Droit à l’image des mannequins : l’agence Success condamnée

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Droit à l’image des mannequins : l’agence Success condamnée
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La rémunération forfaitaire des mannequins (payée par les clients des agences) présente un risque de redressement fiscal. Les redevances versées aux mannequins d’une agence à raison de l’exploitation de leur droit à l’image ne sont pas nécessairement déductibles de la base imposable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des consommations en provenance de tiers. La juridiction a qualifié les droits reversés aux mannequins de « charges de personnel ».

La société Hinolisari Success, qui exploite une agence de mannequins, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, à l’issue de laquelle lui ont été réclamés des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle au titre des exercices clos en 2011 et en 2012 résultant de la remise en cause par l’administration de la déduction de la valeur ajoutée produite des redevances versées aux mannequins de l’agence à raison de l’exploitation de leur droit à l’image

L’agence de mannequins n’intervenait pas exclusivement en qualité de mandataire au profit des mannequins concernés ou des sociétés gérant leur droit à l’image en se contentant de leur reverser les redevances perçues auprès de ses clients.

Au contraire, la rémunération des mannequins était calculée de manière forfaitaire, indépendamment des recettes perçues par l’agence en contrepartie de l’exploitation de l’image du mannequin par le client. L’agence, qui était seule en mesure de le faire, n’a produit aucun contrat permettant de remettre en cause l’analyse effectuée par le service fiscal à partir du caractère forfaitaire des rémunérations.

Dès lors, les redevances de droit à l’image ne pouvaient être assimilées à des « consommations de biens et services en provenance de tiers ». Elles ne sauraient par suite être prises en compte en déduction du montant du chiffre d’affaires réalisé pour le calcul de la valeur ajoutée produite par la société Hinolisari Success.

Pour rappel, d’une part, aux termes de l’article 1586 ter du code général des impôts : « I. Les personnes physiques ou morales (…) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. II. 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l’entreprise, telle que définie à l’article 1586 sexies ». Les dispositions de l’article 1586 sexies de ce code fixent la liste limitative des catégories d’éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée, valeur en fonction de laquelle est calculée la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l’une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables dans leur rédaction en vigueur lors de l’année d’imposition concernée sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt.

D’autre part, aux termes de l’article L. 7123-3 du code du travail : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail ». L’article L. 7123-4 de ce code prévoit : « La présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties ». Selon l’article L. 7123-6 de ce code : « La rémunération due au mannequin à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique du mannequin n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de sa présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement ».

Les mannequins qui exercent leur activité dans les conditions prévues à l’article L. 7123-3 du code du travail, perçoivent, d’une part, des rémunérations salariées, versées par l’agence à laquelle ils sont liés par un contrat de travail et soumises à ce titre à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, et, d’autre part, en application de l’article L. 7123-6 du même code, des redevances qui leur sont versées pour la reproduction de leur image, imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l’article 92 du code général des impôts.

Ces redevances, perçues passivement par les mannequins en conséquence des missions qui leur sont confiées par l’agence à l’égard de laquelle ils se trouvent en situation de subordination, constituent dès lors un accessoire indissociable de leur rémunération salariée.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CAA de PARIS

2ème chambre

16 février 2022

N° 21PA00124, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hinolisari Success a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2011 et le 31 décembre 2012, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1806647/1-3 du 13 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 janvier et 22 avril 2021, la société Hinolisari Success, représentée par Me Pierre Le Roux, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 1806647/1-3 du 13 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant les droits reversés aux mannequins de « charges de personnel » ;

 – l’agence doit être regardée comme un intermédiaire transparent ;

 – les règles comptables impliquent que seul le produit correspondant à la commission vienne en majoration de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Hinolisari Success ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 avril 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 30 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code du travail ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Magnard,

 – les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

 – et les observations de Me Le Roux, représentant la société Hinolisari Success.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hinolisari Success, qui exploite une agence de mannequins, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, à l’issue de laquelle lui ont été réclamés des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle au titre des exercices clos en 2011 et en 2012 résultant de la remise en cause par l’administration de la déduction de la valeur ajoutée produite des redevances versées aux mannequins de l’agence à raison de l’exploitation de leur droit à l’image. La société requérante relève appel du jugement du 13 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de ces compléments d’imposition, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

2. D’une part, aux termes de l’article 1586 ter du code général des impôts : « I. Les personnes physiques ou morales (…) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. II. 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l’entreprise, telle que définie à l’article 1586 sexies ». Les dispositions de l’article 1586 sexies de ce code fixent la liste limitative des catégories d’éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée, valeur en fonction de laquelle est calculée la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l’une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables dans leur rédaction en vigueur lors de l’année d’imposition concernée sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt.

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 7123-3 du code du travail : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail ». L’article L. 7123-4 de ce code prévoit : « La présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties ». Selon l’article L. 7123-6 de ce code : « La rémunération due au mannequin à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique du mannequin n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de sa présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement ».

4. La société Hinolisari Success soutient que les redevances versées aux mannequins de l’agence à raison de l’exploitation de leur droit à l’image n’ayant pas le caractère de salaires, elles sont déductibles de la base imposable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des consommations en provenance de tiers.

5. Les mannequins qui exercent leur activité dans les conditions prévues à l’article L. 7123-3 du code du travail, perçoivent, d’une part, des rémunérations salariées, versées par l’agence à laquelle ils sont liés par un contrat de travail et soumises à ce titre à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, et, d’autre part, en application de l’article L. 7123-6 du même code, des redevances qui leur sont versées pour la reproduction de leur image, imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l’article 92 du code général des impôts. Ces redevances, perçues passivement par les mannequins en conséquence des missions qui leur sont confiées par l’agence à l’égard de laquelle ils se trouvent en situation de subordination, constituent dès lors un accessoire indissociable de leur rémunération salariée.

6. Il ne résulte pas de l’instruction que la société requérante intervenait exclusivement en qualité de mandataire au profit des mannequins concernés ou des sociétés gérant leur droit à l’image et se contentait de leur reverser les redevances perçues auprès de ses clients. Au contraire, l’administration affirme sans être sérieusement contestée que la rémunération des mannequins était calculée de manière forfaitaire, indépendamment des recettes perçues par l’agence en contrepartie de l’exploitation de l’image du mannequin par le client. La société requérante, qui est seule en mesure de le faire, ne produit aucun contrat permettant de remettre en cause l’analyse effectuée par le service à partir du caractère forfaitaire des rémunérations. Dès lors et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, les redevances en cause ne peuvent être assimilées à des « consommations de biens et services en provenance de tiers ». Elles ne sauraient par suite être prises en compte en déduction du montant du chiffre d’affaires réalisé pour le calcul de la valeur ajoutée produite par la société Hinolisari Success. Compte tenu de ce qui précède, la société requérante ne saurait utilement, pour faire obstacle à l’application des dispositions précitées de l’article 1586 ter du code général des impôts, se prévaloir de son statut d’intermédiaire transparent au sens de la convention collective ni du droit qu’elle aurait à réparer l’erreur comptable qu’elle aurait commise en ne comptabilisant pas les opérations réalisées avec les mannequins dans des comptes de tiers. Elle n’est, en conséquence, pas fondée à demander la décharge du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auquel elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, ensemble les intérêts de retard y afférents.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Hinolisari Success n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Hinolisari Success est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Hinolisari Success et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d’Ile-de-France.

Délibéré après l’audience du 2 février 2022, à laquelle siégeaient :

– M. Platillero, président,

– M. Magnard, premier conseiller,

– Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président assesseur,

En application de l’article R. 222-26 du code

de justice administrative

F. PLATILLERO

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.


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