Your cart is currently empty!
La surévaluation du coût par clic publicitaire du fait d’un paramétrage non conforme des tags publicitaires (erreur de comptage par Criteo) emporte responsabilité contractuelle du prestataire. Le Client a tout intérêt à opérer lui-même son propre décompte en back office.
En l’occurrence, la difficulté technique a été identifiée comme « une défaillance au niveau du tag Basket installé et géré » ayant eu une incidence sur l’absence de correspondance avec le chiffre d’affaires de l’entreprise. Or cette correspondance était déterminante puisqu’elle devait permettre au client de mesurer l’impact de la campagne sur son chiffre d’affaires par le calcul du coût moyen par clic, et dès lors de poursuivre ou non celle-ci, le contrat pouvant être résilié à tout moment.
La mise en place initiale des outils de décompte, la vérification de la correspondance entre le nombre de clics et le chiffre d’affaires réalisé, à l’aide des « tags » incombait à Criteo, qui n’a relevé la difficulté que tardivement (et l’a résolue avec son développeur). Ainsi jusqu’à cette date, le client a reçu des informations erronées, l’inexécution de l’obligation contractuelle de Criteo de mettre en place des outils adaptés et vérifiés, fournissant des informations correctes, étant ainsi rapportée.
_____________________________________________________________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 17 DECEMBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/22790 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBFCR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Novembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018027592
APPELANTE
SAS ROBE MEDICAL
prise en la personne de ses représentants légaux
[…]
[…]
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’EPINAL sous le n°775 717 812
représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD- GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
INTIMEE
SA CRITEO
prise en la personne de ses représentants légaux
[…]
[…]
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 484 786 249,
représentée par Me Denis HUBERT de l’AARPI KADRAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0154
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marion PRIMEVERT,Conseillère, chargée du rapport et Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de la chambre
Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE,Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI
ARRÊT :
— contradictoire,
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
— signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.
Il sera succinctement rapporté que la sa Criteo a notamment pour activité le conseil et la communication personnalisée en matière publicitaire sur internet.
La sas Robe Médical exerce une activité de vente de matériel médical sur son site à Saint Etienne Les Remiremont (Vosges), mais également sur son site internet www.robe-materiel-medical.com ainsi que par téléphone. Elle a conclu un contrat avec l’agence de communication X Y, afin de mener des campagnes de publicité sur les moteurs de recherches Google et Adwords.
Le 8 mars 2017 l’agence X Y a signé, pour le compte de Robe Médical, un bon de commande auprès de Criteo pour une campagne de communication.
Le 2 janvier 2018, Criteo a mis en demeure Robe Médical de lui payer la somme de 19.537,49 euros TTC au titre des factures de mai, juin, juillet, août et octobre 2017.
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 novembre 2019, qui a :
— condamné la société Robe Médical à payer à la société Criteo la somme de 19.537.49 € TTC avec pénalités de retard au taux appliqué par la BCE à son opération de financement la plus récente, majoré de 10 point de pourcentage à compter du lendemain de la date d’échéance des factures, avec capitalisation, déboutant pour le surplus de la demande,
— condamné la société Robe Médical à payer à la société Criteo la somme de 200 € à titre d’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
— débouté la société Robe Médical de sa demande de dommages et intérêts
— condamné la société Robe Médical à verser à la société Criteo la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
— ordonné l’exécution provisoire du jugement,
— condamné la société Robe Médical aux dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50€ dont 12,20€ de TVA.
Vu l’appel interjeté par la sas Robe Médical le 9 décembre 2019,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions remises par le Réseau privé virtuel des avocats le 8 juillet 2021 pour la sas Robe Médical par lesquelles elle demande à la cour de :
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 13/11/2019,
Vu les articles 1787 et 1231-1 du code civil,
— Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 13/11/2019 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau :
— Débouter la sa Criteo de toutes ses demandes,
— Condamner la sa Criteo à verser à la sas Robe Médical la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des fautes commises dans l’exécution du contrat par Criteo
A titre subsidiaire :
— Constater que la seule somme due à la sa Criteo est de 10 219,92 € en raison des règlements intervenus.
Très subsidiairement :
— Débouter la sa Criteo de sa demande de pénalités de retard au titre de l’article L441-6 du code de commerce et des frais forfaitaires de recouvrement.
Si par impossible la Cour d’appel considérait que le contrat était valablement conclu :
— Condamner la sa Criteo à verser à la sas Robe Médical, la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation des fautes commises dans l’exécution du contrat par Criteo.
— Condamner la sa Criteo à verser à la sas Robe Médical la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
— La condamner aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions remises par le Réseau privé virtuel des avocats pour la sa Criteo le 10 septembre 2021 par lesquelles elle demande à la cour de :
Vu notamment les dispositions des articles 1103, 1104, 1231-6, 1344-1 et 1343-2 du code civil et L. 441-6 du code de commerce ;
— déclarer la société Criteo recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes ;
— déclarer la société Robe Médical mal fondée en son appel ;
— confirmer le jugement rendu le 13 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris;
— statuant à nouveau, condamner la société Robe Médical aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à payer à la société Criteo la somme de 4 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture du 23 septembre 2021,
SUR CE, LA COUR,
En vertu de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus après le 1er octobre 2016 sont soumis à la loi nouvelle, ce qui est le cas en l’espèce, le bon de commande en cause datant du 8 mars 2017
Sur les relations contractuelles entre les parties
A titre liminaire la cour relève que la sas Robe Médical n’a jamais appelé la société X Y, son mandataire, en garantie.
Il ressort du mandat donné le 1er juillet 2016 que la société Robe Médical (sous la dénomination de son kbis « Robe développement ») a chargé la société X Y de la gestion de ses campagnes d’annonces sur internet et de communication visuelle et ce pour une durée de 12 mois tacitement reconduite à chaque échéance (pièce 2 Robe Médical).
Par avenant du 31 mars 2017, Robe Médical a chargé X Y du suivi et de la gestion de la campagne publicitaire auprès de la régie Criteo, tout en déclarant avoir pris connaissance des conditions générales de vente et des conditions commerciales et tarifaires de cette dernière résultant du bon de commande du 8 mars 2017.
Le bon de commande signé par X Y pour le compte de Robe Médical prévoit :
— le service « lower funnel » à savoir des publicités ciblées pour chaque utilisateur, la prédiction des intentions d’achats propres à chaque consommateur étant basée sur l’analyse de son historique de navigation, et la transformation du prospect en client,
— avec des bannières dynamiques,
— date du début du contrat : « dès que possible » ,
— date de fin : « lorsque le budget est atteint »,
— budget HT : « Uncapped » c’est à dire non plafonné,
— base de facturation : « CPC » c’est à dire « coût par clic », au prix unitaire 0.40 € HT,
— résiliation : à tout moment, sans pénalités ou indemnités, en adressant une lettre recommandée avec accusé de réception, avec un préavis de 5 jours ouvrés facturés au client.
Si la combinaison des clauses concernant la fin du contrat et son budget, établit qu’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée, le budget n’étant pas plafonné, c’est à juste titre que le tribunal a considéré le contrat valable puisque le prix était déterminé (0,40€ par clic) et une résiliation possible à tout moment sans pénalité ni indemnité.
Sur la facturation
Les factures dont il est demandé paiement sont :
— facture n° 14FR17051029 du 31 mai 2017, d’un montant de 6 812,76 euros TTC ;
— facture n° 14FR1706992 du 30 juin 2017, d’un montant de 5 742,77 euros TTC ;
— facture n° 14FR17071007 du 31 juillet 2017 d’un montant de 4 996,76 euros TTC ;
— facture n° 14FR17081174 du 31 août 2017, d’un montant de 735,71 euros TTC ;
— facture n° 14FR17101140 du 31 octobre 2017, d’un montant de 1 249,52 euros TTC.
Robe Médical ne conteste pas avoir bénéficié des prestations de Criteo sur la période. Cependant, elle interroge le mode d’établissement des factures. Sur ce point, l’article 4 des conditions générales d’utilisation, dont Robe Médical a reconnu avoir pris connaissance, précise que « Criteo comptabilise grâce à ses serveurs le nombre de clics nécessaires à l’établissement des factures pour ce contrat » et que « le client convient que les statistiques de Criteo sont définitives et prévalent sur toutes autres statistiques ». Il ajoute que Criteo met une interface à disposition pour que le client puisse consulter ces statistiques. Ces dispositions contractuelles qui permettent d’établir un lien entre le nombre d’unités de clics et le prix de 0,40€ pour établir les factures font la loi des parties en application de l’article 1103 du code civil.
Si Robe Médical allègue que Criteo ne justifie dans aucune de ses factures du nombre de clics dont a pu bénéficier son site de vente, il ressort des captures d’écran (pièce 15 Criteo) que le président de Robe Médical ainsi que l’agent de X Y en charge de cette campagne, avaient accès à l’interface comptabilisant les clics sur la période allant du 1er avril 2017 au 31 décembre 2017 affichée en requête. Or à aucun moment ils n’ont fait part d’une impossibilité d’accéder aux statistiques, ni contesté ces décomptes avant la relance par Criteo en octobre 2017 pour les factures impayées. Enfin, Criteo produit un tableau (pièce 14) décomptant 68.037 clics du 1er avril au 31 octobre 2017, correspondant aux factures émises, au regard du coût prévu contractuellement par clic (0,40€ – dont il apparaît qu’il s’agissait en réalité d’un coût maximal par clic, les enchères ayant permis de le réduire sur la période).
Sur l’exécution de la prestation
En revanche suite à la contestation émise en octobre 2017 par le président de Robe Médical sur les factures de mai, juin et juillet 2017 (pièce 5 Robe Médical) pointant une « surévaluation du fait d’un paramétrage non conforme » du comptage par Criteo, un courriel de cette dernière du 26 octobre 2017 reconnaît que la campagne a été mise en pause temporairement en août (expliquant ainsi la facturation bien moindre que les mois précédents) suite à « des différences entre les ventes remontant sur la plateforme » (ie, coût par clic) comparativement à ce que Robe Médical décomptait en back office ; la difficulté technique a été identifiée comme « une défaillance au niveau du tag Basket installé et géré » par Robe Médical n’ayant pas eu d’incidence sur le décompte du nombre de clics mais sur l’absence de correspondance avec le chiffre d’affaires de l’entreprise.
Or cette correspondance était déterminante puisqu’elle devait permettre à Robe Médical de mesurer l’impact de la campagne sur son chiffre d’affaires par le calcul du coût moyen par clic, et dès lors de poursuivre ou non celle-ci, le contrat pouvant être résilié à tout moment.
Il se déduit des échanges de courriels entre Criteo, X Y et Robe Médical de janvier et février 2017 (pièce 6 Robe Médical) sur la mise en place initiale des outils de décompte, que la vérification de la correspondance entre le nombre de clics et le chiffre d’affaires réalisé, à l’aide des « tags » dont le tag « basket », incombait à Criteo, qui n’a relevé la difficulté qu’en août 2017 et l’a résolue avec le développeur de Robe Médical le 11 août 2017.
Ainsi jusqu’à cette date, Robe Médical a reçue des informations erronées, l’inexécution de l’obligation contractuelle de Criteo de mettre en place des outils adaptés et vérifiés, fournissant des informations correctes, étant ainsi rapportée.
Par ailleurs, le courriel du 4 avril 2019 du responsable de la nouvelle agence de publicité mandatée par Robe Médical (pièce 12 Robe Médical) qui relève une chute importante du trafic sur les campagnes de publicité suite à une modification effectuée le 26 septembre 2017 ayant associé une liste d’audience à ces campagnes (ie ciblage plus précis grâce à une segmentation des critères définis) conclut que cette segmentation a limité considérablement la diffusion des campagnes et partant, pénalisé les résultats de l’entreprise entre le 26 septembre 2017 et fin août 2018, soit dans le cadre du présent litige, relativement à la facture du mois d’octobre 2017. Criteo a ainsi manqué à son obligation de conseil sur la définition des segments adaptés pour le ciblage des prospects de Robe Médical, le préjudice se limitant ici au mois d’octobre 2017.
Le préjudice subi par Robe Médical du fait de ces deux manquements correspond ainsi aux mois visés par les factures réclamées.
S’il n’est pas contesté que des prestations ont été réalisées, le préjudice peut être évalué à la surestimation induite du coût moyen par clic, calculée à partir des factures de septembre (1.250€) et octobre 2017 (1.287€) établies après correction des correspondances, soit à la différence entre le coût des factures réclamées et une moyenne de 1.270€ due par mois. Le préjudice s’établit ainsi à 19.537, 49 ‘ (5x 1270) soit à la somme arrondie à 13.000 euros.
En application des articles 1289 et suivants du code civil, par compensation avec les sommes réclamées à hauteur de 19.537,49 € (les extraits de comptes bancaires en pièce 12 établissant que les sommes versées par Robe Médical à Criteo de 1.287,65 euros et 8 .029,92 euros correspondent aux factures de septembre 2017 et avril 2017 non réclamées et ne pouvant donc pas venir en déduction de la somme demandée), la société Robe Médical sera condamnée à payer à Criteo la somme de 6.537,49 euros, les pénalités de retard et les indemnités de recouvrement n’étant pas applicables dès lors que la somme due ressort du présent arrêt.
Le jugement sera en conséquence infirmé y compris en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Statuant de ces chefs en cause d’appel, les parties succombant toutes deux partiellement, il y a lieu de laisser à chacune la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles et partant de les débouter de leurs demandes de ces chefs.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau :
Fixe le préjudice subi par la sas Robe Médical du fait des manquements contractuels de la sa Criteo à la somme de 13.000 euros (treize mille euros),
Condamne, après compensation avec les factures impayées à hauteur de 19.537,49 euros pour les mois de mai, juin, juillet, août et octobre 2017, la sas Robe Médical à payer à la sa Criteo la somme
de 6.537,49 euros (six mille cinq cent trente sept euros et quarante neuf centimes),
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT