Your cart is currently empty!
Un mannequin d’émission de Téléachat a échoué à obtenir la requalification de sa collaboration en CDI. L’employeur justifiait du caractère temporaire des fonctions occupées par la salariée, en raison d’une part de la nature fluctuante de son activité liée à la présentation de produits déterminés, et d’autre part de l’absence de régularité des jours de présence de la salariée en fonction des mois et des années, alors que l’émission était quotidienne.
Le caractère pérenne des émissions de téléachat sur la chaîne M6 ou M6boutique n’était pas contesté. S’agissant des raisons justifiant le recours aux contrats d’usage, la salariée travaillait soit en qualité d’intervenante spécialisée comme mannequin pour des bijoux ou des vêtements de marques particulières, soit en qualité d’assistante de production pour rechercher des témoins ou des clientes testeuses.
Ces collaborations dépendaient ainsi du nombre de produits référencés et des ventes, les besoins variant en fonction de la rotation des produits. La salariée était ainsi attachée à une activité fluctuante puisqu’elle intervenait en fonction des produits présentés, et de façon ponctuelle alors que les émissions de téléachat étaient quotidiennes.
L’article L. 1242-2, dans sa version applicable aux faits, dispose que sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants qui sont expressément énumérés, dont notamment les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L’article D.1242-1 6° du code du travail dispose qu’en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont notamment ceux du spectacle, de l’action culturelle, de l’audiovisuel, de la production cinématographique, et de l’édition phonographique.
L’article V.2.1 du titre V de la convention de la production audiovisuelle applicable en l’espèce prévoit qu’outre les artistes-interprêtes et les artistes musiciens, seuls les emplois des catégories B et C qui se rapportent directement à la conception, la fabrication et au contenu même des programmes, peuvent faire l’objet d’un contrat à durée déterminée d’usage. Or, les emplois d’assistant de production adjoint et d’intervenant spécialisé relèvent pour le premier de la catégorie B et pour le second de la catégorie C de la convention de la production audiovisuelle. Il était donc d’usage constant que les emplois occupés par la salariée fassent l’objet de contrats à durée déterminée d’usage.
______________________________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 18 NOVEMBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/06233 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAAAY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2019 -Conseil de Prud’hommes de CRETEIL – RG n° 17/01402
APPELANTE
Madame Y X
[…]
[…]
Représentée par Me Françoise FAVARO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0866
INTIMEE
SA HOME SHOPPING SERVICE
[…]
[…]
Représentée par Me Laurent CARRIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,
Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.
Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
— CONTRADICTOIRE,
— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
— signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par un premier contrat à durée déterminée d’usage en date du 29 novembre 2010, Mme X a été engagée en qualité d’intervenante spécialisée (mannequin) par la société Home Shopping Service qui exploite l’émission de téléachat M6 Boutique.
Mme X a collaboré avec la société Home Shopping Service depuis le 29 novembre 2010 jusqu’au 4 avril 2017, par la conclusion successive de contrats à durée déterminée d’usage.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la production audiovisuelle.
Sollicitant la requalification de ses contrats, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil le 2 octobre 2017 pour obtenir paiement de diverses sommes.
Par jugement en date du 21 mars 2019, le conseil de prud’hommes a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes.
Mme X a interjeté appel de ce jugement le 16 mai 2019.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Selon ses conclusions notifiées le 26 novembre 2019, Mme X conclut à l’infirmation de la décision déférée et sollicite la condamnation de la société Home Shopping Service au paiement des sommes suivantes :
* 2 681,98 euros à titre d’indemnité de requalification
* 5 363,96 euros à titre de rappels de salaires
* 536,93 euros au titre des congés payés afférents
* 8 045,94 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail
* 17 156,87 euros, montant à parfaire à la date de notification de la décision de résiliation judiciaire, au titre des salaires dus d’avril 2017 à la date de la décision à intervenir
* 1 715,69 euros, montant à parfaire à la date de notification de la décision de résiliation judiciaire, au titre des congés payés afférents
* 4 961,65 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
* 2 681,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
* 268,19 euros au titre des congés payés afférents
* 1 609,19 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés
* 10 727,92 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
— Condamner la société Home Shopping Service à lui remettre un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir, en application des articles L. 1234-19 et R. 1234-9 du code du travail, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la notification de la décision ;
— Condamner la société Home Shopping Service à lui verser la somme de 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la première instance ;
— Condamner la société Home Shopping Service à lui verser la somme de 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;
— Condamner la société Home Shopping Service aux entiers dépens ;
— Dire et juger que l’ensemble des condamnations sera assorti des intérêts aux taux légal à compter de la date de réception au greffe de la saisine du Conseil de Prud’hommes, avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil.
Mme X fait valoir qu’elle a été embauchée de novembre 2010 à avril 2017, par la société Home Shopping Service, par contrats à durée déterminée d’usage successifs, pour occuper le poste d’intervenant à l’image spécialisé, c’est-à-dire de mannequin défilant durant une émission quotidienne pour présenter les objets en vente Mode et Bijoux, et le poste d’assistante de production adjointe dont le rôle est de rechercher des clients ou testeurs parmi le fichier client de la société ; que l’employeur a eu recours à ses services de manière régulière et permanente durant près de sept ans, et que son poste n’avait aucun caractère temporaire ; que cette succession de contrats à durée déterminée d’usage doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée.
Elle soutient que l’employeur a exécuté son contrat de manière déloyale, puisqu’il a mis fin à leur relation de travail en raison d’une baisse d’activité et non en raison du caractère temporaire de cet emploi.
Elle sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail, et le paiement des salaires dus jusqu’à cette résiliation, soit jusqu’au 23 avril 2018, date de l’audience devant le bureau de jugement, ainsi que les indemnités de rupture.
Selon ses conclusions notifiées le 27 septembre 2019, la société Home Shopping Service (HSS) conclut à la confirmation du jugement, au rejet de l’intégralité des prétentions de Mme X et sollicite une indemnité de 3 000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Home Shopping Service soutient que Mme X avait le statut d’intermittente du spectacle, et que les contrats d’usage conclus avaient une durée de 8 heures ou de 4 heures, le secteur de l’audiovisuel auquel elle appartient étant un secteur d’usage du contrat à durée déterminée.
Elle souligne que le nombre de jours travaillés annuellement par Mme X sur les deux postes était très faible (27 jours en 2017, 68 jours en 2016, 55 jours en 2015), que le nombre de jours travaillés mensuellement variait beaucoup également, et que les périodes de carence entre chacun des contrats confirment le caractère par nature temporaire de cet emploi et le caractère discontinu de leur collaboration. Elle affirme que Mme X menait par ailleurs une carrière de comédienne et de présentatrice télé, et qu’elle ne peut bénéficier du statut de collaborateur de longue durée qui nécessite l’équivalent de 70 % d’un temps plein.
A titre subsidiaire, elle indique que la demande de résiliation judiciaire sera rejetée, la relation contractuelle ayant pris fin avec l’arrivée du terme du dernier contrat d’usage le 4 avril 2017, que l’indemnité de requalification ne peut être supérieure à un mois de salaire, et que Mme X ne justifie pas être restée à sa disposition pour les périodes dites interstitielles, alors qu’elle était informée à l’avance de ses plannings, et qu’elle refusait des prestations quand elle n’était pas libre.
Elle conteste également la demande au titre de l’exécution déloyale, qui n’est pas justifiée, et la demande d’indemnité de licenciement, fondée sur les règles du licenciement économique.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.
L’instruction a été déclarée close le 8 septembre 2021.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la qualification des contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) en contrat à durée indéterminée :
L’article L. 1242-2, dans sa version applicable aux faits, dispose que sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants qui sont expressément énumérés, dont notamment les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L’article D.1242-1 6° du code du travail dispose qu’en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont notamment ceux du spectacle, de l’action culturelle, de l’audiovisuel, de la production cinématographique, et de l’édition phonographique.
En l’espèce, il résulte des éléments versés aux débats, notamment l’extrait Kbis, que la société Home Shopping Service exerce une activité de conception, de production et de diffusion de programmes
sur tous médias visant à offrir des produits et services à la vente aux consommateurs, ainsi que la mise en place de sociétés d’exploitations de télévente.
Ainsi, la société Home Shopping Service exerce son activité dans le secteur de l’audiovisuel lequel est mentionné par l’article D. 1242-1 du code du travail comme secteur dans lequel des contrats à durée déterminée d’usage peuvent être conclus.
Il est établi que la société Home Shopping Service a embauché Mme X dans le cadre d’émissions de téléachat qu’elle produisait pour la chaîne M6, telles que M6 Boutique, la salariée ayant participé sur une période de six années à certaines de ces émissions aux termes de 257 contrats à durée déterminée d’une journée en qualité de mannequin, et de 78 contrats à durée déterminée de un à trois jours en qualité d’assistance de production adjointe entre novembre 2010 et avril 2017.
Il n’est produit toutefois aux débats qu’une centaine de ces contrats déterminés d’usage au titre de vacations journalières entre le 19 juin 2014 et le 17 février 2017.
L’article V.2.1 du titre V de la convention de la production audiovisuelle applicable en l’espèce prévoit qu’outre les artistes-interprêtes et les artistes musiciens, seuls les emplois des catégories B et C qui se rapportent directement à la conception, la fabrication et au contenu même des programmes, peuvent faire l’objet d’un contrat à durée déterminée d’usage. Or, les emplois d’assistant de production adjoint et d’intervenant spécialisé relèvent pour le premier de la catégorie B et pour le second de la catégorie C de la convention de la production audiovisuelle. Il est donc d’usage constant que les emplois occupés par Mme X fassent l’objet de contrats à durée déterminée d’usage.
Pour solliciter leur requalification en un contrat à durée indéterminée, Mme X soulève le recours abusif à ces contrats d’usage, soutenant qu’au vu de leur fréquence et de la longue période durant laquelle la relation a perduré, elle a occupé un emploi permanent au sein de la société, et non un emploi temporaire, condition de régularité des CDDU.
Il y a donc lieu de vérifier si l’utilisation de ces contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupée par la salariée en tenant compte des fonctions effectivement exercées dans l’entreprise.
Le caractère pérenne des émissions de téléachat sur la chaîne M6 ou M6boutique n’est pas contesté.
S’agissant des raisons justifiant le recours aux contrats d’usage, les parties conviennent que la salariée travaillait soit en qualité d’intervenante spécialisée comme mannequin pour des bijoux ou des vêtements de marques particulières, soit en qualité d’assistante de production pour rechercher des témoins ou des clientes testeuses.
Ces collaborations dépendaient ainsi du nombre de produits référencés et des ventes, les besoins variant en fonction de la rotation des produits. Mme X était ainsi attachée à une activité fluctuante puisqu’elle intervenait en fonction des produits présentés, et de façon ponctuelle alors que les émissions de téléachat étaient quotidiennes.
En effet, il ressort du tableau récapitulatif de ses collaborations, et du calendrier des jours travaillés pour les années 2014 à 2017, que le nombre de vacations mensuelles de Mme X était très variable selon les mois et les années. Il résulte des contrats produits qu’elle a travaillé 27 jours au cours des quatre premiers mois de l’année 2017 (6 en qualité d’intervenante spécialisée, et 21 en qualité d’assistante de production), 68 jours au cours de l’année 2016 (28 jours et 40 jours), et 55 jours au cours de l’année 2015 (33 jours et 22 jours). Ces collaborations étaient également variables selon les mois, puisque Mme X a travaillé 4 jours en janvier 2014, 2 jours en février 2014, 6 jours en mars 2014, 3 jours en avril 2014, une journée en mai 2014, 4 jours en juin 2014, 3 jours en juillet 2014, aucun jour en août 2014, 2 jours en septembre 2014, 2 jours en octobre 2014, 4 jours en novembre 2014 et une journée en décembre 2014 (soit 32 jours au total au cours de l’année 2014).
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société HSS justifie du caractère temporaire des fonctions occupées par la salariée, en raison d’une part de la nature fluctuante de son activité liée à la présentation de produits déterminés, et d’autre part de l’absence de régularité des jours de présence de la salariée en fonction des mois et des années, alors que l’émission était quotidienne.
Il en découle que la demande de requalification des contrats d’usage en contrat à durée indéterminée depuis le premier contrat du 29 novembre 2010 sera rejetée.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes au titre de l’indemnité de requalification et de rappels de salaires pour les mois non rémunérés durant cette période, ainsi que de sa demande au titre des indemnités de rupture, les contrats n’ayant pas été requalifiés en contrat à durée indéterminée.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
Mme X soutient qu’elle a subi un préjudice moral du fait du recours de la société HSS à des contrats précaires en éludant les règles du droit du travail.
Toutefois, la demande de requalification des contrats d’usage ayant été rejetée, aucune exécution déloyale de la société HSS durant la relation de travail n’est démontrée. Le jugement sera confirmé.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il apparaît équitable de laisser à chacune des parties les frais qu’elle a dû supporter au cours de la présente instance. Il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant :
DIT que chacune des parties garde à sa charge les frais qu’elle a engagés en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme Y X au paiement des dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE