FranceAgriMer était bien en droit d’exclure de son dispositif d’aide, les dépenses d’une société au titre d’actions de promotion de produits viticoles par l’artiste David Guetta et sa société de production. FranceAgriMer, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, a partiellement rejeté, pour un montant de près de 2.5 millions d’euros, la demande d’une société de paiement d’une aide au programme de promotion vitivinicole hors Union européenne.
A la suite d’un appel à proposition lancé par FranceAgriMer dans le cadre du programme européen de promotion des vins sur les marchés des pays tiers, le programme de promotion déposé par la société avait été accepté. Une convention a été conclue pour préciser les modalités de versement de cette aide égale à 50 % des dépenses exposées par la société dans le cadre d’un programme de promotion dans des pays cibles, à la condition que ces dépenses soient reconnues éligibles à l’issue de l’instruction de la demande de paiement.
Dans le cadre du contrat conclu avec la société My Love Affair, la société What A Music et la société Warner Music France, la société a versé 910 000 euros au titre du droit à l’image de l’artiste David Guetta pour les besoins de sa campagne de promotion » La présente autorisation [d’exploitation de l’image de l’artiste] est consentie pour le monde entier « .
Pour écarter partiellement cette dépense comme inéligible, FranceAgriMer fait valoir que les images en cause peuvent être utilisées sur le territoire de l’Union européenne, alors que l’aide en cause ne peut bénéficier qu’aux campagnes promotionnelles à destination de pays tiers. Pour déterminer la part de cette dépense concernant une action de promotion de dimension mondiale correspondant aux pays cibles, FranceAgriMer a retenu un prorata correspondant à la part de ces pays dans le chiffre d’affaire total de la société, à l’exclusion de la Chine qui restreint l’accès à Internet et aux réseaux sociaux, soit 25,62 %.
Il ressortait du contrat, que l’action de promotion en cause, liée à l’exploitation de l’image d’un artiste de renommée internationale, notamment au travers de la diffusion d’un clip musical sur la plateforme « Youtube » et sur les réseaux sociaux, ne vise pas spécialement les marchés américains et australiens comme le prétend la société, mais a une dimension mondiale. Ainsi, quand bien même le clip musical a été réalisé aux Etats-Unis et un concert donné en Australie, la société n’était pas fondée à se prévaloir des dispositions de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer qui ne concernaient que les actions de sponsoring ou de promotion réalisées dans les pays tiers inscrits dans la liste des pays du demandeur et vues seulement de manière incidente par des personnes hors du pays cible.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CAA de PARIS
1ère chambre
24 mars 2022
N° 21PA03051
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme G.H. A… et Cie a demandé au tribunal administratif de Montreuil d’annuler la décision du 22 décembre 2017 par laquelle l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a partiellement rejeté, pour un montant de 2 666 425,86 euros, sa demande de paiement d’une aide au programme de promotion vitivinicole hors Union européenne au titre de l’année 2015.
Par un jugement n° 1801593 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de FranceAgriMer du 22 décembre 2017 en tant qu’elle refusait à la société G.H. A… et Cie le paiement de la somme de 914 570,50 euros et qu’elle lui infligeait une sanction pécuniaire d’un montant de 68 338,48 euros et a enjoint à FranceAgriMer de lui verser la somme de 982 908,98 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée 7 juin 2021 et des mémoires enregistrés les 8 juin 2021, 3 janvier 2022 et 2 février 2022, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Alibert, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler le jugement n° 1801593 du tribunal administratif de Montreuil en date du 8 avril 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société G.H. A… et Cie devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d’appel incident ;
3°) de mettre à la charge de la société G.H. A… et Cie une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
— le jugement ne vise ni n’analyse l’ensemble des moyens des parties en méconnaissance de l’article R. 741-2 du code de justice administrative ;
– les dépenses relatives au cachet d’un artiste n’entrent pas dans le champ des dispositions du 2° de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 dès lors qu’elles n’ont pas pour objet de « mettre en évidence que les produits de l’Union répondent à des normes élevées en termes, notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement » ;
– les dépenses relatives au droit à l’image de cet artiste permettent, au moins en partie, l’utilisation de ces images au sein de l’Union européenne ; elles ne sont dès lors que partiellement éligibles et c’est à bon droit que les dépenses ont été proratisées ;
– une partie des dépenses relatives à l’organisation d’un concert à Melbourne ne sont pas éligibles, à savoir la plate-forme VIP, les goodies distribués pendant le concert et le jeu concours organisé pour gagner une rencontre avec l’artiste ; faute de ventilation des différents postes de dépenses permettant de déterminer les dépenses éligibles, FranceAgriMer est fondé à les rejeter intégralement ;
– les frais d’agence accessoires aux différentes dépenses susmentionnées doivent être rejetés par voie de conséquence ;
– les dépenses de sponsoring du championnat de Formule 1 ont été écartées à bon droit à concurrence de la part relative au grand prix de Bahreïn, aucune action de promotion n’ayant été effectuée dans ce pays ;
– la sanction infligée à la société G.H. A… et Cie était proportionnée à la nature et à la gravité des irrégularités commises ;
– les soirées VIP organisées par la société G.H. A… et Cie étaient des soirées privées, se déroulant dans un cadre restreint voire confidentiel et ne constituaient ni des manifestations, foires ou expositions d’envergure internationale, ni des actions de relations publiques, de promotion ou de publicité mettant en évidence les qualités des produits de l’Union européenne ; l’absence de « retombées presse » confirme qu’il ne s’agit pas d’action de promotion grand public ;
– la société n’apporte aucun élément sur la nature et l’ampleur des actions de promotion de la marque A… qu’elle aurait mises en œuvre dans le cadre du spectacle la Folie Douce et ne démontre pas que les dépenses engagées correspondaient à des actions de promotion directe de la marque ; l’existence de retombées médiatiques n’est pas démontrée ;
– il n’est pas établi que la dépense correspondant à la facture « Taboo Renovations » correspondait à une action de promotion de la marque.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2021 et un mémoire d’appel incident enregistré le 6 janvier 2022, la société G.H. A… et Cie, représentée par Me Aguila et Me Léonard, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ;
2°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 avril 2021 en tant qu’il a jugé certaines dépenses inéligibles à l’aide à la promotion des vins ;
3°) d’annuler la décision du directeur général de FranceAgriMer du 22 décembre 2017 en tant qu’elle lui a refusé le paiement de la somme de 184 159 euros correspondant à la moitié de ces dépenses ;
4°) d’enjoindre à FranceAgriMer de lui verser la somme de 184 159 euros ;
5°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
— aucun des moyens de la requête de FranceAgriMer n’est fondé ;
– les dépenses liées à des « soirées VIP » au cours desquelles la marque A… a été mise en avant étaient éligibles compte tenu de la participation de personnes susceptibles de relayer la notoriété de la marque ; ces dépenses entraient dans les prévisions du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 telles que précisées par la décision règlement du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 ; l’éligibilité à l’aide d’une dépense n’est pas subordonnée à la justification de « retombées médiatiques directes » ;
– les dépenses liées à la sponsorisation d’un spectacle destiné à promouvoir la marque A… sont éligibles au titre des « actions de relations publiques, de promotion ou de publicité », mentionnées au a) du 2 de l’article 45 dudit règlement et des actions de sponsorisation prévues à la rubrique 1.1 de l’annexe de la décision règlementaire du directeur général de FranceAgriMer du
4 juillet 2014 ; il n’a jamais été contesté par FranceAgriMer que la marque A… a été promue au cours de cet évènement ; des dépenses correspondant à des cachets versés à des artistes peuvent être éligibles ; l’éligibilité à l’aide d’une dépense n’est pas subordonnée à la justification de « retombées médiatiques directes » ;
– les dépenses liées à la réalisation d’un « bar brandé » A… à Johannesburg sont également éligibles dès lors qu’il est justifié qu’une action de promotion a été réalisée et que la facture produite permet d’établir la réalité de la dépense et son rattachement à cette action ; l’éligibilité à l’aide d’une dépense n’est pas subordonnée à la justification de « retombées médiatiques directes ».
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;
– le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d’aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole ;
– le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– la décision du directeur général de FranceAgriMer INTV-POP-2014-44 du 4 juillet 2014 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus, au cours de l’audience publique :
— le rapport de M. Doré, rapporteur,
– les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
– et les observations de Me Alibert pour FranceAgriMer et de Me Léonard pour la société G.H. A… et Cie.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d’un appel à proposition lancé par l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) dans le cadre du programme européen de promotion des vins sur les marchés des pays tiers, le programme de promotion déposé par la société G.H. A… et Cie a fait l’objet, le 2 février 2015, d’une décision d’attribution d’une aide à la promotion. Une convention a été conclue le 15 juin 2015 entre la société G.H. A… et Cie et FranceAgriMer pour préciser les modalités de versement de cette aide égale à 50 % des dépenses exposées par la société au cours de l’année 2015 dans le cadre d’un programme de promotion dans des pays cibles, à la condition que ces dépenses soient reconnues éligibles à l’issue de l’instruction de la demande de paiement. Une avance d’un montant de 2 862 167,33 euros a été versée le 17 juin 2015 à la société G.H. A… et Cie. Le 15 juin 2016, la société a demandé le paiement du solde de l’aide. A la suite de demandes de pièces complémentaires et d’un contrôle sur place réalisé du 19 au 27 juin 2017, FranceAgriMer a estimé qu’une partie des dépenses n’étaient pas éligibles. En conséquence, par une décision du 22 décembre 2017, FranceAgriMer a partiellement rejeté la demande de paiement dont il était saisi, a arrêté le montant de l’aide accordée à la société G.H. A… et Cie à la somme totale de 4 146 536,09 euros et lui a versé la somme de 1 284 368,76 euros, compte tenu de l’avance déjà versée et d’une sanction de 68 338,48 euros infligée à la suite du contrôle sur place. FranceAgriMer fait appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a, d’une part, annulé cette décision en tant qu’elle refusait à la société G.H. A… et Cie le paiement d’une somme de 914 570,50 euros et qu’elle lui infligeait une sanction pécuniaire de 68 338,48 euros et, d’autre part, enjoint à FranceAgriMer de verser à la société une somme de 982 908,98 euros. Par la voie de l’appel incident, la société G.H. A… et Cie demande à la Cour de réformer le jugement et d’annuler la décision contestée en tant qu’elle a refusé le versement d’une somme supplémentaire de 184 159 euros au titre de l’aide à la promotion.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En vertu des dispositions du second alinéa de l’article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement « contient (…) l’analyse des conclusions et mémoires (…) ».
3. En se bornant à faire valoir que le jugement » ne vise [et] n’analyse qu’imparfaitement les moyens des parties, en particulier ceux de FranceAgriMer « , l’établissement requérant qui ne précise pas quel moyen serait concerné, n’assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d’en apprécier le bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 susvisé relatif aux mesures d’aide à la promotion des vins de l’Union européenne : » 1. L’aide accordée au titre du présent article porte sur les mesures d’information ou de promotion concernant les vins de l’Union : / a) qui sont menées dans les États membres en vue de fournir aux consommateurs des informations concernant la consommation responsable de vin et les systèmes d’appellations d’origine et d’indications géographiques dans l’Union ; ou / b) qui sont menées dans les pays tiers en vue d’améliorer leur compétitivité. / 2. Les mesures visées au paragraphe 1, point b), s’appliquent aux vins bénéficiant d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée, ou aux vins dont le cépage est indiqué et ne peuvent consister qu’en : / a) des actions de relations publiques, de promotion ou de publicité, visant en particulier à mettre en évidence que les produits de l’Union répondent à des normes élevées en termes, notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement ; / b) une participation à des manifestations, foires ou expositions d’envergure internationale ; / c) des campagnes d’information, notamment sur les régimes de l’Union relatifs aux appellations d’origine, aux indications géographiques et à la production biologique ; / d) des études de marchés nouveaux, nécessaires à l’élargissement des débouchés ; / e) des études d’évaluation des résultats des actions d’information et de promotion. / 3. La participation de l’Union aux actions d’information ou de promotion visées au paragraphe 1 n’excède pas 50 % de la dépense admissible au bénéfice de l’aide « .
En ce qui concerne les conclusions d’appel principal :
S’agissant des dépenses relatives au cachet d’un artiste :
5. La société G.H. A… et Cie a conclu, le 11 août 2015, un contrat avec la société My Love Affair, M. B… C…, la société What A Music et la société Warner Music France pour mener des actions de promotion de sa marque A… avec le concours d’un artiste à la renommée internationale, M. B… C…. Dans ce cadre, elle a exposé une somme de 50 000 euros au titre du cachet de cet artiste. FranceAgriMer, qui n’a, dans la décision contestée du 22 décembre 2017, admis l’éligibilité de cette dépense qu’à hauteur de 10 000 euros au titre des quatre jours de tournage d’un clip musical, soutient qu’elle est inéligible faute de viser « à mettre en évidence que les produits de l’Union répondent à des normes élevées en termes, notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement ». Il ressort toutefois des dispositions précitées du a) du 2° de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013, que les actions de promotion peuvent être éligibles quand bien même elles ne remplissent pas cette condition. Par suite, alors que FranceAgriMer se borne à soutenir que la dépense était inéligible par nature, la société G.H. A… et Cie était fondée à demander le paiement d’une somme complémentaire de 20 000 euros au titre des dépenses en cause.
S’agissant des dépenses portant sur le droit à l’image de M. B… C… :
6. Aux termes de l’article 3.3 de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 relatif aux lieux de réalisation des actions de promotion : « Le programme promotionnel doit porter sur les pays tiers, listés dans la candidature validée par FranceAgriMer. (…) Les dépenses relatives aux actions de sponsoring ou de promotion sont éligibles pour les actions qui sont réalisées dans les pays tiers inscrits dans la liste des pays du demandeur, même si la notoriété médiatique de l’action peut dépasser le pays lui-même. Par exemple, le sponsoring d’un championnat du monde d’athlétisme en Chine est éligible même si la couverture médiatique est internationale et que la communication est susceptible d’être vue par des personnes hors du pays cible ».
7. Dans le cadre du contrat conclu avec la société My Love Affair, M. B… C…, la société What A Music et la société Warner Music France, la société G.H. A… et Cie a versé 910 000 euros au titre du droit à l’image, l’article 6 de ce contrat prévoyant que la société est autorisée à exploiter l’image de l’artiste pour les besoins de sa campagne de promotion et l’article 9.3 stipulant que » La présente autorisation [d’exploitation de l’image de l’artiste] est consentie pour le monde entier « . Pour écarter partiellement cette dépense comme inéligible, FranceAgriMer fait valoir que les images en cause peuvent être utilisées sur le territoire de l’Union européenne, alors que l’aide en cause ne peut bénéficier qu’aux campagnes promotionnelles à destination de pays tiers. Pour déterminer la part de cette dépense concernant une action de promotion de dimension mondiale correspondant aux pays cibles, FranceAgriMer a retenu un prorata correspondant à la part de ces pays dans le chiffre d’affaire total de la société, à l’exclusion de la Chine qui restreint l’accès à Internet et aux réseaux sociaux, soit 25,62 %.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du contrat susmentionné du 11 août 2015, que l’action de promotion en cause, liée à l’exploitation de l’image d’un artiste de renommée internationale, notamment au travers de la diffusion d’un clip musical sur la plateforme « Youtube » et sur les réseaux sociaux, ne vise pas spécialement les marchés américains et australiens comme le prétend la société G.H. A… et Cie, mais a une dimension mondiale. Ainsi, quand bien même le clip musical a été réalisé aux Etats-Unis et un concert donné en Australie, la société G.H. A… et Cie n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées de l’article 3.3 de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 qui ne concernent que les actions de sponsoring ou de promotion réalisées dans les pays tiers inscrits dans la liste des pays du demandeur et vues seulement de manière incidente par des personnes hors du pays cible.
9. Dans ces conditions, c’est à bon droit que FranceAgriMer soutient, dans le dernier état de ses écritures d’appel, que les dépenses portant sur le droit à l’image de M. B… C… n’étaient que partiellement éligibles. Alors que la société G.H. A… et Cie ne conteste pas le pourcentage de 25,62 % retenu par l’établissement FranceAgriMer, celui-ci est fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont admis l’intégralité de la dépense de 910 000 euros, celle-ci n’étant éligible qu’à hauteur de 233 142 euros, soit une aide de 116 571 euros.
S’agissant des dépenses relatives à l’organisation d’un concert à Melbourne :
10. Il ressort du contrat du 11 août 2015, notamment des articles 4.4 et 12.4, que la société G.H. A… et Cie a versé 500 000 euros à la société My love Affair en contrepartie d’un concert de l’artiste ayant eu lieu le 2 novembre 2015 à Melbourne en Australie. Il était prévu que l’artiste participe à une conférence de presse d’une durée maximale de deux heures le lendemain et au tournage de « mini pastilles vidéos », que le nom A… figure sur l’ensemble du matériel de communication, que la salle de concert et un espace VIP soient « brandés A… » et que le clip soit diffusé à deux reprises. Pour écarter cette somme des dépenses éligibles, FranceAgriMer fait valoir qu’elle n’est pas ventilée alors que certaines des actions réalisées dans le cadre de ce concert n’étaient pas éligibles, à savoir notamment la « plate-forme VIP », les goodies distribués pendant le concert et le jeu concours destiné à gagner une rencontre avec David C…. Toutefois, la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 mentionne expressément le sponsoring d’opérations festives et les goodies avec logo de la marque comme des actions éligibles. Par suite, la somme de 500 000 euros, qui correspond à une action globale de promotion à l’occasion d’un concert sponsorisé dans un pays cible, doit, ainsi que l’a jugé le tribunal, être regardée comme éligible.
S’agissant des frais d’agence accessoires :
11. Il ressort de l’article 12.3 du contrat du 11 août 2015 que sont prévus des frais correspondant à des honoraires de conseil, de gestion et de suivi dont le montant est fixé à 13,5 % de ceux facturés au titre de la rémunération des prestations contractuelles, notamment celles mentionnées aux points précédents. Seuls les frais d’agence accessoires aux dépenses éligibles sont susceptibles d’ouvrir droit à une aide à la promotion égale à la moitié de ces frais. Compte tenu ce qui a été exposé ci-dessus, la société G.H. A… et Cie était seulement fondée à demander à ce titre le paiement d’une somme supplémentaire de 52 187,08 euros.
S’agissant des frais de sponsoring lors du championnat de Formule 1 :
12. Il ressort des pièces du dossier qu’un contrat de sponsoring, d’un montant de 9 230 599 euros, a été conclu le 10 février 2012 entre la société G.H. A… et Cie et la société de droit britannique Beta Prema Ltd qui détient les droits d’organisation du championnat du monde de Formule 1, lequel comportait, en 2015, 19 courses dont 12 se tenaient dans des pays cibles visés par la convention susmentionnée du 15 juin 2015 conclue avec FranceAgriMer. Dans sa demande de paiement, la société G.H. A… et Cie a sollicité la prise en compte des dépenses de sponsoring correspondant à ce contrat à hauteur de 12/19e. FranceAgriMer n’a admis l’éligibilité de ces dépenses qu’à hauteur de 11/19e, la société ne justifiant d’aucune action de promotion réalisée à l’occasion du grand prix de Formule 1 du royaume du Bahreïn. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision contestée, que le paragraphe 13 du contrat de sponsoring signé avec la société Beta Prema stipulait que la société G.H. A… et Cie ne pourrait ni promouvoir sa marque ni faire de publicité lors du grand prix du Bahreïn, où toute publicité en faveur de boissons alcoolisées est interdite. Dans ces conditions, la société était fondée à faire valoir que le contrat de sponsoring ne portait en réalité que sur 18 courses et, par suite, que la dépense était éligible à concurrence de 11/18e et non de 12/19e comme elle l’a initialement déclaré ou de 11/19e comme FranceAgriMer l’a fixé dans la décision contestée. Il en résulte que la société G.H. A… et Cie était, ainsi que l’a jugé le tribunal, seulement fondée à demander le paiement d’une somme supplémentaire de 148 445,50 euros.
S’agissant de la sanction de 68 338,48 euros infligée à la société G.H. A… et Cie :
13. Aux termes de l’article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 susvisé : « Sans préjudice des sanctions décrites dans le règlement (CE) n° 479/2008 ou dans le présent règlement, les États membres prévoient l’application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l’égard des exigences énoncées dans le règlement (CE) n° 479/2008 et dans le présent règlement, qui soient effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés ». Aux termes de l’article 10.3 de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 susvisée relatif aux sanctions : » Lorsque le montant d’aide calculé sur la base d’un contrôle sur place, réalisé avant ou après le paiement de l’aide par tout organe de contrôle compétent, est inférieur au montant d’aide initialement retenu par FranceAgriMer sur la base de l’instruction des éléments recevables des demandes de paiement introduites par le bénéficiaire, le taux d’anomalie calculé à partir de l’écart ainsi constaté (montant écart/montant initialement retenu × 100) conduit aux mesures suivantes : – lorsque le taux d’anomalie est inférieur ou égal à 5 %, l’aide est arrêtée au montant calculé après contrôle sur place, – lorsque le taux d’anomalie est supérieur à 5 % et inférieur ou égal à 10 %, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué de 5 % du montant de l’écart constaté, – lorsque le taux d’anomalie est supérieur à 10 % et inférieur ou égal à 25 %, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué de 10 % du montant de l’écart constaté, – lorsque le taux d’anomalie est supérieur à 25 % et inférieur ou égal à 50 %, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué de 25 % du montant de l’écart constaté, – au-delà de 50 %, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué de 50 % du montant de l’écart constaté, le montant de la diminution est plafonné au montant de l’aide calculé après contrôle sur place, – lorsqu’il est établi que l’écart constaté résulte d’une fausse déclaration du bénéficiaire constituée par la fourniture intentionnelle de données erronées dans la demande de paiement, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué du montant total de l’écart constaté. Si cette diminution conduit à un montant d’aide positif, aucun paiement n’est dû. Si cette diminution conduit à un montant d’aide négatif, le bénéficiaire est tenu de verser ce montant négatif « .
14. Les dispositions précitées prévoient l’application de sanctions déterminées selon une règle strictement arithmétique, exclusivement liée à la proportion du montant de l’aide dont le contrôle a révélé qu’il n’était pas dû ou avait été indument perçu par rapport au montant de l’aide initialement retenu, sans que ne soit prise en considération, en dehors de la fourniture intentionnelle de données erronées dans la demande de paiement, la nature et la gravité des irrégularités qui ont été commises. Dès lors, le régime de sanction fixé par l’article 10.3 précité méconnaît le principe de proportionnalité posé par l’article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et cet article ne peut légalement fonder la sanction en litige. Or, il résulte des termes mêmes de la décision du 22 décembre 2017 ayant infligé la sanction contestée que FranceAgriMer a fait application de ces dispositions réglementaires et que le montant de la sanction a ainsi été déterminé sur la seule base arithmétique de cet article. Ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que la sanction infligée à la société G.H. A… et Cie respecterait le principe de proportionnalité. Par suite, elle était fondée, ainsi que l’a jugé le tribunal, à demander l’annulation de cette sanction d’un montant de 68 338,48 euros.
En ce qui concerne les conclusions reconventionnelles :
S’agissant des dépenses liées à des soirées VIP :
15. Aux termes de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 susvisé relatif aux mesures d’aide à la promotion des vins de l’Union européenne : « 1. L’aide accordée au titre du présent article porte sur les mesures d’information ou de promotion concernant les vins de l’Union : (…) b) qui sont menées dans les pays tiers en vue d’améliorer leur compétitivité. / 2. Les mesures visées au paragraphe 1, point b) (…) ne peuvent consister qu’en : / a) des actions de relations publiques, de promotion ou de publicité, visant en particulier à mettre en évidence que les produits de l’Union répondent à des normes élevées en termes, notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement / b) une participation à des manifestations, foires ou expositions d’envergure internationale (…) ».
16. La société G.H. A… et Cie a exposé, pour un montant de 225 817,37 euros, des dépenses dans le cadre de l’organisation de soirées privées en Australie, en Afrique du Sud, à Hong Kong et au Japon.
17. D’une part, il résulte de l’instruction que ces dépenses ne correspondaient pas au sponsoring d’une manifestation publique mais à des soirées privées, qui n’étaient pas destinées à des acheteurs ou à des personnes en lien avec le monde du vin. Elles ne peuvent dès lors être regardées comme des « manifestations, foires ou expositions d’envergure internationale » au sens des dispositions précitées du b) du 2 de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 ou de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014, qui mentionne à tire d’exemple, s’agissant de ces actions, la « création d’un stand (…) pour un salon », « l’organisation complète de soirées même en dehors du site du salon (mais durant la période du salon) » ou la « participation à des opérations organisées par des tiers, type » apéritif à la Française « ».
18. D’autre part, la société G.H. A… et Cie soutient que ces soirées, organisées dans des endroits « brandés », étaient de nature à donner une visibilité à la marque, compte tenu de la participation de personnes susceptibles de faire sa promotion au travers du partage de visuels et de photos de ces soirées sur les réseaux sociaux. Toutefois, la société ne produit aucune pièce de nature à justifier de la participation « d’influenceurs » à ces soirées et de l’existence de retombées dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Par suite, ces dépenses ne peuvent être regardées comme participant à des « actions de relations publiques, de promotion ou de publicité » au sens du a) du 2 de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 ou de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014, qui ne mentionne, s’agissant de la sponsorisation, que les « actions spécifiques viticoles (concours de sommeliers, d’œnologues…) et les » actions grand public : opérations festives, sportives, mariages de stars…) « et relevant, parmi les justificatifs possibles : » photos datées « ou » retombées presse « .
19. Dans ces conditions, la société G.H. A… et Cie n’est pas fondée à contester l’inéligibilité à l’aide à la promotion des dépenses afférentes à ces soirées privées.
S’agissant des dépenses liées au spectacle « La Folie Douce » :
20. La société G.H. A… et Cie a exposé la somme de 88 162,23 euros dans le cadre de l’organisation de manifestations publiques dénommées « La Folie Douce », qui se sont tenues au cours de l’année 2015 en Australie. La seule circonstance qu’une large part de ces dépenses est constituée par des cachets d’artistes n’est pas de nature à justifier leur exclusion des dépenses éligibles dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que l’ensemble des dépenses en cause correspond à l’organisation d’une manifestation ayant eu pour objet de participer à la promotion de la marque A…. Alors que les dispositions précitées du a) du 2 de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 n’imposent pas, ainsi qu’il a été dit ci-dessus au point 5, que les actions de promotion tendent à mettre en évidence que les produits de l’Union européenne répondent à des normes élevées en termes notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement, ces dépenses doivent être regardées comme se rattachant à une action de relations publiques, de promotion ou de publicité au sens de ces dispositions. La société G.H. A… et Cie est ainsi fondée à demander que la somme de 88 162,23 euros soit regardée comme correspondant à des dépenses éligibles et ouvrant droit à une aide de 44 081,11 euros.
S’agissant des dépenses liées à l’aménagement d’un bar estampillé A… à Johannesburg :
21. La société G.H. A… et Cie fait valoir qu’elle a sponsorisé une opération festive organisée dans la boîte de nuit, le « Taboo Club », à Johannesburg. Elle produit, pour en justifier, des photographies d’une soirée où la marque G.H. A… et Cie est clairement identifiable et une facture d’un montant de 54 338,23 euros intitulée « Taboo renovations ». Une telle facture, quand bien même elle a été émise à une date proche de l’opération festive susmentionnée, n’est toutefois pas suffisamment précise quant à la nature des contreparties en cause pour établir son lien avec une opération de promotion éligible à l’aide.
22. Il résulte de tout ce qui précède que FranceAgriMer est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont omis de limiter à 233 142 euros l’éligibilité de la dépense de 910 000 euros relative à des droits à l’image, soit une aide de 116 571 euros au lieu de 405 000 euros. En conséquence, l’aide due au titre des frais d’agence accessoires doit également être limitée à 26 093,76 euros au lieu de 91 125 euros.
23. Il en résulte également que la société G.H. A… et Cie est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision de FranceAgriMer du 22 décembre 2017, en tant qu’elle a écarté la somme de 88 162,23 euros des dépenses éligibles, ce qui correspond à une aide de 44 081,11 euros.
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
24. Il résulte des montants mentionnés aux deux points précédents que la société G.H. A… et Cie n’est pas fondée à demander à la Cour d’enjoindre à FranceAgriMer de lui verser une somme supplémentaire au titre de l’aide à la promotion due pour l’année 2015.
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société G.H. A…. Par ailleurs, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par FranceAgriMer sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 22 décembre 2017 de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer est, conformément aux motifs du présent arrêt, rétablie en tant qu’elle a refusé à la société G.H. A… et Cie le paiement d’une somme de 309 379,23 euros.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 avril 2021 sont annulés en tant qu’ils sont contraires au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et la société G.H. A… et Cie.
Délibéré après l’audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
– M. Lapouzade, président de chambre,
– M. Gobeill, premier conseiller,
– M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture et de l’alimentation en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Dépenses de promotion Agrimer : affaire David Guetta
FranceAgriMer a estimé qu’une partie des dépenses n’étaient pas éligibles.
l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a partiellement rejeté, pour un montant de 2 666 425,86 euros, sa demande de paiement d’une aide au programme de promotion vitivinicole hors Union européenne au titre de l’année 2015.
A la suite d’un appel à proposition lancé par l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) dans le cadre du programme européen de promotion des vins sur les marchés des pays tiers, le programme de promotion déposé par la société G.H. A… et Cie a fait l’objet, le 2 février 2015, d’une décision d’attribution d’une aide à la promotion. Une convention a été conclue le 15 juin 2015 entre la société G.H. A… et Cie et FranceAgriMer pour préciser les modalités de versement de cette aide égale à 50 % des dépenses exposées par la société au cours de l’année 2015 dans le cadre d’un programme de promotion dans des pays cibles, à la condition que ces dépenses soient reconnues éligibles à l’issue de l’instruction de la demande de paiement. Une avance d’un montant de 2 862 167,33 euros a été versée le 17 juin 2015 à la société G.H. A… et Cie.
7. Dans le cadre du contrat conclu avec la société My Love Affair, M. B… C…, la société What A Music et la société Warner Music France, la société G.H. A… et Cie a versé 910 000 euros au titre du droit à l’image, l’article 6 de ce contrat prévoyant que la société est autorisée à exploiter l’image de l’artiste pour les besoins de sa campagne de promotion et l’article 9.3 stipulant que » La présente autorisation [d’exploitation de l’image de l’artiste] est consentie pour le monde entier « . Pour écarter partiellement cette dépense comme inéligible, FranceAgriMer fait valoir que les images en cause peuvent être utilisées sur le territoire de l’Union européenne, alors que l’aide en cause ne peut bénéficier qu’aux campagnes promotionnelles à destination de pays tiers. Pour déterminer la part de cette dépense concernant une action de promotion de dimension mondiale correspondant aux pays cibles, FranceAgriMer a retenu un prorata correspondant à la part de ces pays dans le chiffre d’affaire total de la société, à l’exclusion de la Chine qui restreint l’accès à Internet et aux réseaux sociaux, soit 25,62 %.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du contrat susmentionné du 11 août 2015, que l’action de promotion en cause, liée à l’exploitation de l’image d’un artiste de renommée internationale, notamment au travers de la diffusion d’un clip musical sur la plateforme « Youtube » et sur les réseaux sociaux, ne vise pas spécialement les marchés américains et australiens comme le prétend la société G.H. A… et Cie, mais a une dimension mondiale. Ainsi, quand bien même le clip musical a été réalisé aux Etats-Unis et un concert donné en Australie, la société G.H. A… et Cie n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées de l’article 3.3 de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 qui ne concernent que les actions de sponsoring ou de promotion réalisées dans les pays tiers inscrits dans la liste des pays du demandeur et vues seulement de manière incidente par des personnes hors du pays cible.
9. Dans ces conditions, c’est à bon droit que FranceAgriMer soutient, dans le dernier état de ses écritures d’appel, que les dépenses portant sur le droit à l’image de M. B… C… n’étaient que partiellement éligibles. Alors que la société G.H. A… et Cie ne conteste pas le pourcentage de 25,62 % retenu par l’établissement FranceAgriMer, celui-ci est fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont admis l’intégralité de la dépense de 910 000 euros, celle-ci n’étant éligible qu’à hauteur de 233 142 euros, soit une aide de 116 571 euros.
S’agissant des dépenses relatives à l’organisation d’un concert à Melbourne :
10. Il ressort du contrat du 11 août 2015, notamment des articles 4.4 et 12.4, que la société G.H. A… et Cie a versé 500 000 euros à la société My love Affair en contrepartie d’un concert de l’artiste ayant eu lieu le 2 novembre 2015 à Melbourne en Australie. Il était prévu que l’artiste participe à une conférence de presse d’une durée maximale de deux heures le lendemain et au tournage de « mini pastilles vidéos », que le nom A… figure sur l’ensemble du matériel de communication, que la salle de concert et un espace VIP soient « brandés A… » et que le clip soit diffusé à deux reprises. Pour écarter cette somme des dépenses éligibles, FranceAgriMer fait valoir qu’elle n’est pas ventilée alors que certaines des actions réalisées dans le cadre de ce concert n’étaient pas éligibles, à savoir notamment la « plate-forme VIP », les goodies distribués pendant le concert et le jeu concours destiné à gagner une rencontre avec David C…. Toutefois, la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 mentionne expressément le sponsoring d’opérations festives et les goodies avec logo de la marque comme des actions éligibles. Par suite, la somme de 500 000 euros, qui correspond à une action globale de promotion à l’occasion d’un concert sponsorisé dans un pays cible, doit, ainsi que l’a jugé le tribunal, être regardée comme éligible.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CAA de PARIS
1ère chambre
24 mars 2022
N° 21PA03051
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme G.H. A… et Cie a demandé au tribunal administratif de Montreuil d’annuler la décision du 22 décembre 2017 par laquelle l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a partiellement rejeté, pour un montant de 2 666 425,86 euros, sa demande de paiement d’une aide au programme de promotion vitivinicole hors Union européenne au titre de l’année 2015.
Par un jugement n° 1801593 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de FranceAgriMer du 22 décembre 2017 en tant qu’elle refusait à la société G.H. A… et Cie le paiement de la somme de 914 570,50 euros et qu’elle lui infligeait une sanction pécuniaire d’un montant de 68 338,48 euros et a enjoint à FranceAgriMer de lui verser la somme de 982 908,98 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée 7 juin 2021 et des mémoires enregistrés les 8 juin 2021, 3 janvier 2022 et 2 février 2022, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Alibert, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler le jugement n° 1801593 du tribunal administratif de Montreuil en date du 8 avril 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société G.H. A… et Cie devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d’appel incident ;
3°) de mettre à la charge de la société G.H. A… et Cie une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
— le jugement ne vise ni n’analyse l’ensemble des moyens des parties en méconnaissance de l’article R. 741-2 du code de justice administrative ;
– les dépenses relatives au cachet d’un artiste n’entrent pas dans le champ des dispositions du 2° de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 dès lors qu’elles n’ont pas pour objet de « mettre en évidence que les produits de l’Union répondent à des normes élevées en termes, notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement » ;
– les dépenses relatives au droit à l’image de cet artiste permettent, au moins en partie, l’utilisation de ces images au sein de l’Union européenne ; elles ne sont dès lors que partiellement éligibles et c’est à bon droit que les dépenses ont été proratisées ;
– une partie des dépenses relatives à l’organisation d’un concert à Melbourne ne sont pas éligibles, à savoir la plate-forme VIP, les goodies distribués pendant le concert et le jeu concours organisé pour gagner une rencontre avec l’artiste ; faute de ventilation des différents postes de dépenses permettant de déterminer les dépenses éligibles, FranceAgriMer est fondé à les rejeter intégralement ;
– les frais d’agence accessoires aux différentes dépenses susmentionnées doivent être rejetés par voie de conséquence ;
– les dépenses de sponsoring du championnat de Formule 1 ont été écartées à bon droit à concurrence de la part relative au grand prix de Bahreïn, aucune action de promotion n’ayant été effectuée dans ce pays ;
– la sanction infligée à la société G.H. A… et Cie était proportionnée à la nature et à la gravité des irrégularités commises ;
– les soirées VIP organisées par la société G.H. A… et Cie étaient des soirées privées, se déroulant dans un cadre restreint voire confidentiel et ne constituaient ni des manifestations, foires ou expositions d’envergure internationale, ni des actions de relations publiques, de promotion ou de publicité mettant en évidence les qualités des produits de l’Union européenne ; l’absence de « retombées presse » confirme qu’il ne s’agit pas d’action de promotion grand public ;
– la société n’apporte aucun élément sur la nature et l’ampleur des actions de promotion de la marque A… qu’elle aurait mises en œuvre dans le cadre du spectacle la Folie Douce et ne démontre pas que les dépenses engagées correspondaient à des actions de promotion directe de la marque ; l’existence de retombées médiatiques n’est pas démontrée ;
– il n’est pas établi que la dépense correspondant à la facture « Taboo Renovations » correspondait à une action de promotion de la marque.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2021 et un mémoire d’appel incident enregistré le 6 janvier 2022, la société G.H. A… et Cie, représentée par Me Aguila et Me Léonard, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ;
2°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 avril 2021 en tant qu’il a jugé certaines dépenses inéligibles à l’aide à la promotion des vins ;
3°) d’annuler la décision du directeur général de FranceAgriMer du 22 décembre 2017 en tant qu’elle lui a refusé le paiement de la somme de 184 159 euros correspondant à la moitié de ces dépenses ;
4°) d’enjoindre à FranceAgriMer de lui verser la somme de 184 159 euros ;
5°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
— aucun des moyens de la requête de FranceAgriMer n’est fondé ;
– les dépenses liées à des « soirées VIP » au cours desquelles la marque A… a été mise en avant étaient éligibles compte tenu de la participation de personnes susceptibles de relayer la notoriété de la marque ; ces dépenses entraient dans les prévisions du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 telles que précisées par la décision règlement du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 ; l’éligibilité à l’aide d’une dépense n’est pas subordonnée à la justification de « retombées médiatiques directes » ;
– les dépenses liées à la sponsorisation d’un spectacle destiné à promouvoir la marque A… sont éligibles au titre des « actions de relations publiques, de promotion ou de publicité », mentionnées au a) du 2 de l’article 45 dudit règlement et des actions de sponsorisation prévues à la rubrique 1.1 de l’annexe de la décision règlementaire du directeur général de FranceAgriMer du
4 juillet 2014 ; il n’a jamais été contesté par FranceAgriMer que la marque A… a été promue au cours de cet évènement ; des dépenses correspondant à des cachets versés à des artistes peuvent être éligibles ; l’éligibilité à l’aide d’une dépense n’est pas subordonnée à la justification de « retombées médiatiques directes » ;
– les dépenses liées à la réalisation d’un « bar brandé » A… à Johannesburg sont également éligibles dès lors qu’il est justifié qu’une action de promotion a été réalisée et que la facture produite permet d’établir la réalité de la dépense et son rattachement à cette action ; l’éligibilité à l’aide d’une dépense n’est pas subordonnée à la justification de « retombées médiatiques directes ».
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;
– le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d’aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole ;
– le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– la décision du directeur général de FranceAgriMer INTV-POP-2014-44 du 4 juillet 2014 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus, au cours de l’audience publique :
— le rapport de M. Doré, rapporteur,
– les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
– et les observations de Me Alibert pour FranceAgriMer et de Me Léonard pour la société G.H. A… et Cie.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d’un appel à proposition lancé par l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) dans le cadre du programme européen de promotion des vins sur les marchés des pays tiers, le programme de promotion déposé par la société G.H. A… et Cie a fait l’objet, le 2 février 2015, d’une décision d’attribution d’une aide à la promotion. Une convention a été conclue le 15 juin 2015 entre la société G.H. A… et Cie et FranceAgriMer pour préciser les modalités de versement de cette aide égale à 50 % des dépenses exposées par la société au cours de l’année 2015 dans le cadre d’un programme de promotion dans des pays cibles, à la condition que ces dépenses soient reconnues éligibles à l’issue de l’instruction de la demande de paiement. Une avance d’un montant de 2 862 167,33 euros a été versée le 17 juin 2015 à la société G.H. A… et Cie. Le 15 juin 2016, la société a demandé le paiement du solde de l’aide. A la suite de demandes de pièces complémentaires et d’un contrôle sur place réalisé du 19 au 27 juin 2017, FranceAgriMer a estimé qu’une partie des dépenses n’étaient pas éligibles. En conséquence, par une décision du 22 décembre 2017, FranceAgriMer a partiellement rejeté la demande de paiement dont il était saisi, a arrêté le montant de l’aide accordée à la société G.H. A… et Cie à la somme totale de 4 146 536,09 euros et lui a versé la somme de 1 284 368,76 euros, compte tenu de l’avance déjà versée et d’une sanction de 68 338,48 euros infligée à la suite du contrôle sur place. FranceAgriMer fait appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a, d’une part, annulé cette décision en tant qu’elle refusait à la société G.H. A… et Cie le paiement d’une somme de 914 570,50 euros et qu’elle lui infligeait une sanction pécuniaire de 68 338,48 euros et, d’autre part, enjoint à FranceAgriMer de verser à la société une somme de 982 908,98 euros. Par la voie de l’appel incident, la société G.H. A… et Cie demande à la Cour de réformer le jugement et d’annuler la décision contestée en tant qu’elle a refusé le versement d’une somme supplémentaire de 184 159 euros au titre de l’aide à la promotion.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En vertu des dispositions du second alinéa de l’article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement « contient (…) l’analyse des conclusions et mémoires (…) ».
3. En se bornant à faire valoir que le jugement » ne vise [et] n’analyse qu’imparfaitement les moyens des parties, en particulier ceux de FranceAgriMer « , l’établissement requérant qui ne précise pas quel moyen serait concerné, n’assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d’en apprécier le bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 susvisé relatif aux mesures d’aide à la promotion des vins de l’Union européenne : » 1. L’aide accordée au titre du présent article porte sur les mesures d’information ou de promotion concernant les vins de l’Union : / a) qui sont menées dans les États membres en vue de fournir aux consommateurs des informations concernant la consommation responsable de vin et les systèmes d’appellations d’origine et d’indications géographiques dans l’Union ; ou / b) qui sont menées dans les pays tiers en vue d’améliorer leur compétitivité. / 2. Les mesures visées au paragraphe 1, point b), s’appliquent aux vins bénéficiant d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée, ou aux vins dont le cépage est indiqué et ne peuvent consister qu’en : / a) des actions de relations publiques, de promotion ou de publicité, visant en particulier à mettre en évidence que les produits de l’Union répondent à des normes élevées en termes, notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement ; / b) une participation à des manifestations, foires ou expositions d’envergure internationale ; / c) des campagnes d’information, notamment sur les régimes de l’Union relatifs aux appellations d’origine, aux indications géographiques et à la production biologique ; / d) des études de marchés nouveaux, nécessaires à l’élargissement des débouchés ; / e) des études d’évaluation des résultats des actions d’information et de promotion. / 3. La participation de l’Union aux actions d’information ou de promotion visées au paragraphe 1 n’excède pas 50 % de la dépense admissible au bénéfice de l’aide « .
En ce qui concerne les conclusions d’appel principal :
S’agissant des dépenses relatives au cachet d’un artiste :
5. La société G.H. A… et Cie a conclu, le 11 août 2015, un contrat avec la société My Love Affair, M. B… C…, la société What A Music et la société Warner Music France pour mener des actions de promotion de sa marque A… avec le concours d’un artiste à la renommée internationale, M. B… C…. Dans ce cadre, elle a exposé une somme de 50 000 euros au titre du cachet de cet artiste. FranceAgriMer, qui n’a, dans la décision contestée du 22 décembre 2017, admis l’éligibilité de cette dépense qu’à hauteur de 10 000 euros au titre des quatre jours de tournage d’un clip musical, soutient qu’elle est inéligible faute de viser « à mettre en évidence que les produits de l’Union répondent à des normes élevées en termes, notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement ». Il ressort toutefois des dispositions précitées du a) du 2° de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013, que les actions de promotion peuvent être éligibles quand bien même elles ne remplissent pas cette condition. Par suite, alors que FranceAgriMer se borne à soutenir que la dépense était inéligible par nature, la société G.H. A… et Cie était fondée à demander le paiement d’une somme complémentaire de 20 000 euros au titre des dépenses en cause.
S’agissant des dépenses portant sur le droit à l’image de M. B… C… :
6. Aux termes de l’article 3.3 de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 relatif aux lieux de réalisation des actions de promotion : « Le programme promotionnel doit porter sur les pays tiers, listés dans la candidature validée par FranceAgriMer. (…) Les dépenses relatives aux actions de sponsoring ou de promotion sont éligibles pour les actions qui sont réalisées dans les pays tiers inscrits dans la liste des pays du demandeur, même si la notoriété médiatique de l’action peut dépasser le pays lui-même. Par exemple, le sponsoring d’un championnat du monde d’athlétisme en Chine est éligible même si la couverture médiatique est internationale et que la communication est susceptible d’être vue par des personnes hors du pays cible ».
7. Dans le cadre du contrat conclu avec la société My Love Affair, M. B… C…, la société What A Music et la société Warner Music France, la société G.H. A… et Cie a versé 910 000 euros au titre du droit à l’image, l’article 6 de ce contrat prévoyant que la société est autorisée à exploiter l’image de l’artiste pour les besoins de sa campagne de promotion et l’article 9.3 stipulant que » La présente autorisation [d’exploitation de l’image de l’artiste] est consentie pour le monde entier « . Pour écarter partiellement cette dépense comme inéligible, FranceAgriMer fait valoir que les images en cause peuvent être utilisées sur le territoire de l’Union européenne, alors que l’aide en cause ne peut bénéficier qu’aux campagnes promotionnelles à destination de pays tiers. Pour déterminer la part de cette dépense concernant une action de promotion de dimension mondiale correspondant aux pays cibles, FranceAgriMer a retenu un prorata correspondant à la part de ces pays dans le chiffre d’affaire total de la société, à l’exclusion de la Chine qui restreint l’accès à Internet et aux réseaux sociaux, soit 25,62 %.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du contrat susmentionné du 11 août 2015, que l’action de promotion en cause, liée à l’exploitation de l’image d’un artiste de renommée internationale, notamment au travers de la diffusion d’un clip musical sur la plateforme « Youtube » et sur les réseaux sociaux, ne vise pas spécialement les marchés américains et australiens comme le prétend la société G.H. A… et Cie, mais a une dimension mondiale. Ainsi, quand bien même le clip musical a été réalisé aux Etats-Unis et un concert donné en Australie, la société G.H. A… et Cie n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées de l’article 3.3 de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 qui ne concernent que les actions de sponsoring ou de promotion réalisées dans les pays tiers inscrits dans la liste des pays du demandeur et vues seulement de manière incidente par des personnes hors du pays cible.
9. Dans ces conditions, c’est à bon droit que FranceAgriMer soutient, dans le dernier état de ses écritures d’appel, que les dépenses portant sur le droit à l’image de M. B… C… n’étaient que partiellement éligibles. Alors que la société G.H. A… et Cie ne conteste pas le pourcentage de 25,62 % retenu par l’établissement FranceAgriMer, celui-ci est fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont admis l’intégralité de la dépense de 910 000 euros, celle-ci n’étant éligible qu’à hauteur de 233 142 euros, soit une aide de 116 571 euros.
S’agissant des dépenses relatives à l’organisation d’un concert à Melbourne :
10. Il ressort du contrat du 11 août 2015, notamment des articles 4.4 et 12.4, que la société G.H. A… et Cie a versé 500 000 euros à la société My love Affair en contrepartie d’un concert de l’artiste ayant eu lieu le 2 novembre 2015 à Melbourne en Australie. Il était prévu que l’artiste participe à une conférence de presse d’une durée maximale de deux heures le lendemain et au tournage de « mini pastilles vidéos », que le nom A… figure sur l’ensemble du matériel de communication, que la salle de concert et un espace VIP soient « brandés A… » et que le clip soit diffusé à deux reprises. Pour écarter cette somme des dépenses éligibles, FranceAgriMer fait valoir qu’elle n’est pas ventilée alors que certaines des actions réalisées dans le cadre de ce concert n’étaient pas éligibles, à savoir notamment la « plate-forme VIP », les goodies distribués pendant le concert et le jeu concours destiné à gagner une rencontre avec David C…. Toutefois, la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 mentionne expressément le sponsoring d’opérations festives et les goodies avec logo de la marque comme des actions éligibles. Par suite, la somme de 500 000 euros, qui correspond à une action globale de promotion à l’occasion d’un concert sponsorisé dans un pays cible, doit, ainsi que l’a jugé le tribunal, être regardée comme éligible.
S’agissant des frais d’agence accessoires :
11. Il ressort de l’article 12.3 du contrat du 11 août 2015 que sont prévus des frais correspondant à des honoraires de conseil, de gestion et de suivi dont le montant est fixé à 13,5 % de ceux facturés au titre de la rémunération des prestations contractuelles, notamment celles mentionnées aux points précédents. Seuls les frais d’agence accessoires aux dépenses éligibles sont susceptibles d’ouvrir droit à une aide à la promotion égale à la moitié de ces frais. Compte tenu ce qui a été exposé ci-dessus, la société G.H. A… et Cie était seulement fondée à demander à ce titre le paiement d’une somme supplémentaire de 52 187,08 euros.
S’agissant des frais de sponsoring lors du championnat de Formule 1 :
12. Il ressort des pièces du dossier qu’un contrat de sponsoring, d’un montant de 9 230 599 euros, a été conclu le 10 février 2012 entre la société G.H. A… et Cie et la société de droit britannique Beta Prema Ltd qui détient les droits d’organisation du championnat du monde de Formule 1, lequel comportait, en 2015, 19 courses dont 12 se tenaient dans des pays cibles visés par la convention susmentionnée du 15 juin 2015 conclue avec FranceAgriMer. Dans sa demande de paiement, la société G.H. A… et Cie a sollicité la prise en compte des dépenses de sponsoring correspondant à ce contrat à hauteur de 12/19e. FranceAgriMer n’a admis l’éligibilité de ces dépenses qu’à hauteur de 11/19e, la société ne justifiant d’aucune action de promotion réalisée à l’occasion du grand prix de Formule 1 du royaume du Bahreïn. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision contestée, que le paragraphe 13 du contrat de sponsoring signé avec la société Beta Prema stipulait que la société G.H. A… et Cie ne pourrait ni promouvoir sa marque ni faire de publicité lors du grand prix du Bahreïn, où toute publicité en faveur de boissons alcoolisées est interdite. Dans ces conditions, la société était fondée à faire valoir que le contrat de sponsoring ne portait en réalité que sur 18 courses et, par suite, que la dépense était éligible à concurrence de 11/18e et non de 12/19e comme elle l’a initialement déclaré ou de 11/19e comme FranceAgriMer l’a fixé dans la décision contestée. Il en résulte que la société G.H. A… et Cie était, ainsi que l’a jugé le tribunal, seulement fondée à demander le paiement d’une somme supplémentaire de 148 445,50 euros.
S’agissant de la sanction de 68 338,48 euros infligée à la société G.H. A… et Cie :
13. Aux termes de l’article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 susvisé : « Sans préjudice des sanctions décrites dans le règlement (CE) n° 479/2008 ou dans le présent règlement, les États membres prévoient l’application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l’égard des exigences énoncées dans le règlement (CE) n° 479/2008 et dans le présent règlement, qui soient effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés ». Aux termes de l’article 10.3 de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014 susvisée relatif aux sanctions : » Lorsque le montant d’aide calculé sur la base d’un contrôle sur place, réalisé avant ou après le paiement de l’aide par tout organe de contrôle compétent, est inférieur au montant d’aide initialement retenu par FranceAgriMer sur la base de l’instruction des éléments recevables des demandes de paiement introduites par le bénéficiaire, le taux d’anomalie calculé à partir de l’écart ainsi constaté (montant écart/montant initialement retenu × 100) conduit aux mesures suivantes : – lorsque le taux d’anomalie est inférieur ou égal à 5 %, l’aide est arrêtée au montant calculé après contrôle sur place, – lorsque le taux d’anomalie est supérieur à 5 % et inférieur ou égal à 10 %, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué de 5 % du montant de l’écart constaté, – lorsque le taux d’anomalie est supérieur à 10 % et inférieur ou égal à 25 %, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué de 10 % du montant de l’écart constaté, – lorsque le taux d’anomalie est supérieur à 25 % et inférieur ou égal à 50 %, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué de 25 % du montant de l’écart constaté, – au-delà de 50 %, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué de 50 % du montant de l’écart constaté, le montant de la diminution est plafonné au montant de l’aide calculé après contrôle sur place, – lorsqu’il est établi que l’écart constaté résulte d’une fausse déclaration du bénéficiaire constituée par la fourniture intentionnelle de données erronées dans la demande de paiement, le montant d’aide calculé après contrôle sur place est diminué du montant total de l’écart constaté. Si cette diminution conduit à un montant d’aide positif, aucun paiement n’est dû. Si cette diminution conduit à un montant d’aide négatif, le bénéficiaire est tenu de verser ce montant négatif « .
14. Les dispositions précitées prévoient l’application de sanctions déterminées selon une règle strictement arithmétique, exclusivement liée à la proportion du montant de l’aide dont le contrôle a révélé qu’il n’était pas dû ou avait été indument perçu par rapport au montant de l’aide initialement retenu, sans que ne soit prise en considération, en dehors de la fourniture intentionnelle de données erronées dans la demande de paiement, la nature et la gravité des irrégularités qui ont été commises. Dès lors, le régime de sanction fixé par l’article 10.3 précité méconnaît le principe de proportionnalité posé par l’article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et cet article ne peut légalement fonder la sanction en litige. Or, il résulte des termes mêmes de la décision du 22 décembre 2017 ayant infligé la sanction contestée que FranceAgriMer a fait application de ces dispositions réglementaires et que le montant de la sanction a ainsi été déterminé sur la seule base arithmétique de cet article. Ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que la sanction infligée à la société G.H. A… et Cie respecterait le principe de proportionnalité. Par suite, elle était fondée, ainsi que l’a jugé le tribunal, à demander l’annulation de cette sanction d’un montant de 68 338,48 euros.
En ce qui concerne les conclusions reconventionnelles :
S’agissant des dépenses liées à des soirées VIP :
15. Aux termes de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 susvisé relatif aux mesures d’aide à la promotion des vins de l’Union européenne : « 1. L’aide accordée au titre du présent article porte sur les mesures d’information ou de promotion concernant les vins de l’Union : (…) b) qui sont menées dans les pays tiers en vue d’améliorer leur compétitivité. / 2. Les mesures visées au paragraphe 1, point b) (…) ne peuvent consister qu’en : / a) des actions de relations publiques, de promotion ou de publicité, visant en particulier à mettre en évidence que les produits de l’Union répondent à des normes élevées en termes, notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement / b) une participation à des manifestations, foires ou expositions d’envergure internationale (…) ».
16. La société G.H. A… et Cie a exposé, pour un montant de 225 817,37 euros, des dépenses dans le cadre de l’organisation de soirées privées en Australie, en Afrique du Sud, à Hong Kong et au Japon.
17. D’une part, il résulte de l’instruction que ces dépenses ne correspondaient pas au sponsoring d’une manifestation publique mais à des soirées privées, qui n’étaient pas destinées à des acheteurs ou à des personnes en lien avec le monde du vin. Elles ne peuvent dès lors être regardées comme des « manifestations, foires ou expositions d’envergure internationale » au sens des dispositions précitées du b) du 2 de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 ou de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014, qui mentionne à tire d’exemple, s’agissant de ces actions, la « création d’un stand (…) pour un salon », « l’organisation complète de soirées même en dehors du site du salon (mais durant la période du salon) » ou la « participation à des opérations organisées par des tiers, type » apéritif à la Française « ».
18. D’autre part, la société G.H. A… et Cie soutient que ces soirées, organisées dans des endroits « brandés », étaient de nature à donner une visibilité à la marque, compte tenu de la participation de personnes susceptibles de faire sa promotion au travers du partage de visuels et de photos de ces soirées sur les réseaux sociaux. Toutefois, la société ne produit aucune pièce de nature à justifier de la participation « d’influenceurs » à ces soirées et de l’existence de retombées dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Par suite, ces dépenses ne peuvent être regardées comme participant à des « actions de relations publiques, de promotion ou de publicité » au sens du a) du 2 de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 ou de la décision réglementaire du directeur général de FranceAgriMer du 4 juillet 2014, qui ne mentionne, s’agissant de la sponsorisation, que les « actions spécifiques viticoles (concours de sommeliers, d’œnologues…) et les » actions grand public : opérations festives, sportives, mariages de stars…) « et relevant, parmi les justificatifs possibles : » photos datées « ou » retombées presse « .
19. Dans ces conditions, la société G.H. A… et Cie n’est pas fondée à contester l’inéligibilité à l’aide à la promotion des dépenses afférentes à ces soirées privées.
S’agissant des dépenses liées au spectacle « La Folie Douce » :
20. La société G.H. A… et Cie a exposé la somme de 88 162,23 euros dans le cadre de l’organisation de manifestations publiques dénommées « La Folie Douce », qui se sont tenues au cours de l’année 2015 en Australie. La seule circonstance qu’une large part de ces dépenses est constituée par des cachets d’artistes n’est pas de nature à justifier leur exclusion des dépenses éligibles dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que l’ensemble des dépenses en cause correspond à l’organisation d’une manifestation ayant eu pour objet de participer à la promotion de la marque A…. Alors que les dispositions précitées du a) du 2 de l’article 45 du règlement (UE) n° 1308/2013 n’imposent pas, ainsi qu’il a été dit ci-dessus au point 5, que les actions de promotion tendent à mettre en évidence que les produits de l’Union européenne répondent à des normes élevées en termes notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d’environnement, ces dépenses doivent être regardées comme se rattachant à une action de relations publiques, de promotion ou de publicité au sens de ces dispositions. La société G.H. A… et Cie est ainsi fondée à demander que la somme de 88 162,23 euros soit regardée comme correspondant à des dépenses éligibles et ouvrant droit à une aide de 44 081,11 euros.
S’agissant des dépenses liées à l’aménagement d’un bar estampillé A… à Johannesburg :
21. La société G.H. A… et Cie fait valoir qu’elle a sponsorisé une opération festive organisée dans la boîte de nuit, le « Taboo Club », à Johannesburg. Elle produit, pour en justifier, des photographies d’une soirée où la marque G.H. A… et Cie est clairement identifiable et une facture d’un montant de 54 338,23 euros intitulée « Taboo renovations ». Une telle facture, quand bien même elle a été émise à une date proche de l’opération festive susmentionnée, n’est toutefois pas suffisamment précise quant à la nature des contreparties en cause pour établir son lien avec une opération de promotion éligible à l’aide.
22. Il résulte de tout ce qui précède que FranceAgriMer est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont omis de limiter à 233 142 euros l’éligibilité de la dépense de 910 000 euros relative à des droits à l’image, soit une aide de 116 571 euros au lieu de 405 000 euros. En conséquence, l’aide due au titre des frais d’agence accessoires doit également être limitée à 26 093,76 euros au lieu de 91 125 euros.
23. Il en résulte également que la société G.H. A… et Cie est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision de FranceAgriMer du 22 décembre 2017, en tant qu’elle a écarté la somme de 88 162,23 euros des dépenses éligibles, ce qui correspond à une aide de 44 081,11 euros.
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
24. Il résulte des montants mentionnés aux deux points précédents que la société G.H. A… et Cie n’est pas fondée à demander à la Cour d’enjoindre à FranceAgriMer de lui verser une somme supplémentaire au titre de l’aide à la promotion due pour l’année 2015.
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société G.H. A…. Par ailleurs, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par FranceAgriMer sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 22 décembre 2017 de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer est, conformément aux motifs du présent arrêt, rétablie en tant qu’elle a refusé à la société G.H. A… et Cie le paiement d’une somme de 309 379,23 euros.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 avril 2021 sont annulés en tant qu’ils sont contraires au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et la société G.H. A… et Cie.
Délibéré après l’audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
– M. Lapouzade, président de chambre,
– M. Gobeill, premier conseiller,
– M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture et de l’alimentation en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.