Hérouville Saint Clair à l’automne 1999;

— que les deux premières éditions de ce festival ont été organisées sous l’égide et avec les moyens de l’association ‘Appel d’Air’ dont M. X était alors salarié;

— que si M. X a été l’un des principaux organisateurs de ce festival, voire la ‘tête de pont’ -pour reprendre l’expression employée par Mme Z dans une attestation produite par l’appelant en pièce n° 18- de cette manifestation, cheville ouvrière sans laquelle le festival n’aurait pas vu le jour, pour autant il n’est pas établi qu’il soit l’inventeur ni du festival lui-même ni du signe verbal destiné à le distinguer ;

— qu’à cet égard, est particulièrement précise et circonstanciée l’attestation de Mme A produite par l’intimée en pièce n° 94, en ce qu’elle émane d’une personne qui a été témoin des circonstances de création de ce festival, selon laquelle la première édition de ‘Nördik Impakt a été mise en oeuvre dans le cadre du festival des Boréales de Normandie organisée par l’association Appel d’Air (‘Nördik Impakt’ n’était encore qu’une soirée dans le cadre des Boréales et non un festival’ selon le témoin), Mme A ajoutant que ‘le nom même du festival Nördik Impakt a été trouvé collectivement’, et confirmant que ‘même si c’est C X, en tant que salarié, qui a coordonné pour l’association Appel d’Air la première édition du festival, il n’est pas le seul créateur ou propriétaire du festival Nördik Impakt […] ‘ ;

— que cette origine collective du festival Nördik Impakt est d’ailleurs corroborée par l’attestation de M. B qui, produite en pièce n° 84 par M. X lui-même, rapporte que ‘c’est avec l’équipe de C X en tout cas que ce premier Nördik Impakt s’est créé’.

Ainsi, c’est à juste titre que le tribunal a qualifié le nom ‘Nördik Impakt’ de travail collégial, par là même insusceptible d’appropriation par une personne physique seule.

Par ailleurs, il résulte encore d’une attestation de Mme Z, versée aux débats par M. X en pièce n° 18 :

— qu’à l’issue de la deuxième édition du festival Nördik Impakt, soit au mois de décembre 2000,le témoin a été informé de la prochaine cessation d’activité de l’association Appel d’Air ;

— que Mme Z, qui faisait partie des fondateurs de l’association ARTATTACK, a alors proposé à M. X, au mois d’avril 2001, de la ‘réactiver’ pour disposer d’une structure administrative qui pourrait produire l’édition suivante du festival ‘Nördik Impakt’ ;

— que c’est donc bien l’association ARTATTACK, devenue ARTSATTACK en juin 2001, qui a produit la troisième édition du festival Nördik Impakt qui s’est tenue au mois de novembre 2001, même si, entre temps, le 4 octobre 2001, M. X a déposé, en son nom personnel, la marque du même nom auprès de l’INPI alors qu’il n’aurait pas dû se l’approprier faute de l’avoir lui-même créée et alors que l’association était déjà en charge de la préparation du festival.

A cet égard, la circonstance que tel ou tel membre de l’association ait pu être informé de ce dépôt est sans incidence sur son caractère frauduleux au sens de l’article L 712-6, dès lors en effet que ce dépôt n’avait pas d’autre objet que de permettre à M. X de s’approprier indûment et de mauvaise foi l’exclusivité d’un signe verbal dont il n’était pas le créateur, tout en privant corrélativement l’association ARTSATTACK, alors qu’elle participait déjà depuis plusieurs mois à la préparation de la nouvelle édition du festival, d’un signe nécessaire à son activité, étant ici rappelé que, depuis 2001 jusqu’à ce jour, ladite association n’a pas cessé d’organiser le festival ‘Nördik Impakt’.

N’est pas non plus de nature à faire échec à l’action en revendication exercée par l’association, la circonstance que celle-ci, confrontée au début de l’année 2011 aux réclamations de M. X qui se

prévalait alors de l’exclusivité attachée à la marque déposée par lui dix ans plus tôt, ait tenté de régler amiablement le litige en envisageant de conclure avec son salarié une convention de cession de marque.

En effet, d’une part il est constant que la négociation qui s’est ensuivie n’a pas abouti, d’autre part cette recherche d’une solution transactionnelle ne saurait être analysée comme valant reconnaissance sans réserve par l’association des droits du premier déposant.

De même, il ne saurait être déduit, au nom du principe de l’estoppel, des moyens développés par l’association à l’occasion d’une autre instance qui l’opposait alors à un tiers au sujet de l’utilisation d’affiches publicitaires fabriquées dans la perspective du festival ‘Nördik Impakt’, que celle-ci – qui évoquait dans ses conclusions le fait que M. X avait déposé le 4 octobre 2001 la marque du même nom – ait ainsi reconnu au bénéfice de M. X la qualité incontestée de propriétaire de cette marque.

Au contraire, il ne résulte pas de l’arrêt rendu le 1er avril 2008 par la cour d’appel de Caen à l’occasion de cette autre instance que l’association ait reconnu une telle qualité à M. X, le dépôt par celui-ci de la marque aujourd’hui contestée y étant en effet présenté comme un simple fait objectif, sans reconnaissance par l’association des droits de propriété intellectuelle y attachés.

Il n’y a là ni aveu judiciaire ni contradiction de la part de l’association qui, dans le cadre de la nouvelle instance qui l’oppose désormais à M. X, demeure donc recevable à contester la validité du dépôt litigieux en dénonçant la fraude qui y a présidé.

Ainsi l’association est-elle fondée à revendiquer la marque déposée de mauvaise foi par M. X, et ce sans que la prescription puisse lui être opposée.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

La demande principale de revendication étant satisfaite, la demande subsidiaire de déchéance pour défaut d’usage est sans objet.

Sur le dépôt frauduleux par M. X, en date du 9 juillet 2010, des marques ‘ARTSATTACK’ (n° 3752568) et ‘ART’S ATTACK !’ (n° 3752591) :

A la date des dépôts litigieux, l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle disposait:

‘Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment […] b) à une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public’.

A cet égard, il convient de rappeler que l’association intimée existe depuis le 28 mai 1997, date à laquelle elle a déposé ses premiers statuts constitutifs sous le nom de ‘ARTATTACK’.

Depuis lors, ce nom a été modifié à deux reprises, le 13 juin 2001 pour devenir ‘ARTSATTACK’, puis le 19 février 2008 pour devenir ‘ARTS ATTACK !’.

M. X, qui n’a pas même participé à la fondation de cette association, n’avait aucun droit sur le nom de celle-ci.

Dès lors, il est suffisamment justifié de ce que le dépôt par celui-ci, en date du 9 juillet 2010, des deux marques ‘ARTSATTACK’ et ‘ART’S ATTACK !’ est frauduleux, en ce sens qu’il avait pour objet de permettre à M. X de s’approprier indûment l’usage exclusif de deux dénominations qui, quasi-identiques sur le plan verbal, correspondent au nom de l’association elle-même et portent ainsi

atteinte aux droits antérieurs de celle-ci en la privant d’un signe nécessaire voire indispensable à la poursuite de son activité.

M. X l’avait parfaitement compris qui, sachant que l’association était identifiée, dans l’esprit du public, au festival qu’elle avait pour mission d’organiser, s’est ainsi approprié à la fois le nom de l’association (‘ARTSATTACK’ ou ‘ART’S ATTACK !’) et son objet (‘Nördik Impakt’), tentant par là même de se rendre indispensable à son employeur de l’époque.

Les deux dépôts du 9 juillet 2010 étant frauduleux, l’association est recevable et fondée à revendiquer les deux marques déposées de mauvaise foi par M. X, et ce sans que la prescription puisse lui être opposée.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

La demande principale de revendication étant satisfaite, la demande subsidiaire de déchéance pour défaut d’usage est sans objet.

Sur les demandes formées par M. X au titre de la contrefaçon de marques :

Dès lors que M. X ne peut pas se prévaloir des trois marques antérieures (‘Nördik Impakt’ n° 3125070 du 4 octobre 2001, ‘ARTSATTACK’ n° 3752568 et ‘ART’S ATTACK !’ n° 3752591 du 9 juillet 2010), il ne saurait reprocher à l’association d’avoir déposé elle-même, le 8 avril 2015, les marques ‘ARTS ATTACK !’ n° 154171888 et ‘NÖRDIK IMPAKT’ n° 154171894.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. X, d’une part de sa demande tendant à l’annulation et à l’exploitation des marques régulièrement déposées par l’association, d’autre part de ses demandes indemnitaires au titre d’une contrefaçon qui n’existe pas.

Sur les demandes indemnitaires formées par M. X au titre de la concurrence déloyale et/ou du parasitisme :

N’étant pas un succédané de l’action en contrefaçon, l’action en concurrence déloyale, qui est fondée sur les dispositions de l’article 1382 ancien du code civil, suppose la preuve d’une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon.

Or, en l’espèce, M. X n’explique pas de quels agissements, distincts de l’usage des marques dont il vient d’être jugé qu’elles avaient été régulièrement déposées par l’association, celle-ci se serait rendu coupable.

Ainsi et dans la mesure où il vient d’être jugé que M. X ne disposait d’aucun droit privatif sur les signes verbaux ‘Nördik Impakt’, ‘ARTSATTACK’ et ‘ART’S ATTACK !’, il n’est pas fondé à reprocher à l’association de continuer à organiser le festival du même nom, ne pouvant pas dès lors se prévaloir d’une concurrence déloyale ni d’un parasitisme.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.

Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. X à payer à l’association une indemnité de 1.000 ‘ en réparation de son préjudice lié à la mise en cause de sa réputation ainsi qu’à la crainte de devoir mettre fin à un festival sur la dénomination duquel l’intéressé prétendait, bien qu’à tort, à l’exclusivité.

Le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a condamné M. X au paiement d’une somme de 4.000 ‘ au titre des frais irrépétibles de première instance.

Y ajoutant, la cour condamnera M. X au paiement d’une somme de 5.000 ‘ au titre des frais irrépétibles de première instance.

Il appartiendra à la partie la plus diligente de faire inscrire au registre national des marques le transfert de marques ordonné par la présente décision.

Partie perdante, M. X supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

— confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

— y ajoutant :

* déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

* condamne M. C X à payer à l’association ARTS ATTACK ! une somme de 5.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

* dit qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de faire inscrire au registre national des marques le transfert de marques ordonné par la présente décision ;

* condamne M. C X aux entiers dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


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