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Un humoriste a fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, à l’issue duquel l’administration fiscale a retenu qu’il exerçait de manière occulte la profession d’artiste humoriste en France. Par suite, elle lui a réclamé, selon la procédure de taxation d’office prévue par le 3° de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à raison de la réalisation de prestations d’artiste et a évalué d’office, sur le fondement du 2° de l’article L. 73 du même livre, les bénéfices non commerciaux tirés de cette activité.
Aux termes de l’article 4 A du code général des impôts : « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ». Aux termes du 1 de l’article 4 B du même code : « 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : (…) b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire (…) ». Aux termes de l’article 4 bis du même code : « Sont également passibles de l’impôt sur le revenu : (…) 2° Les personnes de nationalité française ou étrangère, ayant ou non leur domicile fiscal en France, qui recueillent des bénéfices ou revenus dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ».
L’artiste était bien résident suisse au sens du 1 de l’article 4 de la convention fiscale franco-suisse. Il était également domicilié fiscalement en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts. La juridiction a donc appliqué le premier des critères subsidiaires énoncés au 2 de l’article 4 de la convention fiscale franco-suisse et de déterminer l’Etat où il avait, en 2009, le centre de ses intérêts vitaux, c’est-à-dire celui avec lequel ses relations personnelles étaient les plus étroites.
Aux termes de l’article 1er de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune : « La présente convention s’applique aux personnes qui sont des résidents d’un Etat contractant ou de chacun des deux Etats ». Aux termes de l’article 4 de la même convention : « 1. Au sens de la présente Convention, l’expression » résident d’un Etat contractant « désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d’après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l’Etat contractant où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c’est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites (…) ». La notion de foyer d’habitation permanent retenue par les stipulations du a) du 2. de l’article 4 de la convention doit être définie en fonction principalement d’éléments d’appréciation relatifs à la personne du contribuable.
Par application de l’article 19 de la convention fiscale franco-suisse : « 1. (…) les revenus qu’un résident d’un Etat contractant tire de ses activités personnelles exercées dans l’autre Etat contractant en tant qu’artiste du spectacle, tel qu’un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision, ou qu’un musicien, ou en tant que sportif, sont imposables dans cet autre Etat. (…) ».
Les spectacles de l’artiste, donnés, dans le cadre de son activité, ont eu lieu, pour la grande majorité d’entre eux, en France et il a participé au cours de ces années à plusieurs émissions télévisuelles sur des chaînes françaises. Son activité d’artiste a été regardée comme ayant été exercée en France. Par suite, les revenus qu’il a tirés des prestations scéniques réalisées en France étaient, en application du 1. de l’article 19 de la convention fiscale franco-suisse, imposables dans ce pays. Le requérant n’est ainsi pas fondé à soutenir que l’application de la convention faisait obstacle à son imposition en France en raison des revenus tirés de ses prestations scéniques.
Concernant les droits d’auteur, aux termes de l’article 13 de la convention fiscale franco-suisse : « 1. Les redevances provenant d’un Etat contractant et payées à un résident de l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, les redevances peuvent être imposées dans l’Etat contractant d’où elles proviennent et selon la législation de cet Etat, mais l’impôt ainsi établi ne peut excéder 5 % du montant brut des redevances. 3. Le terme » redevances « employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique (…) 4. Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas lorsque le bénéficiaire effectif des redevances, résident d’un Etat contractant, exerce dans l’autre Etat contractant d’où proviennent les redevances, soit une activité industrielle ou commerciale par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé, soit une profession libérale ou d’autres activités indépendantes de caractère analogue au moyen d’une base fixe qui y est située, et que le droit ou le bien générateur des redevances s’y rattache effectivement. Dans ce cas, les dispositions de l’article 7 ou de l’article 16, suivant les cas, sont applicables ».
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CAA de LYON
2ème chambre
21 janvier 2022
N° 21LY00438, Inédit au recueil Lebon
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E… C… a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2009 ainsi que la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1601047 du 9 mai 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure initiale devant la Cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juillet 2017 et le 8 février 2018, M. C…, représenté par Me François, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge, à titre subsidiaire, la réduction, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le remboursement des frais qu’il a engagés au titre des litiges de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
— dès lors que le service vérificateur avait formellement reconnu sa résidence fiscale en Suisse, la garantie prévue par l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales fait obstacle à ce qu’il soit regardé comme étant domicilié en France ;
– en application de l’article 4 de la convention fiscale franco-suisse, ses revenus sont imposables en Suisse où il dispose d’un foyer d’habitation permanent ;
– il appartenait au service vérificateur de prouver que les sommes créditées sur son compte bancaire correspondaient effectivement à des revenus imposables en France en application de cette convention ; or, les tableaux joints à la proposition de rectification et à la réponse aux observations du contribuable ne permettent pas de distinguer les dépôts des recettes de spectacle des autres dépôts, notamment le chèque de 3 000 euros de M. D… A… qui ne correspond à aucune facture et correspond à un prêt personnel dont le justificatif a été perdu pendant le débat contradictoire ; le montant de ses revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux s’établit à 46 445 euros et non à 77 669 euros ;
– son activité de vente de CD-Rom, à compte d’auteur, constitue une activité commerciale à part entière ; les revenus de cette activité sont imposables en Suisse dès lors qu’il ne dispose pas d’un établissement stable en France ;
– par ailleurs, l’imposition des artistes non-résidents ne relève pas des articles 92 et 197 du code général des impôts mais de l’article 182 A bis de ce code qui prévoit un prélèvement à la source libératoire de l’impôt sur le revenu ;
– lorsque l’artiste n’est pas établi en France, la taxe sur la valeur ajoutée est acquittée par les organisateurs de spectacles sur la vente des billets ; il n’en est donc pas redevable ;
– il exerce son activité de vente de CD depuis la Suisse et n’est pas redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en France ;
– l’application de la pénalité pour activité occulte n’est pas fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2018, le ministre de l’action et des comptes publics conclut à titre principal au rejet de la requête, et, à titre subsidiaire, au maintien de la taxation des profits tirés de la vente de CD, DVD et vidéos dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en lieu et place de celle des bénéfices non commerciaux.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C… ne sont pas fondés.
Par un courrier du 24 octobre 2018, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de substituer d’office aux pénalités prévues par le c du 1. de l’article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d’une activité occulte, les pénalités prévues au b du 1. du même article lorsque la déclaration n’a pas été déposée dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d’avoir à la produire dans ce délai.
M. C… a produit un mémoire, enregistré le 29 octobre 2018, en réponse à ce moyen d’ordre public.
Par un arrêt n° 17LY02599 du 18 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté sa requête.
Procédure devant le Conseil d’Etat
Par une décision n° 429890 du 11 février 2021, le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi présenté par M. C…, a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 18 décembre 2018 et a renvoyé l’affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d’Etat
Par mémoire, enregistré le 16 mars 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, d’une part, au maintien de la taxation des recettes tirées des spectacles dans la catégorie des traitements et salaires et de la taxation des recettes tirées de la vente de CD, DVD et vidéos dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en lieu et place de celle des bénéfices non commerciaux, et d’autre part à la substitution de la majoration de 40 % prévue par le b. du 1. de l’article 1728 du code général des impôts à celle de 80 % pour activité occulte prévue par le c. du 1. de ce même article.
Il soutient que :
— dans l’hypothèse où la cour, tirant les conséquences de la décision du Conseil d’Etat, estimerait que les recettes tirées par M. C… des spectacles et de la vente de CD, DVD et vidéos ne peuvent être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, elle est en droit de demander une substitution de base légale ; s’agissant des revenus tirés des spectacles, leur imposition doit être maintenue dans la catégorie des traitements et salaires en application de l’article 79 du code général des impôts ; s’agissant des revenus tirés de la vente de CD, DVD et vidéos, leur imposition doit être maintenue dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l’article 34 du même code ;
– dans l’hypothèse où la cour estimerait que la majoration de 80 % pour activité occulte ne peut s’appliquer, il y a lieu d’y substituer celle de 40 % prévue par le b. du 1. de l’article 1728 du code général des impôts dès lors que l’appelant n’a été privé d’aucune garantie de procédure prévue par la loi et que cette pénalité est applicable pour les mêmes faits que ceux ayant motivé la majoration de 80 %.
Par un mémoire, enregistré le 28 avril 2021, M. C…, représenté par Me Delemontex, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mai 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2009 et la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
— la preuve de l’existence et de la nécessité d’une base fixe en France, génératrice de bénéfices non commerciaux, n’a jamais été apportée de sorte que les revenus qu’il tire de ses prestations scéniques ne peuvent être imposés en France en tant que bénéfices non commerciaux ; en tout état de cause, la rémunération d’un artiste indépendant se produisant sur scène est présumée être constitutive de salaires par le droit du travail français ; étant résident fiscal suisse, l’imposition de ses revenus dans la catégorie des traitements et salaires devra répondre aux modalités prévues pour les non-résidents par l’article 197 A du code général des impôts ainsi que par l’article 197 B du même code auquel renvoie l’article 182 A bis ; la retenue à la source, prévue par l’article 182 A bis du code général des impôts, si elle a été pratiquée, aurait dû être imputée sur les impositions mises à sa charge ; il devrait pouvoir prétendre, pour la troisième tranche, imposable au taux progressif, à la déduction de frais réels conformément à la loi fiscale et à la doctrine administrative conformément aux dispositions du 3° de l’article 83, de l’article 84 A et de l’article 100 bis du code général des impôts ; à titre subsidiaire, un pourcentage de déduction de 20 % devrait lui être accordé pour déterminer les salaires nets de la troisième tranche ;
– à titre subsidiaire, la substitution de base légale demandée par le ministre n’est pas possible dès lors, d’une part, qu’il est impossible d’identifier la part des droits d’auteur au sein du redressement dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, d’autre part, la retenue à la source, éventuellement pratiquée par les organisateurs de spectacles, n’a pu ni ne pourra être imputée sur ses salaires si ses revenus de prestations scéniques sont ainsi qualifiés dès lors que le centre des impôts des non-résidents n’a pas été consulté et enfin, qu’il n’a pas pu faire valoir de déduction de frais réels sur ces salaires ;
– les recettes tirées de la vente de cassettes, qui relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, ne peuvent, en application de la convention fiscale franco-suisse, être imposées en France en l’absence d’un établissement stable ; la substitution de base légale le priverait de garanties, en particulier la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ;
– les droits d’auteur, qui n’ont au demeurant pas le caractère de salaires, sont imposables dans le pays de résidence, sous la réserve d’une retenue à la source, libératoire de l’impôt sur le revenu et limitée par la convention fiscale franco-suisse à 5 % ;
– la taxe sur la valeur ajoutée n’a aucune raison d’être s’agissant non seulement des revenus imposables dans la catégorie des traitements et salaires mais aussi des ventes accessoires de cassettes et des droits d’auteur, imposables en Suisse ; l’avis de mise en recouvrement a en outre été émis sous le nom de « B… » et il ne l’a pas reçu ;
– la majoration de 80 % n’est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la convention du 9 septembre 1966 modifiée, conclue entre la France et la Suisse en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code du travail ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Lesieux, première conseillère,
– les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,
– et les observations de Me Delemontex, représentant M. C… ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C… a fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre de l’année 2009, à l’issue duquel l’administration fiscale a retenu qu’il exerçait de manière occulte la profession d’artiste humoriste en France. Par suite, elle lui a réclamé, selon la procédure de taxation d’office prévue par le 3° de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à raison de la réalisation de prestations d’artiste et a évalué d’office, sur le fondement du 2° de l’article L. 73 du même livre, les bénéfices non commerciaux tirés de cette activité. Ces redressements ont été assortis de la majoration de 80 % pour activité occulte prévue par le c. du 1. de l’article 1728 du code général des impôts. Par un arrêt du 18 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel de M. C… contre le jugement du 9 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de l’année 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009 ainsi que des pénalités correspondantes. Par une décision du 11 février 2021, le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi de M. C…, a annulé cet arrêt et a renvoyé l’affaire à la cour administrative d’appel de Lyon pour qu’elle y statue de nouveau.
Sur les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu :
En ce qui concerne l’imposition en France :
2. Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition. Par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient toutefois ensuite, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office, si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale.
3. Aux termes de l’article 4 A du code général des impôts : « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ». Aux termes du 1 de l’article 4 B du même code : « 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : (…) b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire (…) ». Aux termes de l’article 4 bis du même code : « Sont également passibles de l’impôt sur le revenu : (…) 2° Les personnes de nationalité française ou étrangère, ayant ou non leur domicile fiscal en France, qui recueillent des bénéfices ou revenus dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ».
4. M. C… ne conteste pas qu’il exerce une activité d’artiste humoriste en France dont il n’est pas justifié qu’elle serait exercée à titre accessoire. Il s’en déduit qu’il doit être regardé comme ayant eu, au titre de l’année 2009, son domicile fiscal en France au sens de la loi française.
5. Aux termes de l’article 1er de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune : « La présente convention s’applique aux personnes qui sont des résidents d’un Etat contractant ou de chacun des deux Etats ». Aux termes de l’article 4 de la même convention : « 1. Au sens de la présente Convention, l’expression » résident d’un Etat contractant « désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d’après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l’Etat contractant où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c’est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites (…) ». La notion de foyer d’habitation permanent retenue par les stipulations du a) du 2. de l’article 4 de la convention doit être définie en fonction principalement d’éléments d’appréciation relatifs à la personne du contribuable.
6. Il résulte de l’instruction, en particulier de l’attestation établie le 10 novembre 2015 par l’administration fiscale cantonale du canton de Genève que M. C…, a été inscrit au rôle des contribuables et assujetti de manière illimitée aux impôts cantonal, communal et fédéral direct dans le canton de Genève depuis le 23 mai 2005 et qu’étant ainsi assujetti à l’impôt en Suisse en raison de son domicile, il doit être regardé comme résident suisse au sens des stipulations précitées du 1 de l’article 4 de la convention fiscale franco-suisse. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, M. C… était également domicilié fiscalement en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts. Il convient dès lors d’appliquer à son cas le premier des critères subsidiaires énoncés au 2 de l’article 4 de la convention fiscale franco-suisse et de déterminer l’Etat où il avait, en 2009, le centre de ses intérêts vitaux, c’est-à-dire celui avec lequel ses relations personnelles étaient les plus étroites.
7. Il résulte de l’instruction qu’au cours de l’année 2009, M. C…, qui soutient sans être contredit être titulaire de la double nationalité française et suisse, disposait d’une adresse personnelle en Suisse où il hébergeait son fils, étudiant à la faculté des sciences de l’université de Genève. L’intéressé produit également une attestation de sa compagne de nationalité suisse certifiant qu’entre 2007 et 2011, le couple résidait à la fois dans l’appartement de cette dernière à Nyon avec ses trois enfants et dans celui de M. C… à Genève puis à Carouge. Il ne résulte pas de l’instruction que M. C…, s’il disposait d’une adresse à Thonon-les-Bains, ait eu des attaches familiales ou des relations personnelles étroites en France. Il doit ainsi être regardé comme ayant eu le centre de ses intérêts vitaux en Suisse au cours de l’année en litige. Par suite, en vertu de l’article 4 bis du code général des impôts, l’intéressé n’est passible de l’impôt sur le revenu en France qu’à raison des revenus dont l’imposition est attribuée à la France par la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales modifiée.
S’agissant des revenus tirés des spectacles :
8. Aux termes de l’article 19 de la convention fiscale franco-suisse : « 1. (…) les revenus qu’un résident d’un Etat contractant tire de ses activités personnelles exercées dans l’autre Etat contractant en tant qu’artiste du spectacle, tel qu’un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision, ou qu’un musicien, ou en tant que sportif, sont imposables dans cet autre Etat. (…) ».
9. Il résulte de l’instruction que les spectacles que M. C… a donnés, dans le cadre de son activité d’artiste, au titre de l’année en litige, ont eu lieu, pour la grande majorité d’entre eux, en France et qu’il a participé au cours de ces années à plusieurs émissions télévisuelles sur des chaînes françaises. Son activité d’artiste doit ainsi être regardée comme ayant été exercée en France. Par suite, les revenus qu’il a tirés des prestations scéniques réalisées en France étaient, en application du 1. de l’article 19 de la convention fiscale franco-suisse, imposables dans ce pays. Le requérant n’est ainsi pas fondé à soutenir que l’application de la convention faisait obstacle à son imposition en France en raison des revenus tirés de ses prestations scéniques.
S’agissant des recettes tirées de la vente de CD, DVD et vidéos :
10. Aux termes de l’article 16 de la convention fiscale franco-suisse : « 1. Les revenus qu’un résident d’un Etat contractant tire d’une profession libérale ou d’autres activités indépendantes de caractère analogue ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l’autre Etat contractant d’une base fixe pour l’exercice de ses activités. S’il dispose d’une telle base, les revenus sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à ladite base fixe. 2. L’expression » professions libérales « comprend, en particulier, les activités indépendantes d’ordre scientifique, littéraire, artistique, éducatif ou pédagogique, ainsi que les activités indépendantes des médecins, avocats, ingénieurs, architectes, dentistes et comptables ».
11. Il résulte de l’instruction, en particulier de la proposition de rectification du 8 juillet 2011, que l’administration fiscale a reconstitué les revenus tirés de l’activité d’humoriste de M. C…, en y incluant, pour un montant de 6 737 euros hors taxe, ceux tirés de son activité accessoire de vente de CD, DVD et vidéos de ses spectacles, qu’il édite à compte d’auteur pour les revendre à des distributeurs spécialisés et à des particuliers qui soit les commandent sur son site Internet, soit les achètent à l’occasion de ses spectacles. Pour établir l’existence d’une base fixe en France pour l’exercice de cette activité, l’administration fiscale s’est bornée à constater que M. C… vend ces enregistrements audio et vidéo via une messagerie Internet d’un opérateur français et que la consultation de base WHOIS, qui donne les éléments d’identification de son site Internet, fait apparaître une adresse du site à Thonon-les-Bains. Ces éléments, qui ne permettent pas de démontrer la réalité de l’exercice en France de l’activité de production et de vente des biens en cause, sont insuffisants à établir l’existence en France d’une base fixe, au sens de l’article 16 de la convention fiscale franco-suisse précité, pour l’exercice de l’activité par M. C… de vente de CD, DVD et vidéos de ses spectacles. Par suite, l’appelant est fondé à soutenir que l’application de la convention fiscale franco-suisse faisait obstacle à l’imposition de ces revenus en France et à demander la décharge de l’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l’année 2009 à raison de l’imposition des recettes tirées de la vente des enregistrements audio et vidéo ainsi que des pénalités correspondantes.
S’agissant des droits d’auteur :
12. Aux termes de l’article 13 de la convention fiscale franco-suisse : « 1. Les redevances provenant d’un Etat contractant et payées à un résident de l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, les redevances peuvent être imposées dans l’Etat contractant d’où elles proviennent et selon la législation de cet Etat, mais l’impôt ainsi établi ne peut excéder 5 % du montant brut des redevances. 3. Le terme » redevances « employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique (…) 4. Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas lorsque le bénéficiaire effectif des redevances, résident d’un Etat contractant, exerce dans l’autre Etat contractant d’où proviennent les redevances, soit une activité industrielle ou commerciale par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé, soit une profession libérale ou d’autres activités indépendantes de caractère analogue au moyen d’une base fixe qui y est située, et que le droit ou le bien générateur des redevances s’y rattache effectivement. Dans ce cas, les dispositions de l’article 7 ou de l’article 16, suivant les cas, sont applicables ».
13. Il résulte de l’instruction qu’au cours de l’examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle dont M. C… a fait l’objet au titre de l’année 2009, le vérificateur a relevé un virement sur son compte bancaire d’un montant de 427 euros correspondant au versement par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) de droits d’auteur, qu’il a inclus dans les recettes que l’intéressé tire de son activité d’humoriste. Il résulte toutefois des stipulations de l’article 13 précitées que, dès lors qu’il n’est pas établi que le requérant exploiterait une base fixe ou un établissement stable en France, l’impôt ainsi établi ne peut excéder 5 % du montant brut de ces redevances. M. C… établit, par la production d’un relevé de droits d’auteur émis par la SACEM le 5 octobre 2009, que des retenues à la source, au taux de 33,13 %, ont déjà été prélevées sur les redevances versées par cette société au titre de l’année 2009, pour un montant total de 112 euros. Il est par suite fondé à demander, sur le fondement de l’article 13 de la convention franco-suisse qui limite à 5 % de leur montant brut l’imposition des droits d’auteur, la décharge de l’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l’année 2009 à raison de l’imposition de ses droits d’auteur, ainsi que des pénalités correspondantes.
En ce qui concerne le bien-fondé de l’imposition des revenus imposables en France :
14. Aux termes de l’article L. 762-1 du code du travail, en vigueur avant le 1er mai 2008 et codifiées depuis lors aux articles L. 7121-2, L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail : « Tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu’il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu’il participe personnellement au spectacle. Sont considérés comme artistes du spectacle, notamment (…) le chansonnier (…) ». Aux termes de l’article 79 du code général des impôts : « Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l’impôt sur le revenu ». Aux termes du 1. de l’article 92 du même code : « Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».
15. Il résulte de l’instruction que M. C… s’est produit sur scène, en France, au titre de l’année en litige, à la demande de divers organisateurs de spectacles. Aucune pièce du dossier ne permet d’estimer que ces prestations étaient exercées dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Dans ces conditions, les sommes reçues à raison de ces prestations artistiques, qui, dans une telle hypothèse, sont présumées, en application de l’article L. 761-2 du code du travail, constituer un salaire d’artiste du spectacle, étaient imposables dans la catégorie des traitements et salaires de M. C…. Par suite, c’est à tort que l’administration les a imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l’article 92 du code général des impôts.
16. L’administration est toutefois en droit à tout moment de la procédure contentieuse de demander, pour justifier le bien-fondé d’une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d’imposition.
17. Le ministre demande à la cour de maintenir l’imposition des sommes en cause, évaluées à 80 928 euros au titre de l’année 2009, dans la catégorie des traitements et salaires.
18. Il résulte de l’instruction que M. C…, dont les revenus tirés de son activité artistique ont été évalués d’office sur le fondement du 2° de l’article L. 73 du livre des procédures fiscales, n’est pas fondé à soutenir que la substitution de base légale demandée par le ministre le prive de la possibilité de saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires dès lors que la nouvelle base légale invoquée ne relève pas de la compétence de cette commission telle qu’elle est définie à l’article L. 59 A du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, le requérant, qui est en droit de bénéficier de la déduction forfaitaire de 10 % de ses revenus, prévue par le 3° de l’article 83 du code général des impôts, ne peut utilement soutenir qu’il a été empêché de justifier de frais réels à déduire du montant de ses revenus, dès lors qu’il est en mesure de faire valoir ces éléments devant la cour s’il s’y croit fondé. Il ne peut pas non plus utilement soutenir que le centre des impôts des non-résidents n’a pas été consulté, une telle consultation ne constituant pas une garantie du contribuable. Il en résulte que la substitution de base légale demandée par le ministre ne prive M. C… d’aucune des garanties de procédure prévues par la loi.
19. Aux termes de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales : « Dans tous les cas où une imposition a été établie d’office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l’imposition ». En vertu de ces dispositions, il appartient à M. C… d’apporter la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.
20. En premier lieu, M. C… soutient qu’il lui est impossible d’identifier la part de ses droits d’auteur au sein du redressement initialement opéré dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et ce alors que le montant de ces mêmes droits d’auteurs ne peut être intégré à ses salaires pour la détermination de la base imposable dans la catégorie des traitements et salaires. Il résulte de l’instruction, en particulier de l’annexe 1 à la proposition de rectification du 8 juillet 2011, que pour déterminer le revenu imposable de M. C…, qui n’a souscrit aucune déclaration, l’administration s’est fondée sur les crédits figurant sur ses comptes bancaires, au sein desquels elle a distingué les recettes tirées de ses spectacles auxquelles elle a appliqué un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 %, et dont elle a extourné, d’une part, les recettes issues des ventes de CD, DVD et vidéos, auxquelles elle a appliqué un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % et, d’autre part, les sommes constitutives de prêts personnels et les droits d’auteurs reversés par la SACEM pour un montant clairement identifié de 427,41 euros. L’administration a ainsi évalué à la somme de 89 920 euros les revenus tirés par M. C… de ses seules prestations scéniques à laquelle il a appliqué la déduction forfaitaire de 10 % prévue par le 3° de l’article 83 du code général des impôts. M. C… n’apporte à la cour aucune précision ni aucun justificatif de nature à établir que le montant ainsi retenu par le ministre serait erroné.
21. En deuxième lieu, M. C… soutient que la somme de 3 000 euros créditée sur son compte bancaire le 15 mai 2009 ne correspond pas à une recette tirée d’un de ses spectacles mais à un prêt personnel consenti par M. D… A…. Toutefois, en se bornant à soutenir que les pièces justificatives ont été perdues et en produisant une simple attestation signée de M. A…, au demeurant non datée et non accompagnée de la pièce d’identité de l’intéressé, M. C… n’établit pas que cette somme ne devrait pas être retenue pour la détermination de la base imposable. Par ailleurs, si M. C… soutient que les recettes réelles qu’il a tirées de ses spectacles organisés en France en 2009 s’élèvent à 47 445 euros ainsi qu’il résulte de la déclaration n° 2035 établie le 30 juillet 2013 par la fiduciaire Abacompte, cette déclaration n’est assortie d’aucune pièce justificative et n’est pas suffisante à elle seule pour remettre en cause l’évaluation de ses revenus opérée par l’administration à partir des comptes bancaires de l’intéressé.
22. En troisième lieu, les dispositions de l’article 182 A bis du code général des impôts, applicables aux sommes versées à compter du 1er janvier 2009, prévoient des modalités particulières d’établissement et de recouvrement par voie de retenue à la source pour « les sommes payées, y compris les salaires, en contrepartie de prestations artistiques fournies ou utilisées en France par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes (…) relevant de l’impôt sur le revenu (…) qui n’ont pas dans ce pays d’installation professionnelle permanente ». Le IV de cet article renvoie, s’agissant du calcul de l’impôt dû par les personnes qui, n’ayant pas leur domicile fiscal en France, perçoivent des revenus de source française, aux dispositions de l’article 197 A du même code. Le V de cet article renvoie, s’agissant du calcul de l’impôt dû par les non-résidents de nationalité française à raison des traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française, aux dispositions de l’article 197 B du même code.
23. M. C… soutient qu’en vertu de ces dispositions, la retenue à la source « éventuellement pratiquée par les divers et nombreux organisateurs occasionnels » de ses spectacles doit s’imputer sur l’impôt sur le revenu dû à raison des salaires qu’il a perçus au titre de l’année 2009. Toutefois, l’intéressé ne peut bénéficier de l’imputation d’une retenue à la source qu’à la condition que cette dernière ait été effectivement opérée sur les sommes dont s’agit, par le débiteur de ces dernières et qu’elle ait été versée au centre des impôts. En l’espèce, M. C… n’apporte à la cour aucune pièce de nature à établir que de telles retenues à la source auraient été opérées sur les sommes versées par les organisateurs de ses spectacles en France.
24. En quatrième lieu, aux termes de l’article 83 du code général des impôts : « Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (…) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi lorsqu’ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut (…) elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (…) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels (…) ».
25. M. C… soutient qu’il conviendrait de distraire de ses revenus imposables, non pas la déduction forfaire prévue par le 3° de l’article 83 du code général des impôts, comme l’a retenue l’administration, mais le montant des frais professionnels qu’il a réellement exposés. Toutefois, la faculté ouverte aux contribuables de substituer à la déduction forfaitaire des frais professionnels la déduction du montant réel de ces frais est subordonnée à la condition que le montant de ces frais soit justifié par les intéressés. M. C… n’apporte à l’appui de sa demande aucun document relatif aux dépenses occasionnées par l’exercice de son activité professionnelle. Par ailleurs, si le vérificateur avait, pour le calcul des bénéfices non commerciaux résultant de son activité professionnelle, pris en compte, en l’absence de justification, un taux forfaitaire de 20 % de dépenses imputables sur les recettes hors taxe, M. C… ne peut pas prétendre, à titre subsidiaire et gracieux, à ce que le taux de la déduction forfaitaire des frais professionnels, fixé par le 3° de l’article 83 du code général des impôts, soit porté de 10 % à 20 %.
26. En cinquième lieu, aux termes l’article 100 bis du code général des impôts : ” I – Les bénéfices imposables provenant de la production littéraire, scientifique ou artistique de même que ceux provenant de la pratique d’un sport peuvent, à la demande des contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée, être déterminés en retranchant, de la moyenne des recettes de l’année de l’imposition et des deux années précédentes, la moyenne des dépenses de ces mêmes années. Les contribuables qui adoptent ce mode d’évaluation pour une année quelconque sont obligatoirement soumis au régime de la déclaration contrôlée en ce qui concerne les bénéfices provenant de leur production littéraire, scientifique ou artistique ou ceux provenant de la pratique d’un sport. L’option reste valable tant qu’elle n’a pas été expressément révoquée ; en cas de révocation, les dispositions du premier alinéa continuent toutefois de produire leurs effets pour les bénéfices réalisés au cours des années couvertes par l’option. II – A compter de l’imposition des revenus de 1982, les contribuables peuvent également demander qu’il soit tenu compte de la moyenne des recettes et des dépenses de l’année d’imposition et des quatre années précédentes. Les contribuables qui adoptent cette période de référence ne peuvent revenir sur leur option pour les années suivantes. « Aux termes de l’article 84 A du même code : » Les dispositions prévues par l’article 100 bis du code général des impôts sont applicables, sous les mêmes conditions, pour la détermination des salaires imposables des artistes du spectacle, titulaires d’un contrat entrant dans les prévisions de l’article L. 762-1 du code du travail et des salaires imposables des sportifs perçus au titre de la pratique d’un sport “.
27. M. C…, qui n’a pas exercé l’option prévue par les dispositions combinées des articles 84 A et 100 bis pour l’évaluation des revenus qu’il a perçus à raison de sa profession d’artiste humoriste au titre de l’année 2009, ne justifie, en tout état de cause, pas des recettes perçues les années précédentes ni des frais réels engagés au titre de l’année d’imposition en litige et des années antérieures. Il ne justifie donc pas du calcul de la moyenne des salaires imposables prévue aux articles 84 A et 100 bis du code général des impôts et ne peut dès lors prétendre au bénéfice de ces dispositions.
28. En dernier lieu, M. C… demande à pouvoir bénéficier, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation de base référencée DB 5 F 2544, reprise sous la référence BOI-RSA-BASE-30-50-30-30, en ce qu’elle prévoit la possibilité pour les professions artistiques de déduire certains frais spécifiques de leurs revenus. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que M. C… aurait engagé des frais dont il pourrait obtenir la déduction de ses revenus en application de cette doctrine administrative.
Sur les contributions sociales :
29. M. C… ne soulève, en appel, aucun moyen à l’appui de ses conclusions à fin de décharge de rappels de contributions sociales, qui au demeurant n’ont pas été mis à sa charge au titre de l’année 2009.
Sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée :
30. Aux termes de l’article L. 256 du livre des procédures fiscales : « Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n’a pas été effectué à la date d’exigibilité (…) ». Aux termes de l’article R. 256-6 de ce livre : « La notification de l’avis de mise en recouvrement comporte l’envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l’adresse qu’il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l’ » ampliation ” prévue à l’article R. * 256-3. Au cas où la lettre recommandée ne pourrait, pour quelque cause que ce soit, être remise au redevable destinataire ou à son fondé de pouvoir, il doit être demandé à la Poste de renvoyer au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects expéditeur, le pli non distribué annoté : a) D’une part, de la date de sa première présentation à l’adresse indiquée à la souscription ou, s’il y a lieu, à la nouvelle adresse connue de La Poste ; b) D’autre part, du motif de sa non-délivrance. Dans cette éventualité, l’« ampliation » renvoyée reste déposée au service compétent de la direction générale des finances publiques ou à la recette des douanes et droits indirects chargé du recouvrement où il peut en être délivré copie, à tout moment et sans frais, au redevable lui-même ou à son fondé de pouvoir (…) « . Aux termes de l’article R. 256-7 du même livre : » L’avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié : a) Dans le cas où l’« ampliation » a été effectivement remise par les services postaux au redevable ou à son fondé de pouvoir, le jour même de cette remise ; b) Lorsque la lettre recommandée n’a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation “.
31. L’avis de mise en recouvrement, titre exécutoire authentifiant la créance de l’administration qui, d’une part, interrompt la prescription de l’action en répétition et d’autre part, ouvre le délai de prescription de l’action en recouvrement pour les sommes qui sont énoncées sur ce titre, ne produit ces effets qu’à compter de la date à laquelle il a été régulièrement notifié au contribuable concerné. Les modalités de notification des avis de mise en recouvrement, prévues par les dispositions précitées, constituent une garantie pour le contribuable.
32. M. C… soutient qu’il n’a pas été destinataire du pli contenant l’avis de mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009. L’administration fiscale, dans sa réponse à la réclamation de l’intéressé du 6 juin 2015, indiquait que l’avis correspondant à ces rappels lui avait été adressé le 19 décembre 2014 à sa dernière adresse connue en Suisse et que le pli contenant cet avis avait été retourné à l’administration par les services postaux suisses avec la mention « a déménagé – délai de réexpédition écoulé ». Le ministre n’apporte toutefois à l’instance aucun élément de preuve de la notification de l’ampliation de l’avis de mise en recouvrement dans les conditions fixées par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, M. C… est fondé à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l’année 2009 et des pénalités correspondantes.
Sur la majoration pour activité occulte :
33. Aux termes de l’article 1728 du code général des impôts : ” 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d’une déclaration ou d’un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt entraîne l’application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l’acte déposé tardivement, d’une majoration de : (…) b. 40 % lorsque la déclaration ou l’acte n’a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d’avoir à le produire dans ce délai ; c. 80 % en cas de découverte d’une activité occulte “.
34. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi dont elles sont issues, que, dans le cas où un contribuable n’a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l’administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe de l’exercice occulte de l’activité professionnelle, si le contribuable n’est pas lui-même en mesure d’établir qu’il a commis une erreur justifiant qu’il ne se soit acquitté d’aucune de ses obligations déclaratives.
35. Il résulte de l’instruction et en particulier de la proposition de rectification du 8 juillet 2011, que pour infliger à M. C… la pénalité de 80 % prévue par le c. du 1. de l’article 1728 du code général des impôts, l’administration fiscale a considéré que l’intéressé n’avait pas déclaré son activité d’artiste-humoriste au service des impôts de Thonon-les-Bains ou à un centre de formalité des entreprises et qu’il avait sciemment organisé une fraude pour éluder les impôts français en domiciliant cette activité professionnelle en Suisse dans une fiduciaire comptable alors qu’il gérait celle-ci depuis la France. Toutefois, l’activité de spectacles à laquelle s’est livré M. C… au cours de l’année 2009, et dont les revenus sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, ne devait donner lieu à aucune déclaration auprès du centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Il s’en déduit que cette activité ne peut être qualifiée d’« activité occulte » au sens des dispositions précitées du c. de l’article 1728 du code général des impôts. C’est par suite à tort que l’administration a fait application, sur le montant des droits mis à la charge de M. C… au titre de son activité de spectacles, de la majoration de 80 % prévue par ces dispositions.
36. L’administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d’une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c’est toutefois à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d’aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l’administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu’elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.
37. Le ministre demande à la cour de substituer à la majoration de 80 % prévue par le c. du 1. de l’article 1728 du code général des impôts, celle de 40 % prévue par le b. du 1. de ce même article. Toutefois, l’administration n’a pas, dans la proposition de rectification du 8 juillet 2011, motivé l’application de la majoration par une absence de déclaration dans le délai de trente jours suivant la réception par M. C… d’une mise en demeure. Par suite, le ministre n’est pas fondé à demander cette substitution de base légale.
38. Il résulte de tout ce qui précède que M. C… est fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge, d’une part, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2009 à raison des recettes tirées de la vente de CD, DVD et vidéos et de ses droits d’auteur, ainsi que des pénalités y afférentes, d’autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 ainsi que des pénalités y afférentes, et enfin, de la majoration de 80 % mise à sa charge sur le fondement du c. du 1. de l’article 1728 du code général des impôts dont l’administration a fait application sur le montant des droits mis à sa charge au titre de son activité de spectacles.
Sur les frais liés au litige :
39. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C… et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : M. C… est déchargé, d’une part, des compléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de l’année 2009 à raison de l’imposition des recettes tirées de la vente de CD, DVD et vidéos et de ses droits d’auteur ainsi que des pénalités correspondantes, d’autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009 ainsi que des pénalités correspondantes, et enfin, de la majoration de 80 % mise à sa charge sur le fondement du c. du 1. de l’article 1728 du code général des impôts appliquée aux droits assignés au titre de son activité de spectacle.
Article 2 : Le jugement n° 1601047 du tribunal administratif de Grenoble du 9 mai 2017 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L’Etat versera à M. C… la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E… C… et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l’audience du 2 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2022.