Les démarcheurs commerciaux de sociétés d’énergie concurrentes à EDF qui évoquent un rattachement fictif à EDF, exposent leur employeur à une condamnation pour parasitisme (plus de 300 000 euros de dommages et intérêts au préjudice d’EDF).
________________________________________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
16e chambre
ARRET DU 01 JUILLET 2021
N° RG 20/06428 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UHAR
AFFAIRE :
S.A. ELECTRICITE DE FRANCE
C/
S.A. Y
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2020 par le Juge de l’exécution de NANTERRE
N° RG : 20/05540
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 01.07.2021
à :
Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES
Me F G de la SELEURL MINAULT G, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE UN JUILLET DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. ELECTRICITE DE FRANCE
N° Siret 552 081 317 (RCS Paris)
[…]
[…]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Bertrand POTOT de la SELAS DS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T07 – Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2064908
APPELANTE
****************
S.A. Y
N° Siret : 542 107 651 (R.C.S Nanterre)
[…]
[…]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me BD-Louis FOURGOUX de la SELARL FOURGOUX ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0069 et Me Christophe RELU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0183 Représentant : Me F G de la SELEURL MINAULT G, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 – N° du dossier 20210026
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Juin 2021, Madame Sylvie GUYON-NEROT, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sylvie NEROT, Président,
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSÉ DU LITIGE
Dans le contexte d’une ouverture à la concurrence du marché de la fourniture d’électricité auprès des particuliers et faisant grief à la société anonyme Y (ainsi dénommée depuis 2015 à la suite de la fusion des entreprises Suez et GDF), proposant ses offres de contrat aux particuliers par le canal du démarchage à domicile, d’y intervenir par des pratiques illicites, la société Electricité de France (ci-après : EDF), anciennement titulaire du monopole sur le marché français de l’électricité, l’a assignée devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement du 14 décembre 2017, a, notamment, retenu l’existence d’actes de concurrence déloyale imputables à la société Y commis au détriment de la société EDF.
Saisie de l’appel à l’encontre de cette décision par la société Y, la cour d’appel de Versailles, par arrêt rendu le 12 mars 2019 (signifié le 20 mars 2019), l’a condamnée au paiement de diverses sommes indemnitaires en réparation du préjudice subi par EDF du fait de ses négligences fautives et « ordonné à la société Y de cesser et faire cesser par toute personne exerçant une fonction quelconque dans sa campagne de démarchage, tout acte de parasitisme et de dénigrement au préjudice de la société EDF, et ce sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée, pendant une durée d’un an à compter de la signification du présent arrêt ».
Se prévalant de manquements à cette injonction qu’elle entendait étayer par quelques 10.689 réclamations écrites et téléphoniques, la société EDF a assigné, le 06 juillet 2020, la société Y devant le juge de l’exécution en liquidation de l’astreinte provisoire ainsi prononcée par la cour d’appel de Versailles à hauteur de la somme de 106.890.000 euros et aux fins, par ailleurs, de condamnation à une astreinte définitive fixée à 50.000 euros par infraction constatée.
Par jugement contradictoire rendu le 11 décembre 2020 le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :
• débouté la société SA Y de sa demande de nullité de l’assignation du 06 juillet 2020,
• déclaré la pièce n°4 (regroupant l’ensemble des réclamations téléphoniques) de la SA Electricité de France recevable,
• condamné la SA Y à payer à la SA Electricité de France la somme de 230.000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement, représentant la liquidation pour la période du 20 mars 2019 au 9 mars 2020 de l’astreinte provisoire fixée par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 12 mars 2019,
• assorti d’une nouvelle astreinte provisoire l’obligation de la SA Y de cesser et faire cesser par toute personne exerçant une fonction quelconque dans sa campagne de démarchage, tout acte de parasitisme et de dénigrement au préjudice d’EDF.
• fixé à 15.000 euros par infraction, pour une durée de 12 mois à compter de la signification de la présente décision, le montant de cette astreinte provisoire,
• condamné la SA Y à payer à la SA Electricité de France la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
• débouté les parties du surplus de leurs demandes,
• rappelé que la présente décision est exécutoire par provision,
• condamné la SA Y aux dépens de l’instance.
Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 23 avril 2021, la société anonyme Electricité de France, appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 22 décembre 2020, demande à la cour, au visa notamment des articles L 131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution :
• de déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par EDF,
• de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société SA Y de sa demande de nullité de l’assignation du 06 juillet 2020 /// déclaré la pièce n°4 de la SA Electricité de
• France recevable /// condamné la société Y aux dépens de l’instance, de l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau,
• de condamner la société Y à (lui) payer la somme de 104.990.000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, représentant la liquidation pour la période du 20 mars 2019 au 09 mars 2020 de l’astreinte provisoire fixée par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 12 mars 2019,
• de condamner la société Y à une astreinte définitive de 50.000 euros par infraction constatée et pour une durée de 12 mois à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir,
• de débouter la société Y de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
• de condamner la société Y au paiement à la société Electricité de France de la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
• de condamner la société Y en tous les dépens, lesquels pourront être recouvrés directement par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 20 mai 2021 la société anonyme Y, visant les articles 54, 56, 114, 112, 752, 414, 760, 763, 752, 905 et suivants du code de procédure civile, L121-4, L131-4, R121-6 du code des procédures civiles d’exécution, L213-6 du code de l’organisation judiciaire, prie la cour :
• de confirmer le jugement (entrepris) en ce qu’il a jugé insuffisamment probantes la pièce adverse n°4 de la SA Electricité de France relative aux réclamations téléphoniques et la pièce adverse n°3 relative aux réclamations écrites /// débouté la SA Electricité de France de sa demande de liquidation de l’astreinte pour un montant de 106.890.000 euros /// débouté la SA Electricité de France de sa demande d’astreinte définitive pour un montant de 50.000 euros par infraction constatée,
• d’infirmer le jugement (entrepris) en ce qu’il a débouté la SA Y de sa demande de nullité de l’assignation du 6 juillet 2020 /// condamné la SA Y à payer à la SA Electricité de France la somme de 230.000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, représentant la liquidation pour la période du 20 mars 2019 au 09 mars 2020 de l’astreinte provisoire fixée par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 12 mars 2019 /// assorti d’une nouvelle astreinte provisoire l’obligation de la SA Y de cesser et de faire cesser par toute personne exerçant une fonction quelconque dans sa campagne de démarchage, tout acte de parasitisme et de dénigrement au préjudice d’EDF /// fixé à 15.000 euros par infraction, pour une durée de 12 mois à compter de la signification de la décision du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre du 11 décembre 2020, le montant de cette astreinte provisoire /// condamné la SA Y à payer à la SA Electricité de France la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile /// débouté la SA Y du surplus de ses demandes,
et, statuant à nouveau,
• de juger que l’assignation contient des irrégularités de forme relatives aux modalités de comparution, à la constitution de l’avocat, lesquelles causent grief à la société Y,
• de juger, en conséquence, nulle et non avenue l’assignation du 06 juillet 2020,
à titre principal,
• de juger que la société Y a pris de nombreuses mesures visant à améliorer et contrôler la qualité des ventes par démarchage à domicile, et ce malgré les difficultés rencontrées dans l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 12 mars 2019,
• de juger que la société Y s’est conformée à l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 12 mars 2019 lui ordonnant de cesser et faire cesser par toute personne exerçant une fonction
• quelconque dans sa campagne de démarchage, tout acte de parasitisme et de dénigrement au préjudice de la société EDF, de juger insuffisamment probant l’ensemble de la pièce n°3 et, en conséquence, sur l’astreinte provisoire,
• de débouter purement et simplement la société EDF de sa demande de liquidation de l’astreinte provisoire prononcée par la cour d’appel de Versailles du 12 mars 2019 à la somme de 104.990.000 millions d’euros (cent quatre millions neuf cent quatre-vingt-dix mille euros) ou tout autre montant,
• sur l’astreinte définitive, de débouter la société EDF de sa demande d’astreinte définitive.
en tout état de cause
• de condamner la société EDF à payer à Y la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
• de condamner la société EDF en tous les dépens de l’instance dont distraction au profit de la Selarl Minault-G agissant par maître F G, avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 mai 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité de l’assignation devant le juge de l’exécution
La société Y se prévaut de la délivrance d’une assignation méconnaissant le principe d’unicité de la constitution d’avocat, dès lors que deux avocats, de cabinets et de barreaux distincts, y étaient mentionnés sans qu’elle sache quel était l’avocat constitué. Elle se prévaut d’une entrave à sa défense et d’une dualité affectant les échanges d’une incertitude persistante.
Elle reproche au tribunal de n’en avoir par prononcé la nullité en retenant, certes, que la représentation des parties par un avocat était en l’espèce obligatoire, compte tenu de la date de l’assignation, du quantum de la demande et par application des articles L 121-4 et R 121-6 du code des procédures civiles d’exécution, mais d’avoir jugé que l’article 752 du code de procédure civile, inséré en son Livre II, est inapplicable aux procédures devant le juge de l’exécution en énonçant que la constitution devant ce dernier n’est soumise à aucune forme ni à aucun délai et peut intervenir jusqu’au jour de l’audience.
Elle lui fait grief d’avoir surabondamment ajouté qu’il résultait des échanges entre les parties qu’il n’était justifié d’aucune confusion susceptible de lui causer grief.
Ceci étant exposé, il est patent que l’assignation en cause contient bien l’indication du nom de deux avocats et constant que la nullité d’un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ainsi que sa persistance dès lors que l’article 115 du code de procédure civile dispose : « La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ».
A admettre que la dualité d’avocats incriminée, l’un étant inscrit au barreau des Hauts-de-Seine, soit dans le ressort de la juridiction saisie, l’autre au barreau de Paris, ait pu être source de confusion pour l’adversaire de la demanderesse à l’action à réception de cette assignation, force est de considérer, comme énoncé par le premier juge et comme le fait valoir à nouveau la société EDF en s’appuyant en particulier sur ses pièces n° 17 et 56 attestant d’échanges entre les conseils, que la société Y a adressé tous les courriers officiels à l’avocat parisien désigné dans le jugement comme avocat plaidant et que seuls les conclusions et dossiers ont fait l’objet d’une communication par voie électronique à l’avocat du barreau des Hauts-de-Seine, si bien que la société Y ne peut se prévaloir de la persistance d’un grief.
Incidemment, il y a lieu de relever que l’appel est dépourvu d’effet dévolutif pour le tout lorsque le jugement est nul en raison d’une irrégularité de l’acte introductif d’instance, la demande en justice n’ayant pu, du fait de sa nullité, donner régulièrement naissance à une instance valable, et qu’en l’espèce la société Y qui se borne à poursuivre la nullité de l’assignation ne tire pas les conséquences juridiques de son moyen.
Il convient, par conséquent, de rejeter ce moyen de nullité de l’acte introductif d’instance et de confirmer le jugement qui en dispose ainsi ;
Sur la recevabilité de la pièce n° 4 produite par la société EDF
Le premier juge a déclaré recevable cette pièce n° 4, désignée dans le bordereau de communication de pièces de la société EDF comme constituant les « réclamations téléphoniques de mars 2019 à mars 2020 » en considérant, au visa de l’article 16 du code de procédure civile, que le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, ajoutant que sa valeur probante serait examinée ultérieurement.
Force est de considérer qu’alors que la société EDF se borne à demander, dans le dispositif de ses conclusions, la confirmation du jugement sur ce point, la société Y ne conteste pas devant la cour la recevabilité de cette pièce mais lui demande de confirmer le jugement en ce qu’il l’a déclarée insuffisamment probante, tout comme, d’ailleurs, la pièce n° 3 relative aux réclamations écrites.
Il s’en déduit qu’en l’absence de contestation sur la recevabilité de cette pièce, le jugement doit être confirmé en cette disposition.
Sur la demande de liquidation de l’astreinte provisoire
Pour la clarté des débats, il convient d’exposer que, pour statuer comme il l’a fait, le premier juge a rappelé les dispositions des articles L 131-2 et suivants du code de procédure civile, les finalités de l’astreinte provisoire ainsi que les éléments présidant à sa fixation.
Précisant la date de signification de l’arrêt mettant à la charge de la société Y une obligation de ne pas faire, à savoir le 20 mars 2019, il énonce qu’il appartenait à la société EDF de rapporter la preuve des infractions commises en observant que celle-ci produit deux types de pièces, s’agissant de réclamations dites orales regroupées sous forme de tableau (qu’il a jugées insuffisamment probantes) et de plaintes écrites (qu’il n’a retenues que pour partie lorsqu’elles étaient accompagnées d’une feuille de clarification, plainte ou main courante précisant l’identité de l’usager et contenant l’indication de l’ancien fournisseur EDF).
Le juge de l’exécution s’est ensuite attaché à la nature des infractions assorties d’une astreinte, telle que ressortant de l’arrêt la prononçant (parasitisme, dénigrement) en écartant d’autres infractions dénoncées (ventes forcées ou frauduleuses, pressions sur le clients, abus de faiblesse, autres faits) pour dire qu’il convenait de liquider l’astreinte au titre de 23 infractions.
Se prononçant, enfin, sur les diligences invoquées par la société Y afin de mettre un terme aux faits de dénigrement et de parasitisme motivant l’astreinte ainsi qu’aux difficultés rencontrées, il a considéré qu’il n’y avait pas lieu de réduire l’astreinte prononcée par la cour d’appel, liquidée à taux plein pour ces 23 infractions durant la période du 20 mars 2019 au 09 mars 2020.
La société EDF appelante demande désormais à la cour de fixer le montant de l’astreinte à la somme de 104.990.000 euros du fait qu’elle a éliminé des « doublons » (le nombre de réclamations étant
ramené à 10.499).
Elle porte sa critique à la fois sur l’ensemble des éléments d’appréciation retenus par le premier juge et sur l’argumentation de la société Y qui, pour conclure au débouté pur et simple de la demande, conteste le caractère probant des réclamations invoquées, soutient qu’elle a déféré à l’injonction judiciaire en renforçant les mesures existantes et en adoptant de nouvelles règles pour améliorer la vente directe et l’information des partenaires et prestataires (mise en place de la Cellule Solutions Clients, modification des contrats existants et durcissement des sanctions en cas de réclamations, mise en place de l’Ecole de vente by Y, test de l’envoi d’un courrier de prévenance, modification de la feuille de clarification, meilleure identité visuelle d’Y, modification des Welcome calls) ; elle se prévaut du rapport annuel du Médiateur de l’énergie de 2020 qui lui est favorable, souligne la démesure de la demande en regard de la rentabilité d’un client Y, estimant que la société EDF, dont elle la seule cible alors que la filiale Sowee d’EDF ou la société ENI pourraient être inquiétées, n’a d’autre but que de faire obstacle à son activité de démarchage et contestant, plus généralement, la pertinence de cette action.
A – Sur les réclamations téléphoniques versées aux débats
1 ‘ sur la valeur probatoire de ces réclamations
S’agissant des réclamations téléphoniques de mars 2019 à mars 2020, la société EDF les présente sous la forme d’un fichier comportant une liste d’appels retranscrits par ses téléconseillers.
La société Y ne peut valablement soutenir qu’elles doivent être, d’emblée, tenues pour inopérantes en se prévalant du principe selon lequel « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même » dès lors que l’article 1363 (nouveau) du code civil, qu’elle reprend pourtant fidèlement dans ses écritures, énonce clairement que la prohibition qu’il contient concerne le « titre » .
La preuve des faits juridiques, comme en l’espèce, est, quant à elle, exclue du champ d’application de ce principe ainsi codifié et il ne s’agit pas tant de savoir de qui émane cette pièce mais si elle présente des garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour.
A cet égard, la société EDF, qui ne se borne pas à la production d’un listing unilatéralement établi, produit un constat d’huissier dressé le 21 mars 2019 destiné à constater les moyens matériels et humains mis en oeuvre pour collecter les réclamations, outre une étude de monsieur X datée du 16 juin 2017 (déjà produite devant la cour statuant au fond) intervenu sur les outils informatiques pour vérifier les modalités techniques de l’extraction des données et de leur retraitement (tout en procédant à une anonymisation partielle) et un rapport complémentaire établi par ce même technicien le 15 février 2021 pour vérifier la stricte conformité de ces opérations à celles qu’a précédemment validées la présente cour, statuant au fond.
Elle invoque, par ailleurs, cet arrêt rendu le 12 mars 2019 (dont le dispositif assortit d’astreinte les « infractions constatées » sans plus d’éléments sur les modalités de ce constat) qui a lourdement sanctionné la société Y pour ses pratiques déloyales dans le démarchage de ses clients et le fait qu’elle a été condamnée à lui verser, en réparation de son préjudice, une somme totale de 1.046.116 euros comprenant, en sus de l’évaluation des gains manqués résultant de la captation illicite de clientèle, celle de 100.000 euros représentant les coûts de gestion des réclamations des clients d’EDF (par conséquent reconnus).
La société Y à qui la cour a reproché, dans son arrêt du 12 mars 2019, de ne « pas avoir pris les moyens d’un suivi et d’une surveillance efficace de cette campagne » ainsi qu’une « absence de réaction face à la gestion négligente des incidents par ses partenaires » peut, certes, valablement tirer argument du déploiement de diverses mesures pour corriger ces faits, reprises ci-avant et évoquées de manière favorable par le Médiateur National de l’Energie dans son rapport 2019, comme elle peut
se prévaloir du fait que les données figurant en pièce 4 sont le fruit d’une retranscription par les téléconseillers d’EDF, qu’elles ont fait l’objet d’une anonymisation partielle, qu’elles sont souvent présentées de manière stéréotypées et en dehors de leur contexte ou encore stigmatiser le comportement de son adversaire, qui n’a eu recours qu’à une seule mesure de constat d’huissier, le 21 mai 2019, plutôt qu’aux seize produites dans le cadre de la procédure au fond, en démontrant qu’elle a vainement sollicité, le 07 septembre 2020, l’ensemble des enregistrements audio, correspondant aux «réclamations orales» de la pièce 4 élaborée par EDF, afin d’être en mesure d’apprécier l’objectivité de la retranscription par les téléconseillers et le bien-fondé desdites réclamations.
Mais il s’agit ici de se prononcer sur la valeur probatoire de ces enregistrements téléphoniques retranscrits, autrement dit sur leur vocation à prouver et, partant, leur admissibilité, non point sur leur valeur probante, autrement dit sur leur capacité à emporter la conviction quant à la réalité des infractions incriminées, qui sera examinée ci-après.
Il peut être ajouté, sur cette valeur probatoire contestée par la société Y, qu’en cours de procédure d’appel la société EDF a pris l’initiative de renforcer la valeur probatoire des éléments destinés à étayer sa demande en faisant dresser un constat d’huissier, le 21 avril 2021, concomitamment au rapport complémentaire sus-évoqué.
Et il ressort des contrôles et opérations qu’elle a fait réaliser une identité entre les fichiers produits et les réclamations collectées et stockées automatiquement dans sa base de données dénommée « Verone », seules 2,2 % d’entre elles faisant apparaître une occultation de certaines données ; la société EDF en tire les conséquences en cause d’appel en réduisant le nombre de réclamations opérantes et, partant, le quantum de sa demande.
Il est, par ailleurs exposé que les réclamations comportent notamment l’indication du PDL (soit : point de livraison) associé au contrat qui permet l’identification précise de ses clients tenus de lui délivrer des informations personnelles.
Il n’y a donc pas lieu de dénier à cette pièce n° 4 de l’appelante, collecte d’informations entourée de garanties suffisantes, sa valeur probatoire.
2 – sur les « infractions constatées » ressortant de ces réclamations
S’agissant du bien fondé de la demande de liquidation de l’astreinte provisoire, il convient de rappeler que la cour, statuant avec les pouvoirs du juge de l’exécution, est tenue par le dispositif de la décision qui l’a ordonnée, repris ci-avant, visant précisément deux infractions.
S’agissant de la charge de la preuve, il incombe au créancier d’une obligation de ne pas faire, demandeur à la liquidation de l’astreinte, de rapporter la preuve de la violation de l’interdiction mise à la charge du débiteur, comme a pu l’énoncer la Cour de cassation (Cass soc, 23 novembre 1990, pourvoi n° 87-40890, publié au bulletin, Cass civ 2e, 1er février 2006, pourvoi n° 05-12091, …).
Il appartient donc à la société EDF qui se prévaut de manquements à l’obligation de ne pas faire de démontrer, sauf à priver son adversaire de la faculté de débattre de la réalité des infractions et à la cour celle de forger son appréciation avec pertinence, que les appels téléphoniques ainsi recensés sont constitutifs des infractions assorties d’une injonction précisément désignées dans ce dispositif, dans le cadre du démarchage de la société Y, à savoir des « actes de parasitisme et de dénigrement à (son) préjudice ».
Ceci alors que la société Y conteste le bien-fondé de la demande à son encontre en affirmant qu’un grand nombre des réclamations recensées ne rentre pas dans le champ de l’astreinte provisoire fixée par l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 12 mars 2019, voire même que ces réclamations ne la concernent pas et en leur déniant, par conséquent, leur force probante.
S’agissant des infractions en cause, il est reproché à la société Y d’avoir contrevenu à une première obligation de ne pas faire, à savoir le parasitisme économique qui consiste à s’immiscer dans le sillage d’autrui afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis, étant précisé que s’il est constant que l’existence (et non point l’étendue) d’un préjudice, fût-il moral, s’infère nécessairement de cette faute délictuelle (Cass com, 17 mars 2021 point 6, pourvoi n° 19-10414), il est nécessaire de prouver la volonté de l’opérateur économique de tirer profit de cette valeur économique à des fins lucratives, ceci indépendamment de tout risque de confusion (Cass com, 20 mai 2014, pourvoi n° 13-16243// 09 juin 2015, pourvoi n° 14-11242).
La seconde, à savoir le dénigrement, vise les agissements tendant à jeter publiquement le discrédit sur un concurrent nommément désigné ou identifiable afin d’en détourner la clientèle aux fins de captation.
Le démarchage de la clientèle d’autrui étant, en soi, licite il est nécessaire de faire la démonstration de la réunion effective des éléments constitutifs de ces infractions.
A cet égard, force est de considérer que la société EDF, qui, pour emporter la conviction de la juridiction en charge des voies d’exécution, avait faculté de sélectionner parmi les multiples réclamations téléphoniques collectées les comportements précisément incriminés en agissant en liquidation de l’astreinte, se dispense de caractériser leurs éléments constitutifs dans chacun des messages qu’elle tient pour des « infractions constatées », comme l’exige la condamnation sous astreinte qui n’a pas une vocation indemnitaire mais a pour seul finalité de contraindre le débiteur de l’obligation à exécuter la décision de justice qui la prévoit.
Agissant en liquidation d’astreinte, elle ne peut prétendre à l’application du mode d’évaluation adopté par la cour d’appel de Versailles statuant au fond le 12 mars 2019, laquelle expose notamment (pages 9 et 10/23 de l’arrêt), après examen de la masse des réclamations, que « la cour a procédé par sondage, sur un échantillon de 100 réclamations (sur les 2.021 réclamations). Il ressort de ce sondage que 65 réclamations font état d’usurpation de la notoriété de la société EDF, les clients indiquant par exemple … » pour parvenir à une évaluation de « 2.021 x 65 % = 1.313 faits, soit environ 328 faits par mois pour les seules réclamations téléphoniques ».
Elle ne peut, par conséquent, se borner à écrire, sans se référer à une réclamation précise :
• (page 29/66) que «s’assurer de la souscription d’un contrat en prétendant agir au nom d’EDF constitue bien un acte d’usurpation et de parasitisme quel que soit le fournisseur habituel du consommateur concerné» ou :
• (page 44/66) «quel que soit le volume de ces réclamations (‘) chacune de celles-ci est parfaitement vérifiable et atteste bien des faits de concurrence déloyale par parasitisme, confusion et/ou dénigrement» ou :
• (page 45/66) que «dans le cadre de la liquidation de l’astreinte, la cour constatera que les réclamations du même type (que celles retenues dans l’arrêt du 12 mars 2019), portant sur les mêmes faits, se comptent par centaines», ou qu’«il s’agit pour les démarcheurs de la société Y ou accrédités par elle, de tromper purement et simplement le client démarché en usurpant le nom d’EDF et en se faisant passer pour l’un de ses préposés (‘) le démarchage consiste (…) en une usurpation des signes distinctifs d’EDF pour profiter de la notoriété et de l’image qui y sont attachées» ou encore :
• (page 46/66) qu’«en l’espèce, il s’agit pour les démarcheurs de la société Y de se présenter comme «partenaires d’EDF» ou encore de se prévaloir du fait «qu’Y et EDF ne font qu’un» ou qu’Y serait «une filiale d’EDF», etc …»,
• par ailleurs, évoquant le dénigrement : (page 45/46) «qu’il suffit de se reporter à l’examen desdites réclamations pour apprécier comment les démarcheurs n’ont pas craint d’aborder la clientèle en faisant valoir, à titre d’exemple, qu’EDF n’existe plus, ou qu’elle est en faillite, ou
qu’elle n’intervient plus pour les particuliers ou que ses tarifs allaient augmenter, etc … ce qui constitue autant d’informations dénigrantes, indépendamment de leur caractère mensonger, destinées à jeter le discrédit».
Ce traitement globalisant des « infractions constatées » ne manque pas de susciter des réserves en regard, en particulier, du principe de la liberté du commerce et de l’industrie dans les rapports d’agents économiques agissant sur le même marché sans démonstration de l’avantage injustifié qui fausserait le jeu de la concurrence.
A titre exemplatif, diverses retranscriptions téléphoniques précisément évoquées dans ses écritures par la société Y :
-09 novembre 2019 : Y. « la cliente a été démarchée par Y et a souscrit un contrat d’électricité chez eux, je lui fait « changé » d’avis »
-04 juin 2019 : J K « démarché par Y veut s’assurer que son contrat est toujours en cours chez nous »
-05 juillet 2019 : J L « voulait s’assurer que son contrat soit toujours actif chez EDF car a été démarché par la concurrence (Y) »
-09 novembre 2019 : Victrice Rondeau : « réclamation client : veut savoir si on applique une ristourne suite démarchage Caron lui propose mieux chez Y ‘ réponse apportée à m. Rondeau Victrice : excuses, pas de promo pour nos clients ‘ je remercie de leur fidélité et les averti que si Y propose 10e de moins par mois de faire attention car probablement sous estim. de sa mens. »
Ainsi, la société Y, qui n’a pas la charge de la preuve, prend soin, quant à elle, d’individualiser dans ses écritures de multiples messages pour démontrer qu’ils ne peuvent s’analyser en l’une des infractions visées au dispositif de l’arrêt du 12 mars 2019 dès lors, précise-t-elle, que certaines d’entre elles concernent d’autres fournisseurs d’électricité parmi lesquels Sowee, filiale d’EDF, que diverses réclamations sont «hors période d’astreinte» ou constituent des doublons, que certaines sont en réalité favorables à Y, que de nombreux clients font simplement état d’un démarchage d’Y et d’une éventuelle rétractation, sans directement remettre en cause la qualité du démarchage, qu’EDF fait un fallacieux amalgame en insérant dans ces réclamations des ventes en magasin, qui ne sont pas des ventes hors établissement, comme celui à l’enseigne Darty, et qu’elle-même produit des «welcome calls» (ou appels de bienvenue à ses nouveaux clients) tendant à démontrer l’absence de confusion dans leur esprit sur l’identité du fournisseur.
Il ne qu’être constaté que la société EDF n’apporte nulle réplique circonstanciée à ces éléments de contestation précis.
Surtout, aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » et il appartient à la société EDF, poursuivant non plus comme précédemment la réparation du préjudice causé par des faits de parasitisme ou de dénigrement constatés sur le marché mais la liquidation de la mesure de contrainte assortissant l’obligation de ne pas faire imposée à la société Y, de les prouver.
Il lui incombe donc de faire la démonstration de chaque « infraction constatée » devant le juge de l’exécution tenu par les prévisions de la décision qui ordonne l’astreinte lors d’une action en liquidation et elle ne peut se prévaloir, comme elle le fait, des éléments ci-dessus reproduits qui ne sont aucunement rattachés à chacune des réclamations de la pièce n° 4 et s’analysent en des généralités ne répondant pas, de plus et pour une part non négligeable, aux définitions sus-énoncées.
La société Y ne dit pas autre chose lorsqu’elle objecte, dans ses dernières conclusions (page
27/100) qu’« afin de fixer le montant de la liquidation de l’astreinte, le juge de l’exécution doit étudier chaque réclamation produite par EDF et vérifier si celle-ci remplit les conditions posées par la cour d’appel de Versailles. A la différence de la cour d’appel de Versailles, le juge de l’exécution ne peut utiliser la méthode du sondage ».
Ces généralités ne permettent pas, qui plus est et comme il a été dit, à la société Y d’exercer utilement sa défense, dans le respect du contradictoire, dès lors que ne lui sont pas opposées des infractions précisément caractérisées en fait et en droit.
Et si, par ailleurs, l’article 7 alinéa 2 du même code pourrait autoriser la cour à extraire de la masse des réclamations produites aux débats celles qui seraient éventuellement susceptibles de réunir les éléments constitutifs des infractions en cause en cherchant à les rattacher aux généralités précisément invoquées, il ne s’agit que d’une simple faculté.
Il peut être relevé, au surplus, que la société EDF demandait bien à la cour d’appel de prononcer une astreinte « par infraction constatée » que la cour y a fait droit pour «chaque infraction constatée » (pages 3 et 20/23 de l’arrêt rendu le 12 mars 2019) ; que, par ailleurs, l’énonciation du juge de l’exécution (page 11/20 du jugement) selon laquelle « se rapportant au titre exécutoire et à la définition précise des infractions sanctionnées d’une astreinte détaillée par la cour d’appel, le tribunal de céans a réparti les réclamations écrites retenues au titre du premier tableau comme suit »; que ces énonciations, exemptes d’ambiguïté, auraient dû inciter la société EDF, en cause d’appel, à s’attacher au cas par cas à la réunion des éléments constitutifs de chaque « infraction constatée » et qu’elle s’en abstient.
Il résulte de tout ce qui précède que la société EDF qui peut se prévaloir, sur le terrain probatoire, de réclamations téléphoniques extraites de ses données n’est pas fondée en sa demande de liquidation d’astreinte fondée sur les infractions de parasitisme et de dénigrement commises à son préjudice par la société Y dans ses activités de démarchage qu’elle n’individualise pas ni ne caractérise.
Le jugement doit, dans ces conditions, être confirmé en ce qu’il déboute la société EDF de sa demande à ce titre.
B – Sur les réclamations écrites versées aux débats
Se fondant sur les dispositions des articles 202 du code de procédure civile, relatif à la forme des attestations, et 1381 (nouveau) du code civil, portant sur l’appréciation des déclarations des tiers, la société Y fait valoir que celle de la cour doit être particulièrement stricte car il lui appartient d’étudier chaque infraction alléguée pour laquelle l’astreinte est susceptible d’être liquidée.
Elle conteste le caractère probant de la pièce adverse n° 3 réunissant les réclamations écrites en soutenant que la preuve de l’identité des réclamants est absente, que la référence au PDL (acronyme de point de livraison) est susceptible de défaillance, de même qu’il n’est pas prouvé que leurs auteurs soient des clients de la société EDF, critiquant sur ce dernier point les factures produites par l’appelante en ce qu’elles ne correspondent pas à la période du cours de l’astreinte ou se révèlent lacunaires, voire incohérentes.
Elle illustre factuellement son propos, estime que, là encore, EDF tente de tromper la religion de la cour en lui faisant croire que la majorité de ses réclamants a quitté EDF et qu’elle en apporte la preuve ; elle ajoute que la production de factures, fussent-elles véritablement de résiliation (en petit nombre), démontre uniquement que le réclamant était client EDF mais ne permet en aucun cas d’établir un lien avec le prétendu démarchage intervenu et encore moins d’en déterminer la date pour conclure que le premier juge ne s’y est pas trompé et pour demander finalement à la cour de juger que ces pièces sont dénuées de toute force probante.
Ceci étant exposé, alors qu’une plainte peut être définie comme un acte par lequel une personne qui s’estime lésée porte une réclamation à la connaissance de la personne intéressée, l’attestation émane d’un tiers et tend à consigner « les faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés ».
S’agissant ici de réclamations écrites regroupant en pièce n° 3 des courriels, lettres, attestations, formulaires accessibles sur les sites internet de la société EDF qui émanent de plaignants, l’article 202 précité n’a pas vocation à trouver application.
Il convient de constater que si les parties poursuivent, l’une et l’autre, l’infirmation du jugement, la société EDF mettant l’accent sur la force probante de ces documents en raison de la parfaite identification des plaignants et de leur régularité formelle ainsi que sur l’acharnement de la société Y à en vouloir le rejet, ni l’une ni l’autre ne consacre de développements particuliers à la sélection opérée par le premier juge, dans la masse indistincte qui lui était livrée, selon les critères énoncés.
Concernant leur force probante, c’est pourtant par motifs pertinents que la cour fait siens et qui répondent aux critiques que la société Y renouvelle devant la cour, que le premier juge n’a pas pris en considération celles des réclamations qui ne permettaient pas de s’assurer de l’identité du client ou de la réalité de sa qualité de contractant de la société EDF et admis celles qui se trouvaient complétées par une feuille de clarification remise par le fournisseur d’énergie ou par une plainte ou encore par une main courante.
En l’état de ces éléments, il convient de l’approuver en ce qu’en contemplation de ces critères, il a retenu 80 plaintes ayant une valeur probante, ceci selon un tableau de synthèse, inséré en pages 9 à 11/20 du jugement et auquel il est expressément renvoyé, qui précise les noms, prénoms de ces clients, la date de leur réclamation et la nature des pièces venant l’étayer.
Sur les « infractions constatées » ressortant de ces réclamations
Il y a lieu d’exposer liminairement que pour parvenir à extraire de l’ensemble des réclamations écrites produites en pièce n° 3 par la société EDF vingt-trois plaintes pertinentes en regard de l’obligation de ne pas faire, à peine d’astreinte, figurant au dispositif de l’arrêt rendu le 12 mars 2019, le juge de l’exécution a retenu :
• 24 réclamations portant sur des faits de parasitisme (tableau page 12/20 du jugement) en retenant que les réclamants s’accordent sur les modes opératoires des démarcheurs d’Y tenant à la confusion entretenue entre les deux fournisseurs d’électricité,
• 02 réclamations portant sur des faits de dénigrement plus rarement dénoncés (tableau page 13/20 du jugement), mais exclu celles qui dénonçaient des comportements s’analysant en des ventes forcées ou frauduleuses (au nombre de 24), des faits d’abus de faiblesse et de pressions sur les clients (au nombre de 13) sanctionnables sous d’autres chefs et non visés par le dispositif de cet arrêt, comme certaines ressortant de comportements divers.
Il a, par ailleurs, exclu des plaignants précédemment retenus dans son tableau de synthèse des réclamations portant sur des faits de parasitisme et de dénigrement les réclamations écrites de mesdames AV-AW AX et M N ainsi que de monsieur O P au motif que les faits dénoncés se situent en dehors de la période durant laquelle l’astreinte a couru.
Force est à nouveau de considérer que la société EDF, demanderesse en cette action en liquidation d’astreinte sur laquelle pèse, comme déjà énoncé, la charge de la preuve du défaut de soumission à l’obligation de ne pas faire et qui entend voir juger que l’ensemble des réclamations écrites produites (insérées dans de volumineuses chemises, par ordre chronologique et accompagnées de documents annexes mais sans aucun développement juridique) doivent être considérées comme des infractions lui permettant de prétendre à la condamnation de son adversaire à l’astreinte provisoire ordonnée se montre défaillante dans la caractérisation, pour chacune de ces réclamations, des éléments constitutifs de l’une et l’autre des infractions visées dans la condamnation sous astreinte.
Pas davantage ne porte-t-elle la critique sur l’exclusion de partie d’entre elles par le premier juge.
Elle n’apporte pas, de plus, la contradiction à l’argumentation de la société Y qui estime, quant à elle, que la cour ne pourra que constater la volonté d’EDF de la tromper sur le nombre de réclamations susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’astreinte fixée par la cour d’appel de Versailles et lui reproche de s’abstenir, exactement comme en première instance, de rapporter la preuve des infractions qui pèse pourtant sur elle.
Sur appel incident saisissant la cour, la société Y conteste la décision du juge de l’exécution en ce qu’il a liquidé l’astreinte au titre de 23 infractions.
Elle fait valoir que ces réclamations se situent hors du périmètre de l’astreinte prononcée et qu’au surplus elle rapporte la preuve contraire en se prévalant des feuilles de clarification, d’une part, des déclarations des personnes démarchées à l’occasion de welcom calls réalisés par les partenaires et prestataires Y.
Il convient, par conséquent, de reprendre chacune de ces infractions, retenues pour les vingt et unes premières comme constitutives de parasitisme et pour les deux dernières de dénigrement, et de se prononcer sur les moyens de contestation articulés par la société Y :
• (1) AR AS (pour des faits du 28 avril 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 29 avril 2019) qui expose en substance qu’il entend maintenir son contrat souscrit auprès d’EDF et précise : « En effet, jouant sur la ressemblance des sigles Y et Enedis, un agent de Y s’est présenté à mon domicile en m’indiquant qu’il m’était proposé un nouveau contrat en tant que client dont la signature devait être immédiate afin d’éviter les hausses à venir. Ce contrat se révèle léonin et j’y ai mis fin en me rétractant le jour même ».
Il y a lieu de considérer qu’il n’en ressort pas que la société Y ait tiré profit de la notoriété préexistante et effective de la société EDF. Cette infraction ne peut retenue.
• Q R (pour des faits du 24 avril 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 30 juin 2019) qui expose notamment, à réception de documents lui permettant de souscrire un nouvel abonnement auprès d’EDF après résiliation d’un contrat souscrit auprès d’Y, « suite à notre conversation téléphonique du 26 juin 2019 le matin, je vous relate comme vous me l’avez demandé, la visite du conseiller d’Y qui m’a induite en erreur en me disant qu’EDF allait faire alliance avec Y !!! »
Y fait valoir que les feuilles de clarification des réclamations auxquelles elle a systématiquement recours, par un partenaire ou un prestataire, à chaque démarchage afin de s’assurer que la personne démarchée avait alors conscience de changer de fournisseur prouvent l’absence de dénigrement et de parasitisme, le client ayant bien eu conscience du changement de fournisseur d’énergie et qu’il en va, par exemple, ainsi de cette cliente.
Il y a toutefois lieu de considérer que les propos rapportés, évoquant un rattachement à la notoriété préexistante d’EDF par cette cliente, sont constitutifs de l’infraction de parasitisme.
• S T (pour des faits du 09 septembre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 11 septembre 2019) qui expose : « Comme suite à notre communication téléphonique du
10 septembre dernier et à votre mail, je vous relate les faits. Un jeune homme s’est présenté badge Y sur notre terrasse le 09 septembre vers 12h 30 et nous a présenté des documents EDF-GDF (voir photocopie). Il nous a fait un exposé d’Y, soit disant filiale d’EDF pour particuliers sans augmentation de prix et revus à la baisse. Il nous a demandé les dernières factures de Poisy et Payzac. J’ai signé sur une tablette digitale les 2 contrats et j’ai reçu les conditions particulières par mail. Je pensais à une filiale d’EDF, EDF où nous sommes fidèles depuis 53 ans. Par ailleurs, j’ai remarqué qu’il n’y avait pas de véhicule garé dans notre cour ni dans notre lotissement. Le doute s’est installé. J’ai donc décidé de vous contacter. Je n’ai pas signé les mandats de prélèvement Sepa. Ci-joint LR avec AR dossier rétractation. Une personne nous a téléphoné le 09.09.2019 à 16h 25 concernant l’offre. Tel (06 .. ..) Je n’ai pas de réponse. Une autre personne a laissé un message sur répondeur (appels qualité pour valider contrats) »
Y fait valoir que les feuilles de clarification des réclamations auxquelles elle a systématiquement recours, par un partenaire ou un prestataire, à chaque démarchage afin de s’assurer que la personne démarchée avait alors conscience de changer de fournisseur, prouvent l’absence de dénigrement et de parasitisme, le client ayant bien eu conscience du changement de fournisseur d’énergie et qu’il en va, par exemple, ainsi de celui-ci.
Les affirmations de la société Y sont néanmoins contredites par cette réclamation d’un client déclarant ne pas avoir répondu aux appels téléphoniques. La présentation d’Y comme étant une filiale d’EDF caractérise des faits de parasitisme par ce concurrent sur le marché de la fourniture d’énergie.
• AY AZ-BA (pour des faits du 1er septembre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 19 octobre 2019) qui expose : « En date du 1er septembre 2019, ma soeur BB-AV AZ (‘) a été démarchée à domicile par Y. Je dois vous préciser que ma soeur est une personne seule et vulnérable et n’est pas à même de gérer ses affaires et son quotidien actuellement. Le commercial lui a donc indiqué astucieusement, je cite : « EDF et Y, c’est pareil, EDF passe maintenant chez Y ». Il a présenté une feuille de clarification qu’il a remplie lui-même (seule la signature est de la main de ma soeur) lui laissant croire qu’il s’agissait simplement d’informations à leur soumettre alors qu’il s’agissait d’un contrat. Ce document ne comporte aucunes coordonnées (‘) J’ai pu contacter Y malgré tout par téléphone et j’ai réussi à faire annuler ce pseudo contrat en leur disant ma façon de penser et en les menaçant de déposer une plainte contre eux et le commercial. J’ai pu également rétablir son contrat initial chez vous le jeudi 17 octobre 2019. Enfin, il faut savoir que c’est la deuxième fois en 14 mois que la société Y la démarche et réussit à lui faire changer son fournisseur d’énergie. En effet, nous avons dû, mon neveu et moi, intervenir en juillet 2018 pour rétablir son contrat EDF (‘) Je trouve ces pratiques honteuses et inadmissibles (…) ».
La société Y n’a pas présenté d’observations sur cette réclamation retenue en première instance et il est patent que l’identité des deux sociétés et l’avantage affiché d’être la société absorbante de la société historique conduisent à retenir les faits de parasitisme incriminés.
Il peut être relevé qu’à l’examen de la feuille de clarification, les mentions manuscrites attribuées à la cliente, telle que décrite par sa soeur, et celle du vendeur présentent de fortes similitudes et qu’en outre, rien ne vient contredire la réitération des faits délictueux dénoncés, tous éléments conduisant à tenir pour grave cette infraction ainsi constatée.
• U V épouse Z (pour des faits du 02 septembre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 23 octobre 2019) qui expose : « Le 02 septembre 2019, j’ai fait l’objet d’un démarchage à mon domicile à propos d’heures creuses et de week-end, ne découvrant que plus tard que les deux personnes représentaient Y et non pas EDF.
Ci-joint ma réclamation pour ce démarchage abusif ». Elle y précise qu’il s’agissait de 2 jeunes hommes « sans jamais se présenter officiellement ni même se présenter eux-mêmes et en raison d’un jeu de mots que je n’ai compris que bien plus tard. J’ai pensé dans l’instant qu’il s’agissait de quelque chose relatif à mon fournisseur officiel EDF et qu’ils étaient leurs représentants. Dans un premier temps, un des deux jeunes hommes n’a pas voulu consentir à revenir un autre jour, étant occupée alors, et a insisté pour me parler de « bénéficier des heures creuses pour le week-end », phrase qu’il répétait en boucle. Il avait avec lui une tablette tactile sur laquelle il a inscrit lui-même quelques données que je n’ai pu vérifier, toute la transaction étant orale, me faisant signer directement sur le support numérique. Je n’ai pu lire ni ce « feuillet » numérique, ni le contrat que j’étais censée signer. Cela a duré à peu près un quart d’heure. Ils sont ensuite repartis. A 10h 53, ce même jour, j’ai reçu un mail m’annonçant que j’avais souscrit un contrat Y (…) »
Y soutient que les appels postérieurs au démarchage, destinés à valider la vente du contrat d’énergie (ses welcom calls) et qu’elle a retrouvés, démontrent que le premier juge a retenu, à tort, des infractions alors que le démarchage s’est déroulé sans qu’aucune confusion d’aucune sorte n’ait été entretenue, sans qu’il soit fait état non plus d’aucun dénigrement. Tel est le cas, selon elle, de cette cliente, observant qu’elle admet elle-même, au sein de sa réclamation, que la confusion avec EDF vient d’elle-même.
Il convient de considérer qu’il n’a certes pas été formellement présenté à cette cliente l’existence de liens entre Y et EDF. Il n’en reste pas moins que la prestation ponctuelle telle que proposée à cette cliente d’EDF et l’absence de présentation des deux intervenants a faire naître un doute, non dissipé par les intervenants, sur un tel lien ; que le modus operandi marqué par la célérité du démarchage et l’emploi d’un outil numérique l’ont privée de la faculté de se renseigner sur un contrat relatif à des prestations bien précises susceptibles d’être proposées par la société EDF. Sans bourse délier et par ces manoeuvres, la société Y a pu profiter de la confusion entretenue et l’infraction doit être retenue.
• W AA, née en […] (pour des faits du 24 octobre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 29 octobre 2019) qui précise que trois hommes se sont présentés dans son studio d’étudiante, prétextant une inspection de son compteur électrique, qu’il lui a été indiqué qu’il fallait en augmenter la puissance et téléphoner en leur présence à EDF, qu’elle a compris qu’ils mentaient, que l’un des hommes lui a répondu « qu’il était obligé de mentir pour que je sois gagnante et que je paye moins cher et qu’EDF est perdant si je passe à 9 kwh . Après cet appel, un des messieurs m’a dit de recopier une phrase pour savoir si je savais lire et écrire, encore une fois en étant trop naïve, j’ai recopié telle quelle la phrase suivante « mon ancien fournisseur est ‘ et mon nouveau fournisseur sera Y », je l’ai recopiée telle quelle et le monsieur m’a dit de mettre à la place des trois petits points EDF. Suite à cela, j’ai dit que je voulais rester chez EDF et le monsieur m’a confirmé que je restais chez EDF. Les messieurs m’ont expliqué que j’allais payer beaucoup moins cher (‘) mais sans me parler de l’abonnement ni rien. (‘) En rentrant de mes cours, j’ai téléphoné à mon père (…) »
Y fait valoir que les feuilles de clarification des réclamations auxquelles elle a systématiquement recours, par un partenaire ou un prestataire, à chaque démarchage afin de s’assurer que la personne démarchée avait alors conscience de changer de fournisseur prouvent l’absence de dénigrement et de parasitisme, le client ayant bien eu conscience du changement de fournisseur d’énergie et qu’il en va, par exemple, ainsi de celle-ci.
Y soutient également que les appels postérieurs au démarchage, destinés à valider la vente du contrat d’énergie (ses welcom calls) et qu’elle a retrouvés, démontrent que le premier juge a retenu, à tort, des infractions alors qu’en l’espèce, le démarchage s’est déroulé sans qu’aucune confusion d’aucune sorte n’ait été entretenue et sans qu’il soit fait état d’aucun dénigrement.
Il y a lieu de regarder comme insuffisants pour établir un consentement parfaitement éclairé les éléments recueillis postérieurement à cette intervention auprès d’une jeune cliente naïve qui a pu croire qu’elle avait affaire à des personnes mandatées par le fournisseur EDF auquel elle entendait rester attachée et à qui il a été demandé de signer un contrat par les manoeuvres peu orthodoxes qu’elle décrit. Dans cette autre espèce, il y a lieu de considérer qu’Y ne peut valablement contester l’infraction constatée par le premier juge.
• Brigitte (et A) Denambride (pour des faits du 30 octobre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 05 novembre 2019) qui atteste : « Le mercredi matin, 30 octobre, nous avons été victimes de démarchages abusifs à notre domicile par une jeune fille au nom de AB AC, représentant la société Y, nous expliquant qu’elle a été mandatée par EDF, anciennement ERDF, pour vérifier si notre contrat actuel était aux normes et stipulait bien la mention « tarif bleu ». Si cette annotation était inscrite sur la facture, elle devait la photographier avec sa tablette afin que l’on ne subisse aucune augmentation d’abonnement et de tarif dans le futur. Quand nous avons commencé à lui poser certaines questions, elle a bafouillé un peu. Nous lui avons alors proposé de téléphoner à EDF, afin de vérifier ses dires et, au moment où nous avons voulu vérifier sa carte qui était accrochée bien en vue autour de son cou avec le logo Y pour vérifier son identité, elle me l’a arrachée des mains, est devenue très méfiante et est partie pratiquement en courant et, au passage, a rayé mon véhicule sur toute la porte arrière et sur l’aile. De plus, chez ma voisine, une personne âgée, elle a été injurieuse, l’a insultée de « vieille salope, vieille conne et grosse merde ». Nous avons téléphoné à la police municipale pour signaler son comportement. D’autres personnes ont eu sa visite : au 50ter de Taninges, la propriétaire a été insultée, celle-ci a également averti la police municipale // au 49, un contrat a été signé // au 6 imp. des Voirons, elle est partie rapidement quand la propriétaire a pris des renseignements par tel. Nous avons porté plainte contre X, signalé les faits auprès d’Y qui a ouvert un dossier et mené une enquête »
Y soutient que de nombreuses réclamations n’ont aucunement été suivies par la signature d’un contrat avec Y, par exemple ces deux personnes, ce qui n’entraine aucun préjudice, nécessaire pourtant à la caractérisation du parasitisme ou du dénigrement.
Force est toutefois de constater que cette démarcheuse, dont le comportement personnel a conduit ces personnes à porter plainte, comme il en est attesté, a adopté des pratiques non conformes à la morale des affaires en usurpant la qualité d’une personne mandatée par EDF.
Il importe peu qu’aucun contrat n’ait été signé dès lors qu’il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il moral, de tels actes, même limités dans le temps, comme il résulte de la doctrine de la Cour de cassation (Cass com, 17 mars 2021, pourvoi n° 19-10414)
• Rebecca Gallec (pour des faits de novembre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 28 novembre 2019) qui expose : «Vous verrez que dans mon dossier apparaît que j’ai été victime d’un démarchage abusif auprès de Y qui se fait passer pour votre filiale pour maintenir des prix bloqués sur 2 ans et pas d’augmentation ‘ De là, j’ai été résiliée de vos services et, en plus, on m’a fait à Y une facture d’ouverture (sic) sur l’estimation de consommation bien élevée qu’ils ne veulent pas à ce jour modifier ‘ jusqu’au prochain relevé ‘ honte ! Je joins un courrier à ce jour à Y et je vous en copie suivi (‘) qui explique la situation. Car je suis bloquée sur relevé compteur et je suis bien évidemment revenue chez vous (…) » ».
Y évoque cette lettre du 28 novembre 2019 qui lui a été adressée. Elle relève que cette personne lui écrit : «J’ai été démarchée par vos services pensant avoir bizarrement compris que vous étiez une filiale EDF qui conservait le prix ferme du kwh», qu’il est ensuite fait état de divers griefs mais en conclut que « c’est le client qui s’est trompé » ; qu’en outre, objecte-t-elle, certaines réclamations ne
mentionnent pas la date du démarchage allégué, ce qui empêche la vérification de l’adéquation avec le champ temporel de l’astreinte, et que c’est le cas, par exemple, de Rebecca Gallec.
Il ressort toutefois de cette dernière lettre que la cliente évoque des factures du 13 novembre 2019 et que cette période se situe bien durant le cours de l’astreinte ordonnée. L’affirmation selon laquelle l’erreur viendrait de la cliente n’est pas conciliable avec son affirmation selon laquelle Y s’est fait passer pour une filiale d’EDF, à l’occasion d’un « démarchage abusif » , termes que cette cliente reprend en objet de son courriel.
Le caractère délibéré de ce comportement qui tend à profiter de la notoriété acquise d’EDF ne peut qu’être retenu et ce récit atteste de faits de parasitisme.
• Antoinette Auclair (pour des faits du 21 octobre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 30 novembre 2019) qui écrit : « Suite à notre conversation téléphonique, je vous fais parvenir ce courrier pour vous signaler ma mésaventure concernant mon contrat d’électricité de la part d’un de vos concurrents. En effet, le 21 octobre 2019, une jeune fille, madame (illisible) Léa m’a démarchée à mon domicile pour revoir mon contrat d’électricité et me présenter aussi son fournisseur d’énergie qui est Y. Elle explique très bien que celui-ci est comme un sous-traitant d’EDF. Etant un peu vulnérable, vivant seule et ne me méfiant pas vraiment puisque les prix présentés sont plutôt attractifs, elle me fait signer un papier de conditions particulières de vente, heureusement sans coordonnées bancaires. Elle a su se montrer très convaincante.
• C’est alors que le mercredi 27 novembre 2019, je reçois un message de votre part me signalant la résiliation de mon contrat avec vous à la demande d’Y. Il est à noter que depuis le démarchage, je n’ai aucune nouvelle d’eux ni reçu de contrat. Par conséquent, je vous prie de bien vouloir conserver mon contrat EDF »
Y fait, ici aussi, valoir que les appels postérieurs au démarchage destinés à valider la vente du contrat d’énergie (ses welcom calls) qu’elle a retrouvés démontrent que le premier juge s’est mépris en retenant une infraction alors que le démarchage s’est déroulé sans qu’aucune confusion d’aucune sorte n’ait été entretenue.
Connaissance prise par la cour de cette réclamation, Y ne peut être suivie en son déni d’avoir entretenu quelque confusion que ce soit, laquelle n’est au demeurant pas nécessaire pour retenir l’infraction de parasitisme, dès lors que la client relate que le démarcheur a prétendu qu’Y était une filiale d’EDF, la plaçant ainsi dans son sillage afin de profiter de sa renommée acquise. La décision du juge de l’exécution doit donc être approuvée.
• AD AE (pour des faits du 03 décembre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 09 décembre 2019) qui expose : « Le mardi 03/02 deux personnes se sont présentées chez moi, prétendant être de chez Enedis, ils ont relevé mon compteur et m’ont fait signer un papier comme quoi je serai rattachée à une autre filière de EDF et qui me ferait aucune augmentation pendant 2 ans. Pensant rester chez EDF, j’ai naïvement signé. Leur discours est très bien rodé on a vraiment l’impression d’avoir affaire à des gens honnêtes, j’ai compris bien plus tard que j’ai eu affaire à des concurrents de chez EDF. Quelles sont mes démarches à faire de mon côté pour rester chez EDF ‘ »
Y fait semblablement valoir que les feuilles de clarification des réclamations auxquelles elle a systématiquement recours, par un partenaire ou un prestataire, à chaque démarchage afin de s’assurer que la personne démarchée avait alors conscience de changer de fournisseur, prouvent l’absence de dénigrement et de parasitisme, le client ayant bien eu conscience du changement de fournisseur d’énergie, et qu’il en va, par exemple, ainsi de cette cliente.
Ceci étant, s’il est clair que ces démarcheurs ont laissé entendre à cette cliente d’EDF qu’elle souscrivait un contrat avec une « filière » d’EDF, il n’apparaît pas qu’ils se soient prévalus de leur appartenance à cette société mais à celle de la société Enedis. La feuille de clarification d’Y concernant cette plainte, signée le même jour par la cliente et qu’elle ne remet pas en cause, porte la mention préimprimée et soulignée de la souscription d’un contrat avec la société Enedis et la mention manuscrite « mon ancien fournisseur est EDF et mon nouveau fournisseur sera Y ».
Il apparaît que l’infraction telle que dénoncée est insuffisamment caractérisée.
• AF AG (pour des faits du 14 novembre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 16 décembre 2019) qui expose : « je me suis fait avoir par Y, alors j’ai cru ce qu’il m’a dit, que Y rachète EDF, mais moi je lui ai dit : c’est vrai ‘, il m’a dit : oui, alors que c’est pas vrai, je veux rester à EDF, le gaz et l’électricité, merci »
Y fait, ici aussi, valoir que les feuilles de clarification des réclamations auxquelles elle a recours à chaque démarchage pour s’assurer que la personne démarchée avait alors conscience de changer de fournisseur prouvent l’absence de dénigrement et de parasitisme et qu’il en va, par exemple, ainsi de cette cliente.
Elle soutient également que les appels postérieurs au démarchage destinés à valider la vente du contrat d’énergie (ses welcom calls) qu’elle a retrouvés démontrent que c’est à tort que le premier juge a retenu l’infraction alors que le démarchage s’est ici déroulé sans qu’aucune confusion d’aucune sorte n’ait été entretenue, sans qu’il soit fait état d’aucun dénigrement.
Il convient d’observer que, certes, est produite la feuille de clarification de cette cliente mais, dans la pièce produite, celle-ci y ajoute une nouvelle mention manuscrite selon laquelle «ils m’ont dit que Y avait racheté EDF» ou que «je serai toujours chez EDF mais elle ne s’appellera plus EDF» ; elle précise enfin qu’elle «retire ce papier que j’ai bien lu, que je me suis fait avoir».
Dans ces conditions, l’argumentation de la société Y ne peut prospérer et le jugement doit être confirmé en ce qu’il retient des faits de parasitisme avérés.
• AT AU (pour des faits de novembre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 16 décembre 2019) qui expose : « Je souhaite signaler avoir été victime de démarchage abusif et d’escroquerie, en effet, mon compte chez EDF a été résilié à mon insu début octobre 2019. J’ai reçu plusieurs mails frauduleux se faisant passer pour EDF. Depuis, j’ai rappelé EDF et ai fait ouvrir un abonnement chez eux et il m’a été demandé de porter réclamation et d’expliquer ces faits. J’avais expliqué par téléphone ces faits à EDF. Je ne connais pas le nom des autres fournisseurs, je pense qu’il s’agit d’un autre type d’escroquerie. J’ajoute qu’une fois, un démarcheur s’est présenté à mon domicile et a prétendu être envoyé par «EDF-Y». Depuis, je suis toujours recontacté par les mêmes numéros qui me demandent de souscrire un contrat d’énergie, soit les numéros suivants : (…)».
Y considère que la réclamation porte sur l’envoi de messages frauduleux de la part de personnes non formellement identifiées. Elle observe qu’à la fin de sa lettre, ce client évoque dans des termes imprécis un prétendu démarchage frauduleux sans indication de date ni encore une fois sans pouvoir identifier formellement la personne l’ayant commis. Elle soutient, par ailleurs, que de nombreuses réclamations, comme pour cette personne, n’ont pas conduit à la signature d’un contrat avec Y ce qui ne génère aucun préjudice, nécessaire pourtant à la caractérisation du parasitisme ou du dénigrement. Elle objecte également que certaines réclamations ne mentionnent pas la date du démarchage allégué, ce qui ne permet pas de vérifier l’adéquation avec le champ temporel de l’astreinte, et qu’ainsi AU AT déclare : «J’ajoute qu’une fois un démarcheur s’est présenté à mon domicile et a prétendu être envoyé par «EDF Y».
Il y a lieu d’approuver la société Y en ce qu’elle souligne que l’acte de parasitisme évoqué se
situe à la marge du courrier de cette personne et que ses griefs se révèlent par trop approximatifs pour constituer une infraction qui doit en tout état de cause être datée.
Cette réclamation (qui, incidemment, interroge sur le contexte dans lequel EDF a pu engranger des réclamations et leur spontanéité) ne permet de retenir des faits de parasitisme imputables à la société Y.
• F AH (pour des faits du 22 décembre 2019, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 23 décembre 2019) qui expose : «une commerciale de chez Y s’est présentée chez nous. Elle m’a expliqué qu’elle était là afin que l’on paye moins cher nos factures (chez nous et notre construction). Je lui ai demandé si Y était EDF, vu que je n’y connais rien. Elle m’a certifié que Y c’était EDF, du coup, comme tout le monde, j’ai signé afin d’avoir des factures moins chères. Quelque temps après nous avons reçu des factures qui n’étaient pas du tout EDF, c’était des factures de bienvenue si je puis dire, même pas de consommation de chez Y. J’ai appelé tout de suite EDF afin de leur expliquer la situation et que l’on m’avait induite en erreur et qu’il n’était pas question pour moi de quitter EDF. Ils m’ont expliqué que je n’étais pas la seule et ils m’ont tout remis comme il faut. Le 20 novembre, j’avais appelé Y afin de tout résilier or, un mois après, rien n’a été fait, ils me réclament de payer des factures de mise en service qui n’ont pas lieu puisque j’avais demandé la résiliation immédiate. Je passe mon temps au téléphone avec eux afin de régler cette histoire et ils font tout pour ralentir les choses, cela devient vraiment pénible. Si, d’ici la fin de l’année, le problème n’est pas réglé, je pense très sérieusement à aller porter plainte »
Y fait une nouvelle fois valoir que les feuilles de clarification des réclamations auxquelles elle a systématiquement recours, par un partenaire ou un prestataire, à chaque démarchage afin de s’assurer que la personne démarchée avait alors conscience de changer de fournisseur prouvent l’absence de dénigrement et de parasitisme, le client ayant ici bien eu conscience du changement de fournisseur d’énergie.
Cela étant, s’il est vrai qu’Y verse en pièce n° 74 une lettre de clarification signée par cette cliente, cela ne permet cependant pas de conclure à une absence de parasitisme dès lors qu’il résulte de cette réclamation qu’il a été certifié à cette cliente « qu’Y, c’est EDF » et que, par cette ferme réponse qui n’était pas de nature à susciter le doute, le démarcheur a délibérément tiré profit de la renommée acquise de la société EDF en s’y référant indûment.
La contestation d’Y doit donc être rejetée.
S AI (pour des faits du 13 janvier 2020, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 14 janvier 2020) qui relate : « Hier, en début de soirée, une personne se présentant à mon domicile m’informe qu’elle vient vérifier mon compteur Linky (en me présentant son badge Y). Si on fait les arguments dans l’ordre, elle me fait un topo sur la distinction entre EDF et GDF en 2007, GDF devenu Y mais que cela reste toujours dans la même société (comme une filiale EDF à ce que j’ai compris, toujours sans méfiance), la perte de nombreux abonnés depuis l’ouverture à la concurrence et, pour remercier leurs clients d’être restés chez EDF, ils proposent une nouvelle offre avec un changement de contrat à mon avantage chez Y (toujours en restant client du réseau EDF) et que, pour moi, strictement rien ne changeait. Avec du recul, elle jouait beaucoup sur les mots, technique abusive de vente, quoi. Je signe donc sur sa tablette en lui faisant confiance et une feuille de clarification à remplir manuellement dont j’ai une copie (en PJ, impossible de faire une réclamation, le numéro en bas est effacé) Un appel téléphonique sur mon téléphone alors que nous venions à peine de finir pour me demander si j’ai bien compris, etc ‘ (la personne parlait très vite en posant des questions sans laisser finir de répondre à la question précédente). C’est à ce moment là que j’ai compris qu’un truc n’allait pas. Suite à son départ, j’ai fait une recherche rapide sur le net et vu le nombre de témoignages qui racontent la même histoire / mêmes arguments que
• j’ai décidé de vous contacter et je reçois par mail les contrats Y Particuliers. Je compte bien envoyer ma lettre de rétractation et rester chez EDF »
Y fait valoir que les appels postérieurs au démarchage destinés à valider la vente du contrat d’énergie (ses welcome calls) qu’elle a retrouvés, concernant ce client, démontrent que le premier juge a retenu, à tort, des infractions alors que le démarchage s’est déroulé sans qu’aucune confusion d’aucune sorte n’ait été entretenue, sans qu’il soit fait état d’aucun dénigrement.
Il y a cependant lieu de considérer, à la simple lecture de ce message écrit, que la société Y ne peut raisonnablement passer sous silence qu’elle a été présentée comme une filiale d’EDF et que les faits de parasitisme, selon la définition de cette notion qui en a été donnée, sont constitués.
Ce témoignage tend, quant à lui, à illustrer les limites des welcome calls mis en avant par Y qui ne peut se dédouaner de sa responsabilité en se prévalant de ce seul élément.
• AJ AK (pour des faits du 16 janvier 2020, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 16 janvier 2020) qui expose : « Pour faire suite à notre entretien téléphonique du jour, le 16/01/2020, je viens vous avertir que nous avons fait l’objet d’un démarchage. En effet, la personne s’est présentée sous la société Y fournisseur d’électricité EDF, elle nous a expliqué qu’EDF envoyait des agents pour nous prévenir d’une baisse de notre facture, que nous n’avions rien à faire si ce n’est de remplir les formulaires (voir pièces jointes) afin de distinguer séparément la facture électricité d’un côté et de l’autre le gaz. Elle nous garantissait un gel des taxes et donc durant deux années un prix fixe de notre facture. Trouvant la démarche quelque peu étrange, elle nous a expliqué que comme ils n’arrivaient pas à nous joindre par téléphone et comme ils perdaient des clients pour la concurrence, ils avaient pris l’initiative d’envoyer des agents sur le terrain pour nous faire cette offre afin de fidéliser la clientèle. A peine quittait-elle notre habitation que j’ai pris attache auprès de vous, histoire de vérifier ses dires, et là j’ai appris que je venais de subir une arnaque. Normalement, je dois être contacté par téléphone et mail pour valider cette offre. J’attends donc de leurs nouvelles demain et, sans nouvelles de leur part,je transmettrai le formulaire de rétractation. D’ores et déjà je vous fait savoir mon intention de ne pas résilier mon contrat, et que si vous receviez une demande de changement d’opérateur, de ne pas y faire droit. Vous pourrez constater que sur le dépliant (image 0093), les logos EDF et GDF apparaissent ».
La société Y n’y apporte pas la contradiction et, outre le fait que la présentation d’Y comme le fournisseur d’EDF, dans le contexte décrit, constitue une infraction constatée, il peut être relevé, à l’examen de ce dépliant, qu’il comporte effectivement, de manière très apparente et sans nécessité, les logos d’EDF et de GDF, sous une rubrique intitulée « avant l’ouverture des marchés en 2007 » et qu’en regard sont présentés par ordre alphabétique, « depuis l’ouverture des marchés en 2007 », 27 fournisseurs d’énergie parmi lesquels EDF et Y, seules dénominations sociales figurant en lettres majuscules, sans davantage de nécessité.
• BB-BC B (pour des faits du 04 janvier 2020, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 20 janvier 2020).
Y relève que d’autres réclamations, parmi lesquelles celle de madame B, évoquent un démarchage téléphonique, non compris dans le périmètre de l’astreinte prononcée par la cour d’appel.
Force est de considérer que ce sont des faits incriminés lors de la campagne de démarchage initiée par Y, par les démarcheurs employés par les partenaires qu’elle avait sélectionnés, qui ont constitué l’objet du litige soumis à la cour d’appel de Versailles saisie de l’action introduite le 20 juin 2017 et que la société EDF s ‘abstient de répliquer à ce moyen.
Il n’y a donc pas lieu de retenir cette infraction.
• AL AM épouse C (pour des faits du 04 février 2020, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 07 février 2020) qui joint une plainte par elle déposée le 05 février 2020 auprès des services de la police nationale de Douai (59), à savoir : « Hier vers 14h 30, j’ai eu la visite d’un démarcheur de la société Y. Il s’est fait passer pour un employé EDF pour voir la consommation du compteur de gaz. Depuis que j’habite cette maison, j’ai eu une trentaine de passages de démarcheurs de sociétés fournisseurs d’énergie. Je suis abonnée à EDF. Cet été un agent EDF est venu nous avertir dans le quartier des agents d’Y prospectaient un peu trop et se faisaient passer pour EDF. A chaque fois qu’ils passent, je leur demande leur carte professionnelle. Ils ne se présentent pas comme fournisseurs d’Y mais disent qu’ils font partie d’EDF. (…) Je lui ai demandé de quitter les lieux mais il insistait étant mon fournisseur et vouloir relever mon compteur. Il me demandait mon identité et de vérifier le compteur d’électricité et de gaz, j’ai refusé car je suis chez EDF et je ne veux pas changer. Il était très insistant (…) »
Y soutient que de nombreuses réclamations n’ont entraîné la signature d’aucun contrat avec Y et, au rang de ceux-ci, madame C, ce qui n’entraine aucun préjudice, nécessaire pourtant, selon elle, à la caractérisation du parasitisme ou du dénigrement.
Mais il importe peu, selon la jurisprudence précitée, que le comportement de ce démarcheur n’ait pas entraîné de préjudice, comme il est prétendu et mis en avant. Le comportement de ce préposé révèle sa volonté de se placer dans le sillage de la société EDF et de tirer indûment profit de la confiance acquise pour capter sa clientèle.
• BD-BE D (pour des faits du 10 février 2020, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 12 février 2020) qui écrit : « Le 10/02/2020, vers 14h, un commercial de chez Y sonne à ma porte et se présente comme le substitut d’EDF. Il me demande si je suis satisfait du compteur Linky et s’il peut le voir. Je lui donne mon accord. Il fait défiler les informations du compteur. Et là il me propose les heures creuses le week-end. Je lui réponds: c’est une bonne nouvelle car j’ai reçu la facture ce matin pour un montant de 418 euros. Alors là, je suis preneur. On va s’installer à la maison et il me sort une tablette et la feuille de clarification client qui est en pièce jointe. Il me fait signer sur la tablette un contrat que je n’ai pas eu le temps de lire. Je n’ai pas vu les tarifs de l’abonnement et du prix du kwh. Il est parti avec le contrat signé en m’ayant averti que je le recevrai par mail. En effet, je l’ai reçu en fin d’après-midi et je me suis aperçu que le prix n’était pas intéressant. Je suis allé sur internet et je me suis rendu compte que j’avais été berné (Y est concurrent d’EDF) et que les tarifs ne sont pas plus intéressants. NB : les tarifs heures creuses le week-end sont alléchants. Le lendemain, je leur ai envoyé un recommandé avec avis de réception pour résilier le contrat. Un client naïf »
Y fait, comme précédemment, valoir que les feuilles de clarification des réclamations auxquelles elle a systématiquement recours, par un partenaire ou un prestataire, à chaque démarchage afin de s’assurer que la personne démarchée avait alors conscience de changer de fournisseur prouvent l’absence de dénigrement et de parasitisme, le client ayant bien eu conscience du changement de fournisseur d’énergie et qu’il en va, par exemple, ainsi de ce client.
Cette réclamation fait cependant ressortir l’usage, par ce démarcheur, de la renommée de la société EDF sur le marché de l’énergie pour gagner la confiance de ce client d’EDF et le convaincre de souscrire un nouveau contrat. La feuille de clarification évoquée ne suffit pas à démontrer la dissipation de toute méprise sur les rapports entre les deux sociétés dès lors que c’est à la faveur de recherches personnelles que celui-ci a pu découvrir qu’elles étaient en situation de concurrence. L’infraction est donc constituée.
• AN AO (pour des faits du 12 février 2020, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 14 février 2020) qui expose : « Je viens vers vous suite à un démarchage à mon domicile du 12/02/2020. La personne de l’entreprise Y qui s’est présentée chez moi a eu, tout le long de l’entretien, un discours laissant penser à un simple changement de facturation de mon électricité, que ma facture émanerait dorénavant d’Y à la place d’EDF et ce de manière transparente pour moi. Ce changement s’accompagnait d’une baisse du kwh. Selon cette personne, tout le monde était censé avoir été informé de ce passage et de ce changement. Son discours : ne vous inquiétez pas vous n’êtes pas le seul concerné, tout le monde l’est et on passe donc chez tout le monde // là, sur la facture d’électricité (partie supérieure gauche) vous aurez le nom d’Y à la place de celui d’EDF, le reste sera transparent pour vous, y compris le n° de téléphone pour nous contacter qui restera le même (à savoir le (‘) qu’il a entouré sur ma facture) // la bonne nouvelle c’est aussi que le montant de votre facture va baisser de manière significative parce que là, vous payez trop cher (autour de 40 euros de baisse sur une facture comme celle de 15/12/19, selon elle). Quelques minutes après son départ de chez moi, j’ai reçu un appel téléphonique d’une personne d’Y (cet appel m’avait été annoncé lors de l’entretien) qui prenait en charge mon dossier. Ayant réalisé entretemps qu’il y avait quelque chose de pas très net dans le démarchage qui venait d’être fait chez moi, je lui ai fait part de mon mécontentement concernant la façon dont cela s’était déroulé et que je refusais d’aller plus loin. Le 13/02/2020, j’ai rappelé la personne d’Y que j’avais eue en ligne la veille et lui ai notifié ma rétractation de l’offre/contrat concernant la fourniture d’électricité par Y puisque, en fait, et après avoir regardé de plus près les deux documents qui m’ont été laissés, c’est bien d’un changement de fournisseur d’électricité qu’il s’agissait et aucunement d’un simple changement de facturation (…) »
Y fait valoir que la lecture de cette réclamation démontre que ce sont les mécanismes de contrôle qu’elle a mis en place (Welcome call immédiatement après le démarchage, possibilité de rétractation dans les 14 jours) qui lui ont permis d’exercer son droit de rétractation puisque ce dernier a finalement voulu rester chez EDF.
Le procédé ici utilisé et qui consiste à faire croire à une simple substitution d’Y au stade de la facturation s’apparente à celui déjà relevé précédemment, s’agissant de monsieur D, et il convient de retenir, par semblables motifs, les faits de parasitisme incriminés.
• BD-BE BF (pour des faits du 25 février 2020, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 02 mars 2020) qui écrit : « Nous avons été victimes d’une fraude, en nous poussant à passer chez Y, soit disant qu’EDF n’avait pas mis à jour le compteur Linky, qu’EDF était devenu Y et que nous étions toujours en heures pleines, même la nuit. Or, cela était faux et nous sommes tombés dans le piège. Des recommandés ont été envoyés pour ne pas être client Y, comme nous sommes satisfaits de notre contrat EDF. Ils ont d’ailleurs mis une fausse date de naissance. Le fournisseur était Y »
Y soutient ici aussi que les feuilles de clarification des réclamations auxquelles elle a systématiquement recours, par un partenaire ou un prestataire, à chaque démarchage afin de s’assurer que la personne démarchée avait alors conscience de changer de fournisseur prouvent l’absence de dénigrement et de parasitisme, le client ayant bien eu conscience du changement de fournisseur d’énergie et qu’il en va, par exemple, ainsi de ce client.
Elle soutient également que les appels postérieurs au démarchage destinés à valider la vente du contrat d’énergie (ses welcome calls) qu’elle a retrouvés, concernant ce client, démontrent que le premier juge a retenu, à tort, des infractions alors que le démarchage s’est déroulé sans qu’aucune confusion d’aucune sorte n’ait été entretenue.
La simple lecture de cette brève réclamation vient contredire les dénégations de la société Y relatives à l’absence de toute confusion pour ce client à qui l’on a fait croire qu’EDF était devenue
Y. L’observation qu’il émet quant à la date de naissance figurant sur la feuille de clarification, comme d’ailleurs la faute d’orthographe dans la mention de son patronyme, fragilise en cette espèce la preuve, par ce simple document dont l’identité du rédacteur interroge, d’un consentement éclairé qu’entend opposer Y.
Le premier juge doit être confirmé en son appréciation sur ce point.
• Carine et AP AQ (pour des faits du 22 janvier 2020, objet d’une réclamation auprès d’EDF du 06 mars 2020) exposant : « Nous avons subi un démarchage abusif de la part de la société Y. En effet, ce jour là un technicien est venu à notre domicile stipulant revoir notre contrat car il a vu que nous n’avons pas bénéficié du blocage des tarifs d’électricité. Il nous a expliqué que Y faisait partie du groupe EDF. Nous avons signé le contrat. Ce jour, nous ne nous sommes pas méfiés car EDF faisait des travaux à côté de chez nous. Pour nous, c’était un agent EDF. Puis nous avons reçu un sms stipulant la résiliation de notre contrat EDF. Ne comprenant, j’ai contacté EDF. De là, nous avons compris s’être fait arnaquer. Nous n’avons reçu aucun contrat de Y, aucun tarif, juste une facture d’abonnement et un document pour les prélèvements. En aucun cas nous voulions quitter EDF. »
Y se prévaut à nouveau des feuilles de clarification des réclamations auxquelles elle a systématiquement recours, par un partenaire ou un prestataire, à chaque démarchage afin de s’assurer que la personne démarchée avait alors conscience de changer de fournisseur et qui prouvent l’absence de parasitisme, les clients, comme ceux-ci, ayant bien eu conscience du changement de fournisseur d’énergie.
Y soutient, de plus, que les appels postérieurs au démarchage destinés à valider la vente du contrat d’énergie (ses welcome calls) qu’elle a retrouvés, s’agissant de ces clients, démontrent que le premier juge a commis une erreur d’appréciation en retenant cette infraction alors que le démarchage s’est déroulé sans qu’aucune confusion d’aucune sorte n’ait été entretenue, sans qu’il soit fait état d’aucun dénigrement.
C’est pourtant bien en profitant des investissements de longue date de la société EDF pour gagner la confiance et la fidélité induite de sa clientèle que la société Y, évoquant une appartenance à un même groupe, a pu les convaincre de signer le contrat litigieux. Il peut être observé que ces clients ne font pas état du welcome call invoqué mais un appel à la société EDF pour préciser ce qui leur a permis d’être éclairés.
Les faits de parasitisme doivent donc être retenus.
• (2) AR Macardé (pour des faits du 06 août 2019, objet d’une réclamation auprès dEDF du 06 août 2019) qui « affirme avoir été démarché par agent Y. Sans avoir été préalablement averti. Les faits se sont passés le 06 août 2019 entre 14h et 15h 30. Cette personne d’Y (a priori) a présenté un badge à ma demande, lequel a immédiatement précisé qu’il avait accès à mon compteur et qu’il désirait consulter ma dernière facture EDF et cela de manière assez autoritaire. Bien entendu, j’ai émis de suite le voeu de ne pas souhaiter changer d’opérateur bien que ses paroles affirmaient les dernières hausses d’EDF et à venir et qu’Y garantissait un prix fixe sur plusieurs mois, années. Il a donc fait part d’un état d’esprit de dénigrement d’EDF, état que je n’apprécie pas, d’autant que le but était a priori de placer un contrat Y. Donc faux (illisible). J’estime avoir été l’objet d’un démarchage abusif et estime que je n’ai pas besoin d’Y pour prendre mes décisions si j’avais à changer de fournisseur d’électricité »
Y soutient que de nombreuses réclamations n’ont entraîné la signature d’aucun contrat avec elle-même, par exemple cette personne, ce qui ne génère donc aucun préjudice, nécessaire pourtant à
la caractérisation du dénigrement.
Il convient de considérer que ce client dénonce clairement des faits de dénigrement et que la société Y n’est pas fondée à se prévaloir d’une absence de préjudice en résultant puisqu’il s’infère nécessairement un préjudice d’un acte de dénigrement, comme cela résulte de la doctrine de la Cour de cassation (Cass com, 15 janvier 2020, pourvoi n° 17-27778, publié au bulletin) .
• J E (pour des faits du 05 novembre 2019, objet d’une réclamation auprès dEDF du 11 décembre 2019) qui, évoquant sa fragilité due à un état de santé connaissant défaillances, expose notamment : « En date du 05/11/19, j’ai été démarchée à mon domicile par deux personnes se présentant pour Y. Elles m’ont proposé de changer rapidement de fournisseur d’électricité et de gaz dans la mesure où, selon elles, « EDF était amené à disparaître »(…) Lors du démarchage je me suis sentie seule dans l’obligation de signer (‘) Je me suis sentie abusée dans la mesure où les propos tenus par ces deux personnes étaient mensongers »
Y fait valoir que les appels postérieurs au démarchage, destinés à valider la vente du contrat d’énergie (ses wellcom calls) et qu’elle a retrouvés, démontrent que le premier juge a retenu, à tort, des infractions alors que le démarchage s’est déroulé sans qu’aucune confusion d’aucune sorte n’ait été entretenue, sans qu’il soit fait état d’aucun dénigrement. Tel est le cas de cette cliente, affirme-t-elle..
Y observe, en outre, que cet appel démontre également l’absence de dénigrement pourtant retenu par le juge de l’exécution puisqu’à aucun moment madame E n’exprime le moindre dénigrement à l’égard d’EDF.
Mais, contrairement à ce que soutient la société Y, les propos du démarcheur ainsi tenus et rapportés entre guillements sont de nature à porter le discrédit sur la santé financière de la société EDF et mettent en cause sa pérennité. Comme la précédente, l’infraction constatée doit être retenue.
Il résulte de tout ce qui précède que doivent être retenues dix-sept réclamations écrites qui établissent la recherche volontaire de la société Y de se rattacher à la notoriété préexistante d’EDF se manifestant, sous diverses formes, par la référence indue à cette dernière. Doivent, en effet, être exclues des « infractions constatées » retenues par le juge de l’exécution celles de monsieur AR AS, de madame AD AE, de monsieur AT AU et de madame BB-BC B.
Le premier juge doit, en revanche, être pleinement approuvé en ce qu’il retient que deux infractions constatées sont constitutives de dénigrement.
S’agissant de la fixation du montant de l’astreinte pour chacun de ces dix-neuf manquements à l’obligation de ne pas faire résultant du dispositif de l’arrêt du 12 mars 2019 de la cour, imputés à faute à la société Y, il convient de considérer, en l’absence de moyens de la société Y propres à contester le quantum tel que retenu, que de manière circonstanciée le premier juge s’est prononcé en regard des critères d’appréciation pertinents, à savoir le comportement du débiteur et l’éventuelle existence de difficultés rencontrée, pour fixer à 10.000 euros le montant de la sanction applicable à chacune des infractions précisément constatées.
La société Y sera par conséquent condamnées à verser à la société EDF la somme de 190.000 euros au titre de l’astreinte provisoire liquidée et le jugement partiellement infirmé dans ce sens.
Sur la demande de fixation d’une astreinte définitive
Il échet de rappeler que le juge de l’exécution, saisi d’une demande de fixation d’une astreinte
définitive, a jugé qu’en l’état des éléments débattus, des infractions retenues et des mises en garde du Médiateur ainsi que de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), il convenait de fixer une nouvelle astreinte plus comminatoire, mais qu’il n’était pas opportun à ce stade de fixer une astreinte définitive, l’astreinte provisoire étant liquidée pour la première fois et les autorités administratives ne s’étant pas encore prononcées sur l’efficacité des mesures mises en oeuvre par Y.
De sorte qu’il a fixé une nouvelle astreinte provisoire au montant de 15.000 euros, ceci pour une durée de douze mois.
La société EDF réitère devant la cour sa demande de fixation d’une astreinte définitive au montant de 50.000 euros par infraction constatée (étant incidemment relevé que celles-ci ne sont pas spécifiées dans le dispositif de ses dernières conclusions saisissant la cour) .
Elle soutient qu’«il est avéré» que les pratiques incriminées n’ont jamais cessé depuis le 19 mars 2020 et qu’aujourd’hui comme hier les mesures mises en oeuvre sont « notoirement » inutiles.
Elles lui paraissent, en toute hypothèse, insuffisantes et, pour attester de leur poursuite, elle rappelle qu’en octobre 2019 la DGCCRF a condamné la société Y à une amende de 900.000 euros ou que le Médiateur a reçu des centaines de réclamations de consommateurs se plaignant d’être devenus clients d’Y sans l’avoir voulu.
Elle fait encore état de nouvelles plaintes en renvoyant la cour à l’examen de ses pièces n° 25 à 27 et 57 à 59.
Elle évoque également une proposition de loi du 14 décembre 2020 « visant à encadrer le démarchage commercial pour la fourniture de gaz ou d’électricité ».
Pour justifier le quantum de l’astreinte réclamée qui doit satisfaire à sa finalité dissuasive, elle souligne enfin la mauvaise volonté d’Y, par quatre fois condamnée, et dénonce la préoccupation financière de son adversaire qui met en équation le chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros générés par les contrats obtenus dans les conditions qu’elle dénonce et le coût de leur poursuite.
La société Y poursuit, quant à elle, l’infirmation du jugement de ce chef qui n’est justifiée, à son sens, ni en droit ni en fait.
Elle affirme qu’une nouvelle astreinte provisoire ne peut être ordonnée que si le débiteur a fait preuve de réticence et de mauvaise foi dans l’exécution de l’injonction judiciaire et fait valoir qu’elle a démontré avoir déféré à cette injonction, à travers l’ensemble des améliorations mises en oeuvre pour renforcer l’efficacité des mesures et éviter tout risque de confusion avec EDF auprès des consommateurs (évoqués ci-dessus).
Elle ajoute que de nombreuses demandes ne caractérisent pas des actes de parasitisme ou de dénigrement au préjudice d’EDF et qu’ in fine seulement 23 infractions ont été retenues par le jugement sur les 10.690 « réclamations » mises en avant par EDF, soit seulement 0,2% des prétendus manquements incriminés, reprochant au premier juge qui a aggravé le montant de l’astreinte de n’avoir pas tiré les conséquences de ses propres constatations.
Ceci étant exposé, il résulte de ce qui précède qu’en dépit de la dénonciation massive du comportement de la société Y sur le marché de la fourniture d’énergie dans ses activités de démarchage, la société EDF s’est abstenue de faire la démonstration précise et circonstanciée de la réticence de sa concurrente à se soumettre à l’injonction du juge en individualisant, dans le cadre particulier de son action en liquidation d’astreinte, chacune des infractions qu’elle prétend avoir
constatées et que celles-ci ne sont finalement retenues que de manière singulièrement marginale.
Il paraît opportun de rappeler que, dans le dispositif de son arrêt rendu le 12 mars 2019, la cour a explicité la faute de la société Y engageant sa responsabilité civile, à savoir : « du fait de négligences fautives en omettent de prendre les moyens d’un suivi et d’une surveillance efficace de sa campagne de démarchage et en omettant de réagir de manière appropriée à la suite des actes de concurrence déloyale commis par les démarcheurs employés par ses partenaires ».
C’est à l’aune des critères d’appréciation issus des dispositions de l’article L 131-4 du code des procédures civiles d’exécution et de cette décision que doit être appréciée la nécessité du renouvellement de cette mesure de coercition, que ce soit, à titre temporaire ou définitif par le prononcé d’une nouvelle astreinte provisoire ou par celui d’une astreinte définitive, étant surabondamment relevé qu’est parfaitement inopérante la référence à la proposition de loi précitée qui ne porte que sur un principe de prohibition de la renonciation au délai de rétractation ou sur des sanctions administratives prononcées a posteriori.
Force est de constater, en regard des seuls critères pertinents, que la société Y fait la démonstration de la prise de mesures susceptibles d’être efficientes, empruntant la voie de la pédagogie jusqu’à celle des modalités de gratification des démarcheurs en passant par des initiatives visant à remettre en question des accréditations ou appelées à introduire de la transparence durant la période du délai de rétractation.
En effet, prises dans leur ensemble et en dépit de la critique de chacune d’entre elles par la société EDF, il peut être considéré qu’elles traduisent un effort effectif de la société Y pour parvenir à des pratiques loyales de démarchage et corriger les difficultés rencontrées, tenant pour l’essentiel au comportement de ses prestataires et démarcheurs, qui ont conduit la cour, statuant le 12 mars 2019, à sanctionner sa négligence fautive et à prononcer l’injonction en cause, étant observé que la cour n’a alors que très partiellement fait droit aux demandes de la société EDF de ce chef (page 20/23 de cet arrêt) qui se prévalait d’un nombre de réclamations bien supérieur à ce qui a été retenu et réclamait, de plus sans avoir été suivie, une ample publication de la décision, en page d’accueil du site de la société ainsi que dans 20 organes de presse, et l’envoi d’un courrier circulaire à vaste échelle.
S’il est vrai que le comportement parasitaire ou des faits de dénigrement contraires au principe de loyauté qui doit présider aux pratiques de concurrents, comme le sont les sociétés EDF et Y, agissant sur le même marché ont pu porter le flanc à la critique, ainsi que le fait valoir la société EDF en se fondant, pour l’essentiel, sur des rapports anciens qui ont été sanctionnés par la présente cour au début de l’année 2019, il n’en demeure pas moins qu’elles permettent à la société Y de se prévaloir devant la cour de cet effort destiné à combattre les négligences fautives qui ont motivé sa condamnation indemnitaire.
A cet égard, il peut notamment être relevé que dans le rapport de l’autorité publique indépendante qu’est le Médiateur de l’énergie portant sur l’année 2020 et qui est versé aux débats (pièce n° 85 de l’intimée) celui-ci consacre, en pages 14 et 15, un article relatif au démarchage intitulé « le démarchage, une pratique qui pose toujours de sérieux problèmes ».
S’il y évoque, dans un chapitre qui a pour titre « des améliorations trop lentes ou trop limitées », différents fournisseurs d’énergie dont le comportement n’est pas satisfaisant, en particulier les sociétés ENI ou bien Sowee, « filiale du groupe EDF, qui doit veiller à ne pas entretenir la confusion avec le fournisseur EDF, en se présentant, par exemple comme le fournisseur EDF venant pour régulariser le contrat actuel ou éviter des hausses de prix ‘ » écrit-il, il cite, d’emblée, la société Y en ces termes :
« L’alerte lancée en 2020 par le médiateur national de l’énergie sur le démarchage a créé une prise de conscience (phrase présentée en caractères gras dans le texte), et certains fournisseurs ont alors entrepris d’améliorer leurs pratiques. Le fournisseur Y, par exemple, a fait preuve d’une action volontariste et a renégocié les contrats qui le lient à ses prestataires de démarchage à domicile. Ainsi, il a notamment introduit une part de rémunération fixe dans le salaire des démarcheurs, renforcé les critères de qualité ainsi que les sanctions applicables contractuellement en cas d’infraction ».
Il s’évince de tout ce qui précède que la demande de fixation d’une astreinte définitive à nouveau formée par la société EDF appelante ne se justifie pas et que, par ailleurs, doit être infirmé le jugement en ce qu’il assortit d’une nouvelle astreinte provisoire l’obligation de cesser ou de faire cesser les pratiques dénoncées mise à la charge de la société Y.
Sur les demandes accessoires
L’équité commande de condamner la société EDF qui échoue en son appel et a contraint son adversaire, auquel, notamment, quantité de pièces étaient communiquées, à engager des frais non compris dans les dépens à verser à la société Y la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboutée de sa réclamation à ce titre, la société EDF supportera en outre les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement entrepris hormis en sa condamnation de la société Y à payer à la société EDF la somme de 230.000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de celui-ci représentant la liquidation pour la période du 20 mars 2019 au 09 mars 2020 de l’astreinte provisoire fixée par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 12 mars 2019 ainsi qu’en celle assortissant d’une nouvelle astreinte provisoire l’obligation de la SA Y de cesser et faire cesser par toute personne exerçant une fonction quelconque dans sa campagne de démarchage, tout acte de parasitisme et de dénigrement au préjudice d’EDF et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ;
Condamne la société anonyme Y à payer à la société anonyme Electricité de France la somme de 190.000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt représentant la liquidation, pour la période du 20 mars 2019 au 09 mars 2020, de l’astreinte provisoire fixée par l’arrêt rendu le 12 mars 2019 par l’une des chambres commerciales de la cour d’appel de Versailles ;
Déboute la société Electricité de France de sa demande de prononcé d’une astreinte définitive destinée à assortir l’obligation visée dans l’arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d’appel de Versailles statuant au fond ;
Condamne la société Electricité de France appelante à verser à la société Y la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d’appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller faisant fonction de Président, pour le Président empêché et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,