Sous peine d’être requalifié en contrat de travail à temps plein, le contrat du salarié doit lui permettre de connaître la répartition de ses horaires de travail entre les jours de la semaine. Il appartient à l’employeur de démontrer que le salarié n’est pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler et qu’il n’a pas à se tenir constamment à sa disposition.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Bourges
Chambre sociale
2 avril 2021
RG n° 19/00981
Texte intégral
SD/AB
N° RG 19/00981
N° Portalis DBVD-V-B7D-DGCP
Mme B X
C/
[…]
APPELANTE :
Madame B X
[…]
Représentée par Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES
INTIMÉE :
[…]
[…]
Représentée par Me Noémie CABAT de la SCP AVARICUM JURIS, avocat au barreau de BOURGES
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère
en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
Lors du délibéré : Mme KAMIANECKI, présidente de chambre
Mme O, conseillère
Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère
2 avril 2021
DÉBATS : A l’audience publique du 12 février 2021, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 26 mars 2021 par mise à disposition au greffe. A cette date le délibéré était prorogé au 2 avril 2021.
ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 2 avril 2021 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Mme B X, née le […], a été engagée par l’association Les Bains Douches en qualité de comptable aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée du 28 novembre 2015, dit contrat unique d’insertion-contrat d’accompagnement à l’emploi – à temps partiel de 28 heures, avec prise de poste au 14 décembre 2015. Sa rémunération était de 1 440€ bruts mensuels. L’association relève de la convention collective nationale des entreprises culturelles et artistiques.
Mme X a été placée en arrêt de travail le 19 juin 2017.
Le 15 septembre 2017, l’association Les Bains Douches a convoqué Mme X à un entretien préalable fixé à la date du 29 septembre 2017.
Le 21 septembre 2017, la salariée a été déclarée apte à reprendre son poste lors de la visite médicale de reprise.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2017, l’association Les Bains Douches a licencié Mme X pour cause réelle et sérieuse et l’a dispensée d’exécuter son préavis. La salariée a quitté les effectifs de l’association le 4 janvier 2018.
Contestant son licenciement, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Bourges le 8 janvier 2018, lequel, par jugement de départage du 12 juillet 2019, a :
* prononcé la requalification du contrat de travail à temps partiel conclu entre Mme X et l’association Les Bains Douches le 28 novembre 2015 en contrat de travail à temps complet ;
* condamné l’association Les Bains Douches à payer à Mme X les sommes de :
— 4 226,75 € bruts au titre des salaires de l’année 2016,
— 422,67 € bruts au titre des congés payés pour cette même période,
— 6 609,24 € bruts au titre des salaires de l’année 2017,
— 660,92 € bruts au titre des congés payés pour cette même période,
— 1 200 € bruts au titre de complément de salaire pour la période de préavis,
— 120 € bruts au titre des congés payés pour cette même période ;
* condamné l’association Les Bains Douches à remettre à Mme X, dans un délai de trente jours à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte de 20 € par document et par jour de retard passé ce délai, des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes ;
* condamné l’association Les Bains Douches à verser à Mme X une somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
* condamné l’association Les Bains Douches aux dépens.
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Vu l’appel régulièrement interjeté par Mme X le 8 août 2019 à l’encontre de la décision prud’homale qui lui a été notifiée le 26 juillet 2019, sauf en ce qu’elle a prononcé la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ;
Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 23 juin 2020 aux termes desquelles Mme X demande à la cour de :
> la recevoir en son appel qui sera déclaré fondé ;
> réformer partiellement le jugement entrepris et :
> condamner l’association Les Bains Douches à lui verser :
* Rappels de salaires 2016 : 7 960,19 €
* Outre CP : 796,01 €
* Rappels de salaires 2017 : 8 216,91 €
* Outre C.P. : 821,69 €
* Indemnité pour travail dissimulé : 12 000 €
* Non-respect des temps de travail : 10 000 €
* Rappel de préavis : 1 200 €
* CP : 120 €
* Indemnité de licenciement : Mémoire
* Pour rupture abusive : 10 000 €
> Ordonner la remise des documents sociaux conformes à la décision sous astreinte de 50 € par jour de retard ;
> Au titre des frais irrépétibles : 3 000 €
Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 2 avril 2020 aux termes desquelles l’association Les Bains Douches demande à la cour de :
> la recevoir en son appel incident,
> confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* Débouté Mme X de sa demande de rappel de salaire pour l’année 2016 à hauteur de 7 960,19 € outre 796,01 € au titre des congés payés afférent,
* Débouté Mme X de sa demande de rappel de salaire pour l’année 2017 à hauteur de 8 216,91 € outre 821,69 € au titre des congés payés afférents,
* Débouté Mme X de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
* Débouté Mme X de sa demande de dommages-intérêts au titre du non-respect des temps de travail,
* Débouté Mme X de sa demande à titre de complément de l’indemnité de licenciement,
* Débouté Mme X de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive,
> infirmer le jugement en ce qu’il a :
* Requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet de Mme X au motif que le rythme de travail de la salariée n’était pas prévisible,
* Condamné l’Association Les Bains Douches à verser à Mme X les sommes suivantes : – 4 226,75 € bruts au titre des salaires de l’année 2016,
— 422,67 € au titre des congés payés afférents,
— 6 609,24 € au titre des salaires de l’année 2017,
— 660,92 € au titre des congés payés afférents,
— 1 200 € au titre du complément de préavis,
— 120 € au titre des congés payés afférents,
* Condamné l’Association Les Bains Douches à remettre à Mme X , dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 20 € par document et par jour de retard passé ce délai, des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi,
* Condamné l’Association les Bains Douches à verser à Mme X la somme de 1 000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
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* Condamné l’Association Les Bains Douches aux dépens.
EN CONSÉQUENCE :
A titre principal :
> débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, si la Cour d’appel considérait que le licenciement notifié à Madame X était dépourvu de toute cause réelle et sérieuse :
> limiter à la somme de 5 600 € les dommages-intérêts éventuellement dus à Mme X pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause :
> débouter Mme X de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
> débouter Mme X de sa demande relative au rappel de salaire concernant les années 2016 et 2017 outre les congés payés afférents,
> débouter Mme X de sa demande relative à l’indemnité pour travail dissimulé,
> débouter Mme X de sa demande indemnitaire pour non-respect des temps de travail,
> débouter Mme X de sa demande relative au versement d’un complément de préavis ainsi que des congés payés afférents,
> débouter Mme X de sa demande relative au versement d’un complément d’indemnité de licenciement,
> débouter Mme X de sa demande relative à l’article 700 du Code de procédure civile,
> condamner Mme X à verser à l’Association Les Bains Douches la somme de 3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
> condamner Mme X aux entiers dépens
Vu l’ordonnance de clôture en date du 25 novembre 2020 ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
SUR CE
– Sur la demande de rappel de salaire au titre de la requalification du contrat travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein
Selon l’article L. 3123-14 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, le contrat de travail du salarié à temps partiel doit être écrit et mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. L’absence d’écrit ou des mentions obligatoires fait présumer que l’emploi est à temps complet et il incombe à
l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
En l’espèce, Mme Z se prévaut de ce que, depuis l’origine, la durée hebdomadaire de travail qu’elle était tenue de réaliser dépassait le temps complet. Elle illustre son propos par la production d’un décompte au titre du mois de janvier 2016, lequel fait ressortir des durées hebdomadaires de travail respectives de 42, 45, 40 et 36 heures.
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Elle ajoute que son contrat de travail ne comportait en outre aucune répartition de ses heures de travail entre les jours de la semaine et qu’il comportait une clause de variabilité prohibée en son article 5 puisqu’il y était prévu un horaire hebdomadaire de 28 heures de travail ‘modulé en fonction des besoins liés à la programmation de la salle et aux aléas des spectacles’. Elle prétend au surplus que cette clause, en établissant une corrélation directe entre les spectacles (et leur durée) d’une part et son activité d’autre part, contredit les allégations de son employeur selon lesquelles, d’une part, elle n’était pas tenue d’assister auxdits spectacles et, d’autre part, lorsqu’elle y assistait, elle ne se trouvait pas sous sa subordination.
Mme Z soutient au contraire que, durant les spectacles, concerts, manifestations et repas divers, elle était placée sous le pouvoir disciplinaire de son employeur, les ‘aléas’ mentionnés au contrat constituant un temps de travail au cours duquel elle avait un rôle précis ainsi qu’ un travail réel à effectuer. Elle conteste qu’il se soit agi de bénévolat, comme invoqué par son employeur.
Elle prétend enfin justifier des sommes dues par ce dernier par les décomptes de rappels de salaires qu’elle verse à la procédure, sommes qu’il n’y a pas lieu de minorer, comme l’a fait le conseil de prud’hommes.
Pour sa part, l’association Les Bains Douches conteste que Mme Z ait été dans l’obligation d’assister aux spectacles qu’elle organisait et qu’elle se soit, à leur occasion, trouvée sous la subordination juridique de son employeur. Elle prétend que la salariée y était présente volontairement et y assistait bénévolement. Durant les spectacles, selon l’employeur, Mme Z n’était soumise à aucun lien de subordination juridique. Il en serait de même d’autres manifestations, telles la restitution Lez’Arts au collège de Lignières ou le téléthon (qui n’était pas organisé par l’association) ou encore des repas de midi aux Bains Douches. L’association Les Bains Douches soutient que, n’ayant jamais donné son accord, même implicite pour que Mme Z effectue les heures de travail dont elle se prévaut, ces dernières n’ont pas à lui être rémunérées. Elle prétend que, si la salariée a été amenée à accomplir à sa demande des heures complé-mentaires, celles-ci lui ont été réglées dans la mesure où elle refusait de les récupérer sous forme de repos.
L’association Les Bains Douches conteste par conséquent les décomptes versées par la salariée à la procédure dans la mesure où, selon elle, elle n’effectuait pas toutes les tâches dont elle se prévaut.
Elle soutient que la mention figurant au contrat de travail de Mme X ne signifie nullement que la salariée devait être présente lors des spectacles. Selon l’employeur, cette mention signifiait seulement que son volume horaire de travail pouvait être amené à augmenter en fonction desdits spectacles, ces derniers ayant des répercussions comptables.
Elle conteste par ailleurs que la salariée n’ait pas été en mesure de connaître la répartition de ses horaires de travail sur la semaine.
L’association Les Bains Douches en conclut qu’elle n’est redevable d’aucun rappel de salaire ni de complément d’indemnité de préavis, étant précisé par ailleurs que la salariée ne chiffre pas sa demande au titre du complément d’indemnité de licenciement.
En l’espèce, Mme X a signé le 28 novembre 2015 avec l’association Les Bains Douches un contrat de
travail à durée indéterminée à temps partiel – contrat unique d’insertion – contrat accompagnement à l’emploi.
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L’article 4 de ce contrat de travail prévoyait que la salariée occuperait le poste de comptable et exercerait ‘les fonctions suivantes sous l’autorité et dans le cadre des instructions du directeur I J A :
– comptabilité générale et analytique de la structure
– payes et déclarations sociales’.
L’article 8 dudit contrat indiquait quant à lui que la rémunération mensuelle de Mme X était de 1 440 euros brut ‘pour un horaire hebdomadaire de 28 heures de travail, modulé en fonction des besoins liés à la programmation de la salle et aux aléas des spectacles’.
Comme l’a pertinemment retenu le conseil de prud’hommes, ces dispositions, en l’absence de toute autre clause signée par les deux parties, étaient insuffisantes pour permettre à la salariée de connaître la répartition de ses horaires de travail entre les jours de la semaine, de sorte qu’il en résulte une présomption simple de travail à temps complet.
Pour renverser cette présomption et démontrer que Mme X n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur, ce dernier soutient qu’elle travaillait 7 heures par jour durant 4 jours par semaine (du mardi au vendredi), ce qui résulterait du contenu des décomptes qu’elle verse elle-même aux débats.
Or, la consultation de ces décomptes, même en écartant les temps consacrés aux spectacles eux-mêmes, lesquels sont discutés, font apparaître des disparités dans la répartition des horaires de travail de Mme X au cours de la semaine. Si la salariée indique travailler majoritairement du mardi au vendredi, il apparaît que, certains mois, elle pouvait travailler également le lundi et le samedi, en particulier durant le ‘Festival Air du temps’, outre que les horaires de début et de fin de journée pouvaient varier d’un jour à l’autre.
L’association Les Bains Douches ne fournissant pas d’autres éléments permettant de démontrer que Mme X était en mesure de connaître à quel rythme elle devait travailler, elle échoue dans sa tentative de renverser la présomption simple de contrat de travail à temps complet.
Comme l’ont justement retenu les premiers juges, le contrat de travail à temps partiel de la salariée doit par conséquent être requalifié en contrat de travail à temps complet.
Cette requalification entraîne un rappel de salaire à hauteur de la durée légale hebdomadaire de travail mais Mme X formule une demande de rappel de salaire comprenant au surplus le paiement d’heures supplémentaires qu’elle affirme avoir réalisées tout au long de la relation salariale.
Il sera rappelé que l’article L. 3171-4 du Code du travail dispose sur ce point qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de
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l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Par ailleurs, pour être rémunérées, les heures supplémentaires ou complémentaires doivent avoir été accomplies à la demande de l’employeur ou du moins, avec son accord implicite.
En l’espèce, Mme X verse aux débats un décompte des horaires de travail qu’elle prétend avoir réalisés au cours des années 2016 et 2017 ainsi que plusieurs documents dont l’un d’eux récapitule les règlements et formalités à réaliser au profit des intermittents au cours des années 2016 et 2017 et l’autre les dons réalisés au profit de l’association de 2013 à 2017. Elle fournit encore des documents intitulés ‘suivi contrats et facture’, ‘recette bar’ du samedi 1er avril 2017 et ‘tournée SACEM/chantier des Francos des jeudi 6 et vendredi 7 octobre’ 2016. Il en résulterait selon la salariée qu’elle a été amenée, à de nombreuses reprises, à réaliser des horaires de travail bien au-delà des 28 heures hebdomadaires prévus à son contrat, en particulier lors des spectacles ou événements organisés par l’association ou dans lesquels cette dernière était partenaire, alors qu’elle devait notamment remettre en main propre le contrat de travail à l’artiste se produisant, lui remettre également son bulletin de salaire, son chèque, son attestation Pôle emploi, son attestation ‘congés spectacle’ et la déclaration Urssaf, outre aider à la billetterie, à la cuisine ainsi qu’aider à recompter la caisse en fin de soirée et signer la feuille de recette avec le bénévole présent sur les lieux.
Il se déduit de l’ensemble de ces documents que Mme X présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies pour permettre à son employeur d’y répondre.
Pour autant, comme le souligne ce dernier et comme l’ont pertinemment retenu les premiers juges, il ne peut se déduire du contrat de travail de la salariée et de sa fiche de poste, telle que versée à la procédure, l’obligation d’être présente aux spectacles et autres événements organisés ou suivis par l’association Les Bains Douches.
Par ailleurs, cette dernière verse à la procédure nombre de témoignages, émanant notamment de bénévoles de l’association, dont il résulte que les salariés avaient la possibilité d’assister auxdits spectacles et de suivre les événements dans lesquels elle était partenaire, ce, dans un souci d’une meilleure intégration à l’équipe constituée de salariés et de bénévoles de ladite association, sans toutefois qu’il n’y ait une quelconque obligation en la matière. Ces témoins attestent également de ce qu’à cette occasion, Mme X ne se voyait pas assigner de poste défini et ne recevait pas de directives de son employeur.
Le contenu de ces attestations se trouve corroboré par le témoignage de Mme P K-L, chargée de communication, dont il résulte qu’en mai 2017, la direction avait demandé à la salariée ‘de se concentrer sur ses missions de comptable’, cette consigne lui étant rappelée ‘lors d’une réunion d’équipe concernant l’organisation du festival’ puis reformulée lors du 2e jour du festival, ‘B X ayant pris des initiatives dans la coordination de différents pôles du festival entrainant des problèmes’.
Il s’en infère que la salariée échoue à établir que les heures prétendument travaillées au cours des spectacles, repas et autres manifestations organisées ou suivies par l’association Les Bains Douches étaient réalisées à la demande ou à tout le moins avec l’accord implicite de l’employeur.
Enfin, contrairement à ce que prétend Mme X, il ne peut se déduire des heures complémentaires figurant sur son bulletin de paye du mois de novembre 2017 un dépassement de la durée légale hebdomadaire de travail, dans la mesure où, alors qu’elle avait été dispensée d’effectuer son préavis, les sommes mentionnées à ce titre correspondent, comme l’explique l’employeur, à des heures complémentaires réalisées précédemment mais payées au mois de novembre 2017 à défaut d’avoir donné lieu à récupération.
Dès lors, l’existence d’heures supplémentaires réalisées par Mme X à la demande de l’employeur et non rémunérées n’est pas établie.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a condamné l’association Les Bains Douches à payer à Mme X un rappel de salaire correspondant à un contrat de travail à temps complet au titre des années 2016 et 2017, outre les congés payés y afférents ainsi qu’un complément d’indemnité compensatrice de préavis correspondant à un contrat de travail à temps complet et les congés payés afférents.
Il le sera également en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande au titre d’un complément d’indemnité de licenciement, Mme X ne chiffrant pas davantage cette dernière devant la cour.
– Sur le travail dissimulé
Aux termes de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait par l’employeur de se soustraire intentionnellement soit à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 3243-2 du code du travail, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail, soit à l’accomplissement auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales des déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises dessus.
L’article L 8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits énoncés à l’article L 8221-5 du code du travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
Il sera fait observer que les parties ne font que reprendre sur ce point leurs prétentions et moyens de première instance, de sorte que, le jugement déféré reposant sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, il sera confirmé de ce chef.
– Sur le non respect des règles relatives à la durée quotidienne du travail, à la durée hebdomadaire et au repos quotidien
Mme Z se prévaut en l’espèce de l’importance des heures complémentaires et supplémentaires qu’elle a dû effectuer, laquelle a eu des répercussions sur son état de santé, provoquant trois mois d’arrêt de travail dont deux mois et demi en clinique neuropsychiatrique, de sorte qu’elle s’estime bien fondée à solliciter des dommages et intérêts pour non respect des règles relatives à la durée quotidienne et hebdomadaire ainsi qu’au repos quotidien.
Outre le quantum des heures de travail effectuées, l’association Les Bains Douches conteste quant à elle que l’arrêt de travail et l’hospitalisation de la salariée soient en lien avec ses conditions de travail dont elle ne s’est jamais plaintes, allant même jusqu’à candidater en qualité de directeur de l’association le 25 avril 2017. Elle en déduit que Mme Z ne justifie
pas du préjudice qu’elle invoque à l’appui de sa demande de dommages et intérêts dont elle doit, selon elle, être déboutée.
Il sera rappelé que le contrat de travail à temps partiel de Mme X a été requalifié en contrat de travail à temps complet dans la mesure où la salariée ne pouvait connaître la répartition de ses horaires de travail au cours de la semaine, sans toutefois que ne lui soit accordé un rappel de salaire pour heures supplémentaires, comme elle le sollicitait, les prétendus horaires de travail allégués par la salariée n’étant pas établis.
Il s’en déduit que le non-respect des durées quotidiennes et hebdomadaires de travail, ainsi que du droit au repos quotidien n’est pas davantage démontré, ce d’autant qu’il ne peut être déduit des pièces médicales versées à la procédure par la salariée un lien direct entre son arrêt de travail et son hospitalisation d’une part et le non-respect des temps de repos et durées du travail d’autre part.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de dommage et intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée quotidienne et hebdomadaire de travail ainsi que de droit au repos quotidien.
– Sur le licenciement
Aux termes de l’article L 1232-1 du Code du Travail : «Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse». La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, c’est-à-dire matériellement vérifiables.
Par ailleurs, aux termes de l’article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 4 octobre 2017 vise les ‘manquements’ qu’aurait commis par Mme X dans l’exercice de ses fonctions :
— l’absence d’enregistrement de documents comptables datant du mois d’avril 2017 dans le logiciel de comptabilité nommé EBP COMPTA,
— l’absence de saisine dans le même logiciel de salaires, subventions et chèques de mécénat,
— la non-réalisation des rapprochements bancaires depuis le mois de janvier 2017,
ce, alors que ces tâches relevaient du contenu de son poste puisqu’elle se devait ‘d’assurer régulièrement les enregistrements comptables de l’association au sein du logiciel de Comptabilité EBP COMPTA’ ainsi que la tenue des livres et balances’ et qu’elle avait ‘l’obligation de veiller à maintenir une comptabilité à jour, de traiter les factures et d’assurer le suivi et la prévision de trésorerie’, outre d’assurer de sa propre initiative ‘les opérations de contrôle pour l’ensemble de la comptabilité et, notamment, les rapprochements bancaires au minimum une fois par mois’.
Aux termes de cette lettre de licenciement, Mme X a été licenciée pour faute, l’employeur rappelant dans la lettre de licenciement que ‘M. A [l’a] alerté, à plusieurs reprises, sur la nécessité d’établir un contrôle régulier de la comptabilité’, notamment en février 2017, alors que lui-même et Mme A, en qualité de Présidente de l’Association, lui ‘ont rappelé l’importance de [sa] mission concernant le suivi précis et régulier de la comptabilité, qui figure dans [sa] fiche de poste’, ce que la salariée conteste.
Sans remettre en cause la totalité des retards et erreurs qui lui sont imputés, mais dont elle affirme cependant qu’ils ne revêtent pas l’importance que l’association Les Bains Douches leur donne, Mme X soutient en outre qu’ils sont intervenus dans un contexte de surcharge de travail imputable à son employeur. Elle affirme avoir été licenciée de manière discriminatoire, du fait de son arrêt-maladie et soutient par ailleurs ne jamais avoir bénéficié de la formation qu’il incombait à l’association de lui délivrer, particulièrement dans le cadre d’un contrat aidé.
L’association Les Bains Douches conteste toute discrimination dans le licenciement de la salariée, intervenu selon elle en raison des manquements de cette dernière, sans qu’ils puissent être en lien avec le contexte de surcharge de travail qu’elle allègue sans le démontrer. L’employeur affirme par ailleurs avoir pleinement rempli l’obligation de formation qui pesait sur lui, ce d’autant que Mme X disposait des diplômes et de l’expérience nécessaires pour occuper le poste pour lequel elle avait été recrutée.
En l’espèce, il a été ci-dessus rappelé qu’aux termes de son contrat de travail, Mme X était chargée de la ‘comptabilité générale et analytique de la structure’ ainsi que des ‘payes et déclarations sociales’. Selon sa fiche de poste dont elle ne conteste pas le contenu sauf à affirmer qu’elle n’était pas complète, elle assurait le suivi et le contrôle de gestion et de trésorerie, des déclarations sociales et fiscales, était chargée de la clôture des comptes annuels, en lien avec l’expert-comptable et le commissaire aux comptes, assurait l’adaptation de la structure aux évolutions législatives, sociales et fiscales et assurait la gestion des ressources humaines : contrat de travail, salaires, gestion du temps de travail, des congés…, bénéficiant en outre d’une délégation de signature.
L’association Les Bains Douches verse à la procédure un extrait du ‘grand livre général non définitif’ pour la période du mois de mai 2017, un extrait de la ‘balance générale non définitive’, un courrier de l’expert comptable, M. C D, pour Fiducial Expertise, des extraits de relevés de compte de l’association ainsi que le témoignage de son directeur, M. I-J A dont il résulte les manquements invoqués dans la lettre de licenciement. Il convient particulièrement de souligner le témoignage de l’expert-comptable, lequel indique : ‘il convient de déplorer le fait que la comptabilité n’était pas à jour à la date d’arrêt de Madame X : certaines pièces comptables n’étaient pas enregistrées, les opérations de caisse étaient mal comptabilisées et les états de rapprochement bancaires n’étaient pas finalisés’.
L’association a dû recourir, durant l’arrêt-maladie de la salariée, à un prestataire extérieur qui a constaté les retards ci-dessus évoqués et a dû les résorber. Quand bien même Mme X évoque à juste titre les rapprochements bancaires qu’elle a elle-même réalisés à son retour d’arrêt-maladie, cette circonstance n’enlève en rien le retard qu’elle avait elle-même accumulé avant son arrêt-maladie dans l’enregistrement des documents comptables, salaires, subventions et chèques ainsi que dans les rapprochements bancaires laissés en souffrance depuis le début de l’année 2017.
Or, il a été ci-dessus rappelé que la salariée ne fournissait pas d’éléments suffisamment précis permettant d’étayer l’hypothèse d’un nombre important d’heures supplémentaires imposées, sa présence aux spectacles organisées par l’association ainsi qu’aux repas avec les artistes résultant de sa propre volonté, non d’une injonction de son employeur. Par ailleurs, les pièces versées à la procédure ne permettent pas davantage d’établir qu’elle était dans l’obligation, comme elle le prétend, de réaliser un tableau récapitulatif des payes des personnels artistes intermittents et des salariés permanents au regard de la complexité du journal de paie récapitulatif tenu par l’expert-comptable, cette tâche générant un surcroît de travail. Plus généralement, ils ne permettent pas d’établir la surcharge de travail alléguée.
Certes, Mme X verse à la procédure un certificat médical du Docteur E F, médecin psychiatre, en date du 5 octobre 2017, laquelle atteste de l’hospitalisation de la salariée ‘à la clinique Les Queyriaux du 29/06/2017 au 14/09/2017″ pour ‘tristesse de l’humeur, asthénie, épuisement psychologique et ruminations anxieuses qu’elle attribue à des difficultés au travail avec un sentiment de dévalorisation et de perte de confiance en soi’ mais ce certificat est à lui seul insuffisant pour établir la corrélation entre la dégradation de l’état de santé de Mme X et la surcharge de travail dont elle se prévaut. Il le peut d’autant moins que sa collègue, Mme G H, chargée d’administration, témoigne de ce qu’elle a traversé, au cours de l’année 2016, une situation personnelle particulièrement déstabilisante, susceptible d’avoir concouru à la dégradation de son état de santé.
Par ailleurs, si Mme X a été embauchée dans le cadre d’un contrat unique d’insertion – contrat d’accompagnement à l’emploi – supposant des ‘ actions de formation, d’accompagnement, de tutorat, de formation et de validation des acquis prévues concourant à son insertion professionnelle’, comme le rappelle le contrat de travail, elle ne conteste pas l’absence de tutorat mais estime seulement ne pas avoir bénéficié des formations nécessaires à sa prise de poste et à l’adaptation à son poste de travail.
Pour autant, le conseil de prud’hommes a justement rappelé que la salariée disposait d’un ‘diplôme de niveau Master II en sciences économiques et de gestion entreprenariat des projets socio-économiques, spécialité management et carrière d’artistes’ et qu’elle avait déjà occupé des postes de comptable ou d’aide comptable dans des domaines d’activité similaires à celui de l’association Les Bains Douches, comme le mentionne son curriculum vitae. De surcroît, elle a bénéficié de trois formations au cours de l’année 2016 : une formation de deux jours en février 2016 sur un logiciel de billetterie et état des ventes (‘simple clic’), une formation de deux jours en juin 2016 ‘sPAIEctacle’ relative à la paye spécialisée en matière de spectacles et une formation de 7 heures en octobre 2016 sur le logiciel EBP COMPTA.
L’absence de formation dont se prévaut Mme X n’est par conséquent pas avérée.
En outre, si la salariée conteste que son employeur lui ait à plusieurs reprises demandé de se concentrer sur ses missions et d’assurer un suivi régulier de la comptabilité, ses dénégations se trouvent contredites par le témoignage de Mme K-L, ci-dessus développé.
Il en résulte que Mme X a délibérément manqué à ses obligations professionnelles, cette attitude étant constitutive de la faute qui lui est reprochée, de sorte que son licenciement sera considéré comme pourvu d’une cause réelle et sérieuse, ce étant observé que, contrairement à ce qu’a décidé le conseil des prud’hommes, il ne relève pas du pouvoir du juge de requalifier un licenciement disciplinaire en licenciement non disciplinaire.
Parallèlement, la salariée ne verse à la procédure aucun élément permettant de caractériser, de la part de son employeur, des agissements qui, pris dans leur ensemble, laisseraient supposer l’existence d’une discrimination. En effet, la seule circonstance ayant conduit l’association Les Bains Douches à la convoquer avant le terme de son arrêt-maladie à un entretien préalable à un éventuel licenciement est à elle seule insuffisante pour faire présumer l’existence de la discrimination invoquée.
Par conséquent, le jugement querellé sera confirmé par substitution de motifs en ce qu’il a considéré que le licenciement de Mme X était pourvu d’une cause réelle et sérieuse et la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
– Sur les autres demandes
Il sera rappelé que les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations
2 avril 2021
sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables et que les condamnations qui concernent des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation.
Par ailleurs, au regard des développements ci-dessus, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme X tendant à se voir remettre par l’association Les Bains Douches des documents sociaux conformes, dans le mois qui suit la présente décision, sans qu’il y ait lieu, toutefois, d’assortir cette obligation d’une quelconque astreinte, le jugement querellé étant infirmé de ce chef.
Principale partie succombante, Mme X sera condamnée aux dépens.
Nonobstant l’issue de l’appel, l’équité et les circonstances économiques ne commandent cependant pas de faire
droit à l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’association Les Bains Douches.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Bourges sauf en ce qu’il a assorti d’une astreinte provisoire l’obligation faite à l’association Les Bains Douches de remettre à Mme B X des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes ;
Statuant dans la limite du chef infirmé :
Enjoint à l’association Les Bains Douches de remettre à Mme B X des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes dans le mois qui suit le présent arrêt ;
Y ajoutant :
Rappelle que les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables et que les condamnations concernant des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Condamne Mme B X aux dépens d’appel.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme O, conseillère ayant participié aux délibéré, et Mme M, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA CONSEILLÈRE,