Obligations du licencié de marque : paiement et exploitation
Obligations du licencié de marque : paiement et exploitation

Le concessionnaire d’une marque s’expose à une condamnation s’il ne paie pas intégralement les redevances dues ou s’il n’exploite pas sérieusement la marque sur les territoires convenus.

Le contrat de licence de marque stipulait que pendant toute sa durée, le concessionnaire devait  verser au concédant, en contrepartie des droits qui lui sont concédés pour l’exploitation des marques, une redevance correspondant à 8% du chiffre d’affaires du 1er janvier au 31 décembre, réalisé sur les ventes des produits fabriqués et commercialisés sous les marques concédées, payable trimestriellement.  Les parties avaient aussi convenu d’un montant de redevance annuelle minimum fixé à 30.000€ HT pour 2015 et à 45.000€ HT pour 2016, avec une régularisation au cours du mois de janvier suivant l’année concernée.

Le licencié a contesté en vain les montants réclamés, estimant que la base de la redevance servant à la fixation du minimum garanti devait s’entendre du montant des redevances effectivement versées pour une année. L’assiette de calcul étant en réalité constituée de l’ensemble des redevances depuis la signature du contrat de licence.   

La juridiction a également condamné le licencié pour manquement à son obligation d’exploitation sérieuse des marques sur le territoire de l’Union européenne. Les résultats des ventes démontraient que la société n’avait essentiellement développé l’exploitation des marques que sur le seul territoire français et le territoire canadien non couvert par la clause d’exploitation, mais n’avait pas entrepris de développer sérieusement les produits optiques de la marque dans les autres pays européens.

En vertu de l’article 1103 du code civil : ‘Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’ et selon l’article 1104 du même code: ‘Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public’.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 12 JANVIER 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/09430 –��N° Portalis 35L7-V-B7C-B5VLX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3e chambre – 1re section – RG n° 17/00098

APPELANTE

SARL J R L

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de GRASSE sous le numéro B 414 248 880

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

Représentée et assistée de Me Karim BOUANANE de l’ASSOCIATION LEGITIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1971

INTIMÉE

SARL SUN CONSULTING

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 430 384 131

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Pascal LEFORT de la SCP DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0075

Représentée par Me Suzanne SOARES, de la SCP DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0075

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et Madame Déborah BOHEE, conseillère chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHEE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

• Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. X Y est titulaire notamment des marques de l’Union européenne ‘Y’ verbale n°3.903.911 et semi-figurative n°11.770.229 désignant, entre autres, des produits de la classe 9, notamment des lunettes.

La société SUN CONSULTING fabrique et commercialise sous l’enseigne ‘Daniel Y’ des articles de mode masculine.

La société J.R.L a pour activité la fabrication et la commercialisation de lunettes optiques en solaire, de masques solaires et d’accessoires de lunetterie.

Par acte sous seing privé du 25 avril 2013, M. X Y a concédé à la société SUN CONSULTING une licence exclusive d’exploitation de ces marques pour des articles et accessoires de lunetterie, avec possibilité d’octroyer des sous-licences, exclusives ou non, pour l’Union européenne.

Le 26 avril 2013, la société SUN CONSULTING a concédé à la société J.R.L une sous-licence portant sur l’exploitation des deux marques Y, pour une durée de six ans expirant le 31 décembre 2019 et renouvelable par tacite reconduction, avec exclusivité pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Elle donnait également son accord verbal pour une exploitation des marques sur le territoire du Canada.

Le 16 mai 2013, les sociétés J.R.L et SUN CONSULTING ont conclu un avenant audit contrat de licence d’exploitation de marques aux termes duquel il était convenu que la société J.R.L verserait à M. Z A, en sa qualité d’apporteur d’affaire, 25% de la redevance prévue au contrat initial.

Constatant qu’une publication sur Facebook faisait la promotion de lunettes commercialisées, selon elle, par des concurrents, et considérant qu’il s’agissait d’une contravention aux obligations contenues aux articles 5-3 et 12 du contrat de licence, la société J.R.L en a averti la société SUN CONSULTING le 10 mars 2016.

Par lettre recommandée du 13 avril 2016, la société SUN CONSULTING a enjoint à la société J.R.L de lui régler le solde de la redevance au titre du minimum garanti non atteint en 2015, avant de lui adresser deux nouvelles lettres recommandées reçues le 27 avril 2016, la première mettant en demeure la société J.R.L de procéder au paiement de la régularisation de 5.362,77 euros HT sous trente jours, sous peine de résiliation anticipée du contrat de licence, et la seconde la mettant en demeure d’exploiter de façon sérieuse les marques concédées à titre exclusif pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Par lettre officielle en date du 7 juin 2016, le conseil de la société J.R.L a contesté la résiliation anticipée du contrat de licence d’exploitation de marques, rappelant par ailleurs le comportement préjudiciable de la société SUN CONSULTING, consistant à promouvoir des produits de marques concurrentes dans ses documents commerciaux.

Les tentatives de résolution amiable ayant échoué, la société J.R.L a assigné la société SUN CONSULTING, par acte du 21 décembre 2016, devant le tribunal de grande instance de Paris, conformément à l’article 25 du contrat prévoyant une clause attributive de compétence à la juridiction parisienne, aux fins de voir constater la résiliation du contrat aux torts de la société SUN CONSULTING.

En défense, la société SUN CONSULTING a demandé au tribunal de juger que la société J.R.L n’a pas exploité de manière sérieuse le contrat de licence exclusive du 26 avril 2013 sur l’ensemble du territoire concédé et, dès lors de débouter la société J.R.L de ses demandes et la condamner au paiement des minimums garantis prévus contractuellement, et au versement de dommages et intérêts en réparation du manque à gagner, de la perte de chance et du préjudice moral.

Par jugement du 5 avril 2018 dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a rendu la décision suivante :

— Dit que le contrat de licence exclusive du 26 avril 2013 entre les sociétés SUN CONSULTING et J.R.L a été valablement résilié à compter du 28 mai 2016,

En conséquence,

— Déboute la société J.R.L de l’ensemble de ses demandes,

— Condamne la société J.R.L à payer à la société SUN CONSULTING la somme de 5.362,77 euros HT au titre du minimum garanti de 2015, la somme de 9.504,64 euros HT au titre du minimum garanti dû pour la période du 1er janvier 2016 au 28 mai 2016 et la somme de 16.875 euros HT pour la période allant du 28 mai 2016 au 28 novembre 2016,

— Déboute la société SUN CONSULTING de sa demande indemnitaire au titre de la réparation du manque à gagner et de la perte de chance et du préjudice moral,

— Condamne la société J.R.L à verser à la société SUN CONSULTING la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la société J.R.L aux dépens qui pourront être recouvrés par la SCP Duclos, Thorne,Mollet-Viéville & Associés,

— Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

La société J.R.L a interjeté appel de ce jugement par acte du 15 mai 2018 et la société SUN CONSULTING a formé un appel incident le 9 novembre 2018.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 janvier 2019 par la société JRL, appelante et intimée incidente, qui demande à la cour de :

— REFORMER en sa totalité le jugement rendu le 5 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Paris,

Et, statuant à nouveau,

— REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la société SUN CONSULTING,

— CONSTATER que la résiliation anticipée du contrat de licence en date du 26 avril 2013 est abusive et sans fondement,

— DIRE ET JUGER que le contrat de licence d’exploitation ne peut se poursuivre désormais,

— CONSTATER que SUN CONSULTING a fait la promotion de produits concurrents à ceux de J.R.L, contrairement à l’article 5 du contrat,

— CONSTATER que la société J.R.L a mis en oeuvre tous ses moyens pour l’exploitation et le développement de la marque en pure perte par suite de la résiliation du contrat,

En conséquence,

— CONDAMNER la société SUN CONSULTING à la somme de 674.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation et résiliation abusive du contrat,

— DIRE ET JUGER qu’aucune somme n’est due par la société J.R.L au titre du minimum garanti pour la redevance de 2015,

— DIRE ET JUGER que le montant dû au titre de la redevance 2016 par la société J.R.L s’élève à la somme de 9.257,22 euros,

— CONDAMNER la société SUN CONSULTING à payer à la société J.R.L la somme de 10.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et tous les dépens.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 novembre 2018 par la société Sun Consulting, intimée et appelante incidente, qui demande la cour de:

— Dire et juger que la société SUN CONSULTING est recevable et bien fondée en ses présentes écritures, fins et conclusions,

— Confirmer le jugement du tribunal de grande Instance de Paris en date du 5 avril 2018 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société SUN CONSULTING de ses demandes indemnitaires au titre de la réparation du manque à gagner, de la perte de chance et du préjudice moral,

En conséquence,

— Confirmer le jugement en ce qu’il a :

i. Dit et jugé que la société J.R.L est redevable de la somme de 5.362,77 euros HT envers la société SUN CONSULTING au titre du minimum garanti contractuel de 2015 ;

ii. Dit et jugé que la société J.R.L n’a pas exploité de manière sérieuse le contrat de licence exclusive du 26 avril 2013 sur l’ensemble du territoire concédé ;

iii. En conséquence,

— dit et jugé que le contrat de licence exclusive du 26 avril 2013 entre les sociétés SUN CONSULTING et J.R.L a été résilié de manière anticipée à compter du 28 mai 2016 ;

— condamné la société J.R.L à payer à la société SUN CONSULTING la somme de 5.362,77 euros HT au titre du minimum garanti de 2015 ;

— condamné la société J.R.L à verser à la société SUN CONSULTING la somme de 26.379,64 euros HT au titre des redevances dues pour la période du 1er janvier 2016 au 28 novembre 2016;

— Infirmer le jugement en ce qu’il a :

— débouté la société SUN CONSULTING de sa demande indemnitaire au titre de la réparation du manque à gagner et de la perte de chance et du préjudice moral ;

— Et statuant à nouveau sur ces points :

— condamner la société J.R.L à payer à la société SUN CONSULTING la somme globale de 50.000 euros à titre de réparation du manque à gagner et de la perte de chance ;

— condamner la société J.R.L à payer à la société SUN CONSULTING la somme de 30.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral ;

— Débouter, en conséquence, la société J.R.L de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

— Condamner la société J.R.L à verser à la société SUN CONSULTING la somme de 20.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, et en tous les dépens qui pourront être recouvrés par la SCP Duclos, Thorne, Mollet-Viéville & Associés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 octobre 2019.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

– Sur la résiliation du contrat de licence :

En vertu de l’article 1103 du code civil : ‘Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’.

Et selon l’article 1104 du même code: ‘Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public’.

– Sur les manquements imputés à la société SUN CONSULTING par la société J.R.L:

La société J.R.L prétend que la société SUN CONSULTING aurait perturbé son implantation sur le marché qui lui était consenti à titre exclusif du fait de publicités au sein desquelles les marques Y étaient associées à des lunettes fabriquées et commercialisées par des concurrents, rompant délibérément une des obligations mises à sa charge par le contrat de licence.

Selon elle, il s’agit de publications volontaires sur lesquelles la société SUN CONSULTING avait le contrôle, publiées notamment sur Facebook pendant la période du contrat.

Au vu de ces agissements qu’elle qualifie de fautifs, la société J.R.L en déduit que la résiliation du contrat doit être prononcée aux torts de la société SUN CONSULTING.

La société SUN CONSULTING conteste tout manquement de sa part, constatant que les lunettes étaient les effets personnels des personnes photographiées, essentiellement des blogueurs ayant vocation à promouvoir la marque dans un but authentique, formule plus engageante pour le consommateur qu’une publicité, selon elle. Elle constate par ailleurs qu’aucune marque n’apparaît sur ces publications qui, pour certaines d’entre elles, ne sont pas datées.

En l’espèce, le contrat qui lie les parties impose au concédant, pendant toute la durée du contrat, de mettre en avant les produits concernés par la licence de marque, tant au niveau de ses documents commerciaux que lors de ses campagnes de communication, ( article 5 alinéa 3), et prévoit la possibilité d’une résiliation ‘ en cas de mise en avant par le concédant dans ses documents commerciaux ou autres publications des produits ou marques de la concurrence. Cette éventualité pourra donner lieu entre autre, à une demande d’indemnisation pour préjudice de la part du cessionnaire’ (article 12 dernier alinéa).

Pour fonder son action en résiliation du contrat de licence, la société J.R.L produit des extraits de pages FACEBOOK Y, sans précisions de dates pour certaines, où figurent soit des photographies de personnages masculins posant avec leur vestiaire détaillé pièce par pièce sur un cliché contigu, soit des accessoires (livres, appareils photos, valise, etc…) et vêtements photographiés seuls, sur lesquels apparaissent notamment des lunettes de soleil.

Cependant, comme l’a relevé justement le tribunal, les lunettes telles que présentées ou portées ne présentent pas de marques immédiatement visibles, leurs formes classiques ne permettant nullement de les attribuer à une marque plutôt qu’à une autre.

Par ailleurs, la société J.R.L ne démontre par aucune pièce que ces publications seraient le fruit de campagnes de publicité organisées par la société SUN CONSULTING plutôt que des pages postées par des blogueurs pour promouvoir certains de ses produits, tout en posant avec leurs propres accessoires, comme le soutient l’intimée.

Ainsi, les lunettes présentées ne sont pas plus mises en avant que l’ensemble des autres vêtements et accessoires qui y figurent.

Il ne peut donc être soutenu que ces publications soient fautives au regard des stipulations du contrat de licence ni qu’elles aient pu avoir un impact négatif sur l’implantation de la société J.R.L sur le marché considéré, cette dernière ne justifiant pas, en outre, avoir respecté le formalisme prévu par le contrat en matière de résiliation anticipée.

La société J.R.L ne démontre donc pas les agissements fautifs de la société SUN CONSULTING qui justifieraient de prononcer la résiliation du contrat de licence à ses torts et le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

—  Sur les manquements imputés à la société J.R.L par la société SUN CONSULTING:

— Sur le paiement des redevances par la société J.R.L:

La société SUN CONSULTING rappelle les stipulations contractuelles concernant le paiement de la redevance basée, après une première phase de développement, sur un pourcentage du chiffre d’affaires avec un minimum garanti, que la société J.R.L ne lui a pas versé dans sa totalité en 2015 et en 2016, selon elle.

Elle souligne que la société J.R.L ne peut arguer d’un paiement de la redevance pour l’année 2015 qui, en réalité, s’imputait sur la redevance de l’année précédente.

La société J.R.L estime, quant à elle, avoir réglé l’intégralité des sommes dues pour 2015 et, pour 2016, produit ses comptes et retient que le tribunal a surestimé les sommes allouées à la société SUN CONSULTING.

En l’espèce, le contrat de sous-licence exclusive consenti par la société SUN CONSULTING à la société J.R.L porte sur l’exploitation des marques européennes ‘Y’ en vue de la fabrication et la distribution de lunettes optiques et solaires, masques solaires et accessoires de lunetterie, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne incluant les DOM TOM, pour une durée de six ans expirant le 31 décembre 2019.

Cette sous-licence ne prévoit aucun engagement réciproque d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour la société J.R.L, qui pouvait donc conclure des contrats de licence avec d’autres marques.

Le contrat comporte une clause relative à sa résiliation anticipée en cas d’inexécution par l’une des parties d’une de ses obligations, après mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de trente jours à compter de son envoi.

Par ailleurs, l’article 9 du contrat stipule que pendant toute sa durée, le concessionnaire verse au concédant, en contrepartie des droits qui lui sont concédés pour l’exploitation des marques, une redevance correspondant à 8% du chiffre d’affaires du 1er janvier au 31 décembre, réalisé sur les ventes des produits fabriqués et commercialisés sous les marques ‘Y’, payable trimestriellement. La société J.R.L doit également communiquer, dans les quinze jours avant la fin de chaque trimestre, le relevé détaillé des ventes réalisées afin de déterminer le montant de la redevance due, la société SUN CONSULTING adressant, en retour, la facture correspondant au montant de la redevance que la société J.R.L s’engage à régler dans un délai de 10 jours à compter de la réception.

Les parties ont convenu, enfin, d’un montant de redevance annuelle minimum fixé à 30.000€ HT pour 2015 et à 45.000€ HT pour 2016, avec une régularisation au cours du mois de janvier suivant l’année concernée.

Puis, par avenant, il a été convenu que 25% de la redevance due à la société SUN CONSULTING serait reversé à l’apporteur d’affaire, portant à 6% du chiffre d’affaires la redevance ainsi due par la société J.R.L à la société SUN CONSULTING.

La société SUN CONSULTING a adressé à la société J.R.L une mise en demeure de lui payer le solde des redevances dû de 5.362,77€ pour l’année 2015 par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 avril 2016, reçue le 28 avril, mettant en jeu la clause de résiliation anticipée prévue au contrat.

La société J.R.L a contesté les montants réclamés, estimant que la base de la redevance servant à la fixation du minimum garanti devait s’entendre du montant des redevances effectivement versées pour une année, soit :

—  10.154,30€ au 6 février 2015,

—  4.355,20€ au 14 avril 2015,

—  4.430,50€ au 10 juillet 2015,

—  2.127,78€ au 15 octobre 2015.

Cependant, il convient de relever, comme le tribunal, que le 5 février 2015, la société J.R.L a adressé à la société SUN CONSULTING le montant de son chiffre d’affaires encaissé du début du contrat de licence jusqu’au 31 décembre 2014, soit 169.238,29€ HT, générant, en application du contrat, une redevance de 10.154,30€ HT, montant qu’elle a, elle-même, mentionné et qui a été réglé le 6 février 2015 ( pièce 4 de la société SUN CONSULTING).

Ainsi, contrairement à ce que soutient désormais la société J.R.L, cette redevance correspond effectivement au paiement de la redevance due pour l’année écoulée, soit 2014, et ne peut donc être compris dans le montant des redevances dû au titre de l’année 2015, pour voir écarter le montant minimum garanti de 20.000€ réclamé par la société SUN CONSULTING.

Il ne peut davantage être déduit, comme le soutient la société J.R.L, d’un mail du 22 janvier 2016 adressé en réponse par la société SUN CONSULTING que cette dernière reconnaîtrait l’affectation de ce paiement pour 2015, s’agissant uniquement d’un message attestant de la réception de l’état des ventes du dernier trimestre 2015.

Or, dans la mesure où la société J.R.L n’a réglé pour l’année 2015 qu’une redevance de 14.637,23€, elle se devait de régler à la société SUN CONSULTING le solde au titre du minimum garanti fixé à 20.000€, soit une somme de 5.362,77€HT.

En conséquence, la somme réclamée dans la mise en demeure du 27 avril 2016 au titre du minimum garanti pour 2015 par la société SUN CONSULTING à la société J.R.L est effectivement due.

La résiliation du contrat de licence par la société SUN CONSULTING pour défaut de paiement de la redevance par la société J.R.L est donc justifiée au 28 mai 2016 et le jugement querellé doit être confirmé sur ce point.

— Sur l’exploitation des marques sur la totalité du territoire de l’Union :

La société SUN CONSULTING reproche également à la société J.R.L un défaut d’exploitation réelle et sérieuse des marques Y sur le territoire de l’Union européenne, qui lui ont été concédées à titre exclusif, relevant que le nombre de pays concernés par cette exploitation, déjà insuffisant au début du contrat, n’a cessé de décliner au fils des ans.

Elle estime que la société J.R.L ne justifie pas davantage de la réalité de ses investissements pour promouvoir ses marques.

La société J.R.L relève qu’aucun chiffre d’affaires minimum par pays n’a été contractuellement prévu et soutient avoir, par ailleurs, exploité sérieusement les marques en cause dans plusieurs pays européens en réalisant d’importantes dépenses d’investissements publicitaires. Elle souligne s’être heurtée à une carence de notoriété des marques Y, qui lui a été cachée lors de la signature du contrat de sous licence.

Elle dénonce le comportement de la société SUN CONSULTING qui a accordé une licence à une autre société en avril 2017, rendant la poursuite du contrat impossible.

En l’espèce, c’est par des motifs exacts et pertinents, tant en fait qu’en droit, adoptés par la cour, que le tribunal, en rappelant les termes du contrat de licence qui imposait au concessionnaire une obligation d’exploitation sérieuse des marques sur le territoire de l’Union européenne, a jugé que les résultats des ventes démontraient que la société J.R.L n’avait essentiellement développé l’exploitation des marques Y que sur le seul territoire français et le territoire canadien non couvert par la clause d’exploitation, mais n’avait pas entrepris de développer sérieusement les produits optiques de la marque Y dans les autres pays européens, les preuves d’exploitation diminuant même avec le temps, en retenant un chiffre d’affaires, en dehors de la France, de 4.665€ en 2013 et 2014, 3.650,10€ en 2015 et 1.497,76€ en 2016.

Si la société J.R.L réplique à juste raison que n’ont été convenus aucun chiffre d’affaires minimum par pays, ni aucun objectif en terme de vente, il n’en demeure pas moins que le faible nombre de pays européens concernés par les ventes de produits sous licence, soit 5 en 2014, 2 en 2015 et 1 en 2016, permet de corroborer le défaut d’exploitation sérieuse et effective de ces marques, sur le territoire concerné, le relevé des ventes pour l’année 2016, produit en cause d’appel, ne mentionnant aucune vente en dehors de la France.

L’appelante ne démontre pas davantage que lui aurait été cachée la carence de notoriété des marques en cause lors de la signature du contrat de sous-licence.

La société J.R.L soutient, par ailleurs, avoir participé à neuf salons et réalisé des investissements conséquents pour promouvoir la marque en France et sur le territoire européen, mais ne produit pour en justifier qu’un tableau récapitulatif réalisé par ses soins, nullement certifié par un professionnel du chiffre, et sans davantage produire des factures s’y rapportant.

En outre, les extraits de publicités qu’elle met en avant ne démontrent nullement une volonté de promouvoir la marque sur le territoire de l’Union européenne, s’agissant d’extraits de magazines ou de devantures de magasins français.

En conséquence, il convient de retenir que le deuxième motif de résiliation anticipée du contrat avancé par la société SUN CONSULTING est également fondé, le jugement étant confirmé sur ce point.

Le contrat de licence de marque a donc été valablement résilié au 28 mai 2016, aux torts de la société J.R.L.

– Sur les demandes indemnitaires de la société J.R.L:

Dans la mesure où il a été jugé que la résiliation du contrat de licence ne pouvait être imputée à la société SUN CONSULTING à l’encontre de laquelle aucune faute n’a été retenue, il convient de rejeter en conséquence la demande en dommages et intérêts formulée par la société J.R.L

– Sur les demandes reconventionnelles de la société SUN CONSULTING:

La société SUN CONSULTING demande confirmation du jugement sur ce point, et souligne que la société J.R.L n’a pas payé les redevances dues, l’état des ventes depuis avril 2016, communiqué en cause d’appel, ne la dispensant pas du paiement du minimum garanti.

La société J.R.L rappelle avoir versé les pièces justifiant du calcul exact de la redevance pour l’année 2016, estimant que la société SUN CONSULTING n’est pas fondée à lui réclamer le moindre paiement après le 28 mai 2016, date à laquelle l’intimée a pris l’initiative de rompre le contrat. Elle souligne que le préjudice de perte de chance et le préjudice moral argués par la société SUN CONSULTING ne sont pas justifiés.

—  Sur le paiement des redevances:

En l’espèce, la société J.R.L est d’abord redevable à l’égard de la société SUN CONSULTING d’une somme de 5.362,77€ HT, correspondant à la régularisation due au titre du minimum garanti non atteint, au titre de la redevance de l’année 2015, comme il a été vu plus haut.

Puis, s’agissant de l’année 2016, en cause d’appel, la société J.R.L a versé au débat un relevé des ventes sur la base duquel elle estime que le montant dû au titre de la redevance s’élève à la somme de 9.257,22€.

La société SUN CONSULTING constate, quant à elle, que la société J.R.L a réalisé un chiffre d’affaires hors taxes de 231.809,84€ en 2016, soit une redevance calculée sur la base de 6%, d’un montant de 13.908,59€ inférieur au montant minimum garanti pour l’année 2016, de sorte qu’elle réclame le minimum garanti appliqué à la période d’exploitation concernée.

En l’espèce, dans la mesure où la société J.R.L reconnaît avoir exploité les marques objets du contrat de sous-licence jusqu’au 28 novembre 2016, date à laquelle elle a admis que le contrat était résilié, la demande en paiement d’une indemnité formée par la société SUN CONSULTING jusqu’à cette date est justifiée, comme l’a justement retenu le tribunal.

Par ailleurs, s’il n’est pas contesté que la société SUN CONSULTING a conclu un nouveau contrat de licence de marques avec la société A&A OPTICAL en 2017, il n’en demeure pas moins que ce contrat vise notamment les Etats Unis, sans faire référence au territoire européen et concerne une période postérieure à la résiliation du contrat ayant lié la société J.R.L à la société SUN CONSULTING, de sorte que la société JRL n’est pas fondée à imputer l’échec de son exploitation à la signature de celui-ci.

Il s’en évince que l’appelante est tenue au paiement de la redevance convenue entre les parties, en contrepartie de l’exploitation des marques en cause.

En outre, dans la mesure où la redevance basée sur le chiffre d’affaires était inférieure au minimum garanti sur les 11 mois de la période considérée, il convient de dire que la société J.R.L est redevable du montant minimum garanti tel que sollicité par la société SUN CONSULTING, soit 11/12e de 33.750€, soit 30.937,50€- 4.557,86€ (redevance déjà payée par la société J.R.L pour 2016), soit une somme de 26.379,64€ HT, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

– Sur les autres demandes indemnitaires de la société SUN CONSULTING:

La société SUN CONSULTING revendique l’existence d’un préjudice pour gain manqué et perte de chance, mettant en avant la résiliation anticipée du contrat et l’impossibilité de trouver un nouveau contractant en raison de l’action de la société J.R.L, outre un préjudice moral du fait de l’atteinte portée à l’image de ses marques.

Cependant, et comme l’a justement relevé le tribunal, dans la mesure où la société J.R.L n’a pas contesté la résiliation du contrat après le 28 novembre 2016, la société SUN CONSULTING, qui a été indemnisée jusqu’à cette date, a pu exploiter elle-même les marques en cause ou librement négocier un nouveau contrat de licence.

Par ailleurs, la société SUN CONSULTING n’explique nullement en quoi la rupture anticipée du contrat de licence lui aurait causé un préjudice moral lié à l’atteinte portée à l’image de ses marques, outre que la société J.R.L n’a pas communiqué sur le litige les opposant et a poursuivi l’exploitation sérieuse des marques en France.

Il convient en conséquence de débouter la société SUN CONSULTING de ses autres demandes indemnitaires et de confirmer le jugement querellé.

– Sur les demandes accessoires:

La cour confirme les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile, et, y ajoutant, condamne la société J.R.L, qui succombe, au paiement des dépens d’appel qui pourront être recouvrés par la SCP Duclos, Thorne, Mollet-Viéville & Associés, et à verser à la société SUN CONSULTING la somme équitablement fixée à 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 05 avril 2018 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société J.R.L à supporter les dépens de l’instance en appel, qui pourront être recouvrés par la SCP Duclos, Thorne, Mollet-Viéville & Associés, conformément à l’article 699 code de procédure civile,

Condamne la société J.R.L à verser à la société SUN CONSULTING une somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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