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La société Lidl qui a commercialisé du champagne Dom Pérignon sur son site internet a échappé à une condamnation pour violation de réseau de distribution sélective et contrefaçon de marque. Cette dernière a établi qu’elle ne connaissait pas l’origine extra- européenne originelle desdites bouteilles.
En revanche, en commercialisant les bouteilles de champagne Dom Pérignon 2004 sur le territoire de l’Union européenne sans l’accord de la société MHCS (LVMH), la société Simizy a commis des actes de contrefaçon de la marque de l’Union européenne Dom Pérignon n° 515494.
En vertu de l’article 9 du règlement CE n°207/ 2009 du 26 février 2009, le titulaire d’une marque communautaire enregistrée dispose d’un droit exclusif et est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels elle est enregistrée.
Cependant le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire de s’opposer à la libre circulation des produits marqués à l’intérieur de l’espace économique européen, après que ces produits ont été mis dans le commerce de cet espace, par lui-même ou avec son consentement.
Il incombe à celui qui invoque l’épuisement du droit d’établir que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l’espace économique européen, par le titulaire de la marque ou avec son consentement, même implicite.
Dans son arrêt DF du 20 novembre 2001 (n°C414/99), la Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit qu’il incombe à l’opérateur qui invoque l’existence d’un consentement d’en apporter la preuve et non pas au titulaire de la marque d’établir une absence de consentement. Dès lors, un consentement implicite à une commercialisation dans l’Espace économique européen (EEE) de produits mis dans le commerce en dehors de celui-ci ne saurait résulter d’un simple silence du titulaire de la marque. De même, un consentement implicite ne saurait résulter d’une absence de communication, par le titulaire de la marque, de son opposition à une commercialisation dans l’EEE ni d’une absence d’indication, sur les produits, d’une interdiction de mise sur le marché dans l’EEE.
En outre, la CJUE a dit pour droit dans un arrêt du 8 avril 2003 (C54- 244/00) que ‘dans l’hypothèse où le tiers poursuivi par le titulaire de la marque parvient à démontrer qu’il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, (…) en particulier lorsque le titulaire de la marque commercialise ses produits dans l’espace économique européen au moyen d’un système de distribution exclusive, il appartient au titulaire de la marque d’établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l’espace économique européen. Si cette preuve est apportée, il incombe alors au tiers d’établir l’existence d’un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l’EEE’. Ainsi, lorsqu’il existe un risque réel de cloisonnement du marché, il s’opère un renversement de la charge de la preuve.
Enfin l’importation de produits marqués dans l’espace économique européen, sans l’autorisation du titulaire, donne à ce dernier un droit de suite et de contrôle jusqu’à l’acquéreur final.
La Cour de justice de l’Union Européenne, dans un arrêt SEBAGO du 1er juillet 1999, (n°C173/98), a dit pour droit que la mise sur le marché en dehors du territoire de l’Union européenne n’épuise pas le droit du titulaire de s’opposer à l’importation de ces produits effectuée sans son consentement et de contrôler ainsi la première mise dans le commerce dans l’EEE des produits revêtus de la marque.
En l’espèce, pour prétendre à un renversement de la charge de la preuve, la société Simizy a allégué sans succès un risque de cloisonnement de marché sans pour autant prouver que la société MHCS qui est libre d’organiser la distribution de ses produits, et dont il n’est pas contesté qu’elle pratique une distribution sélective en fonction de plusieurs critères et non un système de distribution exclusif, aurait adopté un mode de distribution ayant pour objet ou pour effet d’affecter les principes de la concurrence et de la libre circulation des produits.
La société Simizy n’a pas non plus établi que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l’espace économique européen par le titulaire de la marque ou avec son consentement même implicite (épuisement du droit).
A l’opposé, les codes-barres des cartons des bouteilles litigieuses avaient été retirés afin de masquer l’origine des produits, le fournisseur avait donc pris l’initiative d’acquérir des marchandises situées en-dehors du territoire de l’Union européenne et de les vendre en toute connaissance de cause sachant qu’elles allaient être commercialisées sur le territoire français, le retrait des codes- barres des cartons afin de masquer l’origine des produits démontrant qu’elle a sciemment procédé à des actes d’importation non autorisés sur le territoire de l’Union européenne.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE PARIS
ARRÊT DU 23 novembre 2021
Pôle 5 – Chambre 1
Numéro d’inscription au répertoire général:19/18823 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYWE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 septembre 2019 – Tribunal de Grande Instance de Paris – 3ème chambre – 1ère section – RG n° 16/18106
APPELANTE SARL SIMIZY Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BORDEAUX sous le numéro 503 596 181 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 8 rue du Docteur Roux 33150 CENON
Représentée par Me J A, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053
INTIMÉES Société M H C S Société anonyme à conseil d’administration, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de REIMS sous le numéro 509 553 459 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 9 Avenue de Champagne 51200 EPERNAY
Représentée par Me M B G de la SELARL LEXAVOUE PARIS- VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 Assistée de Me F D de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221
Société LIDL Société en nom collectif Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 343 262 622 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 72-92, avenue Robert Schuman 94533 RUNGIS CEDEX
Représentée par Me S K T de l’AARPI D O – S K T , avocat au barreau de PARIS, toque: L0069 Assistée de Me A D de la société d’avocats CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0177
Société ALB WINE INTERNATIONAL SAS au capital de 60 000 euros Société au capital de 60.000 euros, Immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Bordeaux sous le numéro 442 872 230, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 90 Cours du Médoc 33000 BORDEAUX
Représentée par Me C H de la SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046 Assistée de Me N C de la SELARL RAMURE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
PARTIE INTERVENANTE : S.C.P. SILVESTRI-BAUJET, Prise en la personne de Maître B B , ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL SIMIZY, nommée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de BORDEAUX en date du 22 septembre 2021. 23, rue Chai des Farines 33000 BORDEAUX
Représentée par Me J A, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme D B, conseil ère et Mme F B, conseil ère chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme I D, présidente Mme F B, conseil ère Mme D B, conseil ère.
Greffier, lors des débats : Mme K A
ARRÊT :
• Contradictoire • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par I D , Présidente de chambre et par Karine A, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 19 septembre 2019′;
Vu l’appel interjeté à l’encontre dudit jugement le 9 octobre 2019 par la société Simizy’;
Vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 22 septembre 2021 ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Simizy et désigné Maître B ès qualités de mandataire judiciaire ;
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 1er octobre 2021 par la société Simizy, appelante, et par la SCP Silvestri-Baujet en la personne de Maître B B ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Simizy, intervenante forcée ;
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 30 septembre 2021 par la société MHCS, le 1er octobre 2021 par la société Alb Wine International (Alb Wine), et le 4 octobre 2021 par la société Lidl, intimées’;
Vu l’ordonnance de clôture du 8 octobre 2021′;
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que le vin de champagne Dom Pérignon est commercialisé par la société MHCS, laquelle appartient au groupe LVMH.
La société MHCS a procédé au dépôt de la marque verbale de l’Union européenne «’Dom Pérignon’» n°515494, enregistrée le 17 avril 1997, pour divers produits et services des classes 32, 33 et 42, et notamment les boissons alcooliques.
La société MHCS fait valoir qu’elle a découvert que l’enseigne de «’hard discount’» Lidl commercialisait en ligne via son site internet accessible à l’adresse www.foireauxvins-Lidl.fr, des bouteilles de champagne «’Dom Pérignon Brut Vintage 2004’». Ces bouteilles ont été proposées par la Société Lidl dans le cadre de sa «’Foire aux Vins d’Automne 2016’» qui a débuté le 31 août 2016 et s’est poursuivie jusqu’à épuisement des stocks.
La société MHCS expose qu’elle a procédé à l’achat en ligne de bouteilles Dom Pérignon 2004 afin de déterminer leur provenance, la société MHCS et sa filiale de distribution française MHD Moët Hennessy Diageo ne vendant pas de produits à la société Lidl.
La société MHCS a été autorisée, par ordonnance du délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris du 25 octobre 2016, à faire pratiquer une saisie-contrefaçon au siège social de la société Lidl, laquelle a été effectuée le 28 octobre 2016 et a révélé que la société Alb Wine, qui a pour activité la commercialisation et la distribution de vins et spiritueux, avait fourni les bouteilles de champagne «’Dom Pérignon’» à la société Lidl, une facture du 9 août 2016 correspondant à l’achat de 1.440 bouteilles à l’entête de Alb Wine ayant été remise à l’huissier instrumentaire.
Par ordonnance du 4 novembre 2016, la société MHCS a été autorisée à faire pratiquer une nouvelle saisie-contrefaçon au siège social de la société Alb Wine, laquelle a eu lieu le 15 novembre 2016. La saisie a révélé que cette société s’était approvisionnée à hauteur de 1.500 bouteilles de champagne «’Dom Pérignon Brut Vintage 2004’» auprès de la société Simizy, laquelle exerce une activité d’intermédiaire de commerce en spiritueux, sous le nom commercial «’The Spirits Company’».
Une troisième saisie-contrefaçon au siège social de la société Simizy a été autorisée par ordonnance du 16 novembre 2016.
Dans le cadre de cette saisie réalisée le 22 novembre 2016, la société Simizy a déclaré avoir acquis 350 caisses de Dom Pérignon le 14 avril 2016 auprès d’une société de droit anglais Castil on International, sous l’incoterm départ entrepôt Top Logistics aux Pays- Bas, et a confirmé avoir revendu 1.500 bouteilles, soit 250 caisses, à la société Alb Wine.
C’est dans ce contexte que par exploits d’huissier de justice délivrés le 25 novembre 2016, la société MHCS a fait assigner les sociétés Lidl, Alb Wine et Simizy devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de la marque de l’Union européenne «’Dom Pérignon’».
Par ordonnance du 26 octobre 2017, le juge de la mise en état a débouté la société Simizy de sa demande de sursis à statuer formée dans l’attente qu’il soit jugé du bien-fondé de son action introduite le 31 mars 2017 en annulation des marques de la société MHCS, dont la marque Dom Pérignon.
Par ordonnance du 5 juillet 2018, le juge de la mise en état a déclaré parfait le désistement partiel d’instance et d’action de la société MHCS à l’égard des sociétés Lidl et Alb Wine.
Par jugement dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a’:
Rejeté la demande de sursis à statuer de la S.A.R.L.Simizy,
Débouté les sociétés Lidl et Alb Wine de leur demande de mise hors de cause,
Dit qu’en commercialisant les bouteilles de champagne «’Dom Pérignon’» Brut Vintage 2004 sur le territoire de l’Union européenne sans l’accord de la société MHCS, la société Simizy a commis des actes de contrefaçon de la marque de l’Union européenne «’Dom Pérignon’» n°515494,
Fait, en tant que de besoin, interdiction à la S.A.R.L Simizy de commercialiser en France, ainsi que d’exporter dans l’Union européenne, des bouteilles de champagne reproduisant la marque de l’Union européenne n°515494,
Condamné la SARL Simizy à payer à la société MHCS la somme de 88.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi imputable à la contrefaçon,
Dit la demande de remise du stock de bouteilles «’Dom Pérignon’» Brut Vintage 2004 sans objet,
Ordonné la publication du présent jugement par extraits ou résumé, dans trois journaux au choix de la société MHCS, dans la limite de 5.000 euros HT par publication, aux frais avancés de la S.A.R.L. Simizy selon la forme suivante’: «’Par jugement du 19 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que la société Simizy avait commis des faits de contrefaçon de la marque «’Dom Pérignon’» de la société MHCS n°515494, et l’a condamnée à verser à MHCS 88.000 eurosde dommages-intérêts’»,
Débouté la SARL Simizy de ses demandes,
Dit la demande de garantie de la SARL Lidl contre la SAS Alb Wine International sans objet,
Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement, sauf du chef de la mesure de publication qui ne pourra intervenir que lorsque le jugement aura acquis force de chose jugée,
Condamné la SARL Simizy à payer à la société MHCS 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejeté les demandes formées par la société Lidl et la SAS Alb Wine International au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné la SARL Simizy au remboursement des frais des opérations de saisie-contrefaçon réalisées les 28 octobre 2016, 15 novembre 2016 et 16 novembre 2016, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES, avocats, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
A la suite de la plainte pénale déposée par la société MHCS, le juge de l’instruction du tribunal de grande instance de Bordeaux a rendu le 6 novembre 2019, une ordonnance de renvoi et de non-lieu partiel, la chambre de l’instruction ayant ordonné le 15 octobre 2020 un supplément d’information pour l’infraction de contrefaçon par importation de produits marqués.
Enfin, par jugement du 3 juillet 2019, le juge néerlandais a dit que les faits reprochés à la société Simizy aux Pays-Bas constituaient des actes de contrefaçon de marques au préjudice de la société MHCS.
Sur la demande de sursis à statuer de la société Simizy
La société Simizy soutient que les marques dont elle a sollicité l’annulation et la radiation sont précisément celles sur la base desquels la société MHCS fonde son action en contrefaçon à son encontre, et estime qu’il serait d’une bonne administration de la justice que la présente instance soit suspendue jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue par la Cour de cassation dans le cadre de la procédure relative à la nullité des marques.
Les sociétés MHCS, Alb Wine et Lidl rappellent que les demandes en nullité de la société Simizy ont été rejetées, et soutiennent que cette demande de sursis à statuer est donc dilatoire.
La cour observe que la société Simizy a été déclarée irrecevable en son action en nullité des marques françaises de la société MHCS par arrêt de la cour d’appel de Paris du 10 juillet 2020. Il n’est en outre pas contesté que le pourvoi a été radié du rôle de la Cour de cassation, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de mise hors de cause de la société Alb Wine
La société Alb Wine conteste sa mise en cause par la société Simizy. Elle rappelle que la société MHCS a mis fin à l’instance à son égard, ce que le juge de la mise en état a constaté par une décision valant dessaisissement, et demande à la cour de constater sa mise hors de cause et de dire qu’elle n’a donc plus la qualité de partie dans cette affaire.
C’est par de justes motifs approuvés par la cour que les premiers juges, après avoir constaté qu’antérieurement à la demande de désistement notifiée par la société MHCS le 25 janvier 2018, la société Simizy avait sollicité, à titre subsidiaire, un partage de responsabilité et un appellen garantie à l’encontre de la société Alb Wine, demandes antérieures dont le tribunal était toujours saisi, ont donc débouté la société Alb Wine de sa demande de mise hors de cause.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé sur ce point, et la demande de mise hors de cause de la société Alb Wine rejetée.
Sur la contrefaçon
La société Simizy soutient que les marchandises querellées ont été acquises par elle-même auprès de la société Castil on International, laquelle les tiendrait d’une société turque, étant précisé que cette dernière les avait acquises en toute licéité auprès de la société MHCS. Elle invoque la jurisprudence D de la CJUE et estime qu’il incombe à la société MHCS de prouver que les bouteilles ont été commercialisées initialement en dehors de l’Union. Elle prétend que le code-barre n’est pas un élément d’identification de l’origine, et qu’il serait impossible d’établir, du seul fait que les codes-barres sur les cartons extérieurs avaient été retirés, que les bouteilles en question faisaient partie d’une opération d’importation parallèle non autorisée de sorte que les actes de contrefaçon ne peuvent être démontrés.
Elle estime que la société MHCS ne démontre pas sélectionner ses distributeurs sur un ensemble de critères objectifs et lui reproche en particulier d’autoriser la grande distribution à revendre ses produits et de l’interdire à des réseaux de revente parallèles ; qu’il est ainsi démontré que le réseau de distribution mis en ‘œuvre par la société MHCS a pour effet de cloisonner le marché, si bien qu’il lui appartient de prouver que les produits allégués de contrefaçon ont été initialement mis dans le commerce par elle en dehors du territoire de l’Union.
Elle expose enfin que les marchandises alléguées de contrefaçon ont ensuite été revendues par elle à la société Alb Wine, en suspension de droits et sans capsule CRD; que l’apposition des capsules CRD qui attestent du paiement des droits de douane est un préalable indispensable à la mise sur le marché d’une boisson alcoolique ; que les capsules ayant été apposées par la société Alb Wine sur les bouteilles litigieuses, c’est elle qui a introduit les marchandises querellées sur le marché de l’Union.
La société MHCS soutient que la société Simizy a acheté des produits Dom Pérignon situés dans l’entrepôt sous-douane de Top Logistics situé dans le port de Rotterdam pour les revendre à une entreprise française Alb Wine ; que ces bouteilles marquées Dom Pérignon ont été initialement mises en circulation par elle-même, titulaire de la marque, en dehors de l’Union, en 2013, avant d’être achetées puis revendues par Simizy en 2016 sur le territoire de l’Union, sans son autorisation. Elle fait valoir que de tels agissements portent atteinte aux droits sur sa marque et ajoute que la société Simizy avait conscience que les bouteilles étaient mises sur le marché sans l’autorisation du titulaire de la marque, dès lors qu’elles ne comportaient pas de codes-barres lors de l’achat auprès de la société Castillon, ni de capsules CRD lors de la revente à la société Alb Wine, ce qui était précisé sur la facture. La société MHCS invoque au soutien de ses prétentions l’arrêt de la CJUE DF (CJCE, 20 novembre 2001) et soutient que la société Simizy échoue à établir son consentement à la mise sur le marché européen des produits litigieux qu’elle avait mis dans le commerce en Turquie en 2013.
Elle rappelle qu’il appartient à celui qui invoque le bénéfice de la règle de l’épuisement des droits de prouver que les produits litigieux ont bien été mis en circulation dans l’Espace Economique Européen par le titulaire ou avec son consentement à l’exception de l’hypothèse dans laquelle le tiers poursuivi démontre qu’il existe « un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux », et soutient que cette exception ne s’applique pas à l’espèce dès lors que le champagne Dom Pérignon n’est pas commercialisé dans le cadre d’un réseau de distribution exclusive. Elle demande en conséquence de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a jugé que la société Simizy a réalisé des actes de contrefaçon de la marque de l’Union Européenne n°515494 et prononcé les mesures d’interdiction, de réparation et de publication.
La cour rappelle qu’en vertu de l’article 9 du règlement CE n°207/ 2009 du 26 février 2009, le titulaire d’une marque communautaire enregistrée dispose d’un droit exclusif et est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels elle est enregistrée.
Cependant le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire de s’opposer à la libre circulation des produits marqués à l’intérieur de l’espace économique européen, après que ces produits ont été mis dans le commerce de cet espace, par lui-même ou avec son consentement.
Il incombe à celui qui invoque l’épuisement du droit d’établir que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l’espace économique européen, par le titulaire de la marque ou avec son consentement, même implicite.
Dans son arrêt DF du 20 novembre 2001 (n°C414/99), la Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit qu’il incombe à l’opérateur qui invoque l’existence d’un consentement d’en apporter la preuve et non pas au titulaire de la marque d’établir une absence de consentement. Dès lors, un consentement implicite à une commercialisation dans l’Espace économique européen (EEE) de produits mis dans le commerce en dehors de celui-ci ne saurait résulter d’un simple silence du titulaire de la marque. De même, un consentement implicite ne saurait résulter d’une absence de communication, par le titulaire de la marque, de son opposition à une commercialisation dans l’EEE ni d’une absence d’indication, sur les produits, d’une interdiction de mise sur le marché dans l’EEE.
En outre, la CJCE a dit pour droit dans l’arrêt D du 8 avril 2003 (C54- 244/00) que ‘dans l’hypothèse où le tiers poursuivi par le titulaire de la marque parvient à démontrer qu’il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, (…) en particulier lorsque le titulaire de la marque commercialise ses produits dans l’espace économique européen au moyen d’un système de distribution exclusive, il appartient au titulaire de la marque d’établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l’espace économique européen. Si cette preuve est apportée, il incombe alors au tiers d’établir l’existence d’un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l’EEE’. Ainsi, lorsqu’il existe un risque réel de cloisonnement du marché, il s’opère un renversement de la charge de la preuve.
Enfin l’importation de produits marqués dans l’espace économique européen, sans l’autorisation du titulaire, donne à ce dernier un droit de suite et de contrôle jusqu’à l’acquéreur final.
La Cour de justice de l’Union Européenne, dans un arrêt SEBAGO du 1er juillet 1999, (n°C173/98), a dit pour droit que la mise sur le marché en dehors du territoire de l’Union européenne n’épuise pas le droit du titulaire de s’opposer à l’importation de ces produits effectuée sans son consentement et de contrôler ainsi la première mise dans le commerce dans l’EEE des produits revêtus de la marque.
En l’espèce, pour prétendre à un renversement de la charge de la preuve, la société Simizy al ègue d’un risque de cloisonnement de marché sans pour autant prouver que la société MHCS qui est libre d’organiser la distribution de ses produits, et dont il n’est pas contesté qu’elle pratique une distribution sélective en fonction de plusieurs critères et non un système de distribution exclusif, aurait adopté un
mode de distribution ayant pour objet ou pour effet d’affecter les principes de la concurrence et de la libre circulation des produits.
La société Simizy ne parvient pas davantage à démontrer, comme cela lui incombe puisqu’elle invoque comme moyen de défense à l’action en contrefaçon l’épuisement du droit, que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l’espace économique européen par le titulaire de la marque ou avec son consentement même implicite.
Il est au contraire établi, ainsi que l’a pertinemment relevé le tribunal au vu notamment du procès-verbal de saisie-contrefaçon effectué le 22 novembre 2016 auprès de la société Simizy, du ‘Final Loading report’ émis le 26 mai 2016 et de la facture Proforma établie le 27 mai 2016 par la société Simizy, que les codes-barres des cartons des bouteilles litigieuses avaient été retirés afin de masquer l’origine des produits, et que la société Simizy, qui ne justifie pas que la société Castil on International, auprès de laquelle elle s’est fournie, aurait acquis les bouteilles d’une société autorisée par la société MHCS, a dès lors pris l’initiative d’acquérir des marchandises situées en-dehors du territoire de l’Union européenne et de les vendre en toute connaissance de cause à la société Alb Wine sachant qu’elles al aient être commercialisées sur le territoire français, le retrait des codes- barres des cartons afin de masquer l’origine des produits démontrant qu’elle a sciemment procédé à des actes d’importation non autorisés sur le territoire de l’Union européenne.
Il s’ensuit que le tribunal doit être approuvé en ce qu’il a dit qu’en commercialisant les bouteilles de champagne Dom Pérignon 2004 sur le territoire de l’Union européenne sans l’accord de la société MHCS, la société Simizy a commis des actes de contrefaçon de la marque de l’Union européenne Dom Pérignon n° 515494. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les mesures de réparation
Il convient au regard de la nécessité de prévenir le renouvellement des actes illicites de la société Simizy de confirmer la mesure d’interdiction prononcée en première instance. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
S’agissant de la demande de réparation pécuniaire, la société Simizy soutient que la marge qu’elle a réalisée s’élève à 16 250 euros dont il faut soustraire les frais logistiques, et conteste l’imputabilité du préjudice moral occasionné par le conditionnement des bouteilles lequel a été réalisé par la société Wine. Elle ajoute que la société MHCS a déjà reçu une indemnisation de la part des sociétés Lidl et Alb Wine avec lesquelles elle a conclu des accords transactionnels.
La société MHCS demande la confirmation du jugement sur la réparation de son préjudice matériel à hauteur de 38 000 euros, et de son préjudice moral à hauteur de 50 000 euros. Elle sollicite en conséquence la fixation au passif du redressement judiciaire de la société Simizy de sa créance pour un montant de 88 000 euros.
En application de l’article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, ‘«’pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, al ouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée’».
En l’espèce, il est établi par les opérations de saisie-contrefaçon que la société Simizy a écoulé 1 500 bouteilles pour un chiffre d’affaires de 146 250 euros ayant engendré une marge que la société Simizy reconnaissait en 1ère instance d’un montant de 38 000 euros, qu’elle évalue désormais à 16 250 euro. En outre, les actes de contrefaçon de marque apposée sur 1 500 bouteilles Dom Pérignon ont nécessairement occasionné un manque à gagner à la société MHCS qui exploite sa marque en France. Il résulte de ces éléments appréciés distinctement que c’est à juste titre que le tribunal a accordé à la société MHCS au titre de la réparation du préjudice matériel une somme de 38 000 euros.
Il a également justement apprécié le montant du préjudice moral à hauteur de 50 000 euros en relevant que les bouteilles litigieuses ont été exposées et vendues sans étui, ce qui porte atteinte à l’image de la marque, laquelle est exclusivement exploitée sur des bouteilles de prestige, toujours présentées à l’intérieur d’un étui.
Enfin, ainsi que l’a justement rappelé le tribunal, les protocoles transactionnels conclus entre la société MHCS et les sociétés Lidl et Alb Wine, qui présentent un caractère confidentiel, sont sans incidence sur le droit de la société MHCS à obtenir réparation du comportement dommageable de la société Simizy.
Il résulte de ces développements que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Simizy à payer à la société MHCS la somme de 88 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, étant précisé que compte tenu du jugement ayant prononcé le 22 septembre 2021 l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Simizy, il convient de fixer au passif du redressement judiciaire de la société Simizy la créance de la société MHCS à un montant de 88 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon.
Le jugement entrepris doit être également confirmé en ce qu’il a ordonné une mesure complémentaire de publication judiciaire.
Sur les demandes de partage de responsabilité et de garantie à l’encontre des sociétés Lidl et Alb Wine
La société Simizy soutient à titre subsidiaire, qu’un partage de responsabilités doit être ordonné et demande la condamnation des sociétés Lidl et Alb Wine à la garantir. Elle estime n’avoir joué qu’un rôle d’intermédiaire.
La société Alb Wine oppose que seule la société Simizy est pleinement responsable de la contrefaçon poursuivie.
La société Lidl fait valoir qu’elle ne connaissait pas l’origine extra- européenne originelle, et demande par conséquent de rejeter la demande de la société Simizy sollicitant sa garantie.
C’est par de justes motifs adoptés par la cour que le tribunal a dit que la société Simizy a sciemment procédé à des actes d’importation non autorisés sur le territoire de l’Union européenne, que ce comportement fautif lui est totalement imputable de sorte qu’elle ne peut rechercher la responsabilité des sociétés Alb Wine et Lidl.
Les demandes de partage de responsabilité et de garantie formées par la société Simizy à l’encontre des sociétés Alb Wine et Lidl seront donc rejetées, et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
Sur la demande de la société Simizy pour procédure abusive
Les demandes de la société MHCS ayant été confirmées en appel, la demande de la société Simizy au titre de la procédure abusive sera rejetée. Le jugement entrepris sera en conséquence également confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Fixe au passif du redressement judiciaire de la société Simizy la créance de la société MHCS à un montant de 88 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de la marque Dom Pérignon n° 515494,
Condamne la société Simizy représentée par Maître B B ès qualités de mandataire judiciaire aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer sur ce fondement les sommes de 10 000 euros à la société MHCS, 3 000 euros à la société Alb Wine et 3 000 euros à la société Lidl.
LA GREFFIÈRE
LA PRÉSIDENTE