Départ du collaborateur créatif : attention aux références commerciales

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Départ du collaborateur créatif : attention aux références commerciales

Attention à toujours encadrer contractuellement la cession des droits d’exploitation des œuvres graphiques des salariés et collaborateurs (associés), tels que les brochures, la création de logos, les brochures et les annonces presse, plaquettes, cartes de vœux et autres.

En l’espèce un collaborateur a obtenu la condamnation de la société pour laquelle il travaillait (Com’plus), en raison du préjudice subi du fait de la reproduction de la représentation de ses œuvre, sans autorisation, sur divers supports en ce compris Internet depuis son départ de l’agence.

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R É P U B L I Q U E  F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION

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Audience publique du 2 décembre 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1120 F-D

Pourvoi n° R 19-15.017

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2021

La société Com’plus, société anonyme de droit monégasque, dont le siège est [Adresse 2] (Principauté de Monaco), a formé le pourvoi n° R 19-15.017 contre deux arrêts rendus les 18 octobre 2018 et 31 janvier 2019 par la cour d’appel de Nîmes (1re chambre), dans le litige l’opposant à M. [S] [K], domicilié [Adresse 1] (Belgique), défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Com’plus, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [K], après débats en l’audience publique du 13 octobre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués ([Localité 11], 18 octobre 2018 et 31 janvier 2019), dans un litige en contrefaçon de droit d’auteur opposant M. [K] à la société Com’plus (la société), un arrêt du 18 octobre 2018 a condamné cette dernière à payer au premier, en deniers ou quittances valables, la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur.

2. M. [K] a déposé une requête en rectification d’erreur matérielle, sollicitant la rectification de l’arrêt en ce qu’il a, dans ses motifs, fixé le montant du préjudice patrimonial à la somme de 50 000 euros, au lieu de la somme de 80 000 euros indiquée dans le dispositif, la société demandant, à l’inverse, que le dispositif soit rectifié et qu’il mentionne la somme de 50 000 euros.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, dirigé contre l’arrêt du 31 janvier 2019, pris en sa seconde branche

3. La société fait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes le 31 janvier 2019 de dire n’y avoir lieu à rectification de l’arrêt de la même cour d’appel du 18 octobre 2018 en ce qu’il porte sa condamnation à payer à M. [K] en deniers ou quittances valables, la somme de « 80.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur » et de rectifier, en conséquence, les motifs de cet arrêt du 18 octobre 2018, en page 8, en substituant la somme de « 80.000 euros » à celle de « 50.000 euros » alors, « que le juge ne peut, sous couvert de rectifier une erreur matérielle, violer les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ; qu’en application de ce texte, tout jugement doit être motivé et les motifs dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu’en retenant en l’espèce qu’afin de ne pas modifier les droits et obligations des parties, il n’y avait pas lieu à rectification du dispositif de l’arrêt du 18 octobre 2018 condamnant la société Com’plus à payer à M. [K] la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial mais de rectifier les motifs de cette décision fixant ce préjudice à 50 000 euros, tout en constatant que les éléments relevés par l’arrêt du 18 octobre 2018 pour fixer ce préjudice « ne sont pas suffisamment précis et détaillés en leurs montants respectifs pour fixer le montant réparateur global, avec certitude à 50.000 euros ou à 80.000 euros », la cour d’appel qui, sous couvert d’une rectification d’erreur matérielle, a ainsi fixé le préjudice patrimonial de M. [K] sur une base incertaine et dubitative, a violé ensemble les articles 455 et 462 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

5. Pour rectifier l’arrêt du 18 octobre 2018, après avoir constaté que les éléments relevés par celui-ci pour fixer ce préjudice ne sont pas suffisamment précis et détaillés en leurs montants respectifs pour fixer le montant réparateur global, avec certitude, à 50 000 euros ou à 80 000 euros, l’arrêt relève qu’afin de ne pas modifier les droits et obligations des parties, il n’y a pas lieu à rectification du dispositif de l’arrêt du 18 octobre 2018 condamnant la société à payer à M. [K] la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial mais qu’il convient de rectifier les motifs de cette décision fixant ce préjudice à 50 000 euros pour les mettre en adéquation avec le dispositif.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs dubitatifs, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le second moyen, dirigé contre l’arrêt du 18 octobre 2018

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes le 18 octobre 2018 de réformer le jugement déféré sur la réparation des préjudices patrimonial et moral d’auteur de M. [K] et, statuant à nouveau, de la condamner à payer à M. [K], en deniers ou quittances valables, les sommes de 80 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur et de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral d’auteur et de la condamner à payer à M. [K] la somme complémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, alors « qu’à la suite de la cassation de l’arrêt rectificatif du 31 janvier 2019 qui sera prononcée sur le premier moyen, l’arrêt attaqué rendu le 18 octobre 2018 devra se lire comme fixant dans ses motifs le montant du préjudice patrimonial de M. [K] à la somme de 50 000 euros ; qu’en condamnant néanmoins, dans son dispositif, la société Com’plus à payer à M. [K] la somme de 80 000 euros en réparation du même préjudice patrimonial, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction entre ses motifs et son dispositif, en violation de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

9. Pour condamner la société à payer à M. [K], en deniers ou quittances valables, la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur, l’arrêt retient, qu’au vu des éléments analysés dans l’arrêt et des facturations établies par M. [K] en son nom personnel sous son enseigne « Traces design », il convient de fixer le montant de son préjudice patrimonial à la somme de 50 000 euros.

10. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est contredite, n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit n’y avoir lieu à rectification du dispositif de l’arrêt en ce qu’il porte condamnation de la SA Com’plus à payer à M. [S] [K] en deniers ou quittances valables, la somme de « 80 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur » et rectifie en conséquence les motifs de l’arrêt en page 8 en substituant la somme de « 80 000 euros » à celle de « 50 000 euros », l’arrêt rendu le 31 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Com’plus à payer à M. [S] [K] en deniers ou quittances valables la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur, l’arrêt rendu le 18 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Com’plus

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué rendu par la cour d’appel de Nîmes le 31 janvier 2019 d’avoir dit n’y avoir lieu à rectification de l’arrêt de la même cour d’appel du 18 octobre 2018 en ce qu’il porte condamnation de la SA Com’plus à payer à M. [S] [K] en deniers et quittances valables, la somme de « 80.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur » et d’avoir rectifié en conséquence les motifs de cet arrêt du 18 octobre 2018 en page 8 en substituant la somme de « 80.000 euros » à celle de « 50.000 euros » ;

AUX MOTIFS QU’ « il est constant que en page 8, dans les motifs de son arrêt, la cour a fixé « le montant du préjudice patrimonial de M. [S] [K] à la somme de 50.000 euros » alors que dans le dispositif elle a condamné la SA Com’plus à payer à M. [S] [K] en deniers et quittances valables, la somme de « 80.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur ». Il existe donc une différence notable – 30 000 € – entre le montant des dommages et intérêts réparateurs du préjudice patrimonial fixés dans les motifs et celui porté dans le dispositif de l’arrêt. Si la cour énonce un ensemble d’éléments qui lui ont permis de fixer le montant du préjudice, ceux-ci ne sont pas suffisamment précis et détaillés en leurs montants respectifs pour permettre de fixer le montant réparateur global avec certitude à 50 000 € ou à 80 000 €. Dès lors, modifier le dispositif de l’arrêt en réduisant à 50 000 € le montant de la condamnation à paiement au titre du préjudice patrimonial d’auteur de M. [K] au lieu des 80 000 € portés entraînerait une modification importante des droits et obligations des parties. Il n’y a donc pas lieu à rectification du dispositif de la décision. Les motifs de la décision seront mis en adéquation avec le dispositif » ;

1°/ ALORS QUE les erreurs qui affectent un jugement peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ; qu’en l’absence d’éléments permettant de déterminer le montant auquel une décision a entendu fixer l’évacuation d’un préjudice, la contradiction existant à cet égard entre les motifs et le dispositif de cette décision ne constitue pas une erreur matérielle ; qu’en l’espèce, l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes le 18 octobre 2018 a fixé dans ses motifs « le montant du préjudice patrimonial de M. [S] [K] à la somme de 50.000 euros » et a condamné dans son dispositif « la société Com’plus à payer à M. [S] [K] en deniers et quittances valables la somme de 80.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur » ; qu’en retenant qu’il y avait pas lieu à rectification du dispositif de cet arrêt qui entrainerait une modification importante des droits et obligations des parties et que « les motifs de la décision seront mis en adéquation avec le dispositif » après avoir constaté que les éléments énoncés par la cour d’appel « pour fixer le montant du préjudice (?) ne sont pas suffisamment précis et détaillés en leurs montants respectifs pour permettre de fixer le montant réparateur global avec certitude à 50.000 euros ou à 80.000 euros », ce dont il résulte qu’il n’est pas possible de déterminer à quel montant l’arrêt du 18 octobre 2018 a entendu fixer le préjudice patrimonial de M. [K] et que le décalage existant à cet égard entre les motifs et le dispositif de cet arrêt ne constitue donc pas une erreur matérielle, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l’article 462 du code de procédure civile.

2°/ ALORS QUE le juge ne peut, sous couvert de rectifier une erreur matérielle, violer les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ; qu’en application de ce texte, tout jugement doit être motivé et les motifs dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu’en retenant en l’espèce qu’afin de ne pas modifier les droits et obligations des parties, il n’y avait pas lieu à rectification du dispositif de l’arrêt du 18 octobre 2018 condamnant la société Com’plus à payer à M. [K] la somme de 80.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial mais de rectifier les motifs de cette décision fixant ce préjudice à 50.000 euros, tout en constatant que les éléments relevés par l’arrêt du 18 octobre 2018 pour fixer ce préjudice « ne sont pas suffisamment précis et détaillés en leurs montants respectifs pour fixer le montant réparateur global, avec certitude à 50.000 euros ou à 80.000 euros », la cour d’appel qui, sous couvert d’une rectification d’erreur matérielle, a ainsi fixé le préjudice patrimonial de M. [K] sur une base incertaine et dubitative, a violé ensemble les articles 455 et 462 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué rendu par la cour d’appel de Nîmes le 18 octobre 2018 d’avoir réformé le jugement déféré sur la réparation des préjudices patrimonial et moral d’auteur de M. [S] [K] et, statuant à nouveau, d’avoir condamné la SA Com’plus à payer à M. [S] [K] en deniers et quittances valables les sommes de 80 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial d’auteur et de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral d’auteur et d’avoir condamné la SA Com’plus à payer à M. [S] [K] la somme complémentaire de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « le tribunal de Grasse le 8 mars 2011 confirmé en cela par l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 21 mars 2013, définitif de ce chef, a consacré la violation des droits d’auteur de M. [S] [K] par la société Com’plus en reproduisant ses oeuvres notamment par Internet et le principe de la réparation intégrale du préjudice de M. [K]. Il a fait interdiction à la SAM Com’plus de reproduire et de représenter sur tout support, notamment par Internet, tout ou partie des oeuvres de [S] [K].

Ce faisant, la violation des droits d’auteur n’est pas limitée comme prétendue par la société Com’plus à la reproduction sur le site www.commanddream.com des cinq créations sans autorisation et sans mention du nom de M. [K] c’est-à-dire l’hôtel 3.14, le Méridien Beach Plaza, le Méridien (international) l’office du tourisme de [Localité 8] et la direction du tourisme de [Localité 9] mais étendue à la reproduction et la représentation sur tout support, de l’oeuvre – s’entend de toute oeuvre – créée par M. [K].

Le tribunal évoque ainsi clairement dans les motifs de sa décision adoptée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence la création par M. [K] des brochures Boutsen aviation, Groupe 3A hôtels et Star Wellness, la création du logo Le Carré ainsi que la brochure et les annonces presse, la création de la plaquette et des cartes de voeux de l’office du tourisme d'[Localité 4], celle des plaquettes de la société [Adresse 10], des brochures commerciales, flyers et porte-documents dessinés pour l’hôtel Méridien Beach Plazza. Dans son assignation en référé du 22 juillet 2008, la SA Com’plus sollicitait du juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse : « d’ordonner à M. [S] [K] de retirer immédiatement de son site Internet l’intégralité des créations de la SAM Com’plus s’agissant de travaux réalisés pour les clients suivants : l’hôtel [Z], l’hôtel 3.14, l’hôtel le Méridien Beach Plaza, la Direction du tourisme et des congrès d'[Localité 3], le casino de [Localité 5], l’office de tourisme et des congrès d'[Localité 3], la société [Adresse 10], le Golf Country club, la société Boutsen aviation, la fondation [Adresse 12], le groupe 3A hôtels, le restaurant pour le casino du [Localité 6], Le Carré, la direction des affaires culturelles de [Localité 9], le Palm Beach, le [N] forum, le restaurant « le 3eme », l’hôtel palais de la Méditerranée, les 4 étoiles de la pinède, la ville de [Localité 8] pour la fête des citrons, le nouveau musée national de [Localité 9] et la société Addax.

Au demeurant la cour observe que le premier moyen de cassation soulevé par la société Com’plus sollicitait la Cour de cassation de dire clairement que la cour d’appel avait violé l’article 455 du code de procédure civile en lui faisant interdiction sous astreinte « de reproduire et de présenter sur tout support, notamment par Internet tout ou partie des oeuvres de [S] [T] » en s’abstenant d’identifier chacune des oeuvres revendiquées, de justifier pour chacune d’entre elles que M. [K] en était bien le créateur et sans que les motifs de sa décision permettent de déterminer précisément quelles sont les oeuvres de [S] [K] qu’il lui est ainsi fait interdiction de reproduire et de présenter sur tout support. La Cour de cassation a purement et simplement rejeté le moyen consacrant que l’interdiction de reproduire et de présenter sur tout support concerne l’intégralité de l’oeuvre de [S] [K] créée pendant qu’il était directeur artistique de la SA Com’plus.

Dès lors, la SA Com’plus ne peut être suivie lorsqu’elle prétend que la demande en indemnisation de M. [S] [K] ne peut porter exclusivement que sur les cinq créations sur le site Internet www.commanddream.com en 2008. M. [K] est en droit de demander réparation du préjudice subi du fait de la reproduction de la représentation de son oeuvre par la société Com’plus sur tous supports en ce compris Internet depuis son départ de l’agence en janvier 2007 sous réserve qu’il établisse la réalité de cette reproduction ou représentation. Le principe de la réparation intégrale qui trouve son fondement dans l’ancien article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil – la jurisprudence en a déduit une stricte équivalence entre la réparation et le dommage, excluant toute idée de sanction et de profit – , figure également dans les dispositions du droit de l’Union Européenne en matière de droit d’auteur.

En effet, l’article 13 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle dispose « Les États membres veillent à ce que, à la demande de la partie lésée, les autorités judiciaires compétentes ordonnent au contrevenant (?) de verser au titulaire du droit des dommages-intérêts adaptés au préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l’atteinte. »

Ainsi les dommages et intérêts alloués doivent prendre en compte les « conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte ».

Toutefois, afin de faciliter l’évaluation du montant des dommages intérêts, le même article permet à l’autorité judiciaire, à titre d’alternative, de fixer « un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. »

En droit français, cette possibilité se trouve transposée au dernier alinéa de l’article L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, dans les termes suivants : « la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. »

L’article a été complété par la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon qui ajouté la phrase suivante : « Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »

L’alternative de l’évaluation du préjudice patrimonial sur la base du montant des redevances ou droits qui auraient dû être perçus est intéressante, car elle dispense l’auteur de rapporter la preuve de l’étendue de son préjudice réel et évite ainsi d’avoir à appuyer son argumentation par des expertises financières coûteuses. Force est de constater cependant que M. [S] [K] qui a choisi cette option de demander à la cour une somme forfaitaire en réparation de son préjudice patrimonial ne parvient à justifier parfaitement de cette évaluation sur la base du montant des redevances ou droits qu’il aurait dû percevoir en raison de la communication volontairement limitée de la SA Com’plus qui, contestant l’ordonnance du conseiller de la mise en état, a délibérément opté pour une production aux débats de pièces limitée aux factures concernant l’office de tourisme de [Localité 8], la société Hexagone de [L], la société Boutsen aviation et le Méridien Beach Plaza de [Localité 9], factures de vente visées du cachet de l’expert comptable [D] [P] qui a par ailleurs attesté, sur la base des factures de vente remises par la société Com’plus et des extractions des grands livres comptables, du chiffre d’affaires réalisé par la SAM Com’plus pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2014 avec Le Méridien international, l’office du tourisme d'[Localité 3] [Localité 7], la société [Adresse 10], Hauts-de-Seine aviation, groupe 3A Hôtels, Starwellness, le palais de la Méditerranée Hôtel, le Méridien Beach Plaza, la direction du tourisme et du congrès de [Localité 9], l’hôtel 3.14 et l’Office du tourisme de [Localité 8]. Il est annexé à ces attestations la copie du grand livre des tiers. Ces chiffres sont corroborés par un procès-verbal de constat réalisé par huissier le 15 octobre 2015 à la requête de la SAM Com-plus.

Il ressort à l’examen exhaustif des factures adressées au Méridien Beach Plaza de [Localité 9] que les factures visent très souvent les postes « Conception » ou « Création » avec recherche d’un concept créatif, direction artistique, et maquette pour les montants suivants hors-taxes : 110 € pour les annonces presse le 28 juin 2007 et 180 € pour l’annonce presse Map le 25 mars 2007, de 400 € pour Pâques du 28 mars 2007, de 800 € pour la bâche Itempo le 28 mars 2007, de 90 € pour le bandeau recrutement le 28 mars 2007, de 1000 € pour la conception de la brochure Le Carré le 31 janvier 2007, de 120 € pour le Calepin salade le 25 mai 2007, 350 € pour la carte Bar et lunch le 25 mai 2007, 220 € pour la création de cartes de pointage le 29 août 2007, de 120 € pour la création des cartes serviettes le 28 juin 2007, 300 € pour la fiche Cocoon Beach le 31 juillet 2007 et de 1500 € pour la création du flyer de fin d’année 2007 et 500 € pour les cartes de v’ux le 28 décembre 2007, 200 € pour les maquettes habillage Ford-S Max Carré + Intempo Le 31 janvier 2007, 500 € pour le visuel intempo nouvelle charte le 28 décembre 2007et pour l’opération Saint-Valentin du 28 février 2007. Les autres postes visées sont le plus souvent des postes d’exécution d’impression ou de réimpression.

Les factures adressées à la direction du tourisme et du Congrès de [Localité 9] font apparaître des postes « création »,« honoraires de création » hors taxes allant de 280 € pour l’invitation parcours [V] [J] le 28 juin 2007, 3000 € pour les dépliants Parcours princesse [V] le 28 juin 2007, 3500 € pour la réalisation [Localité 9] Loisirs et [Localité 9] Cruise le 23 décembre 2011 et un dédommagement de 1250,18 euros le 14 octobre 2008, observation étant faite que la réalisation des cartes de voeux 2013 a été facturée en ce compris les honoraires de conception, l’exécution et la fabrication pour un forfait de 18 800 €, celles de 2014 pour 21 600 €, que la mise à jour conceptuelle des documents [Localité 9] loisirs et [Localité 9] Cruise a été facturée le 31 décembre 2012 pour 1050 € et que s’y ajoute pour 668,90 €, une note d’honoraires forfaitaires pour recherche de recommandations créatives et frais d’élaboration de maquettes le 18 février 2013.

Pour la fête du citron 2010, 2011 et 2012, il a été facturé chaque année à l’office du tourisme de [Localité 8] un forfait conception, exécution, frais techniques pour 10 000 € HT.

En ce qui concerne l’Hôtel 3.14, les noms de domaine ont été renouvelés chaque année pour 60 € HT Le 28 février 2007, pour 90 € hors-taxes le 26 mars 2008, le site Internet a été développé pour 500 € hors-taxes le 28 octobre 2009 et renouvelé pour un an avec renouvellement des noms de domaine pour 400 € hors-taxes le 26 janvier 2011.

La réalisation de pictos pour Marelles de l’environnement « de la terre jusqu’au ciel, ma ville est un jardin » pour la ville de [Localité 8] été facturé pour 2×380 € le 28 juin 2007.

Les montants plus importants relevés par M. [K] englobent le plus souvent l’exécution et la fabrication. En outre, la SA Com’plus a cédé à sa clientèle les droits d’exploitation et de reproduction des logos et plaquettes créés par M. [K] pour une somme forfaitaire qui se situe entre 12 000 € soit 4000 € pour trois mois le 30 août 2006 pour l’office de tourisme de [Localité 8]. M. [K] soutient que ces droits ont été cédés au même montant à la société Hexagone de [L] et la société Boutsen aviation, pour 60 000 € à l’Hôtel 3.14 et 40 000 € pour au Méridien Beach Plaza de [Localité 9].

Au vu de l’ensemble de ces éléments et des facturations établies par M. [K] en son nom personnel sous son enseigne « Traces design », la cour fixe le montant du préjudice patrimonial de M. [K] à la somme de 50 000 €. Le préjudice moral de M. [K] sera réparé quant à lui par la somme de 20 000 €. La SAM Com’plus sera donc condamnée à payer ces deux sommes à M. [S] [K] pour indemnisation de son préjudice global, en deniers et quittances valables tena[n]t les sommes versée en suite de l’arrêt cassé de la Cour d’Aix en Provence. Le jugement déféré sera réformé en ce sens » ;

ALORS QU’à la suite de la cassation de l’arrêt rectificatif du 31 janvier 2019 qui sera prononcée sur le premier moyen, l’arrêt attaqué rendu le 18 octobre 2018 devra se lire comme fixant dans ses motifs (p. 8 § 5) le montant du préjudice patrimonial de M. [K] à la somme de 50 000 euros ; qu’en condamnant néanmoins, dans son dispositif, la société Com’plus à payer à M. [K] la somme de 80 000 euros en réparation du même préjudice patrimonial, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction entre ses motifs et son dispositif, en violation de l’article 455 du code de procédure civile.


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