Paiement d’un intermittent en espèces 
Paiement d’un intermittent en espèces 
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Pendant près de 20 ans, un intermittent du spectacle a travaillé en qualité de chanteur animateur dans un restaurant exploité sous l’enseigne Le Café Rive Droite par la société Sonorid, selon contrats à durée déterminée d’usage.

Il était payé en liquide à la fin de chaque soirée avec utilisation du dispositif GUSO (guichet unique du spectacle occasionnel) pour une somme de 120 euros brut soit 91,87 euros net par soirée travaillée.

Soutenant que certains jours travaillés ne lui ont pas été payés, le salarié a obtenu gain de cause mais a également fait condamner son employeur pour travail dissimulé. En effet, pour les dates en cause, aucun reçu ou attestation de paiement n’était produit. Toutes

L’article L.8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : (…) 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Or, le salarié n’a pas été déclaré auprès du GUSO par l’employeur pour toutes les soirées travaillées non payées. La société a contesté en vain son intention frauduleuse, et indiquait que le salarié lui demandait régulièrement de ne pas le déclarer auprès du GUSO.

Toutefois, la société Sonorid n’a déclaré auprès du GUSO les dates litigieuses qu’en cours de procédure, plus de deux années après leur réalisation, alors qu’elle ne conteste pas que la majorité de ces soirées ont été travaillées par le salarié. Au vu de la preuve de l’intention frauduleuse de l’employeur, et nonobstant la connaissance par le salarié de cette absence de déclaration, la société a été condamnée à verser au salarié la somme de 5 000 euros.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/02242 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7JN3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/10003

APPELANT

Monsieur Z X

[…]

[…]

Représenté par Me Aurélie RIMBERT-BELOT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 241

INTIMEE

SARL SONORID Représentée par son gérant en exercice et tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Eric ALLERIT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Depuis 1997, M. X a travaillé en qualité de chanteur animateur dans un restaurant exploité sous l’enseigne Le Café Rive Droite par la société Sonorid, en qualité d’intermittent du spectacle selon contrats à durée déterminée d’usage.

Il était payé en liquide à la fin de chaque soirée avec utilisation du dispositif GUSO (guichet unique du spectacle occasionnel) pour une somme de 120 euros brut soit 91,87 euros net par soirée travaillée.

Soutenant que certains jours travaillés ne lui ont pas été payés, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 7 décembre 2017 pour obtenir paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 11 septembre 2018, notifié le 24 janvier 2019, le conseil de prud’hommes a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Pour statuer ainsi, le conseil a jugé que les demandes de M. X n’étaient pas assez étayées, et que M. X demandait parfois à son employeur de ne pas le déclarer.

M. X a interjeté appel de ce jugement le 29 janvier 2019.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses conclusions notifiées le 28 juin 2021, M. X conclut à l’infirmation de la décision déférée et sollicite la condamnation de la société Sonorid au paiement des sommes suivantes :

‘ Salaire année 2016 : 2.280 ‘ brut,

‘ Congés payés afférents : 228 ‘ brut

‘ Salaire année 2017 : 960 ‘ brut

‘ Congés payés afférents : 96 ‘ brut

‘ Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15.120 ‘

‘ Dommages et intérêt pour perte du statut d’intermittent : 10.000 ‘

outre la somme de 2 500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X fait valoir qu’il a travaillé plusieurs journées pour le compte de la société Sonorid en 2016 et 2017 sans être payé, et que toutes les journées de travail dont le paiement est sollicité ont fait l’objet d’une régularisation auprès du GUSO entre le bureau de conciliation et le bureau de jugement par la société , qui a donc payé les charges afférentes aux salaires réclamés ; qu’en outre, les SMS échangés démontrent les prestations effectuées ; qu’enfin, la preuve du paiement des jours travaillés incombe à l’employeur qui n’en justifie pas.

Il sollicite également des dommages intérêts pour travail dissimulé, indiquant que la société Sonorid n’a pas procédé à l’ensemble des déclarations auprès du GUSO et n’a pas remis l’ensemble des bulletins de paie pour toutes les soirées où il a travaillé au sein de l’établissement, la société ayant procédé à la régularisation de 27 soirées auprès du GUSO en cours de procédure.

Il sollicite enfin des dommages intérêts au motif que la société Sonorid n’ayant pas déclaré l’ensemble de ses prestations auprès du GUSO, il a perdu son statut d’intermittent du spectacle faute d’avoir le nombre d’heures suffisantes, et a perçu pendant plusieurs mois le RSA, soit une somme inférieure à celle due au titre de l’allocation retour à l’emploi dans le cadre du statut d’intermittent.

Selon ses conclusions notifiées le 28 juillet 2021, la société Sonorid conclut à la confirmation du jugement, au rejet de l’intégralité des prétentions de M. X, et à titre subsidiaire à la limitation de l’indemnité pour travail dissimulé à la sommme de 5 040 ‘. Elle sollicite en outre une indemnité de 1 000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Sonorid soutient que M. X n’a pas travaillé à toutes les dates dont il réclame le paiement, et qu’il n’a jamais effectué aucune demande avant son action en justice. Elle souligne que deux de ces dates ont d’ailleurs été travaillées par un autre salarié, M. Y, et non par lui.

Elle explique qu’elle a cependant consenti à régulariser les déclarations pour toutes les soirées revendiquées par M. X, quand bien même il n’aurait pas chanté les soirs en cause, afin de mettre un terme au litige.

Elle conteste toute demande au titre de l’indemnité forfaitaire, le salarié ayant demandé expressément dans ses SMS à ne pas être déclaré à certaines dates, ainsi que la demande au titre de la perte du statut d’intermittent, puisque les dates revendiquées ne lui permettaient pas en tout état de cause d’obtenir ce statut, au vu du nombre d’heures manquantes. Elle souligne qu’elle n’est pas responsable de la situation du salarié puisque, malgré les déclarations effectuées par l’employeur, le nombre d’heures travaillées par M. X serait resté en dessous du seuil nécessaire pour bénéficier de l’APS.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.

L’instruction a été déclarée close le 1er septembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les jours travaillés et non rémunérés :

Il n’est pas contesté par les parties que M. X exerçait ponctuellement une activité d’animateur de karaoke dans le café Rive Droite, exploité par la société Sonorid, en qualité d’intermittent du spectacle, et ce depuis l’année 1997.

M. X soutient qu’il a travaillé à plusieurs reprises au cours des années 2016 et 2017 pour le compte de la société Sonorid sans être rémunéré.

Il précise qu’il a travaillé aux dates suivantes :

—  7, 8 et 9 juillet 2016 ;

— du 4 au 7 août et du 12 au 15 août 2016 ;

— du 4 au 6 décembre, puis du 18 au 21 décembre, et le 27 décembre 2016 (soit un total de 19 jours en 2016) ;

— du 17 au 19 janvier et du 23 au 25 janvier 2017 ;

— les 3 et 4 février 2017 (soit un total de 8 dates en 2017).

Il verse aux débats pour en justifier des échanges SMS entre lui et ‘B’, qui est présenté comme étant M. B C, co-gérant de la société Sonorid, et auquel est joint un planning pour la période du 16 au 25 janvier 2017, dans lequel ‘Z’ (prénom de M. X) est prévu du 16 au 19 janvier et du 23 au 25 janvier 2017, ainsi qu’un SMS envoyé par M. X le 3 février à 21h29 indiquant ‘suis en retard de 15 minutes, désolé’.

La société Sonorid ne conteste pas que M. X a travaillé à ces dates, à l’exception des 3 et 4 février 2017, mais affirme que celui-ci a toujours été payé en fin de prestation, en liquide, comme l’ensemble des autres animateurs du karaoke.

Elle verse aux débats pour en justifier :

— deux attestations d’animateurs de karaoke, qui témoignent qu’ils travaillaient en alternance avec M. X comme chanteurs occasionnels, et qu’ils ont toujours été déclarés et payés en espèces à hauteur de 90 ‘ la prestation ;

— l’attestation GUSO de M. Y en tant qu’animateur pour les soirées du 3 au 5 février 2017.

La preuve du paiement des journées travaillées incombe à l’employeur.

Les pièces versées aux débats par l’employeur ne justifient pas du paiement à M. X des cachets dûs pour les dates rappelées ci-dessus, aucun reçu ou attestation de paiement n’étant produit. Toutes

les sommes réclamées à ce titre sont donc dues à M. X, à l’exception des 3 et 4 février 2017, pour lesquelles l’employeur justifie qu’un autre salarié a effectué les prestations et a été déclaré pour celles-ci.

Il y a donc lieu de condamner la société Sonorid à verser à M. X la somme de 2 280 ‘ bruts à titre de rappel de salaires pour l’année 2016, outre les congés payés afférents de 228 ‘ bruts, et la somme de 720 ‘ bruts pour l’année 2017 (6 dates retenues), outre la somme de 72 ‘ bruts au titre des congés payés.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé :

L’article L.8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : (…)

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

M. X indique qu’il n’a pas été déclaré auprès du GUSO par l’employeur pour toutes les soirées travaillées non payées.

La société Sonorid conteste son intention frauduleuse, et indique que M. X lui demandait régulièrement de ne pas le déclarer auprès du GUSO. Elle verse pour en justifier des échanges de SMS dans lesquels le salarié lui indique : ‘pas la peine de faire des cachets pour ce mois-ci’ (28 décembre 2015), et ‘tu peux me faire une date pour le mois de février’ (25 février 2016) alors qu’il ressort des échanges que M. X avait travaillé au moins 10 soirées au cours de cette période.

Toutefois, la société Sonorid n’a déclaré auprès du GUSO les dates litigieuses qu’en cours de procédure, plus de deux années après leur réalisation, alors qu’elle ne conteste pas que la majorité de ces soirées ont été travaillées par M. X.

Il y a donc lieu, au vu de la preuve de l’intention frauduleuse de l’employeur, et nonobstant la connaissance par le salarié de cette absence de déclaration, de condamner la société Sonorid à verser à M. X la somme de 5 040 ‘ au titre du travail dissimulé, sur la base d’un salaire moyen de 840 ‘ bruts par mois.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la perte du bénéfice du statut d’intermittent du spectacle :

M. X soutient qu’il a perdu le statut d’intermittent du spectacle en raison de l’absence de déclaration de certaines des dates travaillées par la société Sonorid, et qu’il n’a perçu que le RSA à compter du mois de mars 2017, ce qui lui a causé un manque à gagner d’environ 840 ‘ par mois.

Il verse aux débats pour en justifier ses relevés de situation de Pôle Emploi mentionnant en février 2017 qu’il ne justifiait pas de 507 heures de travail au cours des 365 jours précédant la fin du dernier contrat, puisque seules 252 heures étaient justifiées du 29 février 2016 au 20 novembre 2016, et les relevés démontrant qu’il percevait la somme de 1 313 ‘ dans le cadre de son statut d’intermittent.

Ainsi que le souligne la société Sonorid à juste titre, le rejet d’allocation de professionnalisation et de solidarité par Pôle Emploi daté du 20 février 2017 mentionne qu’il manquait 271 heures à M. X pour pouvoir bénéficier de cette allocation sur la période de février 2016 à novembre 2016. Or, les

heures non déclarées par la société Sonorid durant cette période correspondent à 11 soirées, soit 71 heures, et ne suffisaient pas à elles seules à permettre à M. X de bénéficier du statut d’intermittent.

En outre, le courrier de Pôle Emploi du 22 juin 2018 refusant le bénéfice de l’allocation de fin de droit à M. X précise que celui-ci doit justifier d’au moins 507 heures de travail, et qu’il ne justifie que de 476 heures pour la période du 24 décembre 2015 à décembre 2016, ce nombre d’heures comprenant les dates régularisées tardivement par la société Sonorid au cours du mois d’avril 2018.

Aussi, même en prenant en compte les dates déclarées tardivement par l’employeur, M. X ne démontre pas qu’il aurait pu bénéficier de l’allocation de professionnalisation et de solidarité pour l’année 2016.

Aussi, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de dommages intérêts de ce chef, M. X n’établissant pas le lien de causalité entre l’absence de déclaration de certaines dates par l’employeur et la perte de son statut d’intermittent.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X la totalité des frais qu’il a dû supporter au cours de la présente instance. Il lui sera accordé la somme de 1 500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages intérêts pour la perte du statut d’intermittent ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Sonorid à payer à M. Z X les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur par le conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère salarial :

—  2 280 ‘ bruts à titre de rappel de salaires pour l’année 2016, outre les congés payés afférents de 228 ‘ bruts,

—  720 ‘ bruts à titre de rappel de salaires pour l’année 2017, outre la somme de 72 ‘ bruts au titre des congés payés afférents,

—  5 040 ‘ à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

—  1 500 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Sonorid au paiement des dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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