Changer d’agence de communication : attention à votre responsabilité contractuelle

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Changer d’agence de communication : attention à votre responsabilité contractuelle

Une fois renvoyé un devis par le client d’une agence de presse, avec son paraphe et son cachet, la rétractation pour opter pour une nouvelle agence de presse n’est plus possible (rupture unilatérale abusive de la relation contractuelle).Affaire Bottle & Co

La SARL CMD exerce, sous l’enseigne Hémisphère Sud, une activité d’attaché de presse, communication et promotion d’événements. L’EURL Bottle & Co gérait l’activité d’oeunotourisme du Château Siaurac.

Les parties se sont rapprochées pour organiser une campagne de relation presse pour le lancement de la table et la maison Siaurac. Ceci a donné lieu à l’émission d’un certain nombre de documents. Par la suite, la société Bottle & Co a fait connaître à la société CMD qu’elle changeait sa stratégie de lancement.

Assignation en paiement de la prestation

Après différents échanges infructueux et vaine mise en demeure, la société CMD, a fait assigner la société Bottle & Co devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement, à titre principal, d’une somme de 8 000 euros sur un fondement contractuel.

Engagement ferme   

Pour établir que la créance était due, la juridiction a considéré que le document communiqué n’était pas une simple grille tarifaire portée à la connaissance du client mais constituait à tout le moins un devis. Il comprenait des précisions individualisées sur la durée de la prestation, le nombre de communiqués de presse, le nombre de déjeuners de presse et leur localisation. Ces éléments pouvaient demeurer relativement sommaires mais étaient néanmoins suffisants pour permettre une exécution.

Le fait que la mention « bon pour accord » n’ait pas été apposée par le client était sans conséquence puisqu’il a bien retourné le document avec son paraphe et son cachet.

Rupture unilatérale de la relation contractuelle

Dès lors que la relation contractuelle s’était formée, la décision du client de faire appel à une autre agence de communication constituait une rupture unilatérale de la relation contractuelle. Elle était fautive étant observé que la société Bottle & Co n’invoquait aucun grief à l’encontre de la société CMD et se contentait d’invoquer ce qui relevait d’un choix personnel, en l’espèce le choix d’un autre prestataire.

Une telle rupture peut ouvrir droit à des dommages et intérêts sur un fondement de responsabilité contractuelle mais il incombe au prestataire de rapporter la preuve de la réalité et du quantum de son préjudice causé par cette rupture unilatérale.

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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 JUIN 2021

(Rédacteur : Madame Catherine BRISSET, Conseiller)

N° RG 18/04972 –��N° Portalis DBVJ-V-B7C-KTY2

SARL CMD

c/

S.A. ARTEMIS DOMAINES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 août 2018 (R.G. 2018000155) par le Tribunal de Commerce de LIBOURNE suivant déclaration d’appel du 05 septembre 2018

APPELANTE :

SARL CMD exercant son activité sous la denomination ‘HE MISPHERE SUD’, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, […]

représentée par Maître Jean-David BOERNER de la SCP H. BOERNER J.D. BOERNER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A. ARTEMIS DOMAINES venant aux droits de de la SAS PAN, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, […]

représentée par Maître Alexis GAUCHER-PIOLA, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 09 juin 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine BRISSET, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Catherine BRISSET, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL CMD exerce, sous l’enseigne Hémisphère Sud, une activité d’attaché de presse, communication et promotion d’événements.

L’EURL Bottle & Co gérait l’activité d »notourisme du Château Siaurac.

Les parties se sont rapprochées en septembre 2015 pour organiser une campagne de relation presse pour le lancement de la table et la maison Siaurac. Ceci a donné lieu à l’émission d’un certain nombre de documents. Le 11 décembre 2015, la société Bottle & Co a fait connaître à la société CMD qu’elle changeait sa stratégie de lancement.

Après différents échanges infructueux et vaine mise en demeure, la société CMD, par acte du 27 mai 2016, a fait assigner la société Bottle & Co devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement, à titre principal, d’une somme de 8 000 euros sur un fondement contractuel.

Le tribunal de commerce de Bordeaux s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Libourne et par jugement du 3 août 2018, le tribunal a débouté la société CMD de toutes ses demandes et l’a condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures en date du 17 mai 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société CMD demande à la cour de :

Dire et juger recevable et bien fondée la SARL CMD Hémisphère Sud en son appel ;

En conséquence,

Statuant à nouveau

Réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Vu les anciens articles 1134, 1147 et suivants, 1153 et 1154 du code civil

Vu les articles 1102, 1103 du code civil

Dire et juger que la société Bottle & Co en rompant les relations contractuelles de manière abusive a commis une faute,

Condamner la SA Artémis Domaines venant aux droits de la SAS Pan venant aux droits de la société Bottle & Co à payer à la SARL CMD Hémisphère Sud la somme de 8 000 euros HT, augmentée des intérêts de droit depuis la mise en demeure du 25 avril 2016 et la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil.

Condamner la SA Artémis Domaines venant aux droits de la SAS Pan venant aux droits de la société Bottle & Co au paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Condamner la SA Artémis Domaines venant aux droits de la SA Pan venant aux droits de la société Bottle & Co au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Dire et juger que dans l’hypothèse où la SARL CMD Hémisphère Sud serait contrainte d’avoir à faire procéder à l’exécution forcée des condamnations prononcées à défaut de règlement amiable spontané, le montant des sommes retenues par l’huissier de justice, agissant en application des dispositions des articles A.440-10 et suivants du code de commerce, issus de l’arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice , sera intégralement supporté par la SA Artémis Domaines venant aux droits de la SAS Pan venant aux droits de la société Bottle & Co en sus de sommes mis à charge au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir que le document du 16 septembre 2015 signé par son adversaire correspondait bien à un contrat et non pas à une simple grille tarifaire. Elle soutient que les travaux avaient commencé. Elle invoque une rupture fautive de relations contractuelles lui ayant causé un préjudice.

Dans ses dernières écritures en date du 25 mars 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Artemis Domaines venant aux droits de la société Pan venant elle-même aux droits de la société Bottle & Co demande à la cour de :

– constater l’absence de contrat et dire et juger que la société Bottle & Co n’a commis aucune faute contractuelle et débouter la société CMD de la totalité de ses demandes, fins et conclusions,

-constater que la société CMD ne rapporte nullement la preuve tant de la matérialité que du quantum de son préjudice, et pour cause, la débouter encore de la totalité de ses demandes

-Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions

Condamner la défenderesse à la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens, en ceux compris d’exécution.

Elle conteste que le document invoqué par son adversaire ait valeur contractuelle. Elle soutient qu’elle n’a commis aucune faute ayant souhaité s’adresser à une autre agence alors que le projet de contrat qui lui avait été soumis n’a jamais été signé. Elle précise que l’entrée en vigueur du contrat était prévue au 1er janvier 2016 et qu’aucune collaboration n’est intervenue. Elle considère que le préjudice n’est pas établi.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 19 mai 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le débat est en premier lieu celui de la valeur contractuelle du document édité le 16 septembre 2015 par l’appelante retourné par l’intimée avec son tampon et paraphé.

L’intimée considère qu’il ne peut s’agir d’un devis à valeur contractuelle, l’appelante ne l’ignorant pas pour avoir par la suite édité un contrat qui n’a jamais été signé de sorte que le document constituerait une simple grille tarifaire.

La cour ne saurait suivre une telle analyse. Le document n’était pas une simple grille tarifaire portée à la connaissance du client mais constituait à tout le moins un devis. Il comprenait des précisions individualisées sur la durée de la prestation, le nombre de communiqués de presse, le nombre de déjeuners de presse et leur localisation. Ces éléments pouvaient demeurer relativement sommaires mais étaient néanmoins suffisants pour permettre une exécution. Contrairement aux énonciations des premiers juges peu importe que la mention : bon pour accord n’ait pas été apposée par l’intimée puisqu’elle a bien retourné le document avec son paraphe et son cachet. D’ailleurs, l’intimée ne se méprenait pas sur la nature du document puisqu’elle le retournait à son adversaire le 28 septembre 2015 dans un courriel dont l’objet était : devis Siaurac, avec la mention voici le devis tamponné, petite précision la société à facturer n’est pas Siaurac mais Bottle and Co.

Dès lors que la relation contractuelle s’était formée, la décision notifiée le 11 décembre 2015 par la société Bottle & Co de faire appel à une autre agence de communication constituait une rupture unilatérale de la relation contractuelle. Elle était fautive étant observé que la société Bottle & Co n’invoquait aucun grief à l’encontre de la société CMD et se contentait d’invoquer ce qui relevait d’un choix personnel, en l’espèce le choix d’un autre prestataire.

Une telle rupture peut ouvrir droit à des dommages et intérêts sur un fondement de responsabilité contractuelle mais il incombe à l’appelante de rapporter la preuve de la réalité et du quantum de son préjudice causé par cette rupture unilatérale.

Or, c’est bien cette preuve qui fait difficulté. L’appelante invoque un préjudice mais sollicite une somme hors taxes. Elle fait valoir que son préjudice résulte nécessairement du manque à gagner si le contrat avait été exécuté mais ne donne aucun élément sur ce manque à gagner notamment en exposant sa marge brute. Elle invoque par ailleurs des prestations dont le coût pourrait constituer un préjudice mais à supposer que ces prestations soient démontrées et qu’elles aient été réalisées en exécution du contrat.

Tel n’est pas le cas puisqu’elle invoque tout d’abord deux réunions antérieures à l’édition du devis de sorte qu’il s’agissait uniquement de réunions commerciales préparatoires et non de l’exécution d’un contrat puisqu’il n’était pas encore formé. Elle fait état de la mise en place de son réseau relationnel avec organisation d’un accueil presse avec une journaliste mais ne produit aucun élément de preuve à ce titre. Elle invoque enfin et surtout selon sa propre argumentation l’édition d’un document de stratégie presse. Mais là encore il s’agit non pas d’un document, dont le coût n’est d’ailleurs précisé, d’exécution du contrat ou de premières prestations mais d’un document précontractuel établi pour la réalisation des devis. Il comprend en effet une page vantant l’intérêt de travailler avec cette agence de communication et un premier devis édité le 17 juillet 2015 qui n’est pas celui qui avait été accepté.

Aucun autre élément n’est produit pour démontrer un début d’exécution contractuelle ou pour justifier du préjudice causé par la rupture unilatérale. Au total, l’appelante n’établit pas la réalité mais surtout le quantum de son préjudice et ne justifie donc pas de sa demande indemnitaire à hauteur de 8 000 euros curieusement présentée hors taxes. Le jugement sera

ainsi confirmé en ce qu’il a rejeté ses demandes et fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appel étant mal fondé, l’appelante sera condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions en cause d’appel. Elle sera condamnée aux dépens sans qu’il y ait lieu à mention particulière au titre de l’exécution laquelle relève du code des procédures civiles d’exécution sous le contrôle du juge de l’exécution.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Libourne du 3 août 2018 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL CMD à payer à la SA Artémis Domaines la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL CMD aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


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