Validité de la clause de non concurrence du salarié
Validité de la clause de non concurrence du salarié
Ce point juridique est utile ?

Dans la mesure où elle constitue une limitation au principe fondamental de la liberté d’exercer une activité professionnelle, une clause de non-concurrence inscrite au contrat de travail d’un salarié n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de lui verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Clause de non concurrence de l’ingénieur commercial

Estimant que son ancien salarié (ingénieur commercial) avait violé la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis, la société PHARMAGEST INTER@CTIVE a saisi, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Bourges, laquelle par ordonnance de référé contradictoire en date du 8 février 2019, a considéré que le salarié n’avait pas violé la clause de non-concurrence inscrite à son contrat de travail. 

En l’espèce, les trois premiers alinéas du contrat de travail du salarié intitulé ‘Clause de non-concurrence’, sont rédigés comme suit :

« Compte tenu de la nature des fonctions exercées par Monsieur X au sein de la Société PHARMAGEST INTERACTIVE, Monsieur X. s’engage, postérieurement à la rupture de son contrat de travail et qu’elle qu’en soit la cause, à ne pas exercer directement ou indirectement de fonctions similaires dans une société concurrente de la Société PHARMAGEST INTERACTIVE.

Monsieur X. s’engage donc à ne pas travailler en qualité de salarié ou de non-salarié pour une entreprise concurrente et à ne pas créer, directement ou indirectement, par personne interposée, d’entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de la société PHARMAGEST INTERACTIVE, à savoir :

‘Conception, distribution, maintenance de solutions, produits et services dans le domaine de l’Observance, à destination des particuliers et des professionnels de santé’, de s’engager dans une telle entreprise, à quelque titre que ce soit.

Cet engagement est limité au territoire national, et à une durée de 12 mois »

Périmètre de la clause de non concurrence  

L’article  précité se limite par conséquent à interdire au salarié d’exercer son activité professionnelle dans le strict domaine de l’observance, à défaut, la clause de non-concurrence

inscrite à son contrat de travail et interprétée dans une acception plus large, apporterait une restriction excessive à sa liberté de travail, ce d’autant qu’en l’espèce, la délimitation géographique de cette clause couvre l’intégralité du territoire national et qu’elle interdirait en pratique au salarié, seulement diplômé du baccalauréat et doté d’une expérience professionnelle de 15 années dans la commercialisation des logiciels de santé, d’exercer une activité professionnelle sur ce territoire.

Absence de concurrence entre sociétés

Le logiciel PHARMALAND du nouvel employeur ne proposait pas de solution directement concurrente

Il en résulte que, contrairement au contenu de ses fonctions au sein de la société PHARMAGEST INTERACTIVE, le salarié ne commercialisait pas de logiciels ou services offrant des solutions de PDA et n’intervenait par ailleurs pas sur le secteur géographique qui était le sien lorsqu’il travaillait pour cette société. Il travaillait exclusivement à destination des officines pharmaceutiques, alors que les logiciels et services précédemment commercialisés au sein de la société PHARMAGEST INTERACTIVE concernaient non seulement les pharmaciens mais également les collectivités, principalement les EHPAD, et les particuliers.

Par ailleurs, si le logiciel PHARMALAND intègre, dans la dimension ‘suivi de patientèle’ le dossier pharmaceutique, dans le respect de l’évolution des dispositions légales et conventionnelles applicables aux pharmaciens, la seule intégration de ce dossier pharmaceutique dans le logiciel PHARMALAND ne suffit pas à considérer que le salarié commercialiserait un logiciel intervenant dans le champ de l’observance et violerait par voie de conséquence la clause de non concurrence inscrite à son contrat de travail.

Il s’ensuit que la seule inclusion du dossier pharmaceutique dans un logiciel de gestion d’officine comme celui commercialisé par LA SOURCE INFORMATIQUE ne peut conduire à considérer que le salarié exerce au sein de cette dernière société ‘ directement ou indirectement’ des ‘fonctions similaires’ à celles qu’il exerçait au sein de la société PHARMAGEST INTERACTIVE.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 13 AOUT 2021

AJ-SD/AB

N° RG 20/00643

N° Portalis DBVD-V-B7E-DITY

Décision attaquée du 18 juin 2020

Origine : conseil de prud’hommes – formation paritaire de Bourges

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S.A. PHARMAGEST INTERACTIVE

C/

M. X.

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Expéd. – Grosse

Me LE ROY DES 13.8.21

BARRES

Me FOURCADE 13.8.21

APPELANTE :

S.A. PHARMAGEST INTERACTIVE

5 allée de Saint-Cloud- 54600 VILLIERS LES NANCY

Représentée par Me Adrien-Charles LE ROY DES BARRES, avocat postulant, du barreau de BOURGES

et par Me Annie SCHAF-CODOGNET, substituée à l’audience par Me CHOLLET de la SCP ANNIE SCHAF-CODOGNET ET FRÉDÉRIC VERRA, avocat plaidant, du barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur X.

[…]

Représenté par Me Antoine FOURCADE, avocat postulant, du barreau de BOURGES

et par Me Françoise GRUNBERG MOISSARD de la SELARL GRUNBERG (AA) GRUNBERG-MOISSARD BELLEC MARTIN LIAUD, avocat plaidant, du barreau de VANNES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme I

CONSEILLERS : Mme E-F

Mme X

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON

DÉBATS : A l’audience publique du 28 mai 2021, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 13 août 2021 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : contradictoire – Prononcé publiquement le 13 août 2021 par mise à disposition au greffe.

EXPOSE DU LITIGE

X., né le […], a été recruté le 16 août 2017, par la société SA PHARMAGEST INTER@CTIVE, en qualité de commercial au sein de l’équipe commerciale force de vente, pour la région Centre (départements 3, 18, 19, 23, 28, 36, 37, 41, 45, 58, 63, 72, 86, 87), selon contrat de travail à durée indéterminée, régi par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (ci-après la CCN applicable).

Par lettre en date du 30 mars 2018, il a démissionné.

Il a ensuite été engagé par la société LA SOURCE INFORMATIQUE à partir du 2 juillet 2018, en qualité d’ingénieur commercial.

Estimant que le salarié avait violé la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis, la société PHARMAGEST INTER@CTIVE a saisi, le 12 octobre 2018, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Bourges, laquelle par ordonnance de référé contradictoire en date du 8 février 2019, a considéré que le salarié n’avait pas violé la clause de non-concurrence inscrite à son contrat de travail, débouté la société PHARMAGEST INTER@CTIVE de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à verser à M. Y les sommes suivantes :

—  7.000 ‘ à titre de dommages et intérêts pour ‘procédure abusive, troubles et tracas’,

—  500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 27 septembre 2019, la présente cour a infirmé l’ordonnance de référé sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens, dit n’y avoir lieu à référé, débouté M. Y de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive, condamné la société PHARMAGEST INTER@CTIVE aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 1.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sollicitant notamment de M. Y le remboursement de l’indemnité de non-concurrence perçue et sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence inscrite à son contrat de travail, la société PHARMAGEST INTER@CTIVE a de nouveau saisi le conseil de prud’hommes de Bourges le 11 avril 2019, lequel, par jugement du 18 juin 2020, a :

* constaté la conclusion d’un contrat de travail entre la société La Source Informatique et M. X.,

* dit que le logiciel PHARMALAND commercialisé par M. X. n’intervient pas dans le domaine de l’observance,

* dit que M. X. n’a pas violé la clause de non-concurrence passée avec la société PHARMAGEST INTER@CTIVE,

* débouté la Société PHARMAGEST INTER@CTIVE de l’ensemble de ses demandes,

* condamné la Société PHARMAGEST INTER@CTIVE à verser à M. X. les sommes suivantes :

—  15.000′ au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

—  4.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la Société PHARMAGEST INTER@CTIVE aux entiers dépens.

Vu l’appel régulièrement interjeté par la Société PHARMAGEST INTER@CTIVE le 27 juillet 2020 à l’encontre de la décision prud’homale qui lui a été notifiée le 7 juillet 2020, en

toutes ses dispositions faisant grief, sauf en ce qu’elle a constaté la conclusion d’un contrat de travail entre la société La Source Informatique et M. X. ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 12 mai 2021 aux termes desquelles la Société PHARMAGEST INTER@CTIVE demande à la cour de :

> constater que M. X. a conclu un contrat de travail avec la société LA SOURCE

13 août 2021

INFORMATIQUE,

> constater que la société LA SOURCE INFORMATIQUE intervient dans le domaine de l’observance,

> constater que M. X. a violé la clause de non-concurrence prévue à son contrat de travail dans le cadre de son embauche par la société LA SOURCE INFORMATIQUE,

En conséquence :

> infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bourges le 18 juin 2020, en ce qu’il a :

— Dit que le logiciel PHARMALAND commercialisé par M. X. n’intervient pas dans le domaine de l’Observance,

— Dit que M. X. n’a pas violé la clause de non-concurrence passée avec la société PHARMAGEST INTER@CTIVE,

— Débouté la société PHARMAGEST INTER@CTIVE de l’ensemble de ses demandes,

— Condamné la société PHARMAGEST INTER@CTIVE à verser à M. X. les sommes suivantes :

‘ 15.000 ‘ au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

‘ 4.000 ‘ au titre du fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

— Condamné la société PHARMAGEST INTER@CTIVE aux entiers dépens.

Statuant à nouveau :

> condamner M. X. à lui rembourser la somme de 18.287,28 ‘, correspondant à l’indemnité de non-concurrence indûment perçue par lui depuis le 1er juillet 2018,

> condamner M. X. à lui verser la somme de 23.398 ‘ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par elle du fait de la violation de la clause de non-concurrence, et le détournement de fichiers appartenant à la société PHARMAGEST INTER@CTIVE,

> débouter M. X. de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

> condamner M. X. à lui verser la somme de 2.000′ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 20 avril 2021 aux termes desquelles M. X. demande à la cour de :

> confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bourges du 18 juin 2020 en toutes ses dispositions,

> débouter la société PHARMAGEST INTERACTIVE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

> condamner la société PHARMAGEST INTERACTIVE à lui régler la somme de 4.720 ‘ au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 19 mai 2021 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

– Sur la clause de non-concurrence

Il sera rappelé que, dans la mesure où elle constitue une limitation au principe fondamental de la liberté d’exercer une activité professionnelle, une clause de non-concurrence inscrite au

contrat de travail d’un salarié n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de lui verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

En l’espèce, les trois premiers alinéas de l’article 13 du contrat de travail de M. Y,

intitulé ‘Clause de non-concurrence’, sont rédigés comme suit :

‘ Compte tenu de la nature des fonctions exercées par Monsieur X. au sein de la Société PHARMAGEST INTERACTIVE, Monsieur X. s’engage, postérieurement à la rupture de son contrat de travail et qu’elle qu’en soit la cause, à ne pas exercer directement ou indirectement de fonctions similaires dans une société concurrente de la Société PHARMAGEST INTERACTIVE.

Monsieur X. s’engage donc à ne pas travailler en qualité de salarié ou de non-salarié pour une entreprise concurrente et à ne pas créer, directement ou indirectement, par personne interposée, d’entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de la société PHARMAGEST INTERACTIVE, à savoir :

‘Conception, distribution, maintenance de solutions, produits et services dans le domaine de l’Observance, à destination des particuliers et des professionnels de santé’, de s’engager dans une telle entreprise, à quelque titre que ce soit.

Cet engagement est limité au territoire national, et à une durée de 12 mois.’

Tout en contestant le caractère trop général et par voie de conséquence illicite de cette clause de non-concurrence, la SA PHARMAGEST INTER@CTIVE fait grief à M. Y de l’avoir violée en ce que le logiciel de Gestion des Officines (LGO) ‘PHARMALAND’ qu’il commercialise désormais pour le compte de la société LA SOURCE INFORMATIQUE dont il est salarié, permet la mise en place du dossier pharmaceutique et prévoit le suivi de l’entretien pharmaceutique, aujourd’hui élargi au bilan de médication, lesquels relèvent du domaine de l’observance. De plus, selon l’employeur, ce logiciel intègre nécessairement une fonction LAD (Logiciel d’Aide à la Dispensation) dédiée à l’observance des traitements, la gestion des ordonnances et la délivrance des médicaments.

La SA PHARMAGEST INTER@CTIVE ajoute que M. Y a utilisé ses données propres, en l’espèce, l’adresse électronique de ses clients pharmaciens, recueillies par l’intermédiaire d’un réseau privé qu’elle a elle-même développé, le réseau OFFISECURE, pour effectuer du démarchage au profit de la société LA SOURCE INFORMATIQUE.

Elle rappelle par ailleurs que, par courrier de son conseil en date du 26 avril 2018, elle a informé le salarié de ce qu’elle activerait la clause de non-concurrence inscrite à son contrat de travail et en informerait officiellement la société LA SOURCE INFORMATIQUE, ce qu’elle avait réalisé parallèlement, par courrier du 20 avril 2018.

Rappelant en ce qui le concerne que la clause de non-concurrence inscrite à son contrat de travail ne peut s’interpréter que de manière restrictive, sous peine d’encourir l’annulation pour atteinte excessive à sa liberté de travail, M. Y en conteste toute violation.

Il soutient qu’il commercialise désormais le logiciel PHARMALAND, logiciel de gestion d’officines (LGO) développé par la société LA SOURCE INFORMATIQUE, laquelle n’intervient pas dans le domaine de l’observance, sujet sur lequel il travaillait pour le compte de la société PHARMAGEST INTERACTIVE.

Il fait en outre observer qu’il exerce son activité professionnelle sur un secteur géographique différent de celui qui était le sien lorsqu’il était salarié de cette société au sein de laquelle il affirme au surplus ne jamais avoir manipulé de donnée sensible ou confidentielle.

M. Y conteste encore tout détournement de clientèle ou tout agissement susceptible d’avoir porté atteinte aux intérêts de la société PHARMAGEST INTERACTIVE en ce que les messages adressés aux clients de LA SOURCE INFORMATIQUE l’ont été grâce aux adresses issues de la base client de cette dernière ou de celle partagée avec son actionnaire majoritaire, OSPHAREA. Il rappelle que les adresses internet ‘OFFISECURE’ sont publiques, d’autres acteurs du marché, notamment WINPHARMA, concurrent direct de PHARMAGEST, les utilisant également.

Enfin, le salarié fait observer que son employeur ne peut justifier d’un préjudice consécutif à la prétendue violation de la clause de non-concurrence inscrite à son contrat de travail. Très surabondamment, il soutient que la société PHARMAGEST INTERACTIVE ne justifie nullement de l’atteinte portée à ses intérêts au travers du démarchage de plusieurs de ses clients.

Au sein de la société PHARMAGEST INTERACTIVE, M. Y était ‘chargé d’assurer la promotion et la commercialisation des services de la Division E-Santé, de conseiller les clients pour répondre au mieux à ses besoins et développer le CA et la Marge de la Division e-Santé’, selon l’article 4 de son contrat de travail. Il exerçait son activité à partir de l’établissement situé à Bourges et s’était vu confié le secteur géographique suivant : ‘Départements : 03,18,19,23,28,36 37,41,45,58,63,72,86 et 87″.

Il bénéficiait de la classification des emplois ‘cadres’ de la CCN applicable, à la position 2.1, coefficient 115.

M. Y commercialisait plus particulièrement trois solutions, parmi lesquelles deux logiciels dédiés à la Préparation des Doses à Administrer (PDA) aux patients ainsi qu’un service afférent à un pilulier électronique :

— le logiciel Multimeds : dispositif qui aide le pharmacien ou le personnel infirmier de collectivités, notamment d’EHPAD, au remplissage manuel d’un pilulier plastique,

— le service attaché au pilulier électronique Do-pill à destination des professionnels et du patient lui-même,

— le logiciel Offidose : logiciel pilotant le robot qui permet de déconditionner les médicaments et de remplir le pilulier.

Ces trois logiciels concourent à l’observance, définie par le Larousse médical comme ‘la façon dont un patient suit ou ne suit pas les prescriptions médicales et coopère à son traitement’ ou ‘l’adéquation entre le comportement du patient et le traitement proposé’.

En pratique, comme en témoignent les échanges de messages électroniques versés à la procédure, les autres commerciaux ou chargés de clientèle de l’entreprise, qui commercialisaient d’autres logiciels, notamment le logiciel de gestion d’officine développé par la société PHARMAGEST INTERACTIVE, orientaient leurs clients en demande de solution de PDA vers M. Y dont la spécialité relevait du strict domaine de l’observance.

Il s’ensuit que l’article 13 du contrat de travail du salarié s’applique uniquement à ce domaine puisqu’il lui interdit d’exercer, comme ci-dessus indiqué, ‘directement ou indirectement’ des ‘fonctions similaires dans une société concurrente de la Société PHARMAGEST INTERACTIVE’, plus particulièrement dans une entreprise ‘ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de la société PHARMAGEST INTERACTIVE, à savoir :

‘Conception, distribution, maintenance de solutions, produits et services dans le domaine de l’Observance, à destination des particuliers et des professionnels de santé’, de s’engager dans une telle entreprise, à quelque titre que ce soit.’

L’article 13 précité se limite par conséquent à interdire à M. Y d’exercer son activité professionnelle dans le strict domaine de l’observance, à défaut, la clause de non-concurrence

inscrite à son contrat de travail et interprétée dans une acception plus large, apporterait une restriction excessive à sa liberté de travail, ce d’autant qu’en l’espèce, la délimitation géographique de cette clause couvre l’intégralité du territoire national et qu’elle interdirait en pratique au salarié, seulement diplômé du baccalauréat et doté d’une expérience professionnelle de 15 années dans la commercialisation des logiciels de santé, d’exercer une activité professionnelle sur ce territoire.

En application de son contrat de travail avec la SASU LA SOURCE INFORMATIQUE, M. Y exerce des fonctions d’ingénieur commercial, statut cadre, position 2.2, coefficient 130 de la CCN applicable. Il prend contact et assure les rendez-vous permettant la ‘démonstration des logiciels et des solutions proposés par l’entreprise’, en l’espèce le logiciel PHARMALAND, commercialisé par la coopérative de services OSPHARM à destination des pharmaciens installés sur le secteur géographique qui lui est dédié, lequel couvre les départements 85,44,49 et 79.

Selon les pièces versées à la procédure, PHARMALAND est un logiciel de gestion d’officines pharmaceutiques permettant :

— l’aide à la vente et à la gestion,

— l’assistance aux achats,

— le suivi patientèle (carte de fidélité, conseils associés, dossier pharmaceutique, gestion des SMS aux patients),

— l’aide à l’implantation et au merchandising,

— les fonctionnalités avancées,

— la comptabilité technique.

Le logiciel PHARMALAND ne propose pas de solution de PDA et est connecté avec les systèmes MEDISSIMO, ROBOTIK, JVM et PRATICIMA selon ces mêmes documents.

Il en résulte que, contrairement au contenu de ses fonctions au sein de la société PHARMAGEST INTERACTIVE, M. Y ne commercialise pas de logiciels ou services offrant des solutions de PDA et n’intervient par ailleurs pas sur le secteur géographique qui était le sien lorsqu’il travaillait pour cette société. Il travaille exclusivement à destination des officines pharmaceutiques, alors que les logiciels et services précédemment commercialisés au sein de la société PHARMAGEST INTERACTIVE concernaient non seulement les pharmaciens mais également les collectivités, principalement les EHPAD, et les particuliers.

Par ailleurs, si le logiciel PHARMALAND intègre, dans la dimension ‘suivi de patientèle’ le dossier pharmaceutique, dans le respect de l’évolution des dispositions légales et conven-tionnelles applicables aux pharmaciens, la seule intégration de ce dossier pharmaceutique dans le logiciel PHARMALAND ne suffit pas à considérer que M. Y commercialiserait un logiciel intervenant dans le champ de l’observance et violerait par voie de conséquence la clause de non concurrence inscrite à son contrat de travail. En effet, l’utilisation qu’en fera le pharmacien, éventuellement dans l’objectif de venir en aide à ses clients pour vérifier le suivi de leurs traitements, dépend uniquement de ce dernier, étant au surplus précisé que le dossier pharmaceutique comprend uniquement les médicaments délivrés au cours des quatre derniers mois ainsi que les traitements et prises en cours, sans référence à une posologie précise, ce que ne conteste pas la société PHARMAGEST INTERACTIVE.

Il s’ensuit que la seule inclusion du dossier pharmaceutique dans un logiciel de gestion d’officine comme celui commercialisé par LA SOURCE INFORMATIQUE ne peut conduire à considérer que M. Y exerce au sein de cette dernière société ‘ directement ou indirectement’ des ‘fonctions similaires’ à celles qu’il exerçait au sein de la société PHARMAGEST INTERACTIVE.

Par ailleurs, le contenu d’une interview donnée au magazine Celtinews le 10 octobre 2017,

dans laquelle M. Z A, Président de LA SOURCE INFORMATIQUE, indique que le logiciel Pharmaland va s’adapter aux nouvelles missions des pharmaciens conformément à l’avenant conventionnel signé en juillet de la même année, en évoluant ‘vers plus de services autour de la conduite des entretiens pharmaceutiques’ ne transforme pas davantage le logiciel incriminé en logiciel dédié à l’observance que favoriseraient ces entretiens pharmaceutiques. Au surplus, le contenu de cette interview ne permet nullement de situer dans le temps l’évolution envisagée, particulièrement au regard de la date de signature du contrat de travail de M. Y avec la société LA SOURCE INFORMATIQUE le 2 juillet 2018, de sorte qu’elle est d’aucune utilité pour permettre de caractériser l’éventuelle violation de la clause de non concurrence invoquée.

Il en est de même des bilans de médication, issus de l’arrêté du 9 mars 2018 portant approbation de l’avenant 12 à la convention nationale du 4 mai 2012, organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’assurance maladie, eux aussi supposés favoriser l’observance mais au sujet desquels une autre interview de M. Le A par dans le journal le ‘Quotidien du pharmacien’ le 17 janvier 2019, ne peut suffire à établir la violation invoquée.

Par conséquent et comme l’ont pertinemment relevé les conseillers prud’homaux, M. Y n’a pas violé la clause de non concurrence inscrite à son contrat de travail en signant un contrat de travail avec la société LA SOURCE INFORMATIQUE au sein de laquelle, comme ci-dessus indiqué, il n’exerce pas ‘directement ou indirectement’ des ‘fonctions similaires’ à celles qu’il exerçait au sein de la société PHARMAGEST INTERACTIVE.

Le jugement querellé sera par conséquent confirmé de ce chef et la société PHARMAGEST INTERACTIVE déboutée de ses demandes au titre du remboursement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence inscrite à son contrat de travail ainsi qu’au titre des dommages et intérêts pour violation de ladite clause.

Au surplus, les pièces versées à la procédure ne permettent pas davantage d’établir que M. Y aurait utilisé dans le cadre de ses nouvelles fonctions au sein de la société LA SOURCE INFORMATIQUE les adresses ‘Offisecure’ recueillies pendant son activité salariale auprès de la société PHARMAGEST INTERACTIVE, le démarchage ainsi réalisé ayant pour effet de conduire plusieurs pharmacies à mettre fin à leur relation commerciale avec cette dernière pour rejoindre le nouvel employeur du salarié.

En effet, il sera fait observer que l’employeur ne justifie nullement de ce que les adresses listées correspondent effectivement à des pharmacies situées sur le secteur géographique de M. Y. De plus, il ne démontre pas davantage le caractère frauduleux de l’obtention et de l’utilisation des adresses électroniques du réseau Offisecure, ce d’autant que M. Y produit quant à lui un document permettant d’établir qu’au moins une autre société concurrente utilise également lesdites adresses électroniques.

Il s’ensuit que le salarié n’a pas davantage commis de faute dans l’utilisation des données de la société PHARMAGEST INTERACTIVE, le jugement querellé devant également être confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts fondée pour ce motif.

– Sur la demande reconventionnelle formée par M. Y

S’estimant victime d’un véritable acharnement judiciaire de la part de la société PHARMAGEST INTERACTIVE, M. Y forme une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts principalement fondée sur les dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, en vertu duquel ‘Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés’.

Subsidiairement, il fonde sa demande d’indemnité réparatrice sur les dispositions de l’article L 1222-1 du code du travail, en vertu duquel ‘le contrat de travail est exécuté de bonne foi’, expliquant que l’attitude de son employeur lui cause un préjudice moral et financier en ce qu’elle l’a soumis à de nombreux tracas et l’a contraint à mettre tout projet de vie entre parenthèse sur le plan familial et professionnel, générant un stress énorme et l’obligeant au règlement d’un double loyer.

La société PHARMAGEST INTERACTIVE lui rétorque qu’elle n’a commis aucun abus caractérisé et que ne se trouve pas davantage démontrée une quelconque intention de nuire. Elle conteste par ailleurs tout manquement à l’obligation de loyauté dans l’exécution du contrat de travail. Elle soutient enfin que M. Y ne rapporte nullement la preuve des préjudices financiers et moraux qu’il invoque.

Il sera rappelé que la société PHARMAGEST INTERACTIVE a dans un premier temps saisi la formation des référés du conseil de prud’hommes de Bourges d’une demande tendant à voir interdire à M. Y d’exercer son activité au sein de la société LA SOURCE INFORMATIQUE sous astreinte de 300 ‘ par jour à compter de la notification du présent arrêt et obtenir la condamnation du salarié à :

— lui rembourser, à titre provisionnel, la somme de 13.715,46 ‘ au titre de l’indemnité de non-concurrence indûment perçue depuis le 1er juillet 2018,

— lui verser la somme de 10.000 ‘ à titre de provision sur dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence et du détournement de fichiers appartenant à la société PHARMAGEST INTER@CTIVE,

— lui payer la somme de 2.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud’hommes, statuant en référé, l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à verser à M. Y les sommes suivantes :

—  7.000 ‘ à titre de dommages et intérêts pour ‘procédure abusive, troubles et tracas’,

—  500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 27 septembre 2019, la présente cour a infirmé l’ordonnance de référé sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens, dit n’y avoir lieu à référé, débouté M. Y de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive, condamné la société PHARMAGEST INTER@CTIVE aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 1.000′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans sa motivation, la présente cour rappelait d’une part que ‘les éléments qu’elle [la société PHARMAGEST INTER@CTIVE] produit ne permettent pas d’établir que la perte de clients du Grand-Ouest depuis le 30 mars 2018 est la conséquence de la prospection réalisée par X. dans le cadre de ses nouvelles fonctions au sein de la société concurrente et pour un logiciel similaire à celui que le salarié commercialisait au profit de la société appelante’ et, d’autre part que ‘la lecture de l’article 13 ci-dessus évoqué ne permet pas à la cour de constater avec évidence la délimitation des fonctions précisément soumises à l’application de la clause. Or, dans l’hypothèse où son périmètre ne serait pas strictement limité aux activités spécifiques au domaine de l’observance mais intégrerait la commercialisation de logiciels susceptibles d’intégrer des dispositifs ayant des répercussions en ce domaine, l’application de cette clause serait susceptible de réduire considérablement la possibilité pour le salarié de trouver un emploi sur le territoire français, eu égard par ailleurs à sa délimitation géographique, aux diplômes acquis et à l’expérience professionnelle de X., lequel a jusqu’à présent exclusivement travaillé à la commercialisation de logiciels propres au domaine de la santé’.

A la seule lecture de cet arrêt, la société PHARMAGEST INTER@CTIVE pouvait aisément avoir connaissance, d’une part, de ce que le détournement de clientèle qu’elle invoquait n’avait pas été retenu et, d’autre part, de ce qu’une interprétation extensive de la clause de non-concurrence inscrite au contrat de travail de M. Y, telle qu’elle l’avait retenue, n’avait

aucune chance de prospérer, puisque contraire au principe de la liberté dans l’exercice d’une activité professionnelle.

En persistant à intenter une action au fond devant le conseil de prud’hommes, par ailleurs à une date proche de la fin de l’année durant laquelle le salarié se devait de respecter la clause de non-concurrence inscrite à son contrat de travail, la société PHARMAGEST INTER@CTIVE a commis un abus dans le droit d’ester en justice, son action ayant davantage été guidée par des considérations économiques et commerciales indifférentes au droit du travail.

Quels que soient par ailleurs les projets d’installation ou non de la famille de M. Y en Bretagne, il est certain que le salarié est resté dans l’incertitude de sa situation professionnelle tant que les actions en justice successivement intentées par la société PHARMAGEST INTER@CTIVE n’avaient pas pris fin, de sorte qu’il en est résulté un préjudice moral et financier suffisamment attesté par les pièces versées à la procédure.

Le jugement querellé sera par conséquent confirmé en son principe par substitution de motifs mais infirmé quant au montant des dommages et intérêts retenu, la société PHARMAGEST INTER@CTIVE étant en définitive condamnée à payer à M. Y la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi, distinct des frais irrépétibles sur lesquels il sera statué.

— Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :

Il sera rappelé que les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, que les condamnations concernant des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les condamnations à titre de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l’article 1231-7 du code civil.

La société PHARMAGEST INTERACTIVE qui succombe sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à M. Y la somme de 1.500 ‘ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’appréciation de l’indemnisation des frais irrépétibles engagés en première instance étant limitée à 3.000 euros et réformée en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision déférée sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloué en réparation du préjudice subi et en ce qu’elle a statué sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de ces chefs :

Condamne la société PHARMAGEST INTERACTIVE à payer à M. Y les sommes de :

—  5.000 euros en réparation du préjudice consécutif à l’abus du droit d’ester en justice ;

—  3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant :

Rappelle que les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, que les condamnations concernant des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les condamnations à titre de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l’article 1231-7 du code civil ;

Condamne la société PHARMAGEST INTERACTIVE aux dépens ainsi qu’à payer à M. Y la somme complémentaire de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme I, présidente de chambre, et Mme G, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE

LA PRÉSIDENTE


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