Campagne au clic publicitaire : affaire Criteo 
Campagne au clic publicitaire : affaire Criteo 
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La souscription d’une campagne au clic publicitaire sans budget plafonné engage l’annonceur au paiement des sommes dues sauf à prouver le défaut d’exécution par le support.  

La société Wooop a signé un bon de commande auprès de la société Criteo, ayant pour objet d’afficher les produits d’un partenaire du client en fonction des données client et des données Criteo, les parties convenant des segments d’utilisateurs du client à recibler. Le bon de commande mentionne les prestations publicitaires suivantes : « lower funnel, bannières dynamiques, date de commencement dès que possible, budget non plafonné, prix unitaire du CPC de 0,29 euro payable à facturation. »

Pour refuser de payer ses prestations, la société Wooop a invoqué sans succès, une hausse importante de ses dépenses au clic. Cette dernière n’établissait pas qu’un budget annuel ait été dépassé, puisque le bon de commande ne fixait aucun plafond, ni que le nombre de coûts par clic (« CPC ») ne soit pas en correspondance avec le montant facturé. De son côté, la société Criteo a fait valoir qu’au-regard des dépenses plus importantes, des gains supérieurs de 14 312 euros avaient été constatés et que la stratégie digitale n’avait pas été discutée en amont, sans être contredite.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00791 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIJO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2019 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019000549

APPELANTE

SAS WOOOP

Ayant son siège social […]

[…]

N° SIRET : 799 872 791

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Xavier BOUILLOT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Société CRITEO

Ayant son siège social […]

[…]

N° SIRET : 484 786 249

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Denis HUBERT de l’AARPI KADRAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0154

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Stanislas de CHERGÉ, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La Sa Criteo est spécialisée dans les solutions publicitaires sur internet.

La Sas Wooop a pour activité la commercialisation de vêtements sur internet.

Le 28 octobre 2014, la société Wooop a signé un bon de commande auprès de la société Criteo portant sur la mise en place d’une campagne publicitaire.

La société Criteo a émis deux factures : l’une d’un montant de 9 706 euros Ttc en date du 31 décembre 2016 et l’autre d’un montant de 2 289 euros Ttc en date du 31 janvier 2017 pour un montant total de 11.995,74 euros.

Le 18 mai 2018, la société Criteo a mis en demeure la société Wooop de lui régler la somme de 13 607 euros Ttc, incluant le montant total des deux factures de 11 995 euros, la somme de 1 531 euros au titre des pénalités de retard et la somme de 80 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement.

Par acte d’huissier du 20 novembre 2018, la société Criteo a assigné la société Wooop devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement réputé contradictoire du 14 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

— jugé l’action de la Sa Criteo recevable ;

— condamné la Sas Wooop à payer à la Sa Criteo la somme de 11.995,74 euros correspondant au montant des deux factures échues ;

— condamné la Sas Wooop à payer à la Sa Criteo les pénalités de retards dues à compter de l’échéance de chaque facture au taux BCE majoré de 10 points et jusqu’à parfait paiement ;

— condamné la Sas Wooop à payer à la Sa Criteo la somme de 80 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;

— condamné la Sas Wooop à payer à la Sa Criteo la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté la Sa Criteo de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;

— condamné la Sas Wooop aux dépens de l’instance.

La société Criteo a fait signifier le jugement dont appel à la société Wooop par exploit du 09 décembre 2019.

Par déclaration du 27 décembre 2019, la société Wooop a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 12 mars 2020, la société Wooop demande à la cour de :

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 14 novembre 2019 ;

— Annuler les factures émises par la société Criteo au mois de décembre 2016 et au mois de janvier 2017 ;

— Juger que la société Wooop n’est pas débitrice de la somme de 11.995,74 euros à ce titre ;

— Condamner la société Criteo à rembourser à la société Wooop les sommes indument perçues à savoir 17.444,09 euros, saisies sur le compte de la société Wooop en vertu du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 19 novembre 2019 ;

— Condamner la société Criteo à verser à la société Wooop la somme de 5.000 euros au titre du préjudice subi ;

A titre subsidiaire, et par extraordinaire,

— Juger que la société Wooop devra régler la somme de 3.570,90 euros au titre des factures des mois de décembre 2016 et janvier 2017 ;

En tout état de cause,

— Condamner la société Criteo à verser à la société Wooop la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— Condamner la société Criteo aux dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 24 mars 2021, la société Criteo demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1231-6, 1344-1, 1343-2, 1710 du code civil et L. 441-10 du code de commerce,

— juger la société Criteo France recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes ;

— juger la société Wooop mal fondée en son appel ;

— confirmer le jugement rendu le 14 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris ;

— condamner la société Wooop aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à payer à la société Criteo France la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la motivation des conclusions de la société Wooop

La société Criteo soutient que, sur le fondement de l’article 954 du code de procédure civile, la société Wooop ne qualifie pas les faits allégués afin d’aboutir à une demande en annulation des factures objets du litige, et qu’il n’existe aucun moyen de droit à l’appui de ses prétentions. Elle demande le rejet des demandes formées.

La société Wooop ne fait valoir aucun moyen en réponse sur ce point.

Ceci étant exposé,

Selon l’article 954 du code de procédure civile, « les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance. »

La société Criteo rappelle des dispositions générales issues du code de procédure civile et de la jurisprudence relatives au fondement de la demande d’une partie. Mais, en rappelant confusément la « qualification des faits », le « fondement d’une demande », le délai d’appel, la nécessité d’une « discussion utile et propre » et « l’impossibilité pour la cour de céans » de statuer, la société Criteo ne justifie aucune de ses observations. Elle se place en outre à mauvais droit dans les prérogatives du juge du fond prévues aux articles 3, 5 et 8 du code de procédure civile.

Le moyen de la société Criteo sera en conséquence rejeté.

Sur les factures litigieuses

La société Wooop fait valoir que les deux factures de 8 088 euros et de 3 906 euros sont plus élevées que les précédentes factures émises par la société Criteo, notamment au mois de novembre 2016, et que leur montant est injustifié. Elle a proposé de régler la somme de 3 570 euros pour ces deux factures et dénonce la pratique de « clics incentivés ». La société Wooop demande à la fois la « nullité des factures litigieuses », « dire qu’elle n’est pas redevable » des factures et le remboursement des sommes versées.

La société Criteo soutient sur le fondement de l’article 1710 du code civil qu’elle justifie le montant des factures et que la société Wooop ne rapporte pas la preuve d’un fait qui aurait produit l’extinction de son obligation.

Ceci étant exposé,

La société Wooop, représentée par M. X Y, a signé le 28 octobre 2014 un bon de commande auprès de la société Criteo, représentée par M. Z A, ayant pour objet d’afficher les produits d’un partenaire du client en fonction des données client et des données Criteo, les parties convenant des segments d’utilisateurs du client à recibler. Le bon de commande mentionne les prestations publicitaires suivantes : « lower funnel, bannières dynamiques, date de commencement dès que possible, budget non plafonné, prix unitaire du CPC de 0,29 euro payable à facturation. »

A/ Sur la demande de la société Wooop de procéder à l’annulation des deux factures contestées

Il y a lieu de relever que les pièces versées au débat ne permettent ni de relever une irrégularité, par ailleurs non précisée par l’appelante, ni de constater l’inexécution d’obligations.

La société Wooop invoque ainsi des prestations antérieures moins importantes, à partir d’une moyenne mensuelle de dépenses d’un montant de 715 euros Ht établie entre janvier 2016 et novembre 2016 (pièce 26), et le fait qu’elle n’a pas été alertée sur cette dépense anormale, outre la pratique de « clics incentivés ». Mais elle n’établit pas qu’un budget annuel ait été dépassé, puisque le bon de commande ne fixe aucun plafond, ni que le nombre de coûts par clic (« CPC ») ne soit pas en correspondance avec le montant facturé. De son côté, la société Criteo a fait valoir le 04 janvier 2017 qu’au-regard des dépenses plus importantes, des gains supérieurs de 14 312 euros avaient été constatés et que la stratégie digitale n’avait pas été discutée en amont, sans être contredite.

Il en résulte que la demande d’annulation des deux factures contestées sera rejetée.

B/ Sur le montant des deux factures

Les deux factures de 9 706 euros Ttc et de 2 289 euros Ttc, au libellé identique « Wooop FR Active users Lower Funnel », ont fait l’objet de contestations sérieuses et de propositions alternatives rendant leur montant dépourvu de caractère certain, liquide et exigible.

a) En ce qui concerne la première facture de 8 088 euros Ht du 31 décembre 2016 (9 706 euros Ttc), la société Wooop a circonscrit son désaccord à la dernière semaine du mois de décembre 2016 le 03 janvier 2017 : « 1 au 17 décembre : 2 532 euros de pub criteo : ok ; 18 au 24 décembre : 2 065 euros de pub criteo : je trouve ça anormal mais je l’accepte ; du 24 au 31 décembre : 3 491 euros de pub criteo : clairement ce n’est pas du tout normal ».

En réponse à cette contestation, la société Criteo n’a produit aucun élément stabilisé et reconnu successivement une « explosion des dépenses » (pièce 20), « un montant de dépense supérieur à celui enregistré habituellement » (pièce 16), un « surcoût » de 1 770 euros le 04 janvier 2017, « nous acceptons nos torts nous aurions dû proposer des CPC à la baisse » le 05 janvier 2017. Elle a proposé un avoir de 4 518 euros pour la période entre le 24 décembre 2016 et le 2 janvier 2017 et une facture modifiée au montant de 3 570 euros (pièce 20). Elle a ensuite invoqué des « calculs erronés dans ses derniers courriels » le 24 janvier 2017 pour modifier sa proposition : un avoir de 3 061 euros et une facture de 5 027 euros.

De ce point de vue, il y a lieu de relever que la société Wooop a accepté le 05 janvier 2017 de régler un montant de 4 000 euros pour le mois de décembre 2016, modifié au montant de 3 570,90 euros pour le mois de décembre et les trois premiers jours de janvier 2017 (pièce 24, courriel du 17 janvier 2017).

Il en résulte que la facture du 31 décembre 2016 a été établie à tort pour un montant de 8 088 euros Ht par la société Criteo, sachant qu’elle ne pouvait être supérieure au minimum à la somme de 5 027 euros Ht au titre de sa dernière proposition du 24 janvier 2017 et que les « calculs erronés » n’ont pas été justifiés devant la présente cour.

En l’état des pièces versées au débat, la créance de la société Criteo au titre de la facture du 31 décembre 2016 doit être modifiée pour être établie au montant de 3 570,90 euros Ht.

b) En ce qui concerne la seconde facture de 1 907 euros Ht (2 289 euros Ttc) du 31 janvier 2017, il y a lieu de relever qu’elle est liée aux échanges observés concernant la première facture et n’a fait l’objet d’aucun accord entre les parties. La société Criteo a proposé un montant de 1 907 euros le 17 janvier 2017, mais la société Wooop a exprimé son refus formel le même jour. En l’état, cette facture ne repose sur aucune prestation démontrée, est sérieusement contestée et ne peut être considérée comme une preuve commerciale suffisante.

Il en résulte que la facture de 1 907 euros Ht (2 289 euros Ttc) du 31 janvier 2017 ne constitue pas une créance de la société Criteo et doit être rejetée.

C’est en conséquence à tort que les premiers juges ont condamné la société Wooop à payer à la société Criteo la somme de 11.995,74 euros correspondant au montant des deux factures échues.

La société Wooop sera condamnée à payer à la société Criteo la somme de 3 570,90 euros Ht, ou 4 285,08 euros Ttc, au titre de la facture du 31 décembre 2016, majorée de l’intérêt légal à compter du 20 novembre 2018, date de l’assignation.

En ce qui concerne l’indemnité forfaitaire de recouvrement, il y a lieu d’en rejeter le principe en l’état du caractère non exigible de chacune des deux factures.

Le jugement déféré sera infirmé sur tous ces chefs.

La solution du litige conduira au rejet de toutes les autres demandes, notamment en ce qui concerne les dommages et intérêts non justifiés par la société Wooop, et celles formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Wooop à payer à la société Criteo la somme de 4 285,08 euros Ttc, majorée de l’intérêt légal à compter du 20 novembre 2018 ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE la société Wooop aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


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