Droit du distributeur d’agir en justice

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Droit du distributeur d’agir en justice

La représentation « ad agendum », autorise une personne à agir en justice au nom d’une autre, comme demandeur ou défendeur, au nom et pour le compte du représenté, les effets juridiques de l’instance se produisant au profit ou à la charge de cette dernière. C’est le cas, par exemple, de l’administrateur judiciaire lorsqu’il représente le débiteur dans le cadre d’un redressement judiciaire.

Donner mandat à un distributeur

Si aucun texte n’interdit à un fabricant de donner mandat à un distributeur de présenter une requête en application de l’article 145 du code de procédure civile, en son nom, encore faut-il que l’existence de ce mandat soit prouvée et que le nom du mandant figure dans chaque acte de procédure effectué par le mandataire.

Dans le secteur de la distribution médicale, le mandat annexé au contrat de distribution est donné conformément à l’article R. 5211-4 du code de la santé publique selon lequel :

« Est mandataire, toute personne physique ou morale établie dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’ Espace économique européen qui, après avoir été expressément désignée par le fabricant, agit et peut être contactée par les autorités administratives compétentes en lieu et place du fabricant en ce qui concerne les obligations que le présent titre impose à ce dernier ; »

Au sens de ces dispositions, le mandataire est donc le représentant du fabricant auprès des autorités de santé, en ce qui concerne les obligations réglementaires imposées à ce dernier par ces mêmes autorités, s’agissant des dispositifs médicaux (livre II titre I).

A cet égard, si le mandat annexé au contrat de distribution indique que le fabricant est responsable de tout litige commercial tel que les demandes de réparation causées par des incidents médicaux intervenus après la vente et que le mandataire devra prendre en charge un tel litige, conformément aux autorisations et instructions données par le fabricant, cette clause ne contient aucun mandat exprès d’agir en justice encore moins dans le domaine de la protection des droits de propriété intellectuelle du fabricant ou en matière de concurrence déloyale et de parasitisme.

De ce point de vue, le mandat prévoit simplement que le mandataire s’engage à informer sans délai le fabricant de toute violation desdites marques de commercialisation, signes distinctifs ou de tout droit de propriété intellectuelle qu’il observerait ou qui serait porté à sa connaissance sur le territoire de distribution du logiciel et ou de tout autre produit, sans conférer mandat au distributeur d’agir en justice pour la conservation des droits du fabricant.

Absence de mandat

Ne justifiant pas avoir reçu mandat d’agir en justice au nom du fabricant, le distributeur n’avait ainsi pas qualité à agir au nom de cette dernière pour le dépôt de la requête litigieuse.

Pour échapper à l’irrecevabilité, ce dernier peut toutefois établir un intérêt personnel à agir.

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, la recevabilité d’une prétention est conditionnée à la démonstration d’un « intérêt légitime », voire à la caractérisation d’une qualité particulière lorsque la loi a entendu restreindre le cercle des personnes titulaires du droit d’agir.

En l’espèce,  il ressort des contrats de cession de droits de propriété intellectuelle conclus avec les fabricants et de leurs avenants successifs, que le distributeur avait un intérêt personnel à agir, pour la défense de ses droits, en exécution des avenants auxquels il était partie.

Intérêt à agir en appel  

Selon l’article 554 du code de procédure civile, ‘Peuvent intervenir en cause d’appel, dès lors qu’elles y ont intérêt, les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.’ Selon ces dispositions les conditions de l’intervention en cause d’appel sont au nombre de deux :

– avoir un intérêt à participer aux débats,

– être un tiers par rapport aux débats de première instance.

Celui qui était régulièrement représenté en première instance ne peut intervenir en cause d’appel que pour invoquer un droit propre.

A ces conditions légales, s’ajoute une condition prétorienne inspirée du droit commun de l’intervention, à savoir que l’intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant (article 325 du code de procédure civile).

L’appréciation de l’intérêt à agir de l’intervenant volontaire et du lien suffisant qui doit exister entre ses demandes et les prétentions originaires relève du pouvoir souverain des juges du fond, mais ce lien doit être constaté.

L’intérêt à intervenir, comme celui exigé pour la recevabilité de toute action en justice, c’est l’intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. L’intervention volontaire en cause d’appel, comme toute intervention, peut être accessoire ou principale. Selon l’article 330 alinéa 1er du code de procédure civile, l’intervention accessoire est celle qui appuie les prétentions d’une partie.

L’intervenant accessoire devant la cour d’appel ne se prévalant d’aucun droit propre, la condition nécessaire relative au lien avec les prétentions originaires est par hypothèse remplie. L’intérêt de l’intervenant accessoire est défini par la loi : il s’agit de l’intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir la partie dont il appuie les prétentions ( article 330, alinéa 2, du code de procédure civile).

Cet intérêt est apprécié souverainement par les juges du fond. Il se confond avec l’intérêt de l’article 554 mais pas nécessairement avec l’intérêt pour agir exigé pour l’intervention principale.

L’intervention principale est celle à l’occasion de laquelle est élevée une prétention au profit de celui qui la forme (article 329, alinéa 1er, du code de procédure civile). Elle n’est recevable que si l’intervenant a le droit d’agir relativement à cette prétention (article 329, alinéa 2, du code de procédure civile).

L’intervention principale a été définie comme celle par laquelle ‘le tiers intervenant prétend à un droit sur lequel une contestation est engagée entre d’autres personnes et réclame, à l’encontre de ces dernières, la reconnaissance et la protection de ce droit ».

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRÊT DU 08/02/2022

Dossier : N° RG 21/01081 –��N° Portalis DBVV-V-B7F-H2OM

Nature affaire :

Demande en cessation de concurrence déloyale ou illicite et/ou en dommages et intérêts

Affaire :

S.A. I AJ, S.A.S. A

C/

B LE C, S.A.S. D AF, S.A. I AJ, S.A.S. A, S.A.R.L. Y

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 08 Février 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 22 Novembre 2021, devant :

Monsieur N O, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame AK X, greffière présente à l’appel des causes,

N O, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur AC DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président Monsieur N O, Conseiller

Monsieur AT-Luc GRACIA, Vice-Président placé par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 01 juillet 2021

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTES et INTIMÉES :

S.A. I AJ

immatriculée au RCS de Bayonne sous le […],

agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentése par Me François PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me T HERZOG (Cabinet H2O) avocat au barreau de PARIS

S.A.S. A

immatriculée au RCS de Bayonne sous le […]

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me François PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Joël HESLAUT (SELARL NEMEZYS) avocat au barreau des HAUTS de SEINE

INTIMES :

S.A.S. D AF

immatriculée au RCS de Paris sous le n° 824 329 106

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège

6, rue AM Baudry Société D S Ltd

société de droit israélien située 19 rue Hartom Jérusalem – Q, immatriculée sous le […], agissant poursuites et diligences de so nreprésentant légal, Monsieur P Q en qualité de Prsident, ayant élu domicile auprès de la S.A.S. D AF dont le siège social est situé 6 rue AM Baudry – 75008 Paris, intervenante volontaire

Représentées par Me Vincent LIGNEY de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU

Assistées de Me Fanny ROCABOY (SELARL ALDEBARAN) avocat au barreau de PARIS

Monsieur B LE C

né le […] à Châtenay-Malabry (92)

de nationalité Française

[…]

[…]

S.A.R.L.U Y

immatriculée au RCS de Lille sous le […]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentés par Me François PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU

Assistés de Me Joël HESLAUT (SELARL NEMEZYS) avocat au barreau des HAUTS de SEINE

sur appel de la décision

en date du 25 MARS 2021

rendue par le PRESIDENT DU TC DE BAYONNE

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte du 26 juin 2014, la société de droit israélien D S LTD a acquis de la SARL L, représentée par son gérant le Docteur R X, les droits exclusifs de propriété intellectuelle d’un logiciel applicatif dénommé Sentinel exploité depuis sous la marque G, ayant pour but de surveiller les patients atteints d’un cancer bronchique et d’aider à la détection précoce des rechutes de cancer bronchique.

Par convention du 26 juin 2014, la société D S LTD a acquis de la SAS

HEALTHSELFCHECK, représentée par son président le Docteur R X, les droits exclusifs de propriété intellectuelle d’un second logiciel applicatif dénommé H, application pour smartphone destinée à la détection précoce de complications potentiellement graves liées à la consommation de tabac chez un fumeur.

Plusieurs avenants à ces contrats ont été signés, par la suite, pour compléter et modifier certaines dispositions des conventions originelles, notamment sur la collaboration entre les parties, l’apport d’affaires, l’assistance à D S LTD par R X et la société L, la durée des contrats et l’obligation de loyauté, et de non-concurrence pesant sur R X et la société L venant notamment aux droits de la société HEALTHSELFCHECK.

La collaboration entre la société D S LTD, d’une part, et la société L et le Docteur X, d’autre part, s’est arrêtée en 2020 et a donné lieu à un premier contentieux relatif aux comptes entre les parties.

En 2018, déjà, le Docteur X avait essayé de dénoncer les contrats de collaboration conclus avec la société D S LTD, qui l’avait alors rappelé au respect de sa clause de non-concurrence et à son obligation de loyauté.

Par acte sous seing privé du 23 novembre 2016, la société D S LTD a créé une filiale française, la société D AF, afin de distribuer les applications cédées, sur le territoire de l’Union Européenne, aux lieu et place de la société SEPHIRA initialement désignée aux contrats originels.

Par arrêté du 28 juillet 2020, du ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l’économie, des finances et de la relance, l’application web G Poumon de la société D AF a été inscrite au titre I de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.

Par contrat des 12 et 23 mars 2015, la société D S LTD a acquis de la société 9H37 les droits de propriété intellectuelle de plusieurs logiciels destinés aux professions de santé. Aux termes de cette convention, la société 9H37, messieurs B Le C, T U et V W s’interdisaient solidairement de conseiller ou d’intervenir, directement ou indirectement ou par personne interposée, auprès d’une société concurrente pendant une durée de cinq ans à compter de la date de signature du contrat, sur le territoire français et les DOM TOM, et d’exercer directement ou indirectement ou par personne interposée une activité concurrente consistant à fournir aux auxiliaires médicaux et/ou aux professionnels de santé prescripteurs des solutions informatiques de gestion de cabinet et/ou de télétransmission de feuilles de soins électroniques et à en assurer le support.

Le 13 avril 2015, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille la SARLU Y ayant pour gérant B Le C.

Par contrat de prestation de conseil du 26 mai 2015, la société D S LTD a confié à la société Y une prestation consistant à fournir une assistance dans tous les domaines d’activité de la société D S LTD et notamment une assistance technique à la conception, l’amélioration et l’exploitation des produits de télétransmission destinés aux professionnels de santé libéraux.

Ce contrat de consultant comprend des dispositions en matière de confidentialité et de propriété des résultats des travaux réalisés par B Le C, lesquels demeurent la pleine propriété de la société D S LTD, B Le C et Y s’interdisant formellement d’en faire état ou de les utiliser.

Dans le cadre de ce contrat, B Le C a notamment travaillé sur le dossier de dépôt de brevet par la société D S LTD pour protéger l’application Sentinel devenue G.

B Le C est également fondateur de la SAS J ayant pour gérant la SARL Y, ayant pour activité l’édition et la commercialisation de logiciels. A la faveur d’une augmentation de capital décidée le 9 juin 2020, la SARL L est devenue actionnaire de la SAS J.

La société J a notamment édité le site internet « maladiecoronavirus.fr, » référencé depuis le 20 mars 2020 par le ministère des solidarités et de la santé comme application d’information sur la conduite à tenir, suivant les symptômes, en AF, dans le contexte de la pandémie de COVID 19.

Ce site est un outil d’information dont la création est revendiquée par le Docteur R X et B Le C.

Le 25 septembre 2020, la SAS A, créée entre la société I AJ, la société Y et la société SC AA K, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bayonne. Elle a pour objet la conception d’algorithmes de télé-suivi et d’analyse de la dynamique biomédicale-recherche de concepts numériques en santé permettant le soin à distance- l’édition de logiciels médicaux de télé-suivi. Elle avait à cette date son siège 3, rue Loustau à Biarritz qui était en même temps l’adresse du siège de la société SAS I AJ ayant pour président la SARL PLBL gérée par AM AN M.

Il s’avère que la SC AA K est gérée par le Docteur AC K qui est le président de la SAS PM Santé Consulting, société qui a signé avec la société D S LTD, à partir du 22 juillet 2016, une convention de direction médicale. Cette convention comportait une clause de confidentialité et de propriété des documents produits au bénéfice de la société D S LTD.

Cette convention a pris fin le 7 mars 2019, d’un commun accord.

La SAS I AJ a pour activité la conception, l’édition, la réalisation, le développement et l’exploitation de contenus et services. Elle a notamment développé une plateforme pour services digitaux en santé ( I Health Tech) destinée à ses clients, afin de les assister dans la mise en oeuvre de leurs stratégies et projets digitaux.

La société D S LTD a pris connaissance du contenu du site internet de la société A, pour constater que :

‘ Parmi les domaines thérapeutiques d’intervention sur le marché des applications revendiquées par cette société, figurait l’oncologie via l’application Oncolaxy

‘ les modèles de cette application présentés sur le site de la société A étaient similaires à ceux de l’application G ( questionnaire, parcours utilisateur…)

‘ malgré sa création récente, à une époque où ses statuts n’avaient pas encore été publiés, la société A revendiquait pourtant « des solutions…. conçues par une équipe clinique et technique reconnue ayant l’expérience de la conception et de l’exploitation de dispositifs médicaux logiciels »; de respecter et dépasser « les exigences des réglementations françaises et européennes en termes de sûreté de fonctionnement et de sécurité des données ; de stocker les données de ses produits en AF, en hébergement de données de santé » ;

de telles allégations laissant penser que les produits de la société A étaient déjà disponibles sur le marché et avaient été développés en un temps record au regard de l’importance des moyens financiers, médicaux , techniques et humains nécessaires au développement de telles applications.

Il est avéré que l’application Oncolaxy a été élaborée à partir d’une plateforme « d’E-santé » appartenant à la société I AJ.

Soupçonnant la société I AJ et la société A de se livrer à une concurrence déloyale en vue de commercialiser l’application concurrente Oncolaxy, à l’aide du savoir acquis par la société D, via messieurs B Le C et AC K, avec lesquels elle a été en relation d’affaires, la société D S LTD a donné pour instruction à la société D AF de saisir le président du tribunal de commerce de Bayonne d’une requête aux fins d’obtenir , en vertu de l’article 145 du code de procédure civile, des mesures d’instruction.

Par ordonnance du 06 novembre 2020, le président du tribunal de commerce de Bayonne a :

– commis les huissiers de l’office de Bayonne de la SELAS Alliance Atlantique Pyrénées ([…] ; AD Z, AD AE et AD Romeu ou les autres huissiers susceptibles de les substituer ;

– la SCP AP AQ AR AS […] ;

– commis lesdits huissiers territorialement compétents pour se rendre, assistés par toute personne qu’ils estimeront utiles, de s’adjoindre notamment tout technicien informatique :

– au sein des locaux de la société I AJ situés 24 avenue Victor Hugo 64200 Biarritz AF, qu’il s’agisse de locaux d’habitation, de locaux professionnels ou de locaux commerciaux de toute nature ;

– au domicile de M. B F, situé […], […], en ce qu’il constitue le siège social de la société Y associée de la société A et son lieu de travail effectif ;

– autorisé les huissiers instrumentaires à procéder à toutes mesures et constatations dans des locaux de toute nature qui pourraient être évoqués au cours des mesures d’investigation soit par la désignation d’adresses données par les personnes rencontrées au cours de la mesure d’investigation, soit par la désignation d’adresses données par les personnes rencontrées au cours de la mesure, soit obtenues dans le cadre des opérations ;

– autorisé, compte tenu des circonstances de l’intervention, lesdits huissiers à se faire assister de la force publique et d’un serrurier ;

– autorisé lesdits huissiers commis à procéder respectivement dans les locaux ci-dessus désignés, lieux des mesures d’instruction, à toute constatation utile pour établir les liens entre Messieurs B Le C, AT-AM M et AC K et/ou la société I AJ et/ou la société A et/ou la société civile AA K et/ou les différents produits que A prétend commercialiser ;

– autorisé lesdits huissiers commis à accéder aux matériels et équipements informatiques présents au sein des locaux ci-dessus désignés, lieux des mesures d’instruction, se faire indiquer tout code ou clé de sécurité permettant d’accéder aux ressources informatiques de I AJ, de A et de M. B Le C en sa qualité de gérant de la société Y et de « C.O.O. » de la société A, afin de prendre copie, sur tout support adapté, d’extraction du système d’information ou de tout outil informatique à partir des mots clés ci-dessous visés, décrire et consigner dans son procès-verbal les extractions réalisées ;

– limité, s’agissant des matériels et équipements informatiques situés au domicile de M. B Le C, l’accès aux équipements lui appartenant personnellement à l’exclusion de tout équipement appartenant à un autre membre du foyer ;

– autorisé lesdits huissiers commis à utiliser les moyens techniques permettant de lever tous les obstacles techniques et/ou informatiques qui entraveraient l’accès aux ressources informatiques de I AJ et de A et de M. B Le C ;

– autorisé lesdits huissiers commis à recueillir des dirigeants et/ou de tous collaborateur de I AJ et de A et de M. B Le C, au sein des locaux ci-dessus désignés, lieux des mesures d’instruction, leurs explications quant à la connaissance (i) de la société A et ses produits, sa date et les conditions de sa création ainsi que (ii) de la société D et de ses produits et en particulier son dispositif médical G; consigner leurs réponses dans son procès-verbal ;

– autorisé lesdits huissiers commis à accéder aux ordinateurs de M. B Le C et de M. AM AN M, président de la société I AJ, et se faire remettre en cas de besoin, tous mots de passe ou codes d’accès nécessaires aux opérations afin de prendre copie, sur tout support adapté, d’extractions de leurs messageries professionnelles à partir des mots clés ci-dessous visés, décrire et consigner dans son procès-verbal les extractions réalisées ;

– autorisé lesdits huissiers commis à accéder aux téléphones mobiles professionnels de M. B Le C et de M. AM AN M, président de la société I AJ pour en extraire les messages SMS, MMS et messages de l’application WhatsApp ou toute autre messagerie instantanée avec les contacts listés ci-dessous et/ou contenant les mots clés listés ci-dessous ;

– autorisé lesdits huissiers commis à prendre copie, en deux exemplaires au sein des locaux ci-dessus désignés lieux des mesures d’instruction et sur quelque support qu’ils se trouvent (papier, informatique ou électronique, télécom) et par quelque moyen que ce soit (photocopie, impression, sauvegarde informatique, photographie ou copie électronique) ;

– de tous documents et messages électroniques à caractère non personnel contenant notamment les mots clés ou noms suivants, seuls ou combinés les uns aux autres :

– A

– oncolaxy

– cancer

– D

– G

– AC K :

– H

– R X

– DM

– dispositif médical / dispositifs médicaux ;

– algorithme /algorithmes /algo / algos

D’une manière générale :

– autorisé chacun des huissiers commis, pour l’ensemble des mesures, à réaliser des copies par l’utilisation des matériels (imprimantes, photocopieuses) présents au sein des sociétés et si les huissiers l’estiment utile à transporter les éléments nécessaires en son étude pour y faire copie, à charge de les restituer sous 48 heures ;

– ordonné à chacun des huissiers commis de dresser procès-verbal des mesures d’instruction réalisées et d’y annexer les copies de documents réalisés, sur tout support adapté (papier, clé USB, CD Rom ou autres) en prenant soin d’anonymiser toute pièce qui ferait apparaître le nom d’un patient utilisateur d’un éventuel produit de A ;

– ordonné que chacun des huissiers commis soit séquestre de son constat et pièces jusqu’à ce que soient purgées les voies de recours contre la présente ordonnance ou à défaut de mise en oeuvre des voies de recours, durant un délai d’un mois à compter de la présente mesure ; au terme de ce délai, chacun des huissiers commis remettra à la société D son constat et les pièces annexées ;

– ordonné que les huissiers commis procèdent à leur mission dans un délai maximun de 4 semaines à compter de leur saisine ;

– fixé la provision à verser à chacun des huissiers commis à la somme de 1500 euros ;

– dit que l’ordonnance à intervenir sera déposée au greffe du tribunal de commerce de Bayonne ;

– dit que l’ordonnance à intervenir sera déposée au greffe de ce tribunal et qu’il nous en sera référé en cas de difficulté ;

dit que la présente ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute ;

– liquidé les dépens à la somme de 17,39 euros.

Par acte du 6 janvier 2021, la SAS I AJ a fait assigner la SAS D AF devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bayonne aux fins de :

A titre liminaire

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 dans toutes ses dispositions en ce que D AF était irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité et d’intérêt à agir ;

A titre principal,

– déclarer la demande de I recevable et bien fondée ;

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 pour violation du délai de réalisation de la mesure ;

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 pour absence de justification par D de la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 pour absence de justification par D d’un motif légitime ;

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 en ce que la mesure ordonnée à la requête de D n’était pas légalement admissible ;

– déclarer les mesures d’instruction diligentées en exécution de l’ordonnance du 6 novembre 2020 nulles et de nul effet ;

– ordonner à l’huissier instrumentaire de restituer immédiatement les extractions saisies à I et/ou de procéder immédiatement à leur destruction ainsi que du PV dressé et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard et d’en justifier à I à première demande ;

– interdire à D AF de faire usage ou état pour quelque raison que ce soit de toute information portée à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées en exécution de l’ordonnance rétractée ;

– dire que D conservera la charge des frais exposés au titre des opérations mises en oeuvre en exécution de l’ordonnance rétractée ;

A titre subsidiaire,

– modifier l’ordonnance du 6 novembre 2020 en limitant les mesures de copies, quelqu’en soit le support (matériels et équipements informatiques, ordinateurs, téléphones mobiles, papier…) à l’extraction des seuls documents et messages électroniques à caractère non personnel contenant les mots clefs suivants :

– D

– G

– modifier l’ordonnance du 6 novembre 2020 en limitant la période sur laquelle portera la recherche du 25 septembre 2020 au 6 novembre 2020 et procéder à la destruction de l’ensemble des copies de documents et des messages électroniques portant une date antérieure au 25 septembre 2020, date de création de la société A ;

– modifier l’ordonnance du 6 novembre 2020 en ordonnant à Me Z de la SELAS AAP huissier commis ayant pratiqué la mesure du 15 décembre 2020, d’être séquestre de son constat et des pièces jusqu’à ce qu’un juge du fond statue sur leur sort après un débat contradictoire ;

En tout état de cause,

– rappeler que la décision à intervenir sera exécutoire sur simple présentation de la minute ;

– condamner D AF à payer à I AJ une somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

– condamner D AF aux entiers dépens.

Cette instance a été enregistrée sous le numéro RG 2021000048.

Par acte du 5 janvier 2021, la SAS A et, en intervention volontaire, M. B le C et la SARL Y ont fait assigner la SAS D AF devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bayonne aux fins de :

– recevoir l’intégralité des moyens et prétentions des demandeurs à la rétractation ;

– dire, au visa de l’article 101 du CPC, qu’il serait de bonne administration de la justice d’instruire et juger ensemble la présente instance à celle enrôlée sous le numéro RG 2021 00048

A titre principal,

– constater l’absence d’intérêt à agir de D AF ;

– constater l’incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire pour connaître de toutes les demandes relatives aux droits d’auteur ;

– constater l’incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire pour connaître de toutes les demandes relatives à une personne physique qui n’a pas la qualité de commerçant ;

– constater que la requête aux fins de mesure d’instruction présentée le 6 novembre 2020 viole l’article 145 du CPC en ce que la requête présentée était dépourvue de motif légitime et ne justifiait pas qu’il soit dérogé au principe du contradictoire ;

– constater que les mesures in futurum sollicitées constituent des mesures d’investigation générale qui ne sont pas légalement admissibles excédant les prévisions de l’article 145 du CPC ;

– constater que la requête aux fins de mesure d’instruction présentée le 6 novembre 2020 viole l’article 145 du CPC en ce que les mesures ordonnées sont légalement inadmissibles en raison de l’atteinte illicite au secret des affaires de A et manifestement disproportionnées par rapport au but poursuivi ;

– constater que l’exploit réalisé le 15 décembre 2020 sans base légale, faute d’avoir été effectué dans le délai prescrit par l’ordonnance, est nul

En conséquence,

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 dans toute ses dispositions et avec toutes les conséquences de droit et de fait ;

– ordonner la restitution de l’ensemble des documents communiqués lors de l’exploit du 15 décembre 2020, ainsi que la destruction de toute copie desdits documents ainsi que du PV dressé et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et d’en justifier à A à première demande ;

– interdire à D AF de faire usage des documents communiqués lors des opérations du 15 décembre 2020 et de toute information portée à sa connaissance à la faveur des opérations de constat en exécution de l’ordonnance rétractée sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée ;

A titre subsidiaire,

– dire que la communication à D des constats réalisés et les pièces appréhendées par la SELAS AAP et la SCP AQ-AS aux cours des opérations ordonnées et diligentées sont de nature à porter atteinte à un secret des affaires ;

En conséquence,

– nommer tel expert en informatique qu’il plaira avec pour mission de :

+ se faire remettre et prendre connaissance de l’ensemble des éléments et documents placés sous scellés par la SELAS AAP et la SCP AQ-AS en cours des opérations ordonnées et diligentées dans les locaux de Y, A et I conservés en leurs études ;

– faire le tri parmi ces documents, avec le concours des avocats des défendeurs et eux seuls à l’exception des avocats de D qui ne sont pas soumis au secret professionnel à l’égard de leur cliente ;

– ceux qui sont étrangers à la réclamation de D c’est à dire ne concernant pas l’application dénommée G ou qui sont antérieurs au 20 janvier 2020 ou postérieurs au 6 novembre 2020 et qui seront donc remis à A ou I et,

– ceux qui concernent l’application G qui par leur nature confidentielle devront préalablement à toute communication faire l’objet d’une analyse par les conseils des parties et non par les parties elles-mêmes dans l’enceinte d’une data room ;

– en cas de désaccord entre les parties et l’expert désigné sur le classement des pièces, rédiger une note qui sera soumise au tribunal pour être discutée contradictoirement par les parties ;

En tout état de cause,

– condamner D à payer à A la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du CPC

– condamner D à payer à Y la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

– condamner D à payer à M. B Le C la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du CPC;

– condamner D AF aux entiers dépens de l’instance.

Par ordonnance de référé du 25 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Bayonne a :

– constaté la qualité et l’intérêt à agir de D AF

– s’est jugé compétent pour juger du présent litige ;

– modifié l’ordonnance du 6 novembre 2020 selon la formulation ci après en application de l’article 497 du CPC et ajouté à la mission des huissiers désignés les opérations suivantes :

– procéder, en présence et avec l’assistance de l’expert informatique l’ayant assisté lors de la réalisation de la mesure, au tri des éléments appréhendés ;

– à partir des éléments de messagerie électronique de M. B Le C et de M. AM AN M appréhendés, sélectionner les courriers électroniques entre le 1er septembre 2018 et le 11 mars 2020 (date de la limite de la clause de non concurrence de M. F) ;

– puis à partir de ce premier tri sélectionner les courriers électroniques ;

– reçus et/ou adressés notamment à tout ou partie des destinataires suivants : R X et/ou AC K et contenant les mots clefs suivants : ONCOMXY et/ou D ;

– contenant les mots clefs suivants : G et/ou H et/ou D et/ou R X ;

– à partir des documents appréhendés sur les matériels et équipements informatiques, sélectionner ceux contenant les mots clefs suivants : ONCOLAXY et/ou G et/ou H et/ou D et/ou R X et relever l’historique de consultation du ou des fichiers ;

– à partir des extraits de messages SMS, MMS et message de l’application Whatsapp ou toute autre messagerie instantanée, sélectionner ceux contenant les mots clefs suivants : ONCOLAXY et R X, G, H, D ;

– établir un procès-verbal de ces opérations de tri différé et y annexer les pièces ainsi sélectionnées ;

– remettre à D et aux parties demanderesses l’ensemble des constats réalisés et leurs pièces annexées pour leurs conclusions au fond ;

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions ;

– rejeté les demandes faites au titre de l’article 700 du CPC ;

– laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Par déclaration en date du 31 mars 2021, la SA I AJ a relevé appel de ce jugement. L’affaire a été enregistrée sous le n° RG 21/1081, n° Portalis DBVV-V-B7F-H2OM.

Par déclaration en date du 01 avril 2021, la SAS A a relevé appel de ce j u g e m e n t . L ‘ a f f a i r e a é t é e n r e g i s t r é e s o u s l e n ° R G 2 1 / 1 1 1 6 , n ° P o r t a l i s DBVV-V-B7F-H2RB.

Par ordonnance du 15 avril 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures n° RG 21-1116 et 21/1081 sous le numéro 21/1081.

La clôture est intervenue le 13 octobre 2021.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions notifiées le 10 septembre 2021 par la société SA I AJ qui demande de :

Vu les articles 496 et 497 du Code de procédure civile

Vu l’article 145 du Code de procédure civile,

Vu l’article L. 153-1 du Code de commerce

A titre principal,

– annuler, ou à tout le moins infirmer l’ordonnance du 25 mars 2021 pour défaut de motivation ;

– infirmer l’ordonnance du 25 mars 2021 en ce qu’elle a débouté I AJ de sa demande de rétractation de l’ordonnance du 6 novembre 2020.

Et statuant à nouveau,

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 en ce que D AF était irrecevable en ses demandes ;

– déclarer D S LTD irrecevable en son intervention volontaire pour la 1ère fois en cause d’appel.

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 pour violation du délai de réalisation de la mesure ;

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 pour absence de justification par D AF et D S LTD de la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 pour absence de justification par D AF et D S LTD d’un motif légitime ;

– rétracter de l’ordonnance du 6 novembre 2020 en ce que la mesure ordonnée à la requête de D AF et D S LTD n’était pas légalement admissible

– déclarer les mesures d’instructions diligentées en exécution de l’ordonnance du 6 novembre 2020 nulles et de nul effet ;

– ordonner à l’huissier instrumentaire de restituer immédiatement les extractions saisies à I AJ et/ou de procéder immédiatement à leur destruction, ainsi que du procès-verbal dressé, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard, et d’en justifier à I AJ à première demande.

– interdire à D AF et à D S LTD de faire usage ou état pour quelque raison que ce soit de toute information portée à leur connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées en exécution de l’ordonnance rétractée.

A titre subsidiaire,

– infirmer l’ordonnance du 25 mars 2021 en ce qu’elle a modifié l’ordonnance du 6 novembre 2021, mais en conservant son caractère attentatoire au secret des affaires.

Et statuant à nouveau,

– modifier comme suit l’ordonnance du 6 novembre 2020 :

‘ Procéder, en présence et avec l’assistance de l’expert informatique l’ayant assisté lors de la réalisation de la mesure, au tri des éléments appréhendés selon les modalités suivantes :

o A partir des éléments de messagerie électronique de Monsieur B Le C et de Monsieur AM-AN M appréhendés, sélectionner les courriers électroniques entre le 1er septembre 2018 et le 11 mars 2020 ;

o Puis à partir de ce premier tri, sélectionner les courriers électroniques :

‘ Reçus et/ou adressés notamment à tout ou partie des destinataires suivants :

R X et/ou AC K et contenant les mots-clés

« G » et/ou « D » ;

‘ Contenant les mots-clefs suivants : « G » et/ou « D ».

o A partir des documents appréhendés sur les matériels et équipements informatiques,

sélectionner ceux contenant les mots-clefs suivants : « G » et/ou « D »

et relever l’historique de consultation du ou des fichiers ;

o A partir des extraits de messages, SMS, MMS et message de l’application WHATSAPP ou toute autre messagerie instantanée, sélectionner ceux contenant les mots-clefs suivants : « G » et/ou « D ;

o Etablir un procès-verbal de ces opérations de tri différé et y annexer les pièces ainsi sélectionnées.

o Ordonner que les huissiers instrumentaires soient séquestre de leurs constats et pièces annexées jusqu’à ce qu’un juge du fond statue sur leur sort après un débat contradictoire conformément à l’article L. 153-1 du Code de commerce.

o Ordonner, à tout le moins, que les huissiers instrumentaires demeurent séquestre des pièces suivantes jusqu’à ce qu’un juge du fond statue sur leur sort après un débat contradictoire conformément à l’article L. 153-1 du Code de commerce :

‘ Rapport d’évaluation clinique ;

‘ Dossier technique ;

‘ Tous les éléments liés à la commercialisation des logiciels (propositions,

contrats).

‘ Les échanges entre I et ses avocats.

– déclarer irrecevable, et à tout le moins mal fondée, la demande de D AF et de D S LTD fondée sur les dispositions de l’article R. 153-3 du Code de commerce et les en débouter ;

– Si par impossible, la Cour jugeait recevable et bien fondée la demande de D AF et de D S LTD fondée sur les dispositions de l’article R. 153-3 du Code de commerce, I sollicite que la Cour lui accorde un délai pour la communication de son mémoire (article R. 153-3 3°) et des pièces dans leurs versions confidentielles (article R. 153-3 1°) et non confidentielles (article R. 153-3 2°).

En tout état de cause

– débouter D AF et D S LTD de leur demande d’infirmation de l’ordonnance du 25 mars 2021 ;

– condamner D AF et D S LTD à payer à I AJ une somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

– condamner D AF aux entiers dépens.

*

Vu les conclusions notifiées le 21 septembre 2021, par la SAS A, M. B Le C et la SARL Y qui demandent de :

Vu la déclaration d’appel enregistrée le 1er avril 2021,

Vu les articles 145, 455, 496 et 497 du Code de procédure civile,

Vu les articles R. 153-8 et 153-1 du Code de commerce,

Vu l’article L. 333-1 du Code de la propriété intellectuelle,

Vu la Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016,

Vu l’instance pendante devant le Tribunal de Commerce du Mans entre les sociétés L et D S,

Vu l’instance pendante devant le Tribunal de Commerce de Lille,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées au débat,

‘ recevoir les Concluantes en leurs écritures les déclarer recevables et bien fondées ;

In limine litis,

Vu l’article 554 du Code procédure civile

‘ dire D S irrecevable en son intervention volontaire ;

À titre principal,

– prononcer l’annulation de l’ordonnance du 25 mars 2021 en ce que le Président du Tribunal de Commerce de Bayonne n’e’tait pas valablement saisi ;

– prononcer l’annulation de l’ordonnance du 25 mars 2021 pour défaut de motivation ;

En conséquence, statuer à nouveau et

– dire que D AF était irrecevable en son action ;

– dire que D AF ne justifiait pas d’un motif légitime pour présenter sa requête ;

– dire que la mesure ordonnée à la requête de D AF n’e’tait pas légalement admissible en raison de l’atteinte illicite au secret des affaires de la société A, Y et Monsieur B Le C et manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi ;

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 dans toutes ses dispositions et avec toutes les conséquences de droit et de fait ;

– ordonner la restitution de l’ensemble des documents communiqués lors de l’exploit du 15 décembre 2020, ainsi que la destruction de toute copie desdits documents ainsi que du procès-verbal dressé, et ce sous astreinte de 500 € (cinq cents euros) par jour de retard, et d’en justifier aux Concluantes à première demande ;

– interdire à D AF de faire usage des documents communiqués lors des opérations des 15 décembre 2020 et de toute information portée à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées en exécution de l’ordonnance rétractée sous astreinte de 1 500 € (mille cinq cents euros) par infraction constatée,

À titre subsidiaire,

– infirmer totalement l’ordonnance du 25 mars 2021 en ce qu’elle a débouté les Concluantes de leur demande de rétractation de l’ordonnance du 6 novembre 2020 ;

– Et statuant à nouveau :

– dire que D AF était irrecevable en son action ;

– dire que les constats d’huissiers ont été réalisés sur la base d’une ordonnance caduque en raison de la violation du délai prescrit par ladite ordonnance ;

– dire que D AF ne justifiait pas d’un motif légitime ;

– dire que la mesure ordonnée à la requête de D AF n’était pas légalement admissible en raison de l’atteinte illicite au secret des affaires des sociétés A et Y ou de Monsieur B Le C et manifestement disproportionnées par rapport au but poursuivi ;

En conséquence

– rétracter l’ordonnance du 6 novembre 2020 dans toutes ses dispositions et avec toutes les conséquences de droit et de fait ;

– ordonner la restitution de l’ensemble des documents communiqués lors de l’exploit du 15 décembre 2020, ainsi que la destruction de toute copie desdits documents ainsi que du procès-verbal dressé, et ce sous astreinte de 500 € (cinq cents euros) par jour de retard, et d’en justifier à aux Concluantes à première demande ;

– interdire à D AF de faire usage des documents communiqués lors des opérations des 15 décembre 2020 et de toute information portée à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées en exécution de l’ordonnance rétractée sous astreinte de 1 500 € (mille cinq cents euros) par infraction constatée,

À titre infiniment subsidiaire,

– réformer l’ordonnance du 25 mars 2021 rendue par le Tribunal de Commerce de Bayonne en ce qu’elle a modifié l’ordonnance du 6 novembre 2020 et afin de garantir la protection d’informations sensibles au regard du droit au secret des affaires des sociétés A, Y ou de Monsieur B Le C ;

– Statuer à nouveau et modifier l’ordonnance du 6 novembre en ces termes :

– nommer tel expert en informatique qu’il plaira, avec pour mission de :

– Se faire remettre et prendre connaissance de l’ensemble des éléments et documents placés sous scellés par la SELAS Alliance Atlantique Pyrénées (AAP) ‘ et la SCP AP AQ AR AS au cours des opérations ordonnées et diligentées et conservés à leurs études ;

– Faire le tri parmi ces documents, avec le concours des avocats des défendeurs et eux seuls à l’exception des avocats de D AF qui ne sont pas soumis au secret professionnel à l’e’gard de leur Cliente :

– Ceux qui ont été saisis au-delà de l’objet de l’ordonnance du 6 novembre 2020, c’est-à-dire ceux, qui n’appartiennent ni à A, ni à I AJ, ni à Y et en particulier tout courrier électronique émis ou reçu d’une boîte mail étrangère à l’une de ces trois sociétés,

– Ceux qui sont étrangers à la réclamation de D AF c’est-à-dire ne concernant pas l’application dénommée G, ou qui sont antérieurs au 20 janvier 2020 ou postérieurs au 6 novembre 2020, et qui seront donc remis à A, Y, I AJ ou Monsieur B Le C selon le cas ; et

– Ceux qui concernent l’application G, qui, par leur nature confidentielle, devront préalablement à toute communication, faire l’objet d’une analyse par les conseils des parties et non par les parties elles-mêmes dans l’enceinte d’une dataroom.

– En cas de désaccord entre les défendeurs et l’expert désigné sur le classement des pièces, rédiger une note qui sera soumise à la Cour pour être discutée contradictoirement entre l’Expert et les Défendeurs ;

– ordonner le maintien du séquestre des constats et pièces annexées jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par le Juge de la Mise en État du Tribunal que la société D AF saisira au fond.

En tout état de cause,

– condamner conjointement et solidairement D AF et D S à payer à A la somme de 30 000 euros (trente mille euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner conjointement et solidairement D AF et D S à payer à Monsieur Le C, d’une part, et à la société Y, d’autre part, la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner D AF et D S aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de LA SELARL Lexavoue Pau-Toulouse en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

*

Vu les conclusions notifiées le 12 octobre 2021 par la société D AF et la société D S LTD, intervenante volontaire, qui demandent de :

Vu l’article L. 153-1 du Code de commerce,

Vu les articles 31, 32, 145, 497, 699 et 700 du Code de procédure civiles,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence citée,

– confirmer l’ordonnance du 25 mars 2021 rendue par le Président du Tribunal de commerce de Bayonne en ce qu’elle a confirmé l’ordonnance du 6 novembre 2020 ayant autorisé les mesures d’instruction in futurum au siège de la société I AJ ainsi qu’au siège de la société Y, en sa qualité d’actionnaire de la société A

– confirmer l’ordonnance du 25 mars 2021 rendue par le Président du Tribunal de commerce de Bayonne en ce qu’elle a ajouté, en application de l’article 497 du Code de procédure civile, les opérations de tri différé suivante à la mission des huissiers de justice désignés :

– « Procéder, en présence et avec l’assistance de l’expert informatique l’ayant assisté lors de la réalisation de la mesure, au tri des éléments appréhendés en :

– à partir des éléments de messagerie électronique de Monsieur B Le C et de Monsieur AM-AN M appréhendés, sélectionner les courriers électroniques entre le 1er septembre 2018 et le 11 mars 2020 (date de la limite de la clause de non-concurrence de Monsieur Le C) ;

– Puis, à partir de ce premier tri, sélectionner les courriers électroniques :

– reçus et/ou adressés notamment à tout ou partie des destinataires suivants : R X et/ou AC K et contenant les mots clés suivants : Oncolaxy et/ou G et/ou H et/ou D ;

– contenant les mots clés suivants : G et/ou H et/ou D et/ou R X,

– à partir des documents appréhendés sur les matériels et équipements informatiques, sélectionner ceux contenant les mots clés suivants : Oncolaxy et/ou G et/ou H et/ou D et/ou R X et relever l’historique de consultation du ou des fichiers ;

– à partir des extraits de messages SMS, MMS et messages de l’application WhatsApp ou toute autre messagerie instantanée, sélectionner ceux contenant les mots clés suivants :

o Oncolaxy et R X ;

o G

o H

o D

– Etablir un procès-verbal de ses opérations de tri différé et y annexer les pièces ainsi sélectionnées ;

– Remettre à D et aux parties demanderesses l’ensemble des constats réalisés et leurs pièces annexées pour leurs conclusions au fond. »

– Réformer l’ordonnance uniquement en ce qu’elle a fixé la date limite des courriers électroniques susceptibles d’être appréhendés à la date du 11 mars 2020,

Et statuant à nouveau :

– ordonner que les courriers électroniques de Monsieur B Le C et de Monsieur AM-AN M appréhendés pourront être sélectionnés jusqu’au jour de l’exécution de la mission, soit jusqu’à la date du 15 décembre 2020 ;

En tout état de cause :

– déclarer recevable la société D AF en son appel incident,

– déclarer recevable la société D S Ltd en son intervention volontaire accessoire,

– débouter les sociétés A, I AJ, Y et Monsieur Le C, de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

– confirmer l’ordonnance du 6 novembre 2020 ayant autorisé les mesures d’instruction réalisées le 15 décembre 2020 ;

– ordonner la communication des procès-verbaux et des pièces annexées à la société D AF une fois les opérations de tri différé réalisées ;

– condamner solidairement les sociétés I AJ, A, Y et Monsieur Le C à verser chacun la somme de 10.000 euros à la société D AF et à la société D S LTD en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner solidairement les sociétés I AJ, A, Y et Monsieur Le C aux dépens, tant d’appel que de première instance, dont distraction au profit de la Selarl DLB Avocats en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

MOTIVATION: Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de la société D S LTD pour la première fois en cause d’appel et sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir de la société D AF :

La société I AJ conclut à l’irrecevabilité de l’action de D AF, en application des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, au motif qu’elle a agi en justice et présenté la requête pour le compte de D S LTD et non pour elle-même , sans disposer d’un mandat explicite.

Elle conteste que l’article 1-5 du contrat de distribution, conclu entre D AF et D S LTD, sur la responsabilité et la prise en charge des litiges commerciaux, puisse valoir mandat exprès d’agir en justice, alors que les litiges commerciaux visés sont ceux qui relèvent de la défectuosité du produit et non de faits de parasitisme tels que mentionnés dans la requête de D AF. Elle estime également que l’article 2.7 du même contrat qui prévoit que le mandataire s’engage également à informer sans délai le fabricant de toute violation desdit(e)s marques de commercialisation, signes distinctifs ou de tout droit de propriété intellectuelle qu’il observerait ou serait porté à sa connaissance, ne confère pas plus mandat d’agir en justice à la société D AF.

Elle considère que D AF admet qu’elle était irrecevable à agir en justice, puisque D S LTD a jugé utile d’intervenir à hauteur d’appel.

Elle estime, cependant, que l’intervention tardive de D S LTD ne saurait couvrir l’irrecevabilité à agir de D AF et ne peut être régularisée à hauteur d’appel. Les deux sociétés étant dès lors irrecevables à agir.

Les sociétés A et Y, et B Le C concluent à l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la société D S LTD pour la première fois en cause d’appel, au motif que si D S LTD était valablement représentée par D AF, en première instance, son intervention volontaire en cause d’appel pour défendre le même intérêt n’est pas recevable; qu’à l’inverse si son intervention est jugée recevable, car elle n’était pas valablement représentée en première instance, alors la requête initiale était irrecevable à défaut pour D AF de justifier d’un intérêt personnel à agir.

D AF et D S LTD soutiennent au contraire que D S LTD est intervenue volontairement en cause d’appel, à titre accessoire, conformément aux dispositions de l’article 330 du code de procédure civile, afin, pour la conservation de ses droits, de soutenir la position de D AF, concernant l’existence d’un mandat autorisant cette dernière à agir en justice pour le compte de l’intervenante.

Elles ajoutent que D AF a également agi pour défendre un intérêt propre à faire diligenter des mesures d’instruction in futurum, car elle subit un préjudice propre du fait des agissements déloyaux qui ont été commis. Il est rappelé notamment qu’elle contracte auprès des hôpitaux et centres de soins et qu’elle perçoit les remboursements opérés par la caisse nationale d’assurance maladie.

SUR CE

Les sociétés D AF et D S LTD s’appuient sur le contrat de distribution signé le 26 février 2020 et son annexe2 intitulée « mandat », pour considérer que la première disposait d’un mandat d’agir en justice donné par la seconde.

Si, dans le corps de la requête déposée le 6 novembre 2020 par la société D AF, en son seul nom, il est fait état d’un extrait de l’article 1-5 de ce mandat et de la demande expresse de la société D S LTD adressée à D AF de solliciter en justice l’autorisation de faire procéder à des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, il n’est cependant justifié d’aucun mandat spécial, donné avant le dépôt de la requête, d’agir en justice à cette fin au nom de la société D S LTD.

Il convient de rappeler que la représentation « ad agendum », autorise une personne à agir en justice au nom d’une autre, comme demandeur ou défendeur, au nom et pour le compte du représenté, les effets juridiques de l’instance se produisant au profit ou à la charge de cette dernière. C’est le cas, par exemple, de l’administrateur judiciaire lorsqu’il représente le débiteur dans le cadre d’un redressement judiciaire.

Si aucun texte n’interdit à un fabricant de donner mandat à un distributeur de présenter une requête en application de l’article 145 du code de procédure civile, en son nom, encore faut-il que l’existence de ce mandat soit prouvée et que le nom du mandant figure dans chaque acte de procédure effectué par le mandataire.

Ce qui n’est pas le cas en l’espèce de la requête déposée le 6 novembre 2020 par la société D AF, en son seul nom, la société D S LTD n’étant citée que dans l’exposé des faits introductif.

En outre, le mandat annexé au contrat de distribution est donné conformément à l’article R. 5211-4 du code de la santé publique.

Selon ce texte, est:

« 4° Mandataire, toute personne physique ou morale établie dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’ Espace économique européen qui, après avoir été expressément désignée par le fabricant, agit et peut être contactée par les autorités administratives compétentes en lieu et place du fabricant en ce qui concerne les obligations que le présent titre impose à ce dernier ; »

Au sens de ces dispositions, le mandataire est donc le représentant du fabricant auprès des autorités de santé, en ce qui concerne les obligations réglementaires imposées à ce dernier par ces mêmes autorités, s’agissant des dispositifs médicaux ( livre II titre I).

A cet égard, si le mandat annexé au contrat de distribution indique en son article 1.5 que le fabricant est responsable de tout litige commercial tel que les demandes de réparation causées par des incidents médicaux intervenus après la vente et que le mandataire devra prendre en charge un tel litige, conformément aux autorisations et instructions données par le fabricant, cette clause ne contient aucun mandat exprès d’agir en justice encore moins dans le domaine de la protection des droits de propriété intellectuelle du fabricant ou en matière de concurrence déloyale et de parasitisme.

De ce point de vue, l’article 2-7 du mandat prévoit simplement que le mandataire s’engage à informer sans délai le fabricant de toute violation desdites marques de commercialisation, signes distinctifs ou de tout droit de propriété intellectuelle qu’il observerait ou qui serait porté à sa connaissance sur le territoire de distribution du logiciel et ou de tout autre produit, sans conférer mandat au distributeur d’agir en justice pour la conservation des droits du fabricant.

Ne justifiant pas avoir reçu mandat d’agir en justice au nom de la société D S LTD, la société D AF n’avait ainsi pas qualité à agir au nom de cette dernière pour le dépôt de la requête litigieuse.

Toutefois, cette requête ayant été déposée au seul nom de la société D AF, il convient d’examiner, si celle-ci n’avait pas un intérêt personnel à agir.

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, la recevabilité d’une prétention est conditionnée à la démonstration d’un « intérêt légitime », voire à la caractérisation d’une qualité particulière lorsque la loi a entendu restreindre le cercle des personnes titulaires du droit d’agir.

En l’espèce, au-delà des arguments évoqués par les sociétés D S LTD et D AF, il ressort des contrats de cession de droits de propriété intellectuelle conclus avec les sociétés L et HEALTHSELFCHECK et de leurs avenants successifs, que les clauses de non-concurrence imposées aux cédants et au Docteur R X bénéficiaient également à la société D AF à partir de l’avenant du 3 juin 2017 et jusqu’à l’avenant du 5 mars 2020, s’agissant du contrat relatif au logiciel Sentinel devenu G, et à compter du 15 juin 2017 et jusqu’au 5 mars 2020, s’agissant du logiciel H.

La société D AF avait donc un intérêt personnel à agir, pour la défense de ses droits, en exécution des avenants auxquels elle était partie.

Selon l’article 554 du code de procédure civile, ‘Peuvent intervenir en cause d’appel, dès lors qu’elles y ont intérêt, les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.’

Selon ces dispositions les conditions de l’intervention en cause d’appel sont au nombre de deux :

– avoir un intérêt à participer aux débats,

– être un tiers par rapport aux débats de première instance.

Celui qui était régulièrement représenté en première instance ne peut intervenir en cause d’appel que pour invoquer un droit propre.

A ces conditions légales, s’ajoute une condition prétorienne inspirée du droit commun de l’intervention, à savoir que l’intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant (article 325 du code de procédure civile).

L’appréciation de l’intérêt à agir de l’intervenant volontaire et du lien suffisant qui doit exister entre ses demandes et les prétentions originaires relève du pouvoir souverain des juges du fond, mais ce lien doit être constaté.

L’intérêt à intervenir, comme celui exigé pour la recevabilité de toute action en justice, c’est l’intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.

L’intervention volontaire en cause d’appel, comme toute intervention, peut être accessoire ou principale.

Selon l’article 330 alinéa 1er du code de procédure civile, l’intervention accessoire est celle qui appuie les prétentions d’une partie.

L’intervenant accessoire devant la cour d’appel ne se prévalant d’aucun droit propre, la condition nécessaire relative au lien avec les prétentions originaires est par hypothèse remplie.

L’intérêt de l’intervenant accessoire est défini par la loi : il s’agit de l’intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir la partie dont il appuie les prétentions ( article 330, alinéa 2, du code de procédure civile).

Cet intérêt est apprécié souverainement par les juges du fond. Il se confond avec l’intérêt de l’article 554 mais pas nécessairement avec l’intérêt pour agir exigé pour l’intervention principale.

L’intervention principale est celle à l’occasion de laquelle est élevée une prétention au profit de celui qui la forme (article 329, alinéa 1er, du code de procédure civile).

Elle n’est recevable que si l’intervenant a le droit d’agir relativement à cette prétention (article 329, alinéa 2, du code de procédure civile).

L’intervention principale a été définie comme celle par laquelle ‘le tiers intervenant prétend à un droit sur lequel une contestation est engagée entre d’autres personnes et réclame, à l’encontre de ces dernières, la reconnaissance et la protection de ce droit ».

En l’espèce, l’intervention volontaire de la société D S LTD est une intervention accessoire, son intérêt étant, pour la conservation de ses droits en vue des instances au fond qu’elle est susceptible d’engager elle-même pour parasitisme et concurrence déloyale, de soutenir la société D AF dans sa demande de confirmation des mesures d’instruction in futurum et de levée de séquestre.

Son intervention volontaire à hauteur d’appel est donc recevable.

Les fins de non-recevoir examinées sont ainsi rejetées.

Sur l’annulation de l’ordonnance du 25 mars 2021 :

La société A, la société Y et B Le C concluent en premier lieu à l’annulation de l’ordonnance déférée aux motifs que :

‘ le juge des référés qui a rendu l’ordonnance n’était pas le juge saisi de la demande de rétractation adressée au président du tribunal de commerce, sur le fondement de l’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile, en sa qualité de juge des requêtes ;

‘ le juge des référés n’a pas motivé son ordonnance, comme l’impose l’article 455 du code de procédure civile, alors qu’en l’espèce tous les moyens de la société A n’ont pas été pris en compte par le premier juge, notamment sur :

– l’intérêt à agir de D AF et son irrecevabilité à agir dans l’intérêt de D S LTD ;

– l’incompétence du juge commercial à raison de la nature des droits de propriété intellectuelle en cause, sur le fondement de l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, seul le tribunal judiciaire étant compétent pour connaître de toutes actions relatives à la propriété littéraire et artistique, ou à raison de l’absence de qualité de commerçant de M Le C sur le fondement des articles L. 721-3 du code de commerce et 872 du code de procédure civile ;

– la nécessité du contradictoire et l’absence de circonstances qui exigeraient que les mesures d’instruction n’ aient pas été ordonnées contradictoirement ;

– la contestation du caractère légalement admissible des mesures d’instruction ordonnées ;

– la nullité de la mesure exécutée en dehors du délai fixé par le président du tribunal.

La société I AJ conclut également à l’annulation de l’ordonnance du 25 mars 2021 pour défaut de motivation.

Les sociétés D AF et D S LTD soutiennent à titre liminaire que le défaut de motivation invoqué pour tenter de faire annuler l’ordonnance entreprise s’analyse davantage en une omission de statuer sur certains des moyens soulevés par A et I, laquelle sera corrigée par la cour ; qu’en tout état de cause, par l’effet dévolutif de l’appel, la cour est saisie de l’entier litige et statuera à nouveau sur l’ensemble des moyens présentés au soutien des demandes dont les parties ont entendu la saisir.

Elles soulignent par ailleurs que la procédure de référé-rétractation étant une procédure orale, hors les cas visés par le second alinéa de l’article 446-1 du code de procédure civile, le juge n’est tenu de répondre qu’aux moyens et prétentions présentés à l’audience et n’est astreint à observer aucune règle de forme particulière pour l’exposé des moyens et prétentions des parties tel que prévu par l’article 455 du code de procédure civile ; que si la motivation ne peut être totalement absente, tel n’est manifestement pas le cas de l’ordonnance frappée d’appel.

Cependant, au cas d’espèce et au-delà de l’absence de réponse précise à tous les moyens invoqués par les demandeurs à la rétractation, le juge des référés s’est déclaré compétent sans répondre aux moyens développés à l’appui de l’exception d’incompétence soulevée par A, B Le C et la SARL FSGXPL, ce seul constat justifiant de prononcer l’annulation de l’ordonnance déférée.

En effet, l’ordonnance frappée d’appel ne contient aucun motif pour fonder le rejet de l’exception d’incompétence. Cette absence de motivation, en méconnaissance de l’exigence posée par l’article 455 du code de procédure civile, qui plus est sur une question préalable à l’examen du fond du litige, constitue la violation d’un principe fondamental du procès civil qui justifie l’annulation de l’ordonnance déférée en application de l’article 458 du même code.

Par l’effet dévolutif de l’appel, la cour reste saisie de l’entier litige.

Sur la rétractation de l’ordonnance du 6 novembre 2020 :

En droit, l’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe des motifs légitimes de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Ni l’urgence, ni l’absence, en elle-même, de contestation sérieuse ne sont des conditions d’intervention du juge des mesures probatoires qui est seulement subordonnée à la démonstration d’un intérêt légitime à établir ou conserver la preuve, légale, de faits dont pourrait dépendre la solution d’un éventuel litige.

En effet, le motif n’est légitime que si les faits dont la preuve est recherchée sont susceptibles d’avoir une influence sur la solution du litige, c’est-à-dire s’ils ont un lien suffisant et apparemment bien fondé avec le litige futur.

Le demandeur à la mesure probatoire n’a donc pas à démontrer l’existence des faits nécessaires au succès d’une action au fond mais il doit justifier d’éléments rendant plausibles l’existence de faits de nature à alimenter un éventuel procès et démontrer l’utilité, voire la pertinence, dans cette perspective, de la mesure d’instruction sollicitée.

Les mesures prévues par l’article 145 ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement et il appartient au juge saisi d’une demande de rétractation de vérifier, même d’office, si la requête et l’ordonnance caractérisent de telles circonstances.

En tout état de cause, la mise en ‘uvre des mesures prévues par l’article 145 n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé ; seule une action au fond qui serait manifestement vouée à l’échec, comme irrecevable ou mal fondée, serait de nature à priver tout intérêt légitime à une mesure d’instruction avant tout procès ou si le demandeur dispose déjà d’éléments de preuve suffisants, ou s’il lui est possible de réunir par lui-même des éléments supplémentaires.

Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi.

Enfin, il résulte de l’article 496, alinéa 2 et de l’article 497 du code de procédure civile que l’instance en rétractation d’une ordonnance rendue sur requête a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire. Il s’en déduit que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet et que seul le juge des requêtes qui a rendu l’ordonnance peut être saisi d’une demande de rétractation ou de modification de celle-ci.

Toutefois, depuis l’entrée en vigueur du décret 2018-1126 du 11 décembre 2018 sur la protection du secret des affaires, le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance sur requête rendue en application de l’article 145 du code de procédure civile est également compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre, dans les conditions prévues par les articles R 153-3 à R. 153-10 du code de commerce.

Le juge saisi d’une demande de rétractation doit apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui (cassation civile 2ème 7 juillet 2016 n° 15-21.579) ;

‘ sur l’existence d’une instance au fond faisant obstacle au dépôt de la requête :

Au-delà de la fin de non-recevoir précédemment examinée et rejetée, les sociétés A et Y, et B Le C soutiennent que la société D AF était irrecevable en sa requête, en ayant sciemment dissimulé l’existence d’une procédure pendante devant le tribunal de commerce du Mans et le mobile de sa requête : recueillir des éléments qui lui permettraient de démontrer une violation par le professeur X et la société L de leurs engagements contractuels. Si le juge avait connu l’existence d’une procédure au fond impliquant D S LTD et la société L au sujet de la titularité des droits sur l’application G à travers l’application des dispositions du contrat de cession des droits de propriété intellectuelle de l’application G signé le 24 juin 2014, il aurait purement et simplement rejeté la requête comme irrecevable.

Les sociétés D AF et D S LTD contestent ce moyen, au motif que la procédure initiée devant le tribunal de commerce du Mans, par assignation du 6 octobre 2020, tend à voir condamner la société L au versement d’une somme de 322 668 euros HT au titre d’avances sur royalties à hauteur de 260 000,00 euros HT et de sommes indument perçues par la société L, de la part de la société CHUGAI PHARMA AF, aux lieu et place de D S LTD, à hauteur de 62 668 euros HT, contentieux qui est donc étranger à celui pour concurrence déloyale qui a justifié la requête en vue de mesures in futurum.

Selon l’article 145 du code de procédure civile, l’absence de tout procès dont l’issue pourrait dépendre des mesures sollicitées en application de cet article est une condition de recevabilité de la demande de mesures in futurum. Toutefois, n’est pas irrecevable la mesure d’instruction sollicitée dans la perspective d’un litige distinct du procès déjà engagé, fût-ce entre les mêmes parties.

En l’espèce, l’assignation du 6 octobre 2020 devant le tribunal de commerce du Mans porte sur une demande en remboursement d’avances sur royalties et d’une somme indument perçue, à la suite de la rupture des relations contractuelles entre la société L et la société D S LTD. Cette instance est donc étrangère aux suspicions de concurrence déloyale, notamment par parasitisme, ayant justifié la requête de la société D AF du 5 novembre 2020, même si, depuis, la société L et son gérant R X ont été assignés devant le tribunal de commerce de Lille, en réparation des manquements à leur obligation de non concurrence, en lien avec l’action en concurrence déloyale engagée contre les sociétés A, I AJ, Y, J, et contre messieurs B Le C et AC K.

Ce moyen est en conséquence écarté.

‘ Sur l’incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire spécialisé en matière de de propriété intellectuelle :

les sociétés A et Y, et B Le C soutiennent en second lieu que lorsque la mesure de constat sollicitée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile est liée de façon indissociable à des actes portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle, le juge compétent pour connaître de l’affaire au fond étant le tribunal judiciaire spécialisé en matière de propriété intellectuelle, seul le président de ce tribunal est compétent pour ordonner une mesure d’instruction sur ce fondement;

Ils soulignent qu’au cas d’espèce l’action en concurrence déloyale impliquera nécessairement que soient examinés les droits de propriété intellectuelle détenus par les parties demanderesses sur le logiciel G, alors que lorsqu’un produit est protégé par un droit de propriété intellectuelle, l’action en concurrence déloyale n’est recevable que si des faits distincts de ceux accusés de constituer une contrefaçon sont invoqués ( cassation commerciale du 19 janvier 20100815-338, 08 16-459 et 08 16-469 ).

Les concluants font valoir que les allégations de ressemblance entre les logiciels G et Oncolaxy alléguées par D AF, dans sa requête, portent sur des éléments de forme : l’aspect visuel, l’ergonomie, l’enchaînement des questions et que ces éléments, à supposer qu’il soient protégés, ne peuvent l’être que par le mécanisme du droit d’auteur.

Ils rappellent qu’en application de l’article « L. 333-1 » du code de la propriété intellectuelle, en réalité l’article L. 331-1, les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires déterminés par voie réglementaire.

Ils soulignent que contrairement à la requête qui se contentait d’évoquer un parasitisme, le fondement de l’action de D INNOVATIONLTD et D AF devant le tribunal de commerce de Lille est sans ambiguïté une violation de leurs droits de propriété intellectuelle, puisque leur assignation contient un paragraphe 2.2.2. sur « la reproduction fautive et parasitaire de l’application G » et les passages suivants :

‘ les sociétés I Technlogies et A ont volontairement choisi de reproduire, de manière quasi-servile, l’application G des sociétés requérantes à la mise au point de laquelle les fondateurs de la société A, la société Y, M B le C et M AC K avaient largement contribué ‘

et

«  en reprenant servilement tant le principe , que le fonctionnement et les éléments de présentation de l’application G, définis et mis au point par la société D S, non seulement les défendeurs ont gagné un temps précieux et profité indument des ressources financières qui avaient été engagées par les sociétés requérantes, mais surtout, elles créent un risque de confusion entre les deux applications, particulièrement préjudiciable pour G. »

Dès lors, les sociétés A et Y, et B Le C concluent à l’incompétence du juge commercial dont la décision devra être rétractée, toutes les mesures qui en découlent devant être annulées.

Les sociétés D AF et D S LTD concluent au rejet de ce moyen, aux motifs qu’elles n’ont à aucun moment fait état de droits de propriété intellectuelle et que l’action introduite devant le tribunal de commerce de Lille est fondée sur les actes de concurrence déloyale commis par ses anciens collaborateurs au bénéfice des sociétés A et I AJ.

En droit, il a été jugé que le président d’un tribunal de commerce saisi, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, de requêtes tendant à ce que soient ordonnées des mesures devant être exécutées dans le ressort de plusieurs tribunaux, n’est compétent pour ordonner les mesures sollicitées qu’à la double condition que l’une d’entre elles doive être exécutée dans le ressort de ce tribunal et que le tribunal de commerce soit compétent pour connaître, au moins partiellement, de l’éventuelle instance au fond.

Il a également été jugé que lorsque la mesure de constat sollicitée est liée de façon indissociable à des actes de contrefaçon de marque, le juge compétent pour connaître de l’affaire au fond étant, en application de l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, le tribunal de grande instance de Paris, seul le président de ce tribunal était compétent pour ordonner une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile (cassation commerciale 20 novembre 2012 n° 11-23.216).

En revanche, en matière de brevet, il a été jugé qu’en l’état de la violation de l’obligation contractuelle de ne pas divulguer le savoir-faire permettant de mettre en oeuvre le procédé protégé, sans qu’aucune contrefaçon de brevet ne soit incriminée, une cour d’appel a pu retenir à bon droit que le président du tribunal de commerce était compétent ( cassation commerciale du 7 juin 2011 pourvoi n° 10-19.030 ).

De même, dans un litige opposant le titulaire d’une marque à son licencié, la compétence du tribunal de commerce a été valablement retenue, dans la mesure où le licencié avait uniquement fondé ses demandes sur le non-respect, par le titulaire, de ses engagements contractuels et sur son éventuelle responsabilité délictuelle, il a été jugé que cette demande ne constituait pas une action civile en matière de marque ( cassation commerciale 16 décembre 2008 n° 08-12.967 ).

Une décision dans le même sens a été rendue le 23 novembre 2010 par la cour de cassation (n° 09-70.859), au visa des articles L. 331-1 et L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, une cour d’appel étant censurée pour avoir accueilli une exception d’incompétence au profit du tribunal de grande instance de Paris, ‘ sans rechercher si les prétentions du demandeur à l’action portaient sur l’application de dispositions relevant du droit des marques ou du droit d’auteur’.

En l’espèce, si, dans sa requête, la société D AF fait état des fonctionnalités très ressemblantes, à celles de l’application G, de l’application Oncolaxy, de la similitude des schémas et images de présentation de cette application sur le site de la société A et similitude des questionnaires utilisés par chacune des applications, elle n’invoque que des actes de concurrence déloyale et de parasitisme auxquels elle serait exposée, sans prétendre à la contrefaçon de son application ou de sa marque G, ou à la violation de ses droits de propriété intellectuelle sur cette application.

Ainsi, l’action au fond envisagée dès le dépôt de la requête n’était pas relative à la violation des droits d’auteur de la société D AF ou de la société D S LTD, mais uniquement à des faits de concurrence déloyale et de parasitisme, de sorte que le président du tribunal de commerce de Bayonne était compétent pour ordonner la mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, à partir du moment où l’action au fond envisagée contre des sociétés commerciales et, pour certaines d’entre elles, contre leurs dirigeants et associés liés par une clause de non-concurrence ou de confidentialité à la société D S LTD, relevait de la compétence au fond du tribunal de commerce et qu’une partie des actes demandés devait être accomplie dans le ressort du tribunal de commerce de Bayonne.

Ce moyen de rétractation est écarté.

‘ sur l’absence de motif légitime :

Les sociétés A, I AJ, Y et B Le C considèrent qu’il n’existait aucun motif légitime d’ordonner les mesures d’investigation requises par la société D AF, cette dernière se contentant d’affirmations péremptoires ou de conjectures, sans éléments tangibles de nature à établir des faits plausibles de concurrence déloyale ou parasitisme.

I AJ ajoute qu’aucun élément n’est produit par D AF de nature à établir un fait tangible de concurrence déloyale à son encontre.

La société D AF considère au contraire qu’elle a justifié dans sa requête de faits rendant suffisamment plausible la commission d’actes de concurrence déloyale. Elle verse aux débats les captures d’écran des AX du site internet du produit Oncolaxy qui illustrent selon elle la grande similitude avec l’application G.

En ce qui concerne le motif légitime qu’avait la société D AF d’obtenir une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la cour relève que la requête du 22 février 2012 faisait état, pièces justificatives à l’appui, de :

– l’immatriculation, le 25 septembre 2020, de la société A créée entre les sociétés Y, ancien consultant de D S LTD, ayant pour gérant B Le C, la société SC AA K, dont le gérant AC K était le président de la SAS PM Santé Consulting, ancien prestataire de direction médicale de D S LTD, et la société I AJ, société concurrente ;

– la promotion sur le site de la société A de l’application Oncolaxy aux fonctionnalités similaires à celles de l’application G, s’agissant de deux applications répondant à la définition des dispositifs médicaux, destinées à la détection précoce de récidives de cancer ou de complications liées aux traitements, chez des patients soignés pour cancer (structure du site internet sur une page unique défilante, un schéma de présentation et des images semblables du fonctionnement de l’application et des étapes du parcours de l’utilisateur, un questionnaire patient identique à celui de l’application G) ;

– l’association de B Le C et de R X au sein de la société J, créée en 2020, et qui a pour activité l’édition, la commercialisation et le conseil en matière de logiciels ;

La société I AJ conteste la pertinence de ces éléments qui ne permettent pas de caractériser, selon elle, des suspicions de concurrence déloyale, aux motifs qu’elle dispose d’une antériorité sur D AF dans le domaine des solutions logicielles d’accompagnement et de suivi de patients depuis 2014 et qu’elle est mentionnée dans le domaine du cancer depuis 2016 soit trois ans avant le lancement de G en 2019 par D.

Elle ajoute qu’elle est certifiée ISO 13 485 depuis le mois d’avril 2020, ce qui démontre qu’elle est tout aussi avancée que D AF sur le sujet des solutions logicielles de télé-suivi de patients; qu’également elle proposait déjà en février 2019 un module logiciel permettant la remontée et l’analyse des données de patients atteints de cancer.

Pour contester la pertinence des éléments invoquées par D AF à l’appui de sa requête, la société A fait valoir de son côté qu’Oncolaxy est une adaptation d ‘ u n e p l a t e f o r m e t e c h n i q u e T h e r a f l o w c r é é e d e p u i s 2 0 1 8 p a r B E T T E R I S E AJ et qu’il s’est agi pour B Le C d’intégrer des questionnaires médicaux publics qui sont l’état de l’art, dans cette plateforme préexistante, avec des algorithmes issus de la littérature, puis de créer une interface web, à l’aide d’un modèle standard disponible, sans nécessité de mobiliser des ressources considérables comme le soutiennent à tort les parties adverses. Notamment il n’était aucunement nécessaire de produire le résultat d’études cliniques, à partir du moment où contrairement au produit G le produit Oncolaxy n’était pas destiné à être prescrit à des malades et remboursé.

Ainsi, l’utilisation de questionnaires standards par les deux applications explique, selon A leur similitude. Il s’agit, en conclusion, de deux applications triviales, utilisant des interfaces banales et des questionnaires médicaux publics accessibles à tous, l’originalité de G résidant dans son inscription sur la liste des produits et prestations remboursables, permettant le remboursement des patients qui l’utilisent sur prescription médicale.

Sur ce, au-delà d’une présentation voisine qui s’explique par un mode de fonctionnement commun dépourvu de caractère original, inhérent à toute application du même type, basée sur une interaction entre le patient et ses soignants, l’examen des captures d’écran produites par D AF ne révèle aucune confusion objective entre les produits respectifs des sociétés D S LTD et I AJ, de nature à caractériser des éléments plausibles de parasitisme. Et les questionnaires des deux applications, certes voisins, apparaissent directement inspirés du questionnaire cadre PRO-CTCAE du National Institutes of Health américain, versé aux débats et utilisé par les e-applications dites « PROMS ( Patient Reporting Outcomes Measurement System) », telles que les deux applications en question.

Quant aux soupçons de concurrence déloyale portés sur Messieurs Le C, K et X, et sur les sociétés Y, A, J, L et PM SANTÉ CONSULTING, force est de constater que seul le Docteur X et la société L étaient astreints à une obligation de non- concurrence dans le domaine des applications du type Sentinel ou G . Or, le Docteur X, en l’état des éléments objectifs versés aux débats, n’apparaît pas collaborer avec les sociétés A ou I AJ et s’il a des intérêts au sein de la société J, cette dernière n’ apparaît, ni dans la requête du 5 novembre 2020, ni au travers des pièces versées aux débats, avoir participé au développement de l’application Oncolaxy.

De ce point de vue, seule l’assignation délivrée par les sociétés D AF et D S LTD, devant le tribunal de commerce de Lille, dénonce une collaboration entre le Docteur X, I AJ et A, en reprochant à ce spécialiste de « l’e-santé » de faire, au travers de conférences destinées à un public de praticiens, la promotion cachée du produit Oncolaxy, en préconisant une méthode de choix d’une application de télésurveillance en cancérologie jugée discriminante, par les requérantes, pour l’application G.

Toutefois, cette analyse soumise au juge du fond ne s’appuie non plus sur aucun élément objectif communiqué à la cour dans le cadre de la présente instance.

Enfin, sauf à faire produire à la clause de confidentialité pesant sur les autres prestataires de la société D S LTD, les effets d’une clause de non-concurrence, le seul constat de leur participation commune à des sociétés créées dans le même secteur d’activité ou dans un secteur d’activité voisin, et leur collaboration avec la société I AJ ne suffisent pas à caractériser les éléments plausibles d’une concurrence déloyale, de nature à justifier les mesures très générales ordonnées en application de l’article 145 du code de procédure civile.

Ainsi, la requête de la société D AF était dépourvue de motif légitime et l’ordonnance y ayant fait droit doit être rétractée.

L’ensemble des documents saisis lors des exploits des huissiers instrumentaires, les copies établies et les procès-verbaux dressés à cette occasion seront restitués respectivement aux sociétés A et I AJ, représentées par M AM AN M, d’une part, et à la société Y représentée par B Le C, d’autre part, et à messieurs M et Le C, personnellement, s’agissant des fichiers saisis sur les supports dont ils avaient seuls l’usage ( ordinateurs, téléphones, tablettes etc.), sans qu’il soit nécessaire de fixer une astreinte pour garantir cette restitution.

Les copies numériques des fichiers saisis seront définitivement effacées et les procès-verbaux attestant de cette suppression seront remis aux sociétés A et I AJ, représentées par M AM AN M, d’une part, et à la société Y représentée par B Le C, d’autre part, ainsi qu’à messieurs M et Le C, personnellement, s’agissant des fichiers saisis sur les supports dont ils avaient seuls l’usage.

La rétractation de l’ordonnance sur requête et la restitution aux personnes requises des documents saisis séquestrés emportent interdiction faite aux sociétés D AF et D S LTD d’accéder auxdits documents et d’en faire un usage quelconque, ni de faire état de toute information recueillie à la faveur des opérations de saisie et constat effectuées en exécution de l’ordonnance rétractée, sans qu’il soit nécessaire de fixer une astreinte pour garantir le respect de cette interdiction.

Les restitutions et suppressions ordonnées interviendront dans le délai maximum de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, aux frais des sociétés D AF et D S LTD.

L’examen des autres moyens de rétractation et des demandes subsidiaires de modification de l’ordonnance sur requête est sans objet.

Sur les demandes annexes :

Les sociétés D AF et D S LTD qui succombent sur l’essentiel de leurs prétentions supporteront la charge des dépens de première instance et d’appel, dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l’équité justifie de condamner in solidum les sociétés D AF et D S LTD à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à :

I AJ : 10 000,00 euros

A : 10 000,00 euros

B Le C : 3 000,00 euros

Y : 3 000,00 euros

au titre des frais non compris dans les dépens de l’entière procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit la société D S LTD en son intervention volontaire à hauteur d’appel,

Annule l’ordonnance du 25 mars 2021,

Statuant à nouveau sur l’entier litige, par l’effet dévolutif de l’appel,

Rejette les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société D AF et de la préexistence d’une instance au fond,

Ordonne la rétractation de l’ordonnance sur requête du 6 novembre 2020, pour défaut de motif légitime,

Ordonne la restitution par les huissiers instrumentaires de l’ensemble des documents saisis lors des exploits établis en exécution de l’ordonnance rétractée,

Dit que les copies établies et les procès-verbaux dressés à cette occasion seront restitués respectivement aux sociétés A et I AJ, représentées par AM AN M, d’une part, et à la société Y représentée par B Le C, d’autre part, et à messieurs M et Le C, personnellement, s’agissant des fichiers saisis sur les supports dont ils avaient seuls l’usage ( ordinateurs, téléphones, tablettes etc.),

Dit que les copies numériques des fichiers saisis seront définitivement effacées et que les procès-verbaux attestant de cette suppression seront remis aux sociétés A et I AJ, représentées par AM AN M, d’une part, et à la société Y représentée par B Le C, d’autre part, ainsi qu’à messieurs M et Le C, personnellement, s’agissant des fichiers saisis sur les supports dont ils avaient seuls l’usage.

Rappelle que la rétractation de l’ordonnance sur requête et la restitution aux personnes requises des documents saisis séquestrés emportent interdiction faite aux sociétés D AF et D S LTD d’accéder auxdits documents et d’en faire un usage quelconque, ni de faire état de toute information recueillie à la faveur des opérations de saisie et constat effectuées en exécution de l’ordonnance rétractée,

Rejette les demandes d’astreinte,

Dit que les restitutions et suppressions ordonnées interviendront dans le délai maximum de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt,

Dit que les frais des mesures de restitution et suppression ainsi ordonnées seront supportés par les sociétés D AF et D S LTD,

Déboute les parties du surplus de leurs moyens et prétentions,

Condamne in solidum les sociétés D AF et D S LTD aux dépens de l’entière procédure, dont distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande de ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans recevoir provision,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés D AF et D S LTD à payer à :

I AJ : 10 000,00 euros

A : 10 000,00 euros

B Le C : 3 000,00 euros

Y : 3 000,00 euros,

au titre des frais non compris dans les dépens de l’entière procédure.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur N O, conseiller suite à l’empêchement de Monsieur AC DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame AK X, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,


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