Action en contrefaçon contre le distributeur musical
Action en contrefaçon contre le distributeur musical

Le fait qu’une société ait déclaré un album auprès de la société civile des producteurs de phonogrammes (SCPP) – ce qui permet de percevoir les droits voisins afférents à l’exploitation de l’album sur le territoire français – ne peut suffire à établir sa qualité de producteur au sens de l’article L.213-1 du code de la propriété intellectuelle qui définit le producteur de phonogrammes comme la personne ‘qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de son’.

__________________________________________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/16504 –��N° Portalis 35L7-V-B7C-B56SN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2018 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 16/15101

APPELANT

Monsieur C X

Né le […] à PARIS

De nationalité française

Auteur d’oeuvres de fiction et scénariste

[…]

[…]

Représenté et assisté de Me Antoine GITTON de la SELAS SELAS Antoine GITTON Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0096

INTIMEES

SAS WARNER MUSIC FRANCE

Société au capital de 87 000 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 712 029 370

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée et assistée de Me Adeline LATRILLE, avocat au barreau de PARIS

Société WEA INTERNATIONAL INC

Société de droit américain

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

c/o […]

10011 NEW-YORK

USA

Représentée et assistée de Me Adeline LATRILLE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère, et Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHÉE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

• Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. C X expose qu’il a été formé à l’écriture de scénarii pour des oeuvres audiovisuelles et qu’il a développé depuis 2015 différents projets d’attraction, d’animations ou d’expositions qu’il a présentés à plusieurs producteurs.

Le 17 mai 2015, M. X, sous l’alias de D E, a pris attache avec M. F Y, en charge du travail visuel du groupe KORN, groupe américain de « nu métal » fondé en Californie en 1993, pour lui proposer un projet d’exposition intitulé ‘KORN – l’exposition’, sous la forme de dix salles représentant dix tableaux ou scènes, avec des éclairages, des décors, des automates et des effets spéciaux, chaque scène étant illustrée par une chanson du groupe.

Le 23 juin 2015, M. X a adressé par courrier électronique à M. Y une version finalisée de son projet composé d’un ‘brief’ et d’un dossier de présentation constitué d’un synopsis décrivant chaque scène de l’exposition, accompagné de dix dessins illustrant ces scènes. Aucune suite ne sera donnée à ce projet.

M. X indique avoir découvert, en juillet 2016, la pochette du nouvel album du groupe KORN intitulé ‘The serenity of suffering’, paru en octobre 2016, produit et diffusé, selon lui, par la société WARNER MUSIC FRANCE (ci-après, WMF) et la société américaine WEA INTERNATIONAL INC (ci-après, WEA) sous le label ROADRUNNER RECORDS. Il considère que cette pochette, réalisée par l’artiste H I, reprend des éléments significatifs de son projet, en particulier la salle 7 de l’exposition décrivant une scène de fête foraine.

Pochette de l’album THE SERENETY OF SUFFERING

M. X a fait établir un procès-verbal de constat d’huissier de justice, le 4 août 2016, sur les pages FACEBOOK du groupe KORN et de la société ROADRUNNER RECORDS, où la pochette a été publiée.

Par courrier de son conseil du 1er septembre 2016, M. X a mis en demeure la société WMF, en qualité de producteur du phonogramme ‘The serenity of suffering’ d’interrompre immédiatement l’exploitation de celui-ci.

Après la sortie de l’album ‘The serenity of suffering’ , le groupe KORN a sorti deux clips vidéos ‘Take me’ et ‘Black is the soul’ dont M. X considère qu’ils reproduisent également des éléments figurant dans son projet artistique (automates sans visage, homme enfermé dans une cabine de verre…) et a mis en vente une SOS BOX édition collector de l’album, laquelle contient un poster qui reproduirait également le projet imaginé par M. X, notamment l’univers forain.

C’est dans ces circonstances que, par exploits d’huissier de justice des 18 octobre 2016 et 11 janvier 2017, M. X a fait assigner les sociétés WMF et WEA devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur.

Dans un jugement du 7 juin 2018, ce tribunal :

— s’est déclaré compétent pour connaître du litige,

— a déclaré M. X irrecevable en ses demandes dirigées contre la société WEA,

— a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées contre la société WMF au titre des vidéo clips « Take me » et « Black is the soul » et de l’album en série limitée SOS BOX,

— a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées au titre des droits d’auteur sur le synopsis de « KORN-l’exposition », et des droits patrimoniaux sur les dessins accompagnant ce synopsis,

— a condamné M. X à payer aux sociétés WMF et WEA la somme de 3 000 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— a débouté les sociétés WMF et WEA du surplus de leurs demandes,

— a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— a condamné M. X aux dépens, avec distraction au profit de Me Jean LATRILLE, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 28 juin 2018, M. Z a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises le 12 décembre 2019, M. X demande à la cour :

— de débouter les sociétés WMF et WEA de leur appel incident, de leurs fins de non-recevoir et de leurs défenses au fond,

— de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le tribunal compétent pour connaître du litige,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes dirigées contre la société WEA,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées contre la société WMF au titre des vidéo clips « TAKE ME » et « BLACK IS THE SOUL » et de l’album en série limitée SOS BOX,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées au titre des droits d’auteur sur le synopsis de « KORN L’EXPOSITION » et des droits patrimoniaux sur les dessins accompagnant ce synopsis,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. X sur le fondement des articles 699 et 700 du code de procédure civile,

— de juger que le projet de M. X est original,

— en conséquence,

— de juger que M. X bénéficie de la protection du droit d’auteur pour son oeuvre « KORN ‘ l’exposition »,

— de juger que la pochette de l’album THE SERENITY OF SUFFERING, les clips TAKE ME et BLACK IS THE SOUL, ainsi que le poster de la SOS BOX, portent atteinte au droit de divulgation de M. X sur son oeuvre « KORN ‘ l’exposition »,

— de juger que la pochette de l’album THE SERENITY OF SUFFERING, les clips TAKE ME et BLACK IS THE SOUL, ainsi que le poster de la SOS BOX, portent atteinte au droit à la paternité de M. X sur son oeuvre « KORN ‘ l’exposition »,

— de juger que la pochette de l’album THE SERENITY OF SUFFERING, les clips TAKE ME et BLACK IS THE SOUL, ainsi que le poster de la SOS BOX, portent atteinte au droit de M. X au respect de l’intégrité de son oeuvre « KORN – l’exposition »,

— de juger que la pochette de l’album THE SERENITY OF SUFFERING, les clips TAKE ME et BLACK IS THE SOUL, ainsi que le poster de la SOS BOX, portent atteinte aux droits de reproduction et de représentation de M. X sur son oeuvre « KORN -l’exposition »,

— de juger que la société WMF et la société WEA commercialisent également des produits dérivés reproduisant la pochette de l’album litigieux,

— en conséquence,

— de juger que les sociétés WMF et ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de M. X,

— de condamner WMF in solidum avec la société WEA au paiement :

— de la somme de 10 000 euros en réparation de l’atteinte au droit de divulgation de M. X,

— de la somme de 10 000 euros en réparation de la dénaturation de l’oeuvre de M. X

— de la somme de 10 000 euros pour l’atteinte à son droit au nom,

— de la somme de 50 000 euros à M. X en réparation du préjudice patrimonial,

— de la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice causé à M. X par l’exploitation des produits dérivés,

— de la somme de 10 000 euros pour résistance abusive,

— de faire interdiction à la société WMF et à la société WEA d’exploiter directement ou indirectement de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit la pochette de l’album THE SERENITY OF SUFFERING sous sa forme actuelle, les clips TAKE ME et BLACK IS THE SOUL, ainsi que le poster de la SOS BOX, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter du jugement à intervenir,

— d’ordonner la publication judiciaire de la décision à intervenir, en intégralité ou par extrait, dans trois quotidiens nationaux ou internationaux, au choix de l’appelant, aux frais des intimées, dans la limite de 10 000 euros par insertion,

— de condamner WMF solidairement avec la société WEA à payer 15 000 euros à M. X en paiement de ses frais irrépétibles,

— de condamner WMF solidairement avec la société WEA INTERNATIONAL INC au paiement des dépens d’instance, y compris les frais du constat de SCP A du 4 août 2016, avec bénéfice du droit de recouvrement direct à la SELAS ANTOINE GITTON AVOCATS.

Dans ses dernières conclusions transmises le 8 septembre 2021, la société WARNER MUSIC FRANCE demande à la cour :

— de déclarer M. X tant irrecevable que mal fondé en son appel et de l’en débouter,

— de confirmer le jugement entrepris sur les points suivants :

1) s’agissant de la SOS BOX et des clips « TAKE ME » et « BLACK IS THE SOUL » :

— de constater que la société WMF n’est ni le producteur ni le distributeur en France de la SOS BOX et des clips « TAKE ME » et « BLACK IS THE SOUL »,

— en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes relatives à la SOS BOX, les clips « TAKE ME » et « BLACK IS THE SOUL » en ce qu’elles sont formées à l’encontre de la société WMF,

2) s’agissant de la pochette de l’album « THE SERENITY OF SUFFERING » :

— de constater que la société WMF n’est pas le producteur de l’album,

— en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de la société WMF en qualité de producteur de l’album,

3) sur la titularité des droits moraux sur les dessins de G B :

— de constater que Mme B est bien l’auteur des dessins et, en cette qualité, titulaire de

droits moraux inaliénables,

— en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées au titre des droits moraux d’auteur sur les dessins de G B,

4) sur l’absence d’originalité du projet de M. X :

— de constater que M. X n’établit en aucune façon l’originalité de son projet,

— en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées au titre des droits d’auteur sur le synopsis de « KORN – l’exposition » et des droits patrimoniaux sur les dessins accompagnant ce synopsis,

— recevant la société WMF en son appel incident :

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que M. X était cessionnaire des droits patrimoniaux sur les dessins de G B,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société WMF de sa demande de 10 000 à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— statuant à nouveau :

— de juger que M. X qui ne démontre pas sa qualité de cessionnaire des droits patrimoniaux sur les dessins de G B est irrecevable en ses demandes formées au

titre de ces droits,

— de condamner M. X à payer à la société WMF la somme de 10 000 ‘ pour procédure abusive,

— par ailleurs, à titre principal :

— de constater que la demande de M. X visant à faire condamner la société WMF pour résistance abusive est nouvelle en cause d’appel,

— en conséquence, de déclarer M. X irrecevable en sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

— à titre subsidiaire, de constater que la société WMF ne fait que se défendre dans une procédure intentée contre elle, qu’elle n’a, ce faisant, commis aucun acte de résistance abusive et, en conséquence, de rejeter la demande de M. X de ce chef,

— par ailleurs, à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à juger M. X recevable en certaines ou toutes ses demandes :

— de constater que M. X ne démontre pas que le groupe KORN ou M. H I aient eu connaissance de son projet antérieurement à la réalisation des oeuvres litigieuses, qu’il n’existe aucune ressemblance entre le projet de M. X et la pochette de l’album « THE SERENITY OF SUFFERING », la SOS BOX et les clips « TAKE ME » et « BLACK IS THE SOUL »,

— en conséquence, de juger qu’aucun acte de contrefaçon ne peut être reproché à la société WMF, – de débouter M. X de toutes ses demandes,

— à titre encore plus subsidiaire, sur le préjudice allégué :

— de constater que M. X ne justifie ni de l’existence ni du montant de son préjudice matériel et que la société WMF ne produit ni ne commercialise aucun des produits dérivés mis en vente sur internet,

— en conséquence, de débouter M. X de ses demandes :

— de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel,

— de dommages et intérêts relative à la commercialisation de produits dérivés,

— de sa demande visant à faire interdiction ‘à la société WEA’ d’exploiter de quelque manière que ce soit les oeuvres litigieuses,

— de sa demande visant à faire ordonner la publication judiciaire de la décision à intervenir,

— en tout état de cause,

— de condamner M. X à verser à la société WMF la somme de 30 000 ‘ au titre des frais irrépétibles conformément à l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner M. X en tous les dépens dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me LATRILLE, avocat, aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions transmises le 8 septembre 2021, la société WEA INTERNATIONAL demande à la cour :

— de déclarer M. X tant irrecevable que mal fondé en son appel et de l’en débouter,

— de confirmer le jugement entrepris sur les points suivants :

1) de constater que la société WEA n’est pas le producteur des oeuvres litigieuses et ne participe en aucune façon à leur diffusion sur le territoire français,

— en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de la société WEA,

2) sur la titularité des droits moraux sur les dessins de G B :

— de constater que Mme B est bien l’auteur des dessins et, en cette qualité, titulaire de droits moraux inaliénables,

— en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées au titre des droits moraux d’auteur sur les dessins de G B,

3) sur l’absence d’originalité du projet de M. X :

— de constater que M. X n’établit en aucune façon l’originalité de son projet,

— en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées au titre des droits d’auteur sur le synopsis de « KORN – l’exposition » et des droits patrimoniaux sur les dessins accompagnant ce synopsis,

— recevant la société WEA en son appel incident :

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que M. X était cessionnaire des droits patrimoniaux sur les dessins de G B,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société WEA de sa demande de 10 000 à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— statuant à nouveau :

— de juger que M. X qui ne démontre pas sa qualité de cessionnaire des droits patrimoniaux sur les dessins de G B est irrecevable en ses demandes formées au

titre de ces droits,

— de condamner M. X à payer à la société WEA la somme de 10 000 ‘ pour procédure abusive,

— par ailleurs, à titre principal :

— de constater que la demande de M. X visant à faire condamner la société WEA pour résistance abusive est nouvelle en cause d’appel,

— en conséquence, de déclarer M. X irrecevable en sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

— à titre subsidiaire, de constater que la société WEA ne fait que se défendre dans une procédure intentée contre elle, qu’elle n’a, ce faisant, commis aucun acte de résistance abusive et, en conséquence, de rejeter la demande de M. X de ce chef,

— par ailleurs, à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à juger M. X recevable en certaines ou toutes ses demandes :

— de constater que M. X ne démontre pas que le groupe KORN ou M. H I aient eu connaissance de son projet antérieurement à la réalisation des oeuvres litigieuses, qu’il n’existe aucune ressemblance entre le projet de M. X et la pochette de l’album « THE SERENITY OF SUFFERING », la SOS BOX et les clips « TAKE ME » et « BLACK IS THE SOUL »,

— en conséquence, de juger qu’aucun acte de contrefaçon ne peut être reproché à la société WMF, – de débouter M. X de toutes ses demandes,

— à titre encore plus subsidiaire, sur le préjudice allégué :

— de constater que M. X ne justifie ni de l’existence ni du montant de son préjudice matériel et que la société WEA ne produit ni ne commercialise aucun des produits dérivés mis en vente sur internet,

— en conséquence, de débouter M. X de ses demandes :

— de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel,

— de dommages et intérêts relative à la commercialisation de produits dérivés,

— de sa demande visant à faire interdiction à la société WEA d’exploiter de quelque manière que ce

soit les oeuvres litigieuses,

— de sa demande visant à faire ordonner la publication judiciaire de la décision à intervenir,

— en tout état de cause,

— de condamner M. X à verser à la société WEA la somme de 30 000 ‘ au titre des frais irrépétibles conformément à l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner M. X en tous les dépens dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me LATRILLE, avocat, aux offres de droit.

L’ordonnance de clôture est du 7 janvier 2020.

MOTIFS DE L’ARRET

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur le chef du jugement non contesté

La cour constate que le jugement n’est pas contesté en ce que le tribunal s’est déclaré compétent pour connaître du litige et a débouté la société WEA de sa demande tendant au rejet des pièces 3 à 10 de M. X.

Sur les demandes en contrefaçon de droits d’auteur de M. X

Sur la recevabilité des demandes

Sur la recevabilité des demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre des sociétés WMF et WEA

La société WMF demande la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes dirigées à son encontre, relatives à la SOS BOX et aux clips vidéo. Elle explique notamment que le producteur de la SOS BOX est la société de droit américain KORN PARTNERSHIP, que celle-ci a accordé une licence d’exploitation exclusive à la société ROADRUNNER RECORDS INC. pour les USA (et à la société WEA pour le monde hors USA) et qu’elle même s’est portée cessionnaire à titre universel de la société française ROADRUNNER RECORDS SARL qui ne saurait être confondue avec la société américaine ROADRUNNER RECORDS INC, que les clips vidéo sont diffusés sur le site youtube.com à partir d’un compte KORNCHANNEL sous la marque ROADRUNNER RECORDS qui est celle de la société ROADRUNNER RECORDS INC. avec laquelle elle n’a pas de lien. Elle soutient, ainsi que le tribunal l’a reconnu, qu’elle n’est pas le producteur de l’album mais son distributeur en France.

La société WEA demande la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en toutes ses demandes dirigées à son encontre qu’il s’agisse de l’album, de la SOS BOX ou des clips vidéo. Elle indique qu’elle n’exerce aucune activité en France relativement aux oeuvres litigieuses et que le fait qu’elle soit titulaire d’une licence d’exploitation concédée par la société américaine KORN PARTNERSHIP pour le monde à l’exclusion des Etats-Unis ne peut suffire à établir son implication dans les faits litigieux commis en France.

M. X prétend être recevable à agir contre la société WMF au titre aussi bien de l’exploitation de l’album, que de la SOS BOX et des deux vidéos clips. Il fait valoir que la société WMF ne conteste pas bénéficier des droits voisins du producteur de phonogrammes pour la diffusion

en France de l’album et que le producteur de phonogrammes, titulaires de droits voisins, est bien, aux termes de l’article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle, celui qui a l’initiative de la première fixation d’une séquence de son, qu’en admettant que la société WMF agisse par mandat de la société américaine WARNER MUSIC GROUP COMPANY, elle agit en France en qualité d’ayant droit de la société mère de droit américain et est alors responsable en France pour celle-ci. Il fait valoir que la SOS BOX est l’une des déclinaisons commerciales de l’album dont WMF est productrice et à tout le moins distributrice et que les clips sont exploités sur Youtube et accessibles en France sous la marque ROADRUNNER RECORDS, alors que la société WMF, cessionnaire universel de la société ROADRUNNER RECORDS FRANCE, est titulaire de droit sur cette marque en France, de sorte que la société WMF participe bien à la production et la diffusion de vidéos clips dont elle bénéficie. M. X prétend de même être recevable à agir contre la société WEA, arguant que celle-ci ne produit aucune pièce à l’appui de ses assertions et que cette société reste titulaire de droits d’exploitation de l’album litigieux et de ses déclinaisons en France et observant que la société WMF ne peut distribuer en France que sous licence de la société WEA.

Ceci étant exposé, c’est à juste raison que le tribunal a retenu que le fait que la société WMF a déclaré l’album ‘The serenity of suffering’ auprès de la société civile des producteurs de phonogrammes (SCPP) – ce qui, selon ses explications, lui permet de percevoir les droits voisins afférents à l’exploitation de l’album sur le territoire français – ne peut suffire à établir sa qualité de producteur au sens de l’article L.213-1 du code de la propriété intellectuelle qui définit le producteur de phonogrammes comme la personne ‘qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de son’. Il n’est pas davantage démontré que le producteur de l’album serait de la société américaine WARNER MUSIC GROUP COMPANY dont la société WMF serait l’ayant droit. Par ailleurs, s’il peut être admis que la SOS BOX constitue une déclinaison commerciale de l’album dont WMF est distributrice, cela ne saurait impliquer sa qualité de distributrice pour ce coffret alors qu’il est constant que cette box n’est pas vendue directement en France mais est commercialisée via des sites américains. Si une mention sur la box indique ‘P&C Korn Partnership under exclusive license to Roadrunner Records for the United States and WEA International Inc for the world outside of the United States’, soit : Korn Partnership sous contrat de licence exclusive à Roadrunner Records pour les États-Unis et WEA International Inc pour le monde hors États-Unis, et s’il est acquis que la société WMF s’est portée cessionnaire à titre universel, en 2011, de la société ROADRUNNER RECORDS (SARL), cette société française dissoute et radiée du RCS depuis le 5 août 2011, ne peut être confondue avec la société américaine ROADRUNNER RECORDS INC., licenciée par la société KORN PARTNERSHIP, ainsi qu’en justifie la société WMF (ses pièces 21 et 24). Enfin, il est constant que les clips vidéo ‘Take me’ et ‘Black is the soul’ sont diffusés sur le site youtube.com à partir d’un compte KORNCHANEL, sous la marque ROADRUNNER RECORDS. Or, rien ne permet de rattacher ce compte ou cette marque à la société WMF, une mention apposée sur la SOS BOX précisant que ROADRUNNER RECORDS est une marque enregistrée de la société ROADRUNNER RECORDS INC., laquelle est distincte, ainsi qu’il a été dit, de la société française ROADRUNNER RECORDS (SARL).

Il reste que la société WMF reconnaît sa qualité de distributrice de l’album ‘The serenity of suffering’ en France et que l’action de M. X est recevable à ce titre.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées contre la société WMF au titre des vidéo clips « Take me » et « Black is the soul » et de l’album en série limitée SOS BOX.

C’est également à juste raison que le tribunal a dit M. X irrecevable en toutes ses demandes dirigées à l’encontre de la société WEA. En effet, la seule circonstance que l’album litigieux indique que la société WEA est licenciée par la société KORN PARTNERSHIP pour son exploitation dans le monde à l’exception des Etats-Unis, ne suffit pas à démontrer qu’elle ait effectivement contribué à la diffusion de cet album en France. Et pas plus qu’à la société WMF, il n’est possible de rattacher à la société WEA les clips vidéo ‘Take me’ et ‘Black is the soul’ et la SOS BOX.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en toutes ses demandes formées contre la société WEA.

Sur la titularité des droits sur les dessins réalisés par Mme B

Les intimées soutiennent que M. X ne démontre pas être titulaire de droits sur les dessins dont Mme G B est l’auteur, qui, avec le synopsis, composent le projet d’exposition revendiqué et qui constituent, pour l’essentiel, l’objet de son action en contrefaçon. Elles arguent qu’il ne peut être déduit du courrier de Mme B dont se prévaut M. X que celle-ci lui aurait cédé ses droits moraux, ceux-ci étant incessibles, ou patrimoniaux d’auteur sur les dessins puisqu’elle se contente d’indiquer qu’elle renonce à toute revendication de ses droits sans se conformer aux conditions de formalisme d’un contrat de cession de droits d’auteur. Les sociétés WMF et WEA considèrent qu’à défaut d’être titulaire tant des droits moraux que des droits patrimoniaux sur les dessins réalisés par Mme B, M. X est irrecevable en ses demandes basées sur lesdits dessins.

M. X soutient que Mme B a réalisé les dessins selon des directives qu’il lui a données et qu’elle a renoncé à toute revendication de droits sur ces dessins. Il fait valoir qu’en conséquence de cette cession, il est titulaire des droits patrimoniaux d’auteur sur les dessins de Mme B.

C’est par des motifs exacts que la cour adopte, tant en fait qu’en droit, que les premiers juges ont estimé, au vu de l’attestation de Mme B, que celle-ci avait cédé ses droits patrimoniaux d’auteur à M. X qui est, par conséquent, recevable à opposer les dessins accompagnant le synopsis de ‘KORN – L’exposition’ aux sociétés WMF et WEA, en qualité de titulaire des droits patrimoniaux d’auteur uniquement.

Le jugement sera confirmé de ce chef également (non repris au dispositif).

Sur la protection du projet par le droit d’auteur : l’originalité

M. X expose qu’il a imaginé une forme d’exposition originale s’inspirant de l’univers forain, et notamment des attractions ‘train fantôme’, que son projet s’inspire de l’univers de KORN, est une extension du groupe en ce qu’il raconte une histoire originale, sombre et abstraite, proposant un assemblage d’idées portant tant sur le fond que sur la forme. Il indique avoir d’abord développé seul, en mai 2015, l’histoire d’une jeune femme, puis, à la demande de M. Y, qui lui a demandé d’ajouter des dessins au projet, avoir travaillé sur les dessins réalisés par Mme B :

M. X fait valoir que pour chaque salle, il a fait le choix d’une illustration musicale tournant en boucle tirée du répertoire du groupe KORN et que cet assemblage de constructions formelles qui caractérise son projet, et qui n’existe dans aucune oeuvre de KORN, pas plus que dans l’oeuvre de H I, lequel ne présente aucun univers forain, ni dans aucune autre oeuvre existante, distingue son projet d’une simple thématique, l’oppose au fond commun du rock-métal et traduit le reflet de sa personnalité.

Les intimées soutiennent que l’exposition pensée par M. X est des plus classiques dont la forme ne présente aucune originalité par rapport à ce qui se retrouve dans les musées et les centres d’exposition du monde entier. Elles font valoir que la soi-disant histoire originale inventée par M. X n’est en réalité qu’un ‘assemblage d’idées’ appartenant à d’autres, qui ne présente aucune originalité. Elles soutiennent que M. X ne s’est pas contenté de reprendre un thème déjà existant mais a choisi de relier directement son projet au groupe KORN, en utilisant, sans autorisation, sa marque, le titre des oeuvres de son répertoire, ses enregistrements, les oeuvres qui y sont incorporées et ses créations graphiques et que la prétendue oeuvre originale repose donc avant tout sur des éléments qu’il a directement copiés du groupe KORN, sans apporter la moindre création personnelle. Elles soutiennent que les éléments relevés par M. X pour justifier de l’originalité de son projet (fête foraine, personne aux pieds nus, etc…), relèvent de sources d’inspiration ou d’éléments appartenant à un fond commun que nul ne saurait s’approprier par principe. Elles soutiennent que M. X n’apporte aucun élément permettant d’établir que son projet serait original, alors même qu’il reconnaît lui-même qu’il ne s’agit que d’une appropriation des créations, de l’univers et des thématiques habituelles développées par le groupe KORN.

Ceci étant exposé, la cour rappelle qu’en application de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre , du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. En application de l’article L. 112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Si la protection d’une oeuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.

Une combinaison d’éléments connus n’est pas a priori exclue de la protection du droit d’auteur, mais encore faut-il que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans l’étendre à un genre insusceptible d’appropriation.

En l’espèce, c’est à juste raison que le tribunal a retenu que le concept de l’ ‘exposition-manège’, dans laquelle des spectateurs sont invités à se déplacer de salle en salle pour suivre l’histoire, relève d’une simple idée de libre-parcours, non appropriable par le droit d’auteur, et que l’oeuvre en débat ne peut consister que dans le synopsis décrivant 10 scènes, correspondant aux 10 salles de l’exposition, illustrées chacune par un des dix dessins exposés supra, chaque scène étant musicalement accompagnée d’un titre du groupe KORN mis en boucle (pièce 3 de l’appelant).

En ce qui concerne le synopsis, M. X décrit ainsi l’histoire ‘dans sa partie explicite’ car, ‘afin que travaille l’imagination du visiteur, tout n’est pas explicite’ : ‘Une jeune femme, désespérée, vient d’être quittée par son copain (salle 1). Furieuse, elle saisit une arme et quitte son domicile, bien décidée à retrouver cet homme et à le tuer. Peu importe ce qu’en pensent les gens (salle 2). C’est chose faite lorsque les chemins des deux personnages se croisent à nouveau dans un supermarché : la jeune femme l’abat (salle 3). Internée en hôpital psychiatrique, l’état de la jeune femme se dégrade davantage encore, au point d’être en proie à de terrifiantes hallucinations (salle 4). Dans ce même hôpital, la jeune femme est alors violée en réunion (salle 5). Elle réussit cependant à s’échapper de l’asile (couloir menant de la salle 5 à la salle 6). La jeune femme se retrouve alors à errer ; la rue devient son domicile (salle 6). Le personnage, hanté par les souvenirs, tombe ensuite dans le piège infernal des drogues (salle 7). Ceci ne fait qu’accentuer sa chute : elle se dirige vers le fond du précipice, tout en continuant à être traquée par la Police (salle 8). La jeune femme se suicide finalement (salle 9). Ce n’est qu’au Paradis ‘ où elle entrera ‘ qu’elle trouvera, enfin, l’apaisement (salle 10)’.

Cependant, au-delà de cette description fournie dans ses écritures, M. X n’explicite pas l’originalité de l’histoire en exposant les choix créatifs qui seraient révélateurs de sa personnalité. En outre, l’histoire ainsi décrite est éloignée, dans sa formalisation, du synopsis illustré des dessins de Mme B adressé par M. X à M. Y le 17 mai 2015 (pièce 3 de l’appelant) auquel la cour doit se référer puisque le courriel du 29 juin 2015 par lequel M. X annonce l’envoi de la version définitive, produit en pièce 8, n’est accompagné d’aucune pièce jointe. Or, ce synopsis s’apparente à un scénario très succinct (ex. ‘Première salle (…) Dans la chambre… Premier niveau : Un automate à l’effigie d’une jeune femme est assis au sol, au centre du tableau. La jeune femme est nue, recroquevillée, et – tête baissée – semble être en train de pleurer… Second niveau : La chambre classique d’une jeune adulte… On remarque un poster de KORN accroché à un mur… On remarque également dans un cadre (…) une photo de la jeune femme enlaçant un homme de son âge… Les deux personnages sont souriants… Trucage : Une pluie de sang tombe du plafond de la pièce… (l’eau colorée s’évacue au sol par une bouche prévue à cet effet) ; Seconde salle (…) Dans la rue… Premier niveau (…) La même jeune femme, cette fois debout, avance face visiteurs – en tenant un lourd revolver à la main… La jeune femme semble totalement sonnée… Second niveau (…) Des squelettes avançant dans une rue ; comme s’ils étaient de simples passants… Certains d’eux, dans une ‘posture effrayée’, s’écartent en apercevant la jeune femme… (…) ; Troisième salle (…) A l’hypermarché (…) La jeune femme, semblant cette fois folle de rage et se trouvant à gauche du tableau, légèrement de profil, pointe maintenant son arme vers un jeune homme (…)’ etc…).

En ce qui concerne les dessins réalisés par Mme B, M. X explique que :

— le dessin de la salle 1 présente un trucage donnant l’impression que du sang « pleut » du plafond de la chambre, et recouvre ainsi le sol de la pièce et que cet élément formel, la ‘pluie de sang’, ne se trouve sur aucune pochette antérieure du groupe KORN ;

— le dessin de la salle 2 présente plusieurs squelettes, éléments formels qui ne se trouvent sur aucune pochette antérieure du groupe KORN ;

— le dessin de la salle 4 montre, projetées sur le mur de la cellule, deux têtes de couleur bleue, et à l’aspect extraterrestre, éléments formels qui ne se trouvent sur aucune pochette antérieure du groupe KORN ;

— le dessin de la salle 5 présente des personnages revêtus d’une tenue de chirurgien et plus largement l’univers chirurgical (table d’opération, lampe d’opération…), éléments formels qui ne se retrouvent sur aucune pochette antérieure du groupe ;

— le dessin de la salle 6 présente la jeune femme à genoux au sol, les pieds nus, dans de la neige fondue ; la neige continue de tomber et il fait nuit ; à sa droite, là où l’on aperçoit la vitrine cassée, la télé diffuse un programme où l’on aperçoit le pied de micro du chanteur de KORN (pied de micro à l’effigie du Alien imaginé par HR Giger, puis filmé pour la première fois dans le film de Ridley Scott) ; que cette scène ne se trouve sur aucune pochette antérieure du groupe KORN ;

— le dessin de la salle 7 présente une fête foraine, déserte et nocturne et à l’ambiance sinistre, présentant un manège de chevaux de bois avec seulement deux embarcations, avec sur l’une d’elles une personne déguisée en lapin qui n’est pas un enfant, plusieurs ballons, outre des personnages revêtus d’une tenue de chirurgien, tous éléments qui ne se trouvent sur aucune pochette antérieure du groupe KORN ;

— le dessin de la salle 8 présente des automates sans visage (uniquement de la peau), et enfermés dans des cabines en verre (un seul automate par cabine), la jeune femme avance, les pieds nus, dans l’obscurité, de dos, portant une robe noire, avec des cheveux châtains, longs et détachés, et ses pieds sont nus ; la jeune femme avance parmi plusieurs automates qui ne possèdent pas de visage, tous ces éléments formels ne se trouvent sur aucune pochette antérieure du groupe KORN ; le projet est présenté comme une sorte de train-fantôme, élément qui ne se retrouve sur aucune pochette antérieure du groupe KORN ;

— le dessin de la salle 10 montre une jeune femme tenir à la main des cornes de bouc, un décor mêlant

un point lumineux au milieu de l’obscurité avec, autour de ce point lumineux, de la végétation de type tropical, et un ange, ces éléments formels ne se trouvant sur aucune pochette antérieure du groupe KORN.

Force est de constater que M. X s’attache essentiellement, au-delà d’une description formelle du graphisme des scènes – les scènes 3 et 9 n’étant toutefois pas même décrites – à démontrer que les éléments de ces dessins ne se retrouvent pas antérieurement dans l’univers graphique accompagnant l’oeuvre du groupe (pages 20 à 30 de ses écritures), mais sans expliciter l’originalité de son projet en exposant les choix créatifs effectués qui révéleraient l’empreinte de sa personnalité, alors que, par ailleurs, il admet que son projet ‘s’inspire de l’univers de KORN’, qu’il a été présenté à M. Y comme ‘une extension du groupe’, que ‘l’ambiance du projet correspond effectivement et évidemment à l’ambiance des pochettes antérieures du groupe KORN’ et que l’histoire originale ‘propose un assemblage d’idées’ (page 15 de ses conclusions).

Dans ces conditions, la cour partage l’analyse du tribunal qui a retenu qu’il appartenait à M. X d’indiquer en quoi le choix de proposer des scènes ayant chacune vocation à être accompagnée musicalement par un titre du groupe KORN et illustrée par un dessin serait arbitraire, et non la simple reprise, par la description d’une histoire sombre, violente et tragique, d’une association appartenant au fonds commun du rock métal en général et à l’univers thématique du groupe KORN en particulier.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré M. X irrecevable en ses demandes formées au titre des droits d’auteur sur le synopsis de « KORN-L’exposition », et des droits patrimoniaux sur les dessins accompagnant ce synopsis, sauf à rappeler que l’originalité d’une oeuvre est une condition de fond et non pas de recevabilité de l’action en contrefaçon de droits d’auteur, le défaut d’originalité devant donc conduire au débouté de M. X et non à son irrecevabilité.

En outre, la cour adopte les motifs exacts et pertinents par lesquels le tribunal a dit, à titre superfétatoire, que M. X ne démontrait pas que la pochette de l’album ‘The serenity of suffering’ dessinée par M. H I constituerait une contrefaçon de ‘KORN- L’exposition’.

Sur les demandes pour résistance abusive

Sur les demandes des sociétés WMF et WEA

Les intimées demandent l’infirmation du jugement qui a rejeté leurs demandes reconventionnelles pour procédure abusive, soutenant que M. X a agit en justice en sachant parfaitement s’être approprié des créations appartenant au groupe KORN et que sa mauvaise foi est établie.

Cependant, l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Les sociétés WMF et WEA ne démontrent pas la faute commise par M. X qui aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice, l’intéressé ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits. Elles ne démontrent pas en outre l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté leurs demandes pour procédure abusive.

Sur la demande de M. X en appel

Le sens du présent arrêt conduit nécessairement à débouter M. X de sa demande fondée sur la résistance abusive des sociétés WMF et WEA, sans qu’il y ait lieu de statuer sur la recevabilité de cette demande en appel, contestée par les intimées sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. X, qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Les sommes qui doivent être mises à la charge de M. X au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés WMF et WEA peuvent être équitablement fixées à 2 000 ‘ pour chacune des intimées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le défaut d’originalité d’une oeuvre revendiquée est une condition de fond et non pas de recevabilité de l’action en contrefaçon de droits d’auteur,

Y ajoutant,

Déboute M. X de sa demande indemnitaire fondée sur la résistance abusive des sociétés WMF et WEA,

Condamne M. X aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me LATRILLE, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, et au paiement à chacune des sociétés WMF et WEA de la somme de 2 000 ‘, en application de l’article 700 du même code.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Chat Icon