Une photographe ne peut être licenciée en raison d’une insuffisance professionnelle temporaire. Au regard de la situation de la salariée au cours de 17 années de collaboration, des appréciations contradictoires concernant son rythme de travail et des analyses partielles opérées par l’employeur qui a insuffisamment pris en compte les préconisations du médecin du travail, et des insuffisances de la salariée retenue sur une très courte période, l’incapacité objective et durable de la photographe à exécuter de façon satisfaisante son emploi n’a pas été retenue par la juridiction.
Eu égard au fait que la salariée n’avait jamais fait l’objet de sanctions ou même de rappel à l’ordre avant la rupture de son contrat de travail, la société Primavista a échoué à établir l’insuffisance professionnelle alléguée dans la lettre de licenciement.
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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale — Prud’Hommes-
ARRÊT DU 24 Septembre 2021
N° RG 18/03761 –��N° Portalis DBVT-V-B7C-SBRG
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVESNES SUR HELPE
en date du 23 Novembre 2018 (RG 18/0001 -section )
APPELANTE :
SAS PRIMAVISTA
[…]
représentée par Me Patrick KAZMIERCZAK, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Renaud DUBREIL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Mme Y X
[…]
représentée par Me Jean-Benoît MOREAU, avocat au barreau d’AVESNES-SUR-HELPE
DÉBATS : à l’audience publique du 10 Juin 2021
Tenue par O P-Q
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
J K
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
L M
: CONSEILLER
O P-Q : CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Septembre 2021,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par J K, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 27 mai 2021.
EXPOSE DU LITIGE :
La société Primavista est une société spécialisée dans l’activité de photographie et intervient sur le marché de la photographie et du reportage, dans les maternités partenaires, de nouveau-nés et de leurs parents.
La société Primaphot, devenue Primavista en octobre 2016, a employé Mme X par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2003 en qualité de photographe, après avoir travaillé pour la société depuis le 2 mai 2000 et avec une reprise d’ancienneté à cette date. A compter d’un avenant régularisé entre les parties le 21 juin 2016, elle a occupé les fonctions de photographe qualifié 3e niveau, coefficient 175 de la convention collective nationale des professions de la photographie du 13 février 2013.
La salariée, dont le code photographe est le n° 30527, était affectée aux maternités de Lens (hôpital de Lens), de Douai (clinique Saint-Amé – Lambres les Douai), et de Maubeuge, un véhicule de fonction étant mis à sa disposition.
Mme X a été placée en arrêt de travail de droit commun du 1er juin au 23 juillet 2015, et le 22 septembre 2015, à son retour de congés payés, le 21 août 2015, le médecin du travail l’a déclarée apte à son poste de travail ‘sous réserve aide à la manutention adaptée’, ce qu’il a confirmé dans son avis du 22 septembre suivant. Elle a été placée à nouveau en arrêt de travail de droit commun du 28 septembre au 4 octobre 2015, puis du 3 décembre 2015 au 15 janvier 2016.
Elle a bénéficié d’un mi-temps thérapeutique à compter du 5 octobre 2015, et depuis le 1er mai 2017, a été placée en invalidité catégorie 1.
Par lettre du 30 juin 2017, Mme X a été convoquée à un entretien préalable fixé au 11 juillet suivant, avec mise à pied conservatoire. Elle a ensuite été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 9 août 2017, ainsi rédigée :
‘(…) Nous vous notifions donc par la présente que les faits qui vous ont été présentés lors de l’entretien démontrent que vous êtes en insuffisance professionnelle. (‘)
Pour mémoire, les faits constitutifs de votre insuffisance professionnelle relevaient des sujets suivants :
Nous vous avons fait part de problèmes de comportement et de votre insuffisance de patience et de respect pour le client sur une clientèle très populaire.
Principalement le mécontentement des clients s’exprime par des plaintes suite à votre comportement et à la rapidité de votre intervention (refus de changer le bébé s’il a vomi sur son pyjama, refus d’attendre ou de revenir dans la chambre pour les photos de fratrie, vous leur dites ouvertement que vous n’avez pas le temps.)
Parfois vous vous montrez agressive et impatiente en vous permettant de dire «je n’ai pas le temps, je n’ai pas que ça à faire, vous commencez la prise de vues lorsque la maman est encore dans la salle de bain et de surcroît la qualité des photos est médiocre avec parfois des bébés qui pleurent.
Pour appuyer cela, vous obtenez un taux de prises de vues anormalement élevé comparé aux performances de votre région. En revanche, les qualités de vos photos étant insatisfaisantes, les commerciales de votre secteur ont de plus en plus de mal à réaliser des performances commerciales. D’ailleurs les commerciales ont beaucoup plus que la moyenne d’injoignables et de refus téléphoniques car les clients sont mécontents (…)»
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, la société Primavista occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail outre un rappel de salaire au titre d’une mise à pied conservatoire injustifiée, Mme X a saisi le 2 janvier 2018 le conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe qui, par jugement du 23 novembre 2018 auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a rendu la décision suivante :
— dit et juge le licenciement de Mme X dépourvu de cause réelle et sérieuse,
— condamne la société Primavista à payer à la salariée les sommes suivantes:
* 27.678,30′ au titre de l’indemnité spécifique pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— 500′ en réparation de son préjudice moral distinct résultant du caractère brutal et vexatoire du licenciement dont elle a été victime,
— déboute Mme X de sa demande au titre des rappels de salaires relatifs à la mise à pied conservatoire injustifiée ainsi que des congés payés afférents,
— condamne la société Primavista à payer à Mme X la somme de 200′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— ordonne l’exécution provisoire de la décision,
— laisse les dépens aux parties.
La société Primavista a relevé appel de ce jugement par déclaration du 20 décembre 2018.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 juillet 2019, dans lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande au titre d’un rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire, de l’infirmer sur le surplus, et de :
— juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
— débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes,
— condamner la salariée à lui payer la somme de 1.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Elle expose en substance que de sa propre initiative, Mme X a pris la décision à partir de la fin de l’année 2016, pour maintenir son niveau de rémunération qui dépend du nombre de reportage photographiques réalisés, d’en réaliser toujours plus en maternité, malgré le fait qu’elle soit placée en mi-temps thérapeutique et qu’elle ne pouvait de ce fait que travailler 3 jours par semaine, augmentant ainsi son rythme de reportages photographiques de manière démesurée par rapport aux autres photographes; que pour cela, elle a bâclé son travail, a eu un comportement inadapté vis à vis de la clientèle et une forte baisse de la qualité de sa photographie a été constatée, ce qui a entraîné un mécontentement non seulement des clients, mais aussi des commerciaux intervenant à la suite de son travail, qui ont reçu des plaintes de ceux-ci et ont vu se multiplier les refus d’achat; que ce changement de comportement de Mme X a ainsi été décelé par la direction de la société grâce aux remontées de terrain effectuées par les commerciales en charge de vendre les photographies réalisées par Mme X, auprès desquelles les clients se sont plaint, et aux remontées du laboratoire imprimant les photographie; la demande de rappel de salaire est par ailleurs tout à fait injustifiée alors que le salaire a été intégralement payé durant la mise à pied conservatoire du 30 juin au 9 août 2017; que le licenciement n’est aucunement intervenu dans des conditions vexatoires ou brutales, étant précisé qu’il ne saurait être reproché à l’employeur d’avoir sollicité la restitution du véhicule de fonction dans le cadre de la rupture du contrat de travail.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 mai 2019, dans lesquelles Mme X demande à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté la société Primavista de sa demande au titre des frais irrépétibles, et de condamner la société Primavista :
— à lui payer les sommes suivantes :
* 48.520,06′ au titre de l’indemnité spécifique pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5.000′ en réparation de son préjudice moral distinct résultant du caractère brutal et vexatoire du licenciement dont elle a été victime,
* 1.573,51′ au titre des rappels de salaires relatifs à la mise à pied conservatoire injustifiée outre 157,35′ au titre des congés payés afférents,
* 2.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
* 2.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
— aux dépens.
Elle réplique en substance que l’employeur ne prouve pas l’insuffisance professionnelle dont il se prévaut; qu’elle a d’ailleurs été félicitée par celui-ci pour le nombre de reportages photographiques réalisés, montrée en exemple à l’égard des autres photographes maternité de la société, et il lui a même été demandé de former d’autres salariés, preuve que son travail était apprécié; que l’employeur affirme sans le prouver que les clients se seraient plaint et qu’elle se montrait impatiente ou agressive, alors que seuls des témoignages non pertinents de commerciales de l’entreprise sont produits, et aucune plainte des clients; que la société Primavista affirme encore péremptoirement qu’il y aurait un problème de qualité de ses photographies; que l’employeur n’a jamais adapté son activité comme cela était indiqué dans la fiche d’aptitude médicale soulignant la nécessité d’une assistance à la manutention et bien au contraire, lui a reproché d’être à mi-temps thérapeutique et de ne travailler que 3 jours par semaine; qu’elle n’a pas voulu modifier son emploi du temps sans l’accord du médecin du travail, que l’employeur n’a jamais contacté; que la réelle motivation de l’employeur est un licenciement pour inaptitude déguisé; que la mise a pied injustifiée a été effective du 30 juin au 9 août 2017, soit durant 40 jours pendant lesquels elle aurait dû percevoir intégralement son salaire, ce qui n’a pas été le cas au regard de son salaire de référence sur 12 mois, qui justifie sa demande d’un rappel au regard du montant perçu qui résulte de ses bulletins de paie de juillet et août 2017; que l’enquête réalisée en interne par l’employeur n’était pas contradictoire et les remarques négatives sur la qualité de ses photographies étaient vexantes pour une photographe professionnelle avec une ancienneté de plus de 18 ans; que les termes utilisés par l’employeur dans la lettre de licenciement sont particulièrement sévères alors qu’aucune faute n’avait jamais été commise; que le licenciement n’était pas la seule solution à envisager et la mesure a été brutale; qu’elle a été contrainte du jour au lendemain de rendre le véhicule de fonction qu’elle utilisait pour ses déplacements tant personnels que professionnels.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Sur le licenciement
Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi.
Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, pour justifier le licenciement, les griefs doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.
Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
En l’espèce, Mme X conteste l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail.
Après avoir rappelé qu’elle a été félicitée pour des résultats excellents et le constat qu’elle était au-dessus de la moyenne des photographes de maternité quant au nombre de reportage photographiques réalisés, Mme X expose qu’alors qu’elle avait été placée en mi-temps thérapeutique à la suite d’un avis d’aptitude avec réserve du médecin du travail, puis en invalidité, son activité n’a jamais été adaptée par l’employeur. Elle ajoute qu’elle n’avait jamais été sanctionnée auparavant.
Or, la cour observe notamment :
— qu’aucune évaluation de l’intéressée n’est communiquée par l’employeur;
— l’employeur a ouvert des challenges sur le nombre de prises de vue avec un gain à la clé (une prime conséquente) du 1er novembre 2016 au 31 janvier 2017, puis en avril et mai 2017, et dans ce cadre, Mme X a été publiquement félicitée dans plusieurs courriels collectif quant à sa performance dans le cadre de chacun de ces challenges, le 12 janvier 2017, le 17 février 2017, et le 10 mai 2017; dans ce dernier message électronique collectif de la directrice régionale du 10 mai 2017, elle souligne même que ‘seules (…) et Y [Mme X] ont un taux de prises de vue ‘au vert’ sur l’ensemble de leurs maternités. Félicitation!’;
— qu’il ressort du bulletin de paie de la salariée de juin 2017 produit par l’employeur, qu’elle a encore perçu ce mois là une prime challenge de 200′.
La cour observe que le courriel de Mme Z produit par Mme X N le premier challenge prenant fin en janvier 2017, précise bien que le critère est l’ ‘augmentation du volume de prise de vue Vs septembre 16
« , définissant le volume par les ‘reportages commercialisables et saisies’, alors que l’employeur, qui lui reproche le nombre anormalement faible de reportages photographiques vendus par les commerciales de l’entreprise, ne donne pas la moindre précision sur la période visée, et ne produit pas non plus d’éléments objectifs suffisamment détaillés et sur une période suffisante, relativement aux ventes pour chaque photographe, aucune comparaison pertinente n’étant donc possible.
Au regard des éléments communiqués de part et d’autre, et des explications fournies, la cour relève que si le fait que la salariée était considérée par son employeur comme étant parmi les plus faibles contributeurs de l’équipe des photographes au regard du nombre de ses reportages photographiques vendus ressort des indications de l’employeur dans la lettre de licenciement complétées par ses conclusions, il reste que ses appréciations sur le travail accompli par Mme X ne sont pas prouvées, et sont incohérentes voire contradictoires. L’employeur ne peut en effet sérieusement tout à la fois revendiquer la trop grande rapidité de la salariée et un nombre anormal de reportages photographiques réalisé, alors qu’elle avait reçu en avril 2017 des félicitations pour son travail et ses performances.
Il s’ajoute qu’il ressort également du dossier qu’à son retour d’arrêt de travail prolongé fin 2016, Mme X a été placée en mi-temps thérapeutique avec un aménagement de son emploi du temps, la salariée travaillant désormais 3 jours par semaine. L’employeur ne saurait donc valablement lui reprocher comme il le fait dans la fiche de demande d’action des ressources humaines qu’il produit, d’avoir refusé, sans avis du médecin du travail, de travailler sur 4 jours.
En outre, alors que l’avis du médecin du travail souligne qu’elle est ‘apte au poste, avec aide la manutention’, l’employeur ne justifie pas qu’elle a obtenu cette aide.
Il s’ensuit que l’employeur, qui ne justifie pas avoir adapté l’activité de la salariée ni avoir interrogé le médecin du travail au regard de la cadence élevée constatée, ni même avoir officiellement informée l’intéressée d’une difficulté au regard du nombre de jours travaillés et/ou de son rythme de travail, ne saurait valablement la lui reprocher.
S’agissant de la qualité des photographies réalisées, la société produit les éléments concordants suivants :
— un échange de courriel le 31 mai 2017 entre la directrice régionale Mme Z et la responsable de production, Mme A, dont il ressort qu’à la suite d’une demande de contrôle qualité de photographies prises par Mme X au mois de mai 2017, la responsable de production a indiqué ‘moyen’ avec la précision ‘je ne voudrais pas être désagréable mais c’est toujours pareil’, puis a précisé ‘je suis désolée mais exposition non maîtrisée en clair ça veut dire qu’elle s’en fout et qu’elle ne contrôle rien. C’est comme si un vendeur n’utilise pas FOVE’;
— une copie en noir et blanc d’une photographie d’un bébé qui pleure datée du 17 mai 2017;
— un courriel du 13 juin 2017 de Mme B, commerciale de la société, dont il ressort que la qualité des photographies prises à cette date par Mme X est problématique, la commerciale signalant qu’elles ne sont ‘pas top. Bébé qui pleure ou râle, bouche de coin car joue avec tétine du coup ça le déforme. (…) J’ai également une 2e photo mal prise mais imprimée quand même que je t’ai mis en copie. Le labo a imprimé et m’a mis un post-it. Comment vendre ça… ‘ et joignant le tirage avec un post-it collé sur lequel est écrit ‘1 photo corrompue. Mais envoi quand même pour ne pas bloquer.’;
— un courriel du 13 juin 2017 de Mme C, commerciale de la société, se plaignant notamment de la photographe dont le code est 30527 correspondant à Mme X, en raison notamment de ‘prises de vues médiocres pour des professionnels de la photographies!!!’
Mme X ne produit quant à elle pas le moindre élément contraire justifiant de la bonne qualité de ses prises de vue sur la période concernée de mai et début juin 2017.
Ces éléments établissent clairement une insuffisance de Mme X concernant la qualité des photographies prises en mai 2017 et le 13 juin 2017, mais pas la persistance de cette difficulté au regard de la très courte période concernée, s’agissant du mois de mai et d’un épisode ponctuel au mois de juin, la seule mention ‘c’est toujours pareil’ dans le courriel du 31 mai 2017 ne pouvant suffire à prouver la répétition de la défaillance reprochée à Mme X.
S’agissant du comportement de la salariée, l’employeur conclut que les remontées négatives sont très nombreuses, et produit pour le prouver les éléments concordants suivants :
— le courriel du 13 juin 2017 de Mme C, dont il ressort qu’elle a de nombreux refus téléphoniques pour l’achat des photographies de Mme X notamment en raison de son comportement inacceptable, la salariée donnant des exemples des dires de la photographe : ‘je ne suis pas là pour photographier la fratrie. (…) Elle se permet d’essuyer elle-même le collyre sans demander à la maman. Elle se permet de prendre le bébé pendant que la maman est sous la douche et commence la prise de vue. (…) Elle a déjà dit à des mamans ‘je ne sais pas ce qu’ils ont aujourd’hui ils chialent tous’. Certains bébés ont du vomis sur le pyjama elle refuse que la maman le change. (…) Aujourd’hui mon travail en subit les conséquences, refus téléphoniques, injoignables et accueils pas toujours très sympathiques des parents envers notre entreprise car le premier contact se fait en maternité. (…) ‘, la commerciale ajoutant que cela fait plusieurs années qu’elle se plaint en vain;
— le courriel du 13 juin 2017 de Mme B, dont il ressort que ‘les clients en parlent beaucoup aussi et notamment sur le fait qu’elle soit pas agréable et qu’elle n’a jamais le temps d’attendre la famille ce qui est recherché par les clients. J’entends souvent par les clients qu’elle se plaint que les bébés pleurent. Aujourd’hui j’ai eu des clients qui en ont parlé d’ailleurs… ‘, la commerciale donnant deux exemples détaillés dont celui d’une cliente Verdière avec les références, qui pour sa première fille, était en train d’allaiter lorsque la photographe est passée et lui a demandé de repasser, ce à quoi elle a répondu ‘si j’ai le temps car je n’ai pas que vous. Elle n’est jamais repassée donc déçue et pour sa deuxième n’a pris qu’une photo ‘;
— un courriel de Mme D du 14 juin 2017, signalant des difficultés avec deux clients, Mme E ‘pas de papa, photos avec le pyjama alors que la maman avait une tenue pour les photos (mail envoyé le 13/6) Mme F pas de papa, pas de frères et soeurs, désagréable et arrogante ‘;
— le courriel de la cliente Mme E, du 13 juin 2017, pour faire part à la société de son mécontentement, en soulignant que ‘lors du shoot photo de mon bébé à la maternité, la photographe ne m’a pas laissé le temps d’habiller mon bébé alors que j’avais prévu ça. Ensuite, mon petit ami (le papa) était pas encore arrivé car elle est venue dans la chambre d’hôpital vers 9h30, mon petit ami est arrivé quelques minutes plus tard mais elle n’a pas voulu attendre qu’il soit là donc nous sommes un peu déçus car sur les photos mon petit ami et donc le père de ma fille n’y est pas ce qui est très perturbant pour nous surtout pour lui.(…) ‘;
— le courriel de Mme G, commerciale de la société, du 21 juin 2017;
— les courriels de Mme Z, directrice régionale, à Mme H, directrice des ressources humaines, dans la deuxième quinzaine du mois de juin, pour lui rapporter les difficultés rencontrées avec Mme X rapportées par les commerciales et le responsable de production du fait de la mauvaise qualité des photographies et du comportement inadapté de la photographe, et demandé une intervention.
Mme X se borne quant à elle à contester la réalité d’un comportement inapproprié et à prétendre sans preuve que le mécontentement de la clientèle était lié en réalité aux pratiques des commerciales et à la politique de la société connue défavorablement des hôpitaux. Elle évoque vainement l’ ‘argumentaire photographe’ du 27 novembre 2006 communiqué par la société alors qu’il en ressort au contraire clairement que le comportement approprié et courtois du photographe est primordial, et que la rapidité d’exécution n’est évoquée auprès des clients qu’au titre des exemples ‘d’entretien et des principales objections’ des parents contactés. Au demeurant, ce document constitue en effet uniquement le ‘fruit des réflexions du groupe de travail portant sur l’argumentaire des photographes en maternité’ et a donc été communiqué au titre d’un soutien aux photographes et non à titre de directive de l’employeur.
Il résulte de ces éléments que le comportement inadapté de Mme X vis-à-vis des clients photographiés apparaît établi, mais sur la seule période de début juin 2017. En effet, alors même que certains messages électroniques évoquent de précédentes alertes ou plaintes, l’employeur ne communique pas d’autres éléments que ceux du mois de juin 2017, et ne permet donc pas à la cour de vérifier que le comportement reproché a débuté avant les premiers messages produits à proximité de la date du licenciement.
Dans ces conditions et en conséquence de l’analyse ainsi opérée de la situation de la salariée au cours de 17 années de collaboration, des appréciations contradictoires concernant le rythme de travail et des analyses partielles opérées par l’employeur qui a insuffisamment pris en compte les préconisations du médecin du travail, et des insuffisances de la salariée retenue sur une très courte période, l’incapacité objective et durable de Mme X à exécuter de façon satisfaisante son emploi ne sera pas retenue.
Dans ces conditions et en conséquence de l’analyse ainsi opérée de la situation de la salariée qui n’avait jamais fait l’objet de sanctions ou même de rappel à l’ordre avant la rupture de son contrat de travail, la société Primavista échoue à établir l’insuffisance professionnelle alléguée dans la lettre de licenciement. Le jugement entrepris sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a pertinemment jugé que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.
Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire :
La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction mais une suspension du contrat de travail décidée dans l’attente de la décision définitive de l’employeur sur la sanction disciplinaire envisagée. Elle est rémunérée sauf si la décision finalement prise par l’employeur est un licenciement pour faute grave ou lourde, ou une mise à pied disciplinaire couvrant la période concernée, la durée de la mise à pied conservatoire s’imputant alors sur celle de la sanction.
En l’espèce, Mme X a été mise à pied à titre conservatoire du 30 juin au 9 août 2017.
Elle a cependant été licenciée pour une insuffisance professionnelle qui n’est jamais fautive, et en outre, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en sorte que la mise à pied conservatoire notifiée par la société est injustifiée et doit être rémunérée.
Il ressort de l’examen des bulletins de paie, non remis en cause par la salariée, le paiement de la mise à pied conservatoire pour un montant de 2.745,81′ brut en juillet 2017, et de 397,43′ brut en août 2017, alors qu’elle a par ailleurs perçu une rémunération brute sans retenue de 3.762,27′ en juin 2017. L’employeur lui a ainsi payé un total de 3.268,65′ brut sur la période.
Au regard des bulletins de salaire produits, Mme X a bien perçu le salaire brut qu’elle aurait perçu si elle avait travaillé pendant la durée de la mise à pied, sans diminution des salaires et avantages qu’elle aurait perçu si elle avait accompli son travail jusqu’à l’expiration de la période de suspension.
La salariée soutient qu’elle aurait dû percevoir 3.690,44′ brut durant la mise à pied conservatoire sur la base du salaire moyen de référence sur les 12 derniers mois, alors pourtant qu’il ne s’agit pas là d’une indemnisation. En outre, Mme X sollicite un rappel de salaire de 1.573,51′, sur la base d’un calcul qui ne peut qu’être erroné dès lors qu’elle déduit le salaire net perçu durant les 40 jours de mise à pied de la rémunération brute ramenée sur 40 jours.
En conséquence de quoi, le jugement qui a rejeté la demande de rappel de salaire, sera confirmé.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Mme X demande la somme de 48.520,06 ‘ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société Primavista s’oppose à cette demande qu’elle estime excessive, au même titre que l’indemnité accordée par les premiers juges, et soutient à titre subsidiaire que l’indemnité équivalente à 6 mois de salaire suffit amplement à réparer les préjudices subis.
Il est constant qu’à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme X avait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus. Il y a donc lieu à l’application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme X, de son âge (comme étant née en 1972), de son ancienneté importante de plus de 17 ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle mais aussi à son invalidité, de l’absence de tout élément sur sa situation professionnelle postérieurement au licenciement, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme X doit être évaluée à la somme de 27.678,30′ exactement retenue par les premiers juges.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a octroyé à Mme X des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de cette somme.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires :
Il n’est rapporté la preuve de circonstances de fait brutales, ni d’aucun procédé vexatoire dans la mise en oeuvre ou les circonstances du licenciement, de sorte que la preuve d’une attitude fautive à cet égard fait défaut autant que celle d’un préjudice spécifique. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande indemnitaire.
Sur l’application de l’article L.1235-4 du code du travail :
L’article L.1235-4 du code du travail dispose «Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.».
Le licenciement de Mme X ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l’application de l’article L.1235-4 du Code du travail. En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la société Primavista aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme X, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Sur les autres demandes :
Le sens de la présente décision commande de confirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
La cour condamne la société Primavista aux dépens de la procédure d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Primavista à payer à Mme X la somme de 1.000′ au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par la société Primavista aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme X du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d’indemnité de chômage;
Condamne la société Primavista à payer à Mme X la somme de 1.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne La société Primavista aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT