Affaire Microsoft : nullité la clause attributive de compétence

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Affaire Microsoft : nullité la clause attributive de compétence

S’il est constant au regard de la lex fori que la désignation des juridictions d’un État par une clause attributive de compétence en matière internationale est licite dès lors que le droit interne de cet état permet de déterminer le tribunal spécialement compétent, tel n’est pas le cas en l’espèce, alors que ni la nationalité française et irlandaise des parties cocontractantes, ni leurs sièges sociaux, situés respectivement à Dublin et dans le département de l’Isère, ni le lieu d’exécution du contrat en France ne permettent de déterminer aisément et clairement la juridiction compétente pour connaître des litiges les opposant, faute de lien avec les tribunaux d’Angleterre et du Pays-de-Galles auxquels donne compétence la clause attributive de juridiction litigieuse.

En conséquence, compte tenu de l’équivoque existante sur la juridiction d’Angleterre ou du Pays-de-Galles qui doit être choisie, il y a lieu de prononcer la nullité de la clause attributive de juridiction figurant aux conditions générales de Microsoft Advertising et de confirmer le jugement déféré par substitution de motifs.

Pour rappel, concernant la validité de la clause d’élection de for, l’article 26 paragraphe 6 de la Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for dispose qu’elle n’affecte pas l’application des règles d’une Organisation régionale d’intégration économique partie à cette convention, que ces règles aient été adoptées avant ou après cette convention :

a) lorsque aucune des parties ne réside dans un État contractant qui n’est pas un État membre de l’Organisation régionale d’intégration économique ;

b) en ce qui a trait à la reconnaissance ou l’exécution des jugements entre les États membres de l’Organisation régionale d’intégration économique.

Conformément à ces dispositions, ce texte trouve application lorsque la clause d’élection de for est conclue avec une entreprise située sur le territoire d’un État tiers partie à la convention. Il en résulte que si la clause d’élection de for est conclue avec une entreprise située sur le territoire d’un État tiers partie à la convention, seule la Convention de La Haye s’applique.

De même, il découle expressément de ce texte que les règles contenues dans le règlement UE n° 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012, dit Règlement Bruxelles 1bis concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale auront priorité sur celles de la Convention, toutes les fois que les parties seront résidentes sur le territoire d’un État membre de l’Union ou lorsque seront en cause la reconnaissance ou l’exécution des jugements au sein des États membres de l’Union européenne.

En l’occurrence, les parties dont le siège social est respectivement situé en France et en Irlande, résident donc toutes deux sur le territoire d’un État membre de l’Union, de sorte que conformément aux dispositions précitées, la détermination de la règle applicable à la validité de la clause d’élection de for figurant au contrat est prévue par le règlement Bruxelles 1 Bis.

Or cet instrument règle directement un certain nombre de questions ayant trait à la validité des clauses d’élection de for et renvoie pour le reste au « droit » de l’État du juge élu, c’est-à-dire aux lois désignées par les règles de droit international privé en vigueur dans cet État. A ce titre, le règlement Bruxelles 1 bis, pose, notamment en matière formelle, certaines conditions particulières de validité, lesquelles sont donc soustraites à l’emprise des règles ordinaires du for.

Ainsi son l’article 25.1 dispose que la convention attributive de juridiction est conclue :

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.

En application de l’article 25.2, toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite. A noter que les dispositions applicables n’exigent pas que la clause d’élection de for figure en police « gras souligné ».

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 24 Mars 2022

N° RG 21/06907

N° Portalis DBVX-V-B7F-N2T5

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 22 juillet 2021

RG : 2021j745

Société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED

C/

X

S.A.S. OXONE TECHNOLOGIES

APPELANTE :

Société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED

[…]

[…]

Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983 et ayant pour avocat plaidant, Me Renaud CHRISTOL, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Maître Philippe X agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SAS OXONE TECHNOLOGIES

[…]

Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, Me Cyril FABRE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Clervie FOLLIOT, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. OXONE TECHNOLOGIES

[…]

[…]

38170 SEYSSINET-PARISET

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, Me Cyril FABRE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Clervie FOLLIOT, avocat au barreau de PARIS

SELARL AJ UP prise en la personne de Maître Marc CHAPON et Maître Vincent ROUSSEAU agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SAS OXONE TECHNOLOGIES

[…]

[…]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, Me Cyril FABRE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Clervie FOLLIOT, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. COMPARATEL

[…]

[…]

38170 SEYSSINET-PARISET

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, Me Cyril FABRE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Clervie FOLLIOT, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Février 2022

Date de mise à disposition : 24 Mars 2022

Audience tenue par Catherine CLERC, président, et Y Z, vice-présidente placée, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l’audience, Y Z a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Anne-Marie ESPARBÈS, président

– Catherine CLERC, conseiller

– Y Z, vice-présidente placée

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Microsoft Ireland Operations Limited (la société Microsoft) est une société de droit irlandais, spécialisée dans l’offre de services internet, notamment de publicité, proposés à des utilisateurs situés en Europe. L’offre de publicité de la société Microsoft, dénommée Microsoft Advertising, permet d’accroître la visibilité d’un site internet par des publicités sponsorisées en direction des utilisateurs lors d’une recherche. L’utilisation du service Microsoft Advertising nécessite la conclusion entre la société Microsoft et le client d’un contrat Microsoft Advertising dont l’article 13 des conditions générales comporte une clause d’élection de for désignant « les tribunaux d’Angleterre et du Pays de Galles » pour connaître des litiges nés du contrat.

La SAS Oxone Technologies et la SARL Comparatel, opérateurs de renseignements téléphoniques payants, ont adhéré, par voie électronique, à un contrat Microsoft Advertising de prestation de services publicitaires sur internet auprès de la société Microsoft, respectivement en décembre 2018 et en juillet 2019.

Par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 2 juin 2020, la société Oxone Technologies a été placée en redressement judiciaire et selon jugement du 2 mars 2021, elle a été autorisée à poursuivre son activité. Par jugement du 10 août 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé l’adoption du plan de redressement de l’entreprise par voie de continuation de son activité et apurement de son passif.

Les 16 février et 19 mars 2021, la société Microsoft a suspendu respectivement le compte Microsoft Advertising de la société Comparatel puis de la société Oxone. La société Oxone Technologies, Me Philippe X, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Oxone, la Selarl AJUP, représentée par Me Marc Chapon et Me Vincent Rousseau, ès qualités de commissaires à l’exécution du plan au redressement judiciaire de la société Oxone (les mandataires de justice) et la société Comparatel l’ont assignée devant le tribunal de commerce de Lyon le 21 mai 2021 en indemnisation.

Par jugement du 22 juillet 2021, le tribunal de commerce de Lyon :

a dit recevable mais mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société Microsoft,• s’est déclaré compétent,•

• a renvoyé les parties à l’audience du juge de l’orientation du vendredi 10 septembre 2021 pour le dépôt de leurs dossiers de plaidoirie au fond,

• a réservé les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

La société Microsoft a interjeté appel par acte du 9 septembre 2021, l’appel portant sur la compétence.

Par requête du même jour, la société Microsoft a sollicité l’autorisation d’assigner à jour fixe la société Oxone Technologies, ses mandataires de justice et la société Comparatel.

Par ordonnance du 15 septembre 2021, la société Microsoft a été autorisée à assigner à jour fixe la société Oxone Technologies, ses mandataires de justice et la société Comparatel à l’audience du 2 février 2022.

Par actes d’huissier du 1er octobre et du 4 octobre 2021, confirmés par conclusions en réponse du 31 janvier 2022 fondées sur la Convention de la Haye du 30 juin 2005, sur les accords d’élection de for et les articles L.442-1 du code de commerce et 1171 du code civil, la société Microsoft a fait délivrer assignation à jour fixe à la société Oxone Technologies, à ses mandataires de justice et à la société Comparatel devant la cour d’appel de Lyon aux fins de voir :

• constater l’existence d’une clause attributive de juridiction prévue par l’article 13 du contrat Microsoft Advertising qui désigne les « tribunaux d’Angleterre et du pays de Galles » pour tout « différend en lien avec le présent contrat, ou son application (y compris des différends ou des réclamations non contractuels) ou [l’]utilisation de Microsoft Advertising »,

• juger que cette clause est parfaitement valable au regard des dispositions de la Convention de la Haye,

• juger que l’application de cette clause n’évincerait pas une loi de police de l’ordre juridique français, juger que l’exception d’incompétence qu’elle soulève est recevable et bien fondée,•

par voie de conséquence,

• réformer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître du présent litige,

• renvoyer la société Oxone, la Selarl AJUP, Me X et la société Comparatel à mieux se pourvoir devant une « High Court of Justice » localisée en Angleterre ou au Pays de Galles,

• condamner la société Oxone, la Selarl AJUP, Me X et la société Comparatel à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions du 25 janvier 2022, la société Oxone Technologies, ses mandataires de justice et la société Comparatel demandent à la cour, sur le fondement de la Convention de la Haye du 30 juin 2005 et des accords d’élection du for, de l’article L. 442-1 du code de commerce, des articles 1110 et 1171 du code civil, du règlement européen 2019/1150 du 20 juin 2019, des articles 48 et 700 du code de procédure civile de :

à titre principal,

confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,•

et y ajouter :

• considérer nulle la section 13 des conditions générales de la société Microsoft en ce qu’elle ne respecte pas les conditions de l’article 48 du code de procédure civile, à tout le moins en ce qu’elles ne permettent pas de déterminer la juridiction de renvoi,

à titre subsidiaire,

• écarter l’application de la section 13 des conditions générales de la société Microsoft compte tenu de l’existence de lois de polices françaises, du caractère délictuel des demandes qu’elles forment à son encontre, et de l’injustice manifeste au sens de l’article 6C de la Convention de la Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for, dans laquelle elles se trouvaient,

à titre infiniment subsidiaire,

• renvoyer l’affaire devant les premiers juges pour qu’il soit statué sur le fond, à tout le moins sur le déséquilibre significatif de la section 13 des conditions générales de la société Microsoft,

en tout état de cause,

débouter la société Microsoft de toutes ses demandes, fins et conclusions,•

• condamner la société Microsoft à leur verser chacune la somme de 7.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamner la société Microsoft aux entiers dépens.•

La cour a invité les parties à présenter par note en délibéré :

• leurs observations sur les conséquences à tirer du moyen fondé sur l’article L.442-1 du code de commerce (ancien article L.442-6) au soutien de la demande tendant à écarter l’application de la clause d’élection du for au regard des dispositions combinées des articles D.442-3 et L.442-4 du même code, qui désignent la cour d’appel de Paris pour statuer sur les litiges relatifs à l’application de l’article L.442-1,

• leurs observations sur le caractère indivisible du litige compte tenu des autres moyens soulevés au soutien de la demande tendant à écarter l’application de la clause d’élection de for,

• leurs observations sur les conséquences à tirer, du fait que les parties, française et irlandaise, sont toutes deux situées sur le territoire de l’Union européenne, quant à l’éventuelle applicabilité du Règlement Bruxelles 1 Bis, et dans le cas où ce règlement serait applicable, à s’expliquer sur la juridiction compétente.

MOTIFS

Sur la validité de la clause d’élection de for

L’article 26 paragraphe 6 de la Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for dispose qu’elle n’affecte pas l’application des règles d’une Organisation régionale d’intégration économique partie à cette convention, que ces règles aient été adoptées avant ou après cette convention :

a) lorsque aucune des parties ne réside dans un État contractant qui n’est pas un État membre de l’Organisation régionale d’intégration économique ;

b) en ce qui a trait à la reconnaissance ou l’exécution des jugements entre les États membres de l’Organisation régionale d’intégration économique.

Conformément à ces dispositions, ce texte trouve application lorsque la clause d’élection de for est conclue avec une entreprise située sur le territoire d’un État tiers partie à la convention. Il en résulte que si la clause d’élection de for est conclue avec une entreprise située sur le territoire d’un État tiers partie à la convention, seule la Convention de La Haye s’applique. De même, il découle expressément de ce texte que les règles contenues dans le règlement UE n° 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012, dit Règlement Bruxelles 1bis concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale auront priorité sur celles de la Convention, toutes les fois que les parties seront résidentes sur le territoire d’un État membre de l’Union ou lorsque seront en cause la reconnaissance ou l’exécution des jugements au sein des États membres de l’Union européenne.

En l’espèce, la société Oxone Technologies et la société Comparatel, opérateurs de renseignements téléphoniques payants, dont le siège social est situé à Seyssinet-Pariset dans le département de l’Isère (France), ont contracté respectivement en décembre 2018 et en juillet 2019, un contrat de prestation de services publicitaires sur internet avec la société Microsoft, dont le siège social est situé à Dublin en Irlande de sorte qu’il s’agit d’un contrat international. Dans ce cadre, elles ont adhéré au contrat Microsoft Advertising comportant un article 13 stipulant une clause d’attribution de for ainsi libellée : « si votre siège social est situé en Europe, au Moyen-Orient ou en Afrique (EMOA), les lois de l’Angleterre et du Pays-de-Galles régissent le présent contrat, ainsi que toutes obligations non contractuelles découlant dudit contrat, les réclamations concernant sa violation et votre utilisation de Microsoft Advertising, sans égard aux conflits de loi (‘). Si un différend en lien avec le présent contrat, ou son application (y compris des différends ou des réclamations non contractuels) ou votre utilisation de Microsoft Advertising venait à être entendu par un tribunal, le forum exclusif sera les tribunaux d’Angleterre et du Pays-de-Galles si votre siège social est dans l’EMOA. (‘). Vous renoncez à toute objection à des procédures dans de telles cours sur la base du lieu du procès ou parce que les procédures ont lieu dans un forum difficile ».

Les parties dont le siège social est respectivement situé en France et en Irlande, résident donc toutes deux sur le territoire d’un État membre de l’Union, de sorte que conformément aux dispositions précitées, la détermination de la règle applicable à la validité de la clause d’élection de for figurant au contrat est prévue par le règlement Bruxelles 1 Bis.

Or cet instrument règle directement un certain nombre de questions ayant trait à la validité des clauses d’élection de for et renvoie pour le reste au « droit » de l’État du juge élu, c’est-à-dire aux lois désignées par les règles de droit international privé en vigueur dans cet État. A ce titre, le règlement Bruxelles 1 bis, pose, notamment en matière formelle, certaines conditions particulières de validité, lesquelles sont donc soustraites à l’emprise des règles ordinaires du for.

Ainsi son l’article 25.1 dispose que la convention attributive de juridiction est conclue :

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.

En application de l’article 25.2, toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite.

En l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les intimées, les dispositions applicables n’exigent pas que la clause d’élection de for figure en police « gras souligné ». Par ailleurs et comme l’a exactement relevé le premier juge, les conditions générales de Microsoft Advertising comportent plusieurs sections dont une section 13 qui s’intitule clairement « droit applicable et lieu de règlement des différends », entièrement dédiée à ce sujet et clairement séparée des autres sections précédentes et suivantes et qui est parfaitement lisible, de sorte qu’en cochant la case relative à l’acceptation des conditions générales, les parties contractantes attestent avoir pris connaissance de l’ensemble de ces conditions, et notamment de la clause attributive de compétence. Le moyen de nullité tiré de l’absence de caractère apparent de la clause, au demeurant fondé sur la méconnaissance de l’article 48 du code de procédure civile, inapplicable en l’espèce, ne peut donc prospérer.

En revanche, s’il est constant au regard de la lex fori que la désignation des juridictions d’un État par une clause attributive de compétence en matière internationale est licite dès lors que le droit interne de cet état permet de déterminer le tribunal spécialement compétent, tel n’est pas le cas en l’espèce, alors que ni la nationalité française et irlandaise des parties cocontractantes, ni leurs sièges sociaux, situés respectivement à Dublin et dans le département de l’Isère, ni le lieu d’exécution du contrat en France ne permettent de déterminer aisément et clairement la juridiction compétente pour connaître des litiges les opposant, faute de lien avec les tribunaux d’Angleterre et du Pays-de-Galles auxquels donne compétence la clause attributive de juridiction litigieuse. En conséquence, compte tenu de l’équivoque existante sur la juridiction d’Angleterre ou du Pays-de-Galles qui doit être choisie, il y a lieu de prononcer la nullité de la clause attributive de juridiction figurant aux conditions générales de Microsoft Advertising et de confirmer le jugement déféré par substitution de motifs.

Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile

Succombant dans son exception et son recours, la société Microsoft doit supporter les dépens de première instance et d’appel et les frais irrépétibles qu’elle a exposés. Il convient de la condamner à verser à la société Oxone Technologies, à ses mandataires de justice et à la société Comparatel, qui ont assuré une défense commune, une indemnité totale de procédure de 10.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Jugeant nulle la clause de compétence territoriale,

Confirme le jugement déféré,

Ajoutant,

Condamne la société Microsoft Ireland Opérations Limited à verser à la société Oxone Technologies, Me Philippe X, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Oxone, la Selarl AJUP, représentée par Me Marc Chapon et Me Vincent Rousseau, ès qualités de commissaires à l’exécution du plan au redressement judiciaire de la société Oxone et la société Comparatel une indemnité de procédure totale de 7.500 € à hauteur d’appel,

Condamne la société Microsoft Ireland Opérations Limited aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,


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