Injurier un titre de presse : affaire Ouest France
Injurier un titre de presse : affaire Ouest France
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Les titres de presse ont eux aussi le droit au respect de leur réputation. La société Ouest-France a obtenu la condamnation d’un élu pour injure (3.000 euros de dommages et intérêts).

Absence de débat ou de contexte politique

En l’absence de débats ou de contexte politique entre adversaires politiques, la juridiction a considéré que les termes outrageants et outranciers publiquement utilisés ( ‘fascistes’ et ‘journal facho’), excédaient les limites admissibles de la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme.

La Cour de cassation a jugé (Crim 28/02:2017 n°15-86591) que s’il peut revêtir un caractère outrageant, le terme « fasciste » prononcé entre adversaires politiques dans le cadre d’un débat politique ne dépassait pas les limites admissibles de la liberté d’expression, de sorte que la qualification d’injure ne pouvait être retenue. Dans cet arrêt opposant deux adversaires politiques, le  terme outrageant de « fasciste »  exprimait «  l’opinion de leur auteur, dans le contexte d’un débat politique, au sujet des idées prêtées au responsable d’un parti politique ». Cette jurisprudence n’est pas transposable en ce que le journal Ouest-France est un organe de presse dont il n’est pas démontré un positionnement de nature à lui prêter des idées se rapprochant du fascisme.

Par ailleurs, ces propos ont été tenus en marge d’une polémique à enjeu local très restreint et sans portée politique. Ils n’ont pas été tenus dans le cadre d’un débat politique ni même d’un débat d’idées.

Sauf à dangereusement porter atteinte à la liberté et à l’indépendance de la presse, un journal local tel que Ouest-France doit pouvoir porter une appréciation critique sur les actions d’un élu, rendre compte du climat politique local et en particulier au lendemain d’élections politiques municipales en faisant état des réactions des opposants politiques, sans être taxé d’opposant politique.

Limites à la liberté d’expression d’un élu

La liberté d’expression largement reconnue à un élu, ne lui confère pas le droit d’invectiver une personne privée,  fut-elle une société de presse, ni de porter atteinte à sa réputation.

Les propos en cause étaient distincts d’une diffamation : les  seules expressions incriminées « journal facho » et « fascistes » ne renferment en elles-mêmes l’imputation d’aucun fait précis. Le fait de qualifier le journal de « malhonnête » et d’indiquer qu’il aurait menti dans un article, ne donne aucun fondement factuel à l’adhésion de cet organe de presse aux valeurs extrêmement négatives qui sont associées au fascisme et n’impute au journal aucun fait précis en relation avec le mouvement fasciste, alors même que les premiers juges ont rappelé à juste titre que l’histoire de la création du journal Ouest-France après la Libération, par la famille Hutin, permettait de considérer que l’identité de celui-ci était assez éloignée du fascisme.

A défaut d’allégation d’un fait précis en lien avec les expressions litigieuses pouvant être compris comme tel par le public, la qualification de diffamation n’a pas été retenue. Dès lors, les propos litigieux ne pouvaient relever que de l’injure publique.

En l’espèce, que l’on considère le terme « fasciste » ou son diminutif « facho » dans son acception historique, laquelle renvoie aux régimes autoritaires, nationalistes, racistes, violents et niant toutes libertés individuelles, instaurés par Mussolini puis Hitler au XXe siècle ou que l’on se réfère à l’usage hyperbolique couramment fait de cette expression en vue de pointer l’extrémisme d’un acte ou d’un propos et disqualifier son adversaire, le caractère outrageant de cette expression ne peut qu’être retenu. La jurisprudence admet d’ailleurs habituellement le caractère outrageant de tels termes.

Périmètre de l’injure et de la diffamation

Sont considérés injurieux et non diffamants les propos qui ne révèlent pas de faits précis de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire. Pour apprécier la qualification légale qu’il convient de donner à un propos, le juge doit prendre en considération non seulement les circonstances relevées dans la citation mais aussi les éléments extrinsèques de nature à donner à l’expression incriminée son véritable sens et à caractériser l’infraction poursuivie.

La jurisprudence considère qu’une expression peut être considérée comme diffamatoire, et non injurieuse, lorsqu’il résulte des constatations des juges du fait que cette imputation se rapporte à un fait précis, dans l’esprit de ses auteurs ainsi que dans l’esprit des personnes qui en ont eu connaissance. (Crim 2 aout 1951 bull.crim N°240). Enfin, lorsqu’il y a indivisibilité entre l’injure et la diffamation, seule cette dernière infraction doit être retenue.

L’excuse de provocation

L’élu n’a pas non plus bénéficié de l’excuse de provocation. L’article 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que: «L’injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu’elle n’aura pas été précédée de provocations sera punie d’une amende de 12 000 euros. ». Il appartient à celui qui prétend en bénéficier d’invoquer l’excuse de provocation et d’en administrer la preuve.

Il est admis que la provocation en matière d’injure ne peut résulter que de propos, d’écrits injurieux, et de tous autres actes de nature à atteindre l’auteur de l’infraction, soit dans son honneur ou sa considération, soit dans ses intérêts pécuniaires ou moraux. Pour être susceptible de justifier l’injure, la provocation doit émaner de la victime de l’injure et viser personnellement son auteur. Le contenu de l’injure doit être en rapport direct avec celui de la provocation. Ce fait justificatif n’est retenu que si l’auteur de la riposte peut être considéré comme ayant agi sous l’influence (émotion, irritation) que la provocation lui a causée.

Dans la mesure où l’excuse de provocation ne peut résulter que d’actes personnellement imputables à la victime des injures, les articles publiés par Le Courrier de l’Ouest ne peuvent servir de fait justificatif aux injures proférées à l’encontre du Journal Ouest-France.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

1re Chambre

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2021

ARRÊT N°320/2021

N° RG 20/03938 – N° Portalis DBVL-V-B7E-Q3P3

M. B X

C/

S.A. OUEST-FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame G-H I, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Mai 2021

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 14 Septembre 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur B X, né le […] à ANGERS,

maire de CHOLET et président de la communauté d’agglomération, demeurant en cette qualité

Hôtel de Ville

[…]

[…]

Représenté par Me Yohann KERMEUR de la SELARL KERMEUR AVOCAT, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

La société OUEST-FRANCE, SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Jérôme STEPHAN de la SCP VIA AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE

Le 01 décembre 2018, lors de la traditionnelle cérémonie de la Sainte-Barbe en présence de leur hiérarchie et des autorités civiles : le sous-préfet, le maire de Cholet et le président du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS), les sapeurs pompiers du Centre des Sapeurs-Pompiers (CSP) de Cholet, appelés à se mettre au garde à vous, ont délibérément tourné le dos aux autorités en guise de protestation contre l’insuffisance des moyens et des effectifs qu’ils estimaient consacrés à leur service.

Le 10 décembre 2018, la décision de mettre fin à la mise à disposition gratuite de l’espace aquatique intercommunal GlisséO au profit des sapeurs- pompiers a été annoncée par le directeur de cet établissement.

Dans ses éditions du 29 janvier et 30 janvier 2019, le journal Ouest-France a publié deux articles relatifs à cette décision, attribuée à la municipalité de Cholet, respectivement titrés « Les pompiers interdits de piscine » et « La sainte-Barbe, toujours pas digérée à Cholet », avec le sous-titre suivant : « Depuis décembre 2018, le maire divers droite, B X, interdit l’accès à deux équipements sportifs de la ville aux sapeurs-pompiers ».

Dans ses éditions suivantes, le journal de presse local a publié d’autres articles relatifs à la polémique suscitée, ainsi titrés et sous-titrés :

— édition des 2/3 février 2019,

« Cholet sera t-elle privilégiée pour « l’acte 12 »

« L’interdiction de piscine et de stade, faite aux pompiers choletais par le maire, semble avoir réorienté des Gilets jaunes du département »

— édition du 05 février 2019,

« La Sainte-Barbe suscite toujours des réactions »

« Lien ou pas avec les sapeurs-pompiers, un conseil municipal extraordinaire est convoqué. Il y sera question d’un « débat autour de l’actualité »

— édition du 06 février 2019,

« Le malaise des pompiers s’invite au Département »

« La collectivité, qui vient de voter son budget, administre et finance le service de secours. Logiquement, la crise du volontariat et la polémique choletaise ont été au c’ur des échanges ».

L’émission « Le Quotidien » présentée par D E diffusée sur la chaîne télévisée TMC a présenté le 12 février 2019 un reportage sur l’accès désormais payant des sapeurs-pompiers à la piscine de Cholet.

Dans le cadre de ce reportage, des extraits du conseil municipal extraordinaire du 6 février 2019 ont été diffusés, au cours desquels le maire, B X, s’exprimait publiquement sur le déroulement de la cérémonie de la Sainte-Barbe et sur le traitement journalistique opéré par le journal Ouest-France concernant la fin de la gratuité au centre aquatique pour les sapeurs-pompiers. Il déclarait à cet égard : « Une polémique qui est née le 29 janvier dans Ouest-France, un article d’une grande malhonnêteté, un article qui me fait dire que les gens qui écrivent ça, auraient fait une belle carrière à Moscou dans les années 30. (‘) »

Dans la suite du reportage, B X, interviewé à l’issue du conseil municipal, faisait part au journaliste de son mécontentement quant à la couverture opérée par le journal Ouest-France sur cette polémique et déclarait « Personne ne leur interdit l’accès à la piscine, contrairement à ce qui a été raconté par ce journal facho qui est Ouest-France »

Le journaliste répliquait «  Vous ne pouvez pas les traiter de fascistes! Pourquoi vous dites fascistes Ouest-France ‘ » et B X de répondre : « Ben parce que c’est des fascistes [Selon M. X, les termes seraient « Je dis fascistes »]. Ils ont écrit un article en disant que les pompiers étaient interdits de piscine, c’est un mensonge, j’ai seulement accéléré l’information que désormais, cela n’était plus gratuit. »

Par exploit en date du 21 mars 2019, la société Ouest-France a fait assigner M. B X devant le tribunal de grande instance de Rennes sur le fondement des articles 29 alinéa 2 et 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, aux fins de :

— voir dire et juger que les expressions « journal facho » et « fascistes » constituent des injures publiques à l’encontre de la société Ouest-France au sens des dispositions de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

— voir condamner M. B X à lui régler la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral ;

— voir condamner M. B X à lui régler la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— voir condamner M. B X aux entiers dépens.

Par exploit en date du 09 avril 2019, l’assignation a été signifiée à Monsieur le Procureur de la République près du Tribunal de Grande Instance de Rennes.

Par jugement en date du 02 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Rennes a :

— rejeté l’exception de nullité de l’assignation ;

— déclaré la société Ouest-France recevable en son action ;

— dit que les expressions « journal facho » et « fascistes » proférées par M. B X et diffusées sur TMC le 12 février 2019 constituent des injures publiques à l’encontre de la société Ouest-France au sens des dispositions de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

— constaté l’absence de provocations émanant du journal Ouest-France susceptibles de justifier les injures proférées par M. B X au sens de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 ;

— constaté l’absence d’immunité liée aux fonctions publiques exercées par M. B X ;

— condamné M. B X à payer à la société Ouest-France la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral ;

— condamné M. B X à payer à la société Ouest-France la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamné M. B X aux entiers dépens.

Suivant déclaration 20 août 2020, M. B X a relevé de tous les chefs de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 13 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. B X demande à la cour de :

Vu la loi du 29 juillet 1881 et notamment les articles 29 et 65,

Vu les articles 10§2 et 14 de la Convention Européenne des droits de l’Homme,

— infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

– in limine litis et à titre principal, prononcer la nullité de l’assignation et par voie de conséquence, constater la prescription de l’action civile au regard des dispositions de l’article 65 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 ;

— à titre subsidiaire et au fond, vu la polémique entretenue par Ouest-France, l’excuse de provocation de la demanderesse, la bonne foi de M. B X, la jurisprudence de la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme, débouter la société Ouest-France de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner la société Ouest-France à verser à M. B X une somme globale de 3000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, in limine litis, M. B X conclut en premier lieu à la nullité de l’assignation délivrée par la Société Ouest-France au motif que celle-ci ne vise pas le bon alinéa de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, les paroles litigieuses relevant, selon lui, de la diffamation et non de l’injure. Il fait valoir à cet égard que ses propos renferment l’allégation d’un fait précis, à savoir la création d’une polémique par la publication d’articles mensongers sans aucune vérification préalable.

Au fond, faisant état du contexte dans lequel ses paroles ont été prononcées, B X entend se prévaloir de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour Européenne des droits de l’homme selon laquelle des propos outrageants peuvent ne pas revêtir la qualification d’injures au sens de l’article 29 alinéa 2 de la loi de 1881 si elles ne font qu’exprimer une opinion dans le cadre d’un débat politique, de sorte qu’elles ne dépassent pas les limites admissibles de la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention Européenne des droits de Homme. A cet égard, il considère faire l’objet depuis vingt-cinq ans d’un traitement éditorial systématique d’opposition, de dénigrement, de multiplication de fausses informations destinées à le discréditer par le journal Ouest-France ainsi que par l’édition locale du journal de l’Ouest, ces deux publications appartenant au même groupe de presse. Cette politique éditoriale, qu’il juge agressive, dénuée de toute impartialité et arbitraire l’amène à considérer que le journal Ouest-France s’est érigé en opposant politique. Il qualifie de «man’uvre politique» les articles mensongers publiés à trois mois des élections municipales destinés à créer la polémique autour de la fin de la gratuité de l’accès au centre aquatique, présentée comme une mesure de représailles à l’attitude des pompiers lors de la cérémonie de la Sainte-Barbe. Il conclut que les termes « facho » et « fascistes » doivent s’analyser comme une opinion émise par un homme politique dans un contexte de débat politique, et qu’ils étaient pertinents et justifiés à l’égard de ce journal qui manifeste, depuis de nombreuses années, une autorité arbitraire à son égard, en publiant volontairement des informations fausses et dénigrantes et en lui déniant ensuite tout droit de réponse. En conséquence, il considère que les termes utilisés ne dépassant pas les limites admissibles de la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention Européenne des droits de Homme ne peuvent être qualifiés d’injures.

B X invoque également l’excuse de provocation en rappelant que cette énième publication mensongère qui ne peut être détachée du contexte ci-dessus rappelé, a abouti à créer de toute pièce une polémique pour laquelle un droit de réponse lui a été refusé et que le « buzz médiatique » né de cette fausse information a entrainé des actes de violences envers lui-même et sa famille ( manifestations de gilets jaunes aux abords de son domicile).

Enfin, B X estime devoir bénéficier, conformément à la jurisprudence développée par la Cour Européenne des droits de l’Homme et la Cour de cassation, de la très large liberté de parole accordée aux hommes politiques afin de garantir le débat démocratique, telle que garantie par l’article 10 de la Convention Européenne des droits de Homme.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 23 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, la société Ouest-France demande à la cour de :

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— dire et juger, M. B X mal fondé en son appel,

— débouter M. B X de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y additant :

— condamner M. B X à régler à la Société Ouest-France la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour s’opposer à l’exception de nullité, la société Ouest-France fait valoir qu’à défaut de pouvoir caractériser l’articulation de faits précis en lien avec les expressions outrageantes litigieuses, de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire, la diffamation ne peut être retenue. Elle ajoute que le contexte général décrit par M. X ne constitue pas l’allégation d’un fait précis mais une question relevant de l’appréciation de fond. Elle rappelle que la jurisprudence considère habituellement que les expressions « facho » ou « fasciste » sont

constitutives d’ injures, en raison de leur caractère outrageant.

La société Ouest-France ajoute que l’appréciation du caractère outrageant doit être effectuée au regard du contexte et rappelle que l’intention de nuire est présumée en matière d’injures. Elle estime que l’intention injurieuse ne fait aucun doute au regard des propos tenus en amont à l’occasion du conseil municipal ( « les gens qui écrivent ça auraient fait une belle carrière à Moscou dans les années 30 ») et alors que ces paroles s’inscrivent dans un ensemble d’allégations injurieuses proférées par le maire de Cholet caractérisant une campagne de dénigrement et de dévalorisation du journal, l’ayant conduit à précédemment initier une action en justice pour des faits identiques. Elle estime donc que les termes « facho » et « fascistes » constituent des invectives outrageantes et insultantes susceptibles d’être comprises comme tel par le public, de sorte que l’injure publique est parfaitement caractérisée.

La société Ouest-France rappelle que celui qui entend se prévaloir de l’excuse de provocation doit en rapporter la preuve. Elle relève que M. X n’est pas légitime à soulever ce moyen de défense en invoquant un traitement éditorial partial, mensonger, injurieux et diffamant à son égard alors que les articles dont il se prévaut à titre d’exemples n’ont pour la plupart, pas été publiés par la société Ouest-France mais par la Société Journal du Courrier de l’Ouest. Pour ceux qui ont effectivement été publiés par la société Ouest-France, elle fait valoir qu’ils ne peuvent constituer un fait justificatif en ce qu’ils ne présentent aucun lien matériel ni temporel avec les injures proférées, qu’ils n’excèdent pas les limites de la liberté d’information et de la satire politique s’agissant d’un élu local, qu’ils ne comportent aucun propos dénigrant, diffamatoire ou injurieux, que de tels faits seraient en toute hypothèse prescrits au regard de l’ancienneté des articles faute pour M. X d’avoir usé des voies de droit en temps utile. S’agissant spécifiquement du traitement médiatique de la polémique liée à la gratuité de la piscine pour les sapeurs-pompiers, la société Ouest-France estime que le contenu des articles publiés ne peut fonder l’excuse de provocation alléguée en ce que l’atteinte à l’honneur et à la considération n’est pas démontrée, ni la relation directe, matérielle et temporelle entre l’injure et la provocation. Elle rappelle que B X n’a exercé aucune action pour injure ou diffamation dans les délais impartis et qu’il ne serait plus recevable à le faire. Par ailleurs, elle souligne que la manifestation de gilets jaunes auprès du domicile de M. X, n’étant pas imputable à la société Ouest-France, ne peut fonder l’excuse de provocation.

L’intimée considère que les jurisprudences invoquées par l’appelant ne sont pas transposables en l’espèce et qu’il n’est pas sérieux de soutenir que le journal Ouest France serait un adversaire politique. Elle ajoute qu’aucun élément ne permet de retenir les expressions « facho » et « fascistes » comme étant l’expression d’une opinion dans le cadre d’un débat politique.

Enfin, contestant toute atteinte à la liberté d’expression, la société Ouest-France expose que, contrairement à ce que soutient M. X, sa qualité d’homme politique ne lui confère pas le droit d’injurier quiconque en toute impunité.

Au titre du préjudice subi, la société Ouest-France fait valoir que ces propos lui ont causé un préjudice moral indéniable par l’atteinte publique portée à la crédibilité et à l’image du journal dans un média d’envergure nationale.

Le Parquet général, par mention écrite du 17 mai 2021 dont la teneur a été communiquée aux parties, a requis la confirmation du jugement attaqué.

MOTIFS DE L’ARRET

1°/ Sur l’exception de nullité soulevée par M. X

L’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que : « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. (‘) . Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite ».

L’article 29 de la même loi prévoit que : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.La

publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».

L’assemblée plénière de la cour de cassation a précisé dans un arrêt du 25 juin 2010 que « sont considérés injurieux et non diffamants les propos qui ne révèlent pas de faits précis de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire ».

Il est par ailleurs constant que pour apprécier la qualification légale qu’il convient de donner à un propos, le juge doit prendre en considération non seulement les circonstances relevées dans la citation mais aussi les éléments extrinsèques de nature à donner à l’expression incriminée son véritable sens et à caractériser l’infraction poursuivie.

La jurisprudence considère qu’une expression peut être considérée comme diffamatoire, et non injurieuse, lorsqu’il résulte des constatations des juges du fait que cette imputation se rapporte à un fait précis, dans l’esprit de ses auteurs ainsi que dans l’esprit des personnes qui en ont eu connaissance. (Crim 2 aout 1951 bull.crim N°240)

Enfin, lorsqu’il y a indivisibilité entre l’injure et la diffamation, seule cette dernière infraction doit être retenue.

En l’espèce, aux termes de la citation délivrée par la société Ouest-France, les seules expressions incriminées sont « journal facho » et « fascistes », lesquelles ne renferment en elles-même l’imputation d’aucun fait précis.

La cour relève que ces termes s’insèrent dans les propos suivants tenus par M. X: «Personne ne leur interdit l’accès à la piscine, contrairement à ce qui a été raconté par ce journal facho qui est Ouest-France »

«Ben parce que c’est des fascistes [Selon M. X, les termes seraient « Je dis fascistes »]. Ils ont écrit un article en disant que les pompiers étaient interdits de piscine, c’est un mensonge, j’ai seulement accéléré l’information que désormais, cela n’était plus gratuit. »

L’utilisation du terme « fascistes » ou « facho » renvoie incontestablement dans l’esprit de M. X aux valeurs et méthodes des régimes autoritaires, violents, racistes et méprisants de toutes les libertés individuelles ayant sévi au XXe siècle, ainsi que le confirme la référence faite en amont des propos tenus, à « les gens qui écrivent ça auraient fait une belle carrière à Moscou dans les années 30 ». En effet, cette période historique correspondant à la répression violente de la paysannerie (liquidation des Koulaks) dans le cadre de la collectivisation forcée et à ce que les historiens appellent « la terreur stalinienne».

Il convient de considérer que, détaché d’un contexte que M. X suppose à tort connu de tous, le fait pour le journal d’avoir publié des articles indiquant que les pompiers étaient désormais interdits d’accès à la piscine alors qu’il aurait dû préciser que c’était seulement la gratuité de l’accès

qui était remise en cause, ne permet pas d’illustrer ou d’expliciter ni « l’autorité abusive » qui caractériserait la politique éditoriale du journal ni la politique dénoncée de désinformation systématique dans un but politique, qui justifierait selon lui la qualification de « fascistes ».

Le lien effectué par M. X entre « des pratiques dignes d’un régime totalitaire de type fascisant » (conclusions page 8) et le contenu des articles publiés par Ouest-France ne peut d’ailleurs se comprendre qu’au terme d’une argumentation développée sur plusieurs pages dans ses conclusions, tendant à soutenir que ces articles s’inscrivent dans une politique éditoriale agressive et partiale visant de manière ancienne et constante à le dénigrer et à le discréditer, en diffusant de fausses informations.

Il doit donc être considéré que contrairement à ce que soutient M. X, la jurisprudence Médiapart (arrêt crim 12 avril 2016 n° 14-87606) n’est pas transposable, en ce qu’il n’existe aucun rapport direct et évident, sauf dans l’esprit de l’intimé, entre les termes utilisés et ce qui ne relève factuellement que de la publication d’une information erronée.

En outre, comme l’a exactement jugé le tribunal, le fait de qualifier le journal de « malhonnête » et d’indiquer qu’il aurait menti en écrivant que les pompiers étaient désormais interdits d’accès à la piscine sans préciser que seul l’accès gratuit était remis en cause ne donne aucun fondement factuel à l’adhésion de cet organe de presse aux valeurs extrêmement négatives qui sont associées au fascisme et n’impute au journal aucun fait précis en relation avec le mouvement fasciste, alors même que les premiers juges ont rappelé à juste titre que l’histoire de la création du journal Ouest-France après la Libération, par la famille Hutin, permettait de considérer que l’identité de celui-ci était assez éloignée du fascisme.

Ainsi, la cour considère qu’à défaut d’allégation d’un fait précis en lien avec les expressions litigieuses pouvant être compris comme tel par le public, la qualification de diffamation ne peut être retenue. Dès lors, les propos litigieux ne pouvaient relever que de l’injure publique. C’est donc à juste titre que l’assignation a visé l’article 29 alinéa 2 de la loi de 1881 relatif à l’injure.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a écarté le moyen de nullité de l’assignation.

2°/ Sur la qualification d’injure publique des expressions visées dans l’assignation : « journal facho » et « fascistes »

En l’espèce, que l’on considère le terme « fasciste » ou son diminutif « facho » dans son acception historique, laquelle renvoie aux régimes autoritaires, nationalistes, racistes, violents et niant toutes libertés individuelles, instaurés par Mussolini puis Hitler au XXe siècle ou que l’on se réfère à l’usage hyperbolique couramment fait de cette expression en vue de pointer l’extrémisme d’un acte ou d’un propos et disqualifier son adversaire, le caractère outrageant de cette expression ne peut qu’être retenu.

La jurisprudence admet d’ailleurs habituellement le caractère outrageant de tels termes.

La Cour de cassation a cependant jugé que s’il peut revêtir un caractère outrageant, le terme « fasciste » prononcé entre adversaires politiques dans le cadre d’un débat politique ne dépassait pas les limites admissibles de la liberté d’expression, de sorte que la qualification d’injure ne pouvait être retenue.

M. X tente vainement de se prévaloir de cette jurisprudence en soutenant que le journal Ouest-France et plus généralement le groupe auquel il appartient, doivent être regardés comme des opposants politiques, compte tenu des multiples actions en Justice menées contre lui et de la politique éditoriale systématiquement opposante et dévalorisante adoptée à son encontre depuis de nombreuses années.

Dans l’arrêt plus particulièrement cité par M. X (Crim 28/02:2017 n°15-86591), la Cour de cassation a précisé que les propos outrageants (« fasciste ») exprimaient «  l’opinion de leur auteur, dans le contexte d’un débat politique, au sujet des idées prêtées au responsable d’un parti politique ».

Comme l’a exactement jugé le tribunal, cette jurisprudence n’est pas transposable en ce que le journal Ouest-France est un organe de presse dont il n’est pas démontré un positionnement de nature à lui prêter des idées se rapprochant du fascisme.

Par ailleurs, ces propos ont été tenus en marge d’une polémique à enjeu local très restreint et sans portée politique, liée aux nouvelles conditions d’accès des pompiers à la piscine inter-communale. Ils n’ont pas été tenus dans le cadre d’un débat politique ni même d’un débat d’idées.

Enfin, la cour ne saurait déduire, des quelques articles publiés par la société Ouest-France versés aux débats, l’existence d’un combat politique à l’encontre du maire de Cholet permettant d ‘assimiler ce journal local à un adversaire politique.

Sauf à dangereusement porter atteinte à la liberté et à l’indépendance de la presse, un journal local tel que Ouest-France doit pouvoir porter une appréciation critique sur les actions d’un élu, rendre compte du climat politique local et en particulier au lendemain d’élections politiques municipales en faisant état des réactions des opposants politiques ( pièce 23, article du 12 janvier 2017, « le parti de gauche lassé par « le roi des cumulards », ou encore traiter de manière satirique des choix de la municipalité ( pièce 24, choix du logo), sans être taxé d’opposant politique.

Il ne saurait davantage être reproché au journal Ouest-France d’avoir abondamment couvert les deux importantes polémiques citées par M. Y ( affaire A et affaire des poursuites pour crime contre l’humanité ) en ce que ces sujets ont revêtu une certaine importance locale et pouvaient légitimement susciter l’intérêt des citoyens. Il est observé que le journal Ouest-France a essentiellement relaté le processus judiciaire et relayé la parole des acteurs concernés, sans animosité ni parti pris évident. En outre, il a rendu compte des décisions de justice définitivement rendues dans ces deux affaires, qui se sont avérées favorables à M. X (pièce 40 « gens du voyage: X gagne en cassation » et pièce 43, « Affaire A: une sanction confirmée »).

Aucune intention politique ne saurait encore se déduire du fait que la présence de M. X n’ait pas été mentionnée dans un bref article faisant état de l’inauguration de deux bâtiments de la commune d’Yzernay ou dans un autre article rendant compte de la cérémonie de la Sainte-Barbe à Tillières. Concernant le premier article, aucun autre officiel n’est cité tandis que l’angle adopté pour le second article était clairement de rendre compte du bilan de l’activité des pompiers plutôt que du déroulement de la cérémonie.

C’est encore vainement, à défaut de prouver un quelconque lien, que M. X soutient que le journal Ouest-France aurait créé à dessein, trois mois avant les élections municipales, la polémique autour de l’accès des pompiers à la piscine.

Enfin, il n’est justifié que d’une seule action antérieurement initiée par la société Ouest-France à l’égard de M. X, pour injures publiques, à la suite de propos relevant du même registre qu’en l’espèce. La multiplicité des actions en justice, dans un but politique, n’est donc pas avérée.

En revanche, la lecture des deux arrêts rendus par la cour d’appel d’Angers le 25 juin 2013, opposant B X à la société des publications du courrier de l’Ouest ( pièce 36 et 38) contredit la thèse de l’intimé selon laquelle, il ferait depuis 25 ans l’objet d’un traitement médiatique systématiquement défavorable de la part de la société Ouest-France.

Le premier arrêt permet d’apprendre que mécontent d’un article paru dans le Courrier de l’Ouest le 13 décembre 2011 au sujet de la représentation d’une crèche vivante, M. X en sa qualité de président de la communauté d’Agglomération du Choletais avait signé dans le n°250 de la revue Synergences Hebdo, une tribune dans laquelle il écrivait : «  Alors un conseil : si vous demandez au père Noël un abonnement à un quotidien, précisez « Ouest-France ». ce n’est pas toujours parfait. Mais vous ne vous salirez pas les mains ».

Le second arrêt permet d’apprendre que mécontent du traitement par l’édition locale du Courrier de l’Ouest de la présentation du rapport de la Chambre régionale des Comptes, B X en sa qualité de président de la communauté d’Agglomération du Choletais avait signé dans le n°247 de l’hebdomadaire Synergences Hebdo, une tribune dans laquelle il comparait le traitement de cette même information par les deux quotidiens locaux. Il écrivait : « Indigne, c’est l’adjectif qui vient à l’esprit à la lecture du compte rendu du « Courrier de l’Ouest » après la présentation du rapport de la Chambre régionale des Comptes au Conseil d’Agglomération. La comparaison des titres entre les quotidiens locaux témoigne de cette malhonnêteté.

Courrier de l’ouest : « les remontrances de la Cour des comptes »

Ouest France : le bon point de la chambre des comptes à l’agglo. »

En l’absence de débats ou de contexte politique entre adversaires politiques, la cour juge que les termes outrageants et outranciers utilisés ( ‘ fascistes’ et ‘journal facho’), dont le caractère public n’est pas débattu, excèdent les limites admissibles de la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme et revêtent donc un caractère injurieux.

En outre, contrairement à ce que soutient M. X, la liberté d’expression largement reconnue aux élus et aux hommes politiques par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme afin de garantir le débat démocratique, ne lui confère pas le droit d’invectiver une personne privée ‘ fut-elle une société de presse ‘ ni de porter atteinte à sa réputation.

En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que l’injure publique était constituée. Il sera confirmé de ce chef.

La bonne foi de M. X étant indifférente en matière d’injure publique, seule l’excuse de provocation peut être ici utilement invoquée. Il convient d’examiner si les conditions en sont réunies.

3° Sur l’excuse de provocation invoquée par M. X

L’article 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que: «L’injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu’elle n’aura pas été précédée de provocations sera punie d’une amende de 12 000 euros. »

Il appartient à celui qui prétend en bénéficier d’invoquer l’excuse de provocation et d’en administrer la preuve.

Il est admis que la provocation en matière d’injure ne peut résulter que de propos, d’écrits injurieux, et de tous autres actes de nature à atteindre l’auteur de l’infraction, soit dans son honneur ou sa considération, soit dans ses intérêts pécuniaires ou moraux. Pour être susceptible de justifier l’injure, la provocation doit émaner de la victime de l’injure et viser personnellement son auteur. Le contenu de l’injure doit être en rapport direct avec celui de la provocation. Ce fait justificatif n’est retenu que si l’auteur de la riposte peut être considéré comme ayant agi sous l’influence (émotion, irritation) que la provocation lui a causée.

En l’espèce, M. X estime faire l’objet depuis plusieurs années d’un traitement médiatique emprunt d’animosité personnelle et d’absence totale d’objectivité dans le traitement de l’information

de la part du groupe SIPA-OUEST FRANCE regroupant le quotidien Ouest-France et le quotidien Le Courrier de l’Ouest. Il fait état de diverses publications qu’il juge injurieuses et infamantes et il invoque l’excuse de provocation.

Cependant, la cour relève à l’instar du tribunal que nombre d’articles communiqués ont été publiés dans le journal « Le courrier de l’Ouest » qui est une personne morale distincte de la société Ouest France, ce que M. Z ne peut ignorer compte tenu des procès qui l’ont opposé par le passé à la société des publications du courrier de l’Ouest et au regard des propos précédemment rappelés aux termes desquels il oppose les deux quotidiens dans la manière de traiter les informations.

Dans la mesure où l’excuse de provocation ne peut résulter que d’actes personnellement imputables à la victime des injures, les articles publiés par Le Courrier de l’Ouest ne peuvent servir de fait justificatif aux injures proférées à l’encontre du Journal Ouest-France.

La cour n’examinera donc que les articles publiés par le Journal Ouest-France :

S’agissant de l’article publié dans l’édition du 20 décembre 2016 intitulé «Deux bâtiments

communaux inaugurés le même jour » et de l’ article intitulé « 284 interventions des pompiers de Montfaucon en 2016 » publié dans l’édition du 27/01/2017 .

Comme précédemment indiqué, M. X dénonce vainement une volonté délibéré de le « faire disparaître ». En outre, ces articles sont anciens et sans rapport direct avec le contenu de l’injure et il ne peut être sérieusement soutenu que l’omission de sa présence dans ces articles serait de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa réputation. Ces articles ne peuvent justifier les injures.

S’agissant d’ un article intitulé « Le parti de gauche lassé par « le roi des cumulards »» publié dans

l’édition du 12/01/2017.

Le journal a retranscrit les propos d’un représentant d’un parti d’opposition à la suite de la réélection de M. X. L’expression « roi des cumulards » est intervenue dans un contexte politique à l’égard d’une personnalité politique. Or, les personnalités politiques sont réputées avoir accepté de s’exposer par principe aux critiques et aux attaques, notamment dans le cadre électoral où une grande liberté de ton est admise. Cette expression n’excède pas les limites admissibles de la liberté d’expression. Par ailleurs, cette publication est intervenue deux ans avant les injures et est sans rapport direct avec leur contenu. Cet article ne peut donc justifier les injures.

‘ L’article relatif au nouveau logo de la ville, sur un ton caustique, dans lequel le nom de M. X n’est même pas cité ne peut s’assimiler à une provocation.

Les articles relatifs à la couverture médiatique des poursuites pour apologie de crimes contre

l’humanité dirigées contre lui ne comportent aucun propos dénigrant, injurieux ou diffamatoire permettant de qualifier le lynchage médiatique allégué. Il ne saurait être fait grief au journal d’avoir couvert une polémique née de propos pour le moins choquants que M. X ne conteste d’ailleurs pas avoir tenus. Les articles relatent essentiellement le processus judiciaire, y compris son épilogue, avec l’annulation des poursuites par la Cour de cassation. Ces articles ne peuvent fonder l’excuse de provocation.

‘ S’ agissant des articles relatifs à la couverture médiatique d’une affaire opposant une directrice d’EHPAD, Madame A, à la Commune de Cholet, la cour n’est saisie d’aucun contenu précis. L’ action du comité de soutien et les propos de ses membres sont effectivement abondamment relayés, ce qui relève toutefois de la liberté du journaliste, dans une affaire complexe ayant connu de multiples rebondissements. La majorité des articles relate les différentes séquences judiciaires y compris l’arrêt du Conseil d’Etat confirmant la sanction en son principe. Aucun dénigrement

particulier ne ressort de ces publications, qui sont anciennes (2014, 2016) et sans rapport avec les injures proférées. Elles ne peuvent donc fonder l’excuse de provocation.

Il est observé que l’ensemble de ces articles ont déjà été invoqués par M. X devant la cour d’appel d’Angers pour justifier d’autres propos qualifiés d’injurieux. Ce seul élément caractérise l’absence de lien de causalité direct entre ces articles anciens et les propos incriminés tenus dans l’émission le Quotidien du 12 février 2019.

Reste le traitement médiatique sur les nouvelles conditions d’accès à la piscine pour les

sapeurs-pompiers de Cholet, que la cour n’estime ni injurieux ni diffamatoire. Hormis les titres, conçus pour être accrocheurs, le contenu des articles permet de comprendre que les pompiers ne sont pas interdits d’accès mais que les créneaux dédiés et la gratuité ont été supprimés, cette décision ayant été présentée comme celle du maire de Cholet, en représailles de la cérémonie de la sainte Barbe. Or, ces éléments sont confirmés par M. X lui-même dans la tribune libre publiée dans la revue Synergences Hebdo n°509 du 6 au 12 février 2019. M X écrit « Face à l’absence d’excuse et à l’utilisation honteuse par les sapeurs-pompiers eux-même de l’incident de la Sainte-Barbe, j’ai décidé de mettre fin aux cadeaux supplémentaires apportés au SDIS à savoir la gratuité des équipements sportifs au détriment des associations, des scolaires et des usagers qui voyaient leurs créneaux ainsi restreints ».

Il convient de considérer que la « désinformation » n’est pas caractérisée et que le ton employé dans cette tribune, tant à l’égard des pompiers que du journal, a largement contribué à alimenter la polémique. Ces articles ne peuvent donc être invoqués comme fait justificatif .

M. X ne peut davantage exciper du refus d’insertion d’un droit de réponse, puisque de fait, il a pu répondre et exprimer son irritation dans la tribune libre qu’il a publiée. Au surplus, il aurait pu user de l’action pour refus d’insertion sur le fondement de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, ce qu’il n’a pas fait.

Contrairement à ce que soutient M. X, aucun lien n’est établi entre les articles publiés et une manifestation de plusieurs gilets jaunes à son domicile. Si ces faits ont légitimement pu susciter la colère et l’émotion de l’intimé, ils ne sont toutefois pas imputables à la Société Ouest-France et ne peuvent donc justifier les injures proférées à son encontre.

En conséquence, M. X F à rapporter la preuve qui lui incombe d’un élément constitutif d’une provocation susceptible de justifier les paroles injurieuses tenues dans le cadre de l’interview diffusée dans l’émission Le quotidien, le 12 février 2019.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a jugé que les injures publiques prononcées à l’encontre du journal Ouest-France ne sont pas excusables.

4°/ Sur la demande indemnitaire

Les injures publiques ont été proférées dans le cadre d’un reportage destiné à être diffusé sur une chaine nationale dans une émission très populaire et à forte audience, ce que M. X ne pouvait ignorer. Ces injures ont causé un préjudice moral certain à la Société Ouest-France en portant publiquement atteinte à sa réputation et à sa crédibilité ainsi qu’à l’image du journal.

C’est donc à juste titre que le tribunal a alloué à la Société Ouest-France la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral. Le jugement sera confirmé de ce chef.

5°/ Sur les autres demandes

Le jugement ayant condamné M. B X aux dépens et à régler à la société Ouest-France la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant de nouveau en cause d’appel, M. B X sera condamné aux dépens d’appel. Il sera également débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné à régler à la société Ouest-France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Rennes ;

Y ajoutant :

Déboute Monsieur B X de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur B X à régler à la société Ouest-France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur B X aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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